Chronique

Public Enemy
New Whirl Odor

Slamjamz - 2005

« C’est marrant cette « coïncidence » : il suffit que je fouille deux secondes dans tes affaires et je retrouve mon album de P.E. Je me souvenais plus que c’est toi qui me l’avais gaulé… A peine acheté, déjà prêté : j’aurais dû me douter que ça sentait le mauvais plan…
— Attends, tu vas pas me faire croire qu’il t’a manqué ? Pas de quoi réveiller les morts cet album… D’ailleurs je l’ai à peine écouté. Dès le calembour du titre, j’y croyais plus. Pas aussi pourri que Muse-Sick… machin, là, mais presque…
— Tu plaisantes, il est carrément bon cet album ! Je dirais même un cran au-dessus de He Got Game et There’s a Poison Goin’ On…. T’as pas dû l’écouter suffisamment, à mon avis…
— Ecoute, je sais bien que t’as toujours eu un goût de chiottes, et je t’en veux pas trop, mais là tu dépasses les bornes. Je peux pas te laisser dire ça. P.E. c’est terminé ; en tout cas c’est fatigué. Il y a qu’à voir comme ils recyclent leur passé : ça sample et ça scratche la gloire d’antan à tout va, sans parler de certains interludes (‘6.66 Strikes Again’), de l’intro du révérend qui en rajoute une couche… Toute leur discographie y passe. Laisse tomber : au mieux c’est un groupe comme un autre ; au pire, un groupe has been.
— Putain mais tu rigoles, au contraire ils sont en constant renouvellement ! Ils ont tenté des trucs qu’ils avaient jamais fait avant ! D’abord, il y a le morceau avec Moby…
— … qui est naze.
— Euh… C’est vrai qu’il est pas terrible. Ensuite, t’es allé jusqu’au dernier morceau, ‘Superman’s Black in the Building’ ? Incroyable : douze minutes imprévisibles, ça commence façon patate avec un riff de guitare, et ça évolue genre blues mystique, la batterie au centre, le sax à gauche, la voix impériale de l’ami Ridenhour à droite… Puis le solo de guitare… C’est grandiose : un morceau comme ça suffit à justifier l’album. Ecoute avant de la ramener…
— Bon, OK, c’est vrai que ça tue. ‘Check What You’re Listening To’ est très bon aussi…
— T’emballes pas trop, tu vas finir par remonter dans mon estime… En plus t’es encore loin du compte : le morceau est pas seulement très bon, il est carrément exceptionnel. La lourdeur de l’ambiance, la succession de scratches en dédicace, avec pour couronner le tout l’hommage spécial à Run D.M.C, et puis le passage final old school du beat box de Flav… Je m’en lasse pas.
— Parlant de Flav, il est quasiment absent d’après ce que j’ai pu entendre, et ça manque cruellement. A part quelques backs isolés…
— Ouais, là on se rejoint, c’est mon regret principal aussi… Sur le LP précédent, c’est lui qui dynamitait un morceau comme ‘Revolverlution’… D’un autre côté, pour une fois j’arrive presque à apprécier certains couplets de Griff, comme celui de ‘Revolution’ – à ne pas confondre. Le morceau sonne un peu chiant au début, mais après plusieurs écoutes, on y revient avec plaisir.
— Je vois le genre : à part le fait qu’il produise trois morceaux sur quatre avec les pieds et que son flow sabote tout sur son passage, on voit pas ce qu’on peut lui reprocher… Un peu de sérieux. ‘What A Fool Believes’ et sa distorsion de gratte me filent mal au crâne, pareil pour ‘As Long as…’, chiant comme la pluie, ça se traîne par terre, aucun intérêt…
— Ouais mais ça reste toujours bourré de détails dans la production! Et ça distingue toujours P.E. de n’importe quel autre groupe, vu que eux au moins n’ont pas abandonné le deejaying (regarde ‘Y’all Don’t Know’, enfin surtout quand Griff la met en veilleuse). En plus, d’autres mecs ont bien fait leur boulot, comme Abnormal sur ‘Bring That Beat Back’ qui met bien la pêche. Son ‘Makes You Blind’ est pas mal aussi, avec son synthé et son beat un peu décalé… De son côté Johnny Juice tient bien la barre (‘Preachin’ To The Quiet’, avant un grand Chuck D)… Tu peux dire ce que tu veux, mais à part quelques fautes de goût, l’héritage du Bomb Squad est plutôt bien géré… Moi, je dis : heureusement qu’ils sont encore là…
— … Sauf qu’on est loin du niveau de It Takes A Nation… et Fear Of A Black Planet, y compris au niveau du discours… Subversif, moi je veux bien… Mais si on regarde de près… La corde s’use, tu crois pas ?
— Sans déconner ? T’as trouvé ça tout seul ? Je suis content d’être ton pote, t’es vraiment trop intelligent. Penser que des mecs de quarante piges font pas aussi bien à leur dixième album qu’à leurs débuts, chapeau l’artiste. Je m’incline, t’es un malin toi…
— Pauvre con. Allez, tu m’as à moitié convaincu ; je pense quand même que maintenant le flambeau est ailleurs, dans le Poor People’s Day de Bigg Jus par exemple.
— Ah, tu vois que tu dis pas que des conneries! »

 

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