Sidekicks

Si l’on devait se fier uniquement à son nom, on imaginerait plus volontiers Sadistik en train d’énumérer ses meurtres imaginaires sur des beats de death rap que de concocter un projet avec Kno. C’est pourtant bien avec le producteur-orfèvre de CunninLynguists que s’est allié le temps d’un EP intitulé Phantom Limbs (Dirty Decibel Records) le ténébreux MC originaire de Seattle, plus adepte des textes psychologiques et complexes que d’horrorcore. L’osmose entre le rappeur et le compositeur y semble parfaite – Sadistik et Kno avaient déjà travaillé ensemble à plusieurs reprises (sur Strange Journey Volume Three ou encore sur Flowers for my Father). Durant les six titres (+ un interlude) qui composent ce très beau projet, Sadistik traîne son espèce de nonchalance triste et torturée, ponctuée de montées d’adrénaline, le long des productions fantomatiques de Kno. De l’obscurité totale du premier morceau jusqu’au « Paradis » trouvé auprès de la Lady in the Radiator de David Lynch sur « In Heaven », l’ambiance est plus nocturne qu’estivale. Mais « Everything is pretty in the dark », et ce Phantom Limbs constitue en outre une bonne porte d’entrée sur le travail de Sadistik, qui enchaîne depuis 2008 les albums de qualité et a notamment brillé l’an passé avec l’excellent Ultraviolet.

Une carrière peut se jouer sur un coup de dés. Littéralement. Même quand on s’appelle Christopher Wallace et qu’on n’est pas encore couronné King of New-York. C’est l’anecdote extraordinaire ramenée par le duo Gasface et racontée par Bonz Malone, plume historique pour The Source et Vibe, co-auteur du film Slam et directeur artistique notamment pour Island Records. D’Island Records à Bad Boy Records, de Bonz à Puffy, le début de carrière de Biggie s’est (aussi) joué sur le toit d’un immeuble.

Une foule surexcitée reprenant à tue-tête les dures paroles d’un jeune de 17 ans dans un club bondé. Voici comment ouvrir de la meilleure des façons. Kodak Black vient de Floride et il est peut être l’héritier parfait de Lil Boosie. Comme lui, il mélange habilement feu et glace, une pure tradition sudiste. Un passé de criminel juvénile, un présent de charbon et un futur brillant. Sa dernière mixtape, Heart of The Projects, est une démonstration de force, une parfaite mise à jour des recettes poisseuses de nos rappeurs préférés, de Bâton Rouge à Memphis. Et tout ça avant la majorité. C’est le moment de te convertir. Apprécie !

Tory Lanez était le grand absent de notre mix spécial Toronto. Omniprésent depuis plusieurs années, ce jeune artiste de 22 ans oscille entre rap et chant, proche de Drake bien sûr mais aussi de Travis $cott pour qui il a déjà écrit (coucou Meek Mill). Alors que sa côte de popularité ne cesse d’augmenter, il vient en France présenter son dernier EP, Cruel Intentions, composé avec les grands pontes de la (défunte) scène Trap : RL Grime, Baauer (oui oui Harlem Shake) ou encore Shlohmo, regroupés sous la bannière WEDIDIT. Le résultat est vraiment réussi et nous donne envie de le voir le samedi 29 août sur la scène cosy de la Maroquinerie, meilleur endroit de Paris pour découvrir une star en devenir (plus d’infos ici). En plus, on retrouvera 8TM en warm up pour un set forcément classe et précis. Pour cette belle occasion, nous avons deux places à gagner, rendez-vous sur facebook.

Voilà bientôt deux ans que Gucci Mane a disparu derrière les barreaux après une cavalcade dure amère sur les réseaux. Mais son héritage reste intact, présent à tous les étages de la culture rap & pop actuelle. Dans son fief de la zone 6 d’Atlanta, le photographe Cam Kirk lui a consacré une exposition éphémère nommée « Trap God » en avril dernier. Mélange d’images inédites et d’installations incroyables dans une église abandonnée, cet événement était le décor rêvé pour un clip de Young Thug avec tonton Guwop en featuring.

Tout l’impact de Gucci Mane est contenu dans ces visuels, entre meme internet infini et vrai demi-dieu de la musique de dealer sudiste. Entre deux mixtapes pleines de chutes (morales et musicales), l’homme aux BURR peut être fier de ses rejetons et de leur dévotion à toute épreuve. Et la communauté s’agrandit avec The Burrprint, un portail et un événement à New York la semaine dernière, avec Cam Kirk, 808 Mafia, Rome Fortune, le tout soutenu par Tumblr. Gucci Mane est l’ombre qui plane derrière tous vos rappeurs préférés, il est temps de le célébrer comme Thugga dans la Trap Church.  Apprécie !

La routine de Young Dolph n’est pas compliquée. Boire des sodas codéinés, faire pleuvoir du papier numéroté sur des filles dénudées, fumer des tubes blindés de verdure bien corsée et balancer tout ça dès que le micro est allumé. Le prince du rap piège de Memphis est toujours en cavale sur les meilleures cuisineries de tes producteurs préférés. Cette fois-ci, on retrouve Drumma Boy la légende pour une virée bien psychédélique dans le Tennessee de la Mafia aux trois six. Chaque putain de jour. Continue le voyage avec 16 zips et toujours, apprécie !

Plies ne lâche pas l’affaire. Jamais. Son dernier album dans la ligue majeure date de 2010 mais le petit nerveux de Floride a enchaîné les mixtapes à un rythme régulier depuis. La formule a beau être éprouvée, l’énergie demeure intacte et la voix de Plies monte toujours dans les tours dès que les premières notes retentissent. Considéré comme un goon ultime, un abruti irresponsable, Plies a pourtant trouvé le secret d’une véritable longévité. Proche de Boosie, ce vétéran continue la guerre comme si elle ne finissait jamais et apparait comme le dernier mec qui reste debout quand tout est fini. En attendant l’apocalypse, sa dernière mixtape Ain’t No Mixtape Bih nous maintient en équilibre sans trop en faire, avec une vidéo de narco en prime. Ne snobe pas Plies. Et apprécie !

Dr. Dre vient de sortir Compton et, malgré l’impressionnant sentiment de maîtrise qui s’en dégage, le disque est à des années lumières des sonorités g-funk issues de Chronic. Quand certains se réjouissent de la capacité du Docteur à constamment se réinventer, certains regrettent déjà de ne pas avoir eu la bande son ensoleillée de leur mois d’août. Qu’ils se rassurent : un autre vétéran californien a fait le choix du retour aux sources en donnant une suite à l’un des plus grands classiques que le rap de Long Beach ait produit. 21 ans après Regulate… G Funk Era, Warren G vient d’en sortir la deuxième partie. Une entreprise ardue tant on sait que les sequels font souvent des déçus. Et pourtant, on se surprend à se plonger dans cet EP comme on regarderait avec plaisir les photos de nos premières colonies de vacances : on y retrouve de vieilles connaissances (le fameux DJ Eazy Dick est de retour), on reconnait les endroits où l’on a fait nos premières bêtises (le disque a parfois des allures de carte postale) et on repense avec émotion à notre meilleur pote de l’époque (Nate Dogg est présent sur l’ensemble des titres). Un projet qui ne réinvente pas la roue mais qui, sans nostalgie mal placée, nous ramène deux décennies en arrière. Repose en paix Nate Dogg.

« J’suis qu’une étoile filante, j’serai jamais une star. » Et pourtant, Escobar a prouvé à plusieurs reprises qu’il possédait une des plumes les plus aiguisées du rap français. Avec son rap sombre et blindé de références, il aura parfois eu du mal à trouver son public malgré une série de projets réussis. Le dernier en date, Red Business, ne dérogeait pas à la règle et « Pablo » vient tout juste de démontrer que le rappeur n’a rien perdu de sa verve. Sur une production ténébreuse de Wealstarr, Esco enchaîne les rimes choc, se moque ouvertement de l’autotune et règle ses comptes avec l’industrie. A regarder jusqu’à la fin.