Sidekicks

Il n’est pas de retour, il n’est jamais vraiment parti. Le Funk Doctor Spock fume probablement toujours dans le train, mais surtout, il a conservé son phrasé délié, son élocution atypique et son obsession pour les beats poisseux. « Dopeman », premier extrait de son nouvel album solo annoncé pour octobre a tout du banger à même de réchauffer le cœur des trentenaires aguerris aux cabrioles de Redman l’éternel. Produit par Rick Rock, il rappelle aussi au passage que le producteur de Fairfield, en Californie, est un sacré caméléon.

En 2010, le nez dans sa série des GOOD Fridays, Kanye West adoubait Justin Bieber en remixant le morceau « Runaway Love » du Canadien. En pleine préparation de My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Kanye décidait d’utiliser l’instrumental de « Wu-Tang Clan Ain’t Nuthing Ta Fuck Wit », d’inviter Raekwon et de déclarer son admiration pour le jeune chanteur sur Twitter. Cinq ans plus tard, alors qu’il vient de sortir le clip de son nouveau single « What Do You Mean », Justin Bieber est passé sur le plateau de Jimmy Fallon pour en interpréter une version avec The Roots ponctué par un (bref) couplet de Black Thought. Juste après s’être lancé dans un battle avec ?uestlove à la batterie. Sur « Runaway Love », Bieber nous disait qu’il « cherchait simplement à être cool ». On dirait qu’il est sur le point d’y arriver.

« Faridat », single du premier album de Zagnif Nori (2013).

La période estivale a été porteuse de plusieurs bonnes nouvelles pour les amateurs de rap East Coast « post-Killa Beez » et/ou plus précisément connaisseurs du collectif Noble Scity. D’une part, The Meridian Gem (2013), le premier album solo de Zagnif Nori, rappeur originaire de l’État de New York, bénéficie désormais d’une distribution internationale décente et est donc bien plus facile à se procurer. Vous pourriez avoir la bonne surprise de tomber chez votre disquaire préféré sur cette pièce-maîtresse de rap sous-terrain, brut et inspiré, aux productions régulièrement nourries de samples de soul – une soul non pas triomphale ni romantique mais rendue sombre, grave et lancinante, même dans ses envolées, par l’aspect lo-fi du disque et le travail des beatmakers Crucial the Guillotine (eh oui), Illy Vas, feu Kevlaar 7 et Zagnif Nori himself – ou d’un minimalisme froid. Les amateurs de l’esprit sonore des différents Wu-Elements devraient y trouver leur bonheur. La seconde bonne nouvelle, c’est que ce même Zagnif Nori s’est fendu le 30 juin dernier d’un nouvel EP, sobrement intitulé Ferrum EP, et que celui-ci contient encore une fois son lot de très bons morceaux. Enfin, le label-crew Noble Scity ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : Zagnif Nori annonçait il y a quelques jours sur Twitter avoir d’ores et déjà écrit six des titres de son second LP, tandis que Noble Scity prévoit également la sortie prochaine d’un EP de Crucial the Guillotine et d’un autre d’Illy Vas. D’ici là, vous pouvez toujours découvrir ou réécouter les différents projets des membres du collectif ici ou en apprendre plus sur Zagnif Nori (oui, c’est « Iron Fingaz » à l’envers) et ses collègues en lisant cette interview.

The Lox, une institution légendaire qui résonne dans toute la ville de New York et les projects environnants. Originaires de Yonkers, Jadakiss, Styles P et Sheek Louch sont connus pour être la voix de la rue, la réalité quotidienne du ghetto mise en musique, des propos durs mais constructifs, toujours sincères. Le vrai rap, quoi. Ce que peu savaient (y compris, nous), c’est leur engagement dans une autre filière : les Juice Bars.

Lancé par Styles P, ce concept de bar à jus de fruits naît en 2005 à Harlem. Tout partait d’un constat simple : les quartiers pauvres sont souvent abreuvés de denrées bon marché, le genre trop gras, trop sucré. Le but était donc de proposer une alternative saine aux barres chocolatées et autre sodas de toutes les couleurs. Une initiative locale pour aider le voisinage à se maintenir en forme. Depuis, Jadakiss a rejoint l’aventure et de nombreux autres bars ont ouverts sous la bannière « Juices For Life ».

Elite Daily résume parfaitement cette démarche dans cette vidéo alliant personnages populaires, regards d’expert et visions d’avenir. Une vraie direction responsable de bonhomme. The Lox restera une institution légendaire du ghetto.

« Quand j’étais haut comme 3 ballons de basket, je rêvais de jouer en NBA, et malgré sa petite taille Muggsy Bogues était mon héros, je voulais être comme lui », explique Ypsos sur sa page Facebook. C’est aujourd’hui chose faite. Dans son nouveau titre clippé, le rappeur et beatmaker originaire de Nevers et installé à Bruxelles (comme ça vous savez tout), co-fondateur du label Wakos Music (Scoop & J.Keuz, Greky, Rob…), rend hommage au plus petit joueur de basket à avoir évolué en NBA (1m59 !). Entre deux extraits du classique Les blancs ne savent pas sauter, il file l’analogie entre son propre état d’esprit et le basketteur américain. Après « Avant tout », c’est le second extrait de son nouvel album solo 10ème étage, annoncé pour la fin de l’année.

Le roi n’est jamais fatigué. Entre deux concerts blindés, le rappeur de Chicago le plus proche de Toronto fracasse sans ciller un petit flip de James Brown. C’est sale et brutal, comme son troisième Drilluminati. L’énergie est décuplée par les adlibs percutants de l’homme aux breaks infinis, notre maître à tous. Deux rois se rencontrent sous le signe de la chouette réveillant les morts avec les batteries de l’enfer, les tambours de la guerre secrète. Et la boucle se répète, jusqu’à ce qu’on la relance encore. Parce que la drogue est trop forte, à se balancer par la fenêtre.

Le R&B se porte bien. Alors qu’on se remet tout juste du dernier clip de Tommy Genesis, Kwamie Liv en remet une couche avec « Pleasure This Pain » (dont le joli visuel vous rappellera probablement « Do For Love » et « Heartless »). Réalisé en collaboration avec Angel Haze, la rappeuse en provenance de Detroit, ce nouveau morceau prouve après « Higher » que la danoise est décidée à passer un cap. Pour ceux qui la découvrent tout juste, on vous conseille le très bon Lost in the Girl, EP sorti l’année dernière.

Club de réflexion secret, ligue de narco-trafiquants du Languedrogue-Roussillon ou invincible armada de squatteurs de terrasses à l’heure de l’apéro, L’Argent de la drogue reste une organisation aux buts et aux contours confus et flous. Un groupe de rap de Perpignan qui enchaîne dans un relatif anonymat les projets de qualité (et gratuits) depuis près de cinq ans, en collaborant avec la fine fleur des beatmakers locaux. Qui tourne ses vidéos en short/claquettes, chez les copains, avec soin ou à partir d’images d’archives, de films et de séries. Après un « triple album » fin 2012, un « petit bootleg » en janvier 2014 et un court album futuro-nihiliste en juillet 2014, l’ADLD annonce aujourd’hui une mixtape pour fin 2015, intitulée POP Musique.

« Ça sera dans l’esprit des K7 mixées à la Cut, Poska et toute cette vague de freestyles qui accompagnaient les tapes de l’époque, détaille 1K47, rappeur le plus prolifique du collectif avec le trop discret Slim XL. On essaie de retrouver la bidouille, l’artisanat et l’énergie qu’ils avaient dans ces productions. Ce sera principalement sur des faces B « historiques », des choses assez variées niveau beatmakers et production… » Un premier extrait, « Star Wars / Allahu Akbar », dans lequel 1K47 enchaîne avec son humour grinçant habituel les références à Booba, Dark Vador, Jésus, Arthur, Rockin’ Squat et Denver le dernier dinosaure sur les instrus de « Ice Cream » et « Un bon son brut pour les truands » après un clin d’œil à A Tribe Called Quest, est disponible. Autant dire que ce nouveau projet s’annonce chaud.

Après B4FRVR, un premier album réussi, le crew Two9 revient fort avec un concept : délivrer un EP tout neuf le 29 de chaque mois. Oui, ils aiment les symboles. Pour ce premier volume, on retrouve toute la fougue et la diversité de ce groupe tentaculaire d’Atlanta. Composé actuellement des duos FatKidsBrotha, RetroSushi et du coriace Curtis Williams, cette équipe catalyse toute la scène bouillonnante de la ville de Coca-Cola, entre Father et Rome Fortune.

Cette nouvelle fournée est très variée, nourrie des subtilités de Childish Major et du piano entêtant de Mike WiLL Made It. Elle nous donne aussi envie d’avoir plus de Jace, cette moitié de RetroSushi très en verve depuis le début de l’année. Avec l’appui du Ear Drummers Records de Mike WiLL, il y a fort à parier que ces deux chiffres restent flottant dans nos playlists. Jusqu’au prochain 29.

Pour une raison relativement mystérieuse, nous avions cessé de suivre les sorties de Count Bass D après la parution de ses (pourtant) deux très bons projets de 2002 et 2006, Dwight Spitz et Act Your Waist Size. Un petit détour par la page Bandcamp du beatmaker et rappeur américain nous apprend plusieurs choses. D’une part, Dwight Spitz a bénéficié d’une réédition « deluxe » à l’occasion de son dixième anniversaire, incluant notamment quelques bonus tracks. D’autre part, Dwight Farrel n’a pas chômé pendant que nous regardions ailleurs et a enquillé en quelques années les projets instrumentaux et collaboratifs. Enfin, il vient à l’occasion de son quarante-deuxième anniversaire, le 25 août, de mettre en ligne Cloak and Dapper, composé de 14 instrus. L’écoute de ce dernier rappelle la double impression paradoxale que provoquait déjà Dwight Spitz : un mélange de satisfaction (la qualité de ces samples et de ces prods…) et de frustration (cette manie de les laisser tourner si peu de temps). Franchement, qui n’aurait pas envie de lui jeter de pierres quand « Fame Costs » s’arrête au bout de 50 pauvres petites secondes ?