Feu Rap Mag ressuscité par un Mairo en feu

Dans les radars de l’Abcdr depuis un petit moment maintenant, Mairo s’affichait en homepage du site à la fin de l’année 2021, pour son morceau « Eritriste ». Dix mois après, c’est la une de Rap Mag que Mairo s’accapare. Certes le magasine n’existe plus, mais qu’importe, si la revue ne s’était pas éteinte en même temps que son espèce la presse musicale imprimée, le rappeur genevois mériterait d’en faire les gros titres. Il a repassé les Grünt #46 et #50 par ses passages, il a colorié les studios de  Couleurs3 et de Colors par ses freestyles, il a envoyé la concurrence à l’hôpital avec Hopital sur Rougemort, ses moments sur Chaos Kiss de Makala et OV3 de Di-Meh ont marqué les esprits comme l’essentiel des récentes apparitions qu’il a pu faire…  Mairo compte dans le paysage et si feu Rap Mag existait encore, le feu que crache le jeune Suisse devrait y figurer sans doute.

Le temps d’un morceau, il redonne vie au papier glacé qu’il chapardait au Naville étant jeune, se félicite des  premiers accomplissements de sa carrière et se projette dans ce qu’elle deviendra : « Là, j’ai rempli La Boule noire, Dieu seul sait ce qui m’attend, d’après les bruits de couloirs, il y a moyen qu’ça pète bientôt… » ; « En c’moment, j’fais du son à longueur d’née-jour, faut que j’fasse les sous à la Roc Nation, avant que j’n’échoue. » Tout à la fois architecte, chef de chantier et manœuvre dans la construction de ses rimes, Mairo s’inscrit toujours dans la droite lignée des grands techniciens de la discipline, un Lyricist comme dans Mic Forcing, un tueur Futuristiq, un lignes-mortelles-écriveur comme le plus Sage Poète de la Rue… Il connait ses ascendances et assume l’héritage (« Bravo Mairo et félicitations, j’écoute les rappeurs et j’fais des citations ») et ne manque pas non plus de poser un regard critique sur ce qu’est sa musique chérie dans l’industrie : « C’est toujours la même histoire : sûrement un noir qu’a fait naitre le rap, et c’est des blancs qui l’font tapiner. »

Pas de méprise cependant, que ce soit dans ce morceau superbement mis en images par Bagdad 794 ou dans ses précédentes sorties, Mairo ne fait pas que du rap pour le rap et sur le rap. Il a bien plus à offrir, des émotions, du vécu, de l’amour et tant d’autres choses qu’il partage. « Avec mon père j’faisais le fier, j’l’écoutais pas : j’prenais une gifle ; mais ses souvenirs de guerre, j’les écoutais : j’prenais une gifle », rappe-t-il à la fin de ce « Rap Mag » collector. Et si, au contraire des rimeurs à gage qu’il a tant écoutés, Mairo trouve le moyen d’allier le succès financier à celui d’estime, ses fonds iront à l’Erythrée plus qu’au climat, qu’il réchauffe par son rap de toute façon.