Toujours sous la pâte coloriste du réalisateur Paul Maillot, cette fois d’un roux automnal, Lasco a sorti le 1er novembre le clip et le morceau « Slalom ». Le slalom, rien ne dit mieux le rythme intérieur du MC des Lilas : rapide avec l’impression d’une lenteur douce, maîtrisé, sinueux mais régulier. Le slalom, c’est le quotidien sur-esthétisé – dans son 93 on ne « traîne » pas : on « slalome », dessine de jolies trajectoires. Les postures y sont naturellement teintées d’autodérision, les textes, matérialisés sur quelques feuilles, font office de rappel pour les trésors convoités dans son précédent clip « Dimanche soir », et ici cachés lors d’une perquisition ; la fin laisse attendre une suite. L’occasion de rappeler, en attendant, qu’il sera en concert le 9 novembre à l’Alimentation Générale (Paris 11ème), aux côtés de Nasme et d’autres artistes, dans le cadre d’une soirée organisée par Artichaut records.
Sidekicks
Des fils à papa à soigner façon goret dans Dr Hannibal, c’est au tour des nazis dans « Kill Dem All », une des chansons les plus réussies de l’EP sorti en avril par le rappeur le plus drôle de la FF. S’il y a bien de jouissives scènes de bataille et de résistances, ce sont plutôt celles empruntées aux classiques du cinéma d’horreur, avec toutes ses composantes – des survivant-e-s classes, une centrale électrique louche, un virus et même un caddie. Des nazis aux zombies, glissement sonore qui fait songer à un opus de Call of Duty, mais qui n’est pas si arbitraire que ça. Au moins depuis le chef-d’oeuvre de Romero, les morts-vivants sont un parfait support métaphorique pour la critique sociale : le passé et présent raciste des États-Unis dans La Nuit des Morts-Vivants (Night of The Living Dead, 1968), la société de consommation dans Zombie (Dawn of the dead, 1978). Ce n’est pas pour rien que le morceau qui clame « Nique l’État et tous ses avatars / Tous les condés sont des bâtards » débute par un plan sur le cadavre zombifié d’un agent de police… À saluer, au passage, le travail de la maquilleuse toulousaine Marine Bouvier sur le rendu visuel des visages. Et celui des danseurs, sous un pont tagué de bombe rouge, en un hommage explicite aux chorégraphies saccadées du « Thriller » de Michael Jackson. Don Choa dans ce qu’il a de plus original : un humour décalé et sans compromission.
Cette année, il sera un peu aux festivals ce que l’été indien est aux grandes vacances. Après la déferlante des grandes messes de la musique en plein air qui a traditionnellement lieu en juin, juillet et août, les Hauts-de-Seine accueillent le solide festival Chorus. Actif depuis plus de vingt ans, l’événement consacre cette année une date spécifique au rap. Ce sera le 26 novembre et pour l’occasion, le site de La Défense sera délaissé pour se rapprocher de Boulbi et de son Pont de Sèvres que le rap français chérit tant. Ça se passera sur l’Île Seguin, où les usines Renault ont été remplacées par La Seine Musicale, globe insulaire qui n’attend que d’être baptisé de quelques bonnes phases, lui qui n’a encore accueilli aucun rappeur ou presque. Et pour l’occasion, il y aura du monde. Même du beau monde et pour tous les goûts, puisque De La Soul, Kery James, SCH, Action Bronson, Roméo Elvis, Caballero & Jeanjass, Panama Bende ou encore Gracy Hopkins seront à l’affiche. Des places sont à gagner sur notre page Facebook et le programme complet de cette journée est à consulter ici ou sur le site officiel de Chorus. Ah, et sachez aussi que Demi Portion sera également de la fête, quelques jours plus tôt à La Défense en concert gratuit.
Juillet s’était ouvert sur la « meilleure collabo » entre la rappeuse belge Shay, récemment disque d’or avec Jolie Garce, et la star nigérianne Davido. Pour une telle connexion, il fallait au moins le génial compositeur entre autre de « Sapés comme jamais », Dany Synthé, architecte de tubes de grande qualité depuis ses locaux montreuillois, fin connaisseur du rap de l’Essonne comme des musiques nigérianes et congolaises, et actuellement en préparation de son premier album solo (pour en savoir plus sur le personnage, il y a cet article du Monde). Le clip, trois mois plus tard, se fait film retouché de vacances aux couleurs d’un diner californien des années cinquante. Le passage de Shay est purement hypnotique, la danse, l’image, le flow s’imbriquent dans une mise en scène parfaite de l’insouciance et de la classe. Une énergie acidulée, qui laisse un sourire aussi large que celui de Shay feignant les selfies. Et merci pour ce sursis d’été.
L’Abcdr aime les surprises de dernière minute. Après une excellente premier semaine, le festival En Vie Urbaine remet le couvert. Ce week-end, deux dates à ne particulièrement pas manquer. Vîrus, en tête d’affiche d’un concert à L’Alternateur, qui rassemblera aussi Scoop & J. Keuz ainsi que l’Envoûtante. Ce sera ce vendredi 20 octobre. Quant au samedi, Davodka, Gracy Hopkins et R.Can se partageront l’affiche au Camji. Vu le feu qu’a mis le public d’En Vie Urbaine la semaine dernière, on se fait une joie d’y revenir. Sur la route de Niort, on sème donc deux pass pour deux personnes qui vous permettront d’assister à ces deux soirées. N’hésitez pas à jeter un œil sur nos réseaux sociaux pour vous en emparer !

Backeur de Vin’S, membre avec ce dernier du collectif grenoblois Wazacrew, en featuring avec lui sur « Kremlin » et avec Monotof sur « Ma Thérapie » en 2015, El’Ka a sorti sa première mixtape au début du mois d’octobre. Il l’intitule Vremya (le temps), en hommage à ses origines russes. Douze morceaux où c’est bien le temps qui est au cœur de la musique, frappante par le contraste entre l’immédiateté incisive de la voix, en plein dans un présent à vif, et sa texture pétrie par remords, regrets, rêves. « Enfermé dans sa tête comme dans les douves », El’Ka a un sens instinctif des mélodies simples et entêtantes. Chacune d’entre elles est un mouvement suspendu, un paysage d’états d’âmes dessinés par touches successives. L’adresse est pourtant constante, à un « tu » dont on ne sait pas s’il est ami, ennemi, ou le rappeur lui-même. Vremya, doux et hargneux, s’écoute d’une traite, comme un seul long morceau.
Bien connu des rues de Genève, A’s est l’une des figures de proue du collectif Marekage Streetz, une nébuleuse en mouvement permanent depuis plus de dix ans qui compte dans ses rangs la crème du rap de Plainpalais-La Jonction. Actif dès le début des années 2000, A’s aura attendu une décennie avant de se lancer en solo, mais depuis qu’il l’a fait sa discographie est impressionnante. Pour s’en faire une idée avant de prochainement lire l’interview qu’il a accordée à l’Abcdr, il est toujours possible de naviguer sur son bandcamp en attendant la sortie de son nouvel EP Le Royaume d’Asgard.
A’s écrit la musique des rues salies par le crack et des vies salies par le deal. Lecteur inconditionnel de Marcel Allain et Pierre Souvestre, fan de The Wire, Fantom’As hante la ville comme Omar Little… Le titre qu’il offre aujourd’hui à l’Abcdr s’intitule « Peaky Blinders » et s’avère être une bonne introduction à l’univers du rappeur. Heure anglaise sur sa montre suisse, lame de rasoir dans la casquette, A’s esthétise un réel violent et se fait un plaisir de « cracher dans ton porridge » comme un rejeton des bas-fonds de Birmingham.
Le festival En Vie Urbaine n’est certes pas le plus connu des rassemblements hip-hop français. Mais l’air de rien, sa longévité commence à en faire un incontournable. Lancé modestement en 2009 à Niort, l’événement qui a déjà attiré Médine, Kohndo, JP Manova, Swift Guad, Zoxea ou encore Lino pour ne citer qu’eux, n’a cessé de grandir et peut désormais se targuer d’être en capacité de proposer pendant plusieurs jours de jolies affiches. Ce sera le cas pour sa neuvième édition qui démarre ce week-end. Il sera possible d’y voir notamment Chill Bump, Roméo Elvis & le Motel, Pumpkin & Vin’s da Cuero ou encore Guts. Ça se passera à partir de ce jeudi 12 octobre, avant une nouvelle rasade le week-end prochain. Des places pour le DJ set de Guts et le concert de Pumpkin & Vin’s da Cuero sont à gagner sur notre page Facebook, d’autres le seront la semaine prochaine. Et il sera sûrement possible d’apercevoir dans les parages de certaines dates quelques têtes de notre rédaction. Le rendez-vous est donc pris !

Retour en 2005. Sur la compilation À L’instinct, menée par le Grenoblois Shaolin, deux titres en (quasi) ouverture du disque mettaient une sacré claque. Les MCs auteurs de cet aller-retour d’une main désinvolte et sonore vers le visage de l’auditeur ? Taipan et son « C’est triste », à l’époque où il officiait encore strictement en binôme avec Chi. Et Fitrzoy. Son titre s’appelait « Gardien du temple » et était mené d’une voie âpre, puissante et passée au crépi. Le Toulonnais, qui n’en était pas à son coup d’essai, envoyait ses idées bien arrêtées, entre clairvoyance, rigueur et sarcasmes rappés avec le torse bombé. Depuis ? Un album en 2008 aux allures de semi-bootleg et puis plus grand chose à l’exception de quelques apparitions sporadiques. Et est finalement arrivé 2017 avec d’abord un titre sorti sur le (très bon) album de Corrado, puis un EP sorti en toute discrétion. Fitzroy y rappe désabusé, dans une atmosphère électrique, toujours avec cette voix singulière, puissante et inégalable. Démontant les idoles qu’elles soient commerciales ou religieuses, touchant du doigt une spiritualité qui ne porte pas de nom et poussant ses paroles et son flow avec lenteur au bord du bout du vide, celui qui s’était autoproclamé « Gardien du Temple » malmène en un quart d’heure le monde moderne et ses édifices. L’irrévérence est rauque, triste, et elle tient en quatre titres à écouter au calme. Pour mieux mesurer à quel point l’usure s’est désormais substituée l’urgence.

Du rap incisif (pour ne pas dire bourrin) mais sachant faire la part à des tranches de vie, voire à des commentaires sur l’état du monde (« World Struggle »), voilà ce que proposent le rappeur Tone Chop et le producteur Frost Gamble sur Respect is Earned, Not Given, qui fait suite au maxi Veteran sorti l’année passée. Des vétérans, on en retrouve d’ailleurs quelques uns dans la liste d’invités, de Kool G Rap sur la deuxième piste, « Walk the Walk », à Tragedy Khadafi (qui sort bientôt un EP de 5 titres) sur l’avant-dernière, « Here I Go ».