El Pep’s, hémoglobine sonore

Que soit mise de côté l’amusante assonance – presque une anagramme ! – de son nom de rappeur avec celui de son confrère francophone qui défraie actuellement la chronique autant par ses (excellentes) qualités que son (décomplexé) art de la décalcomanie. Car El Pep’s ne vise pas le trône, lui. Il ne vise même pas grand chose, si ce n’est ces mêmes influences que Benjamin Epps, celles qui ravissent les fans de rue et qui ont trouvé leur bonheur chez des écuries situées outre-atlantique telles que Griselda. D’ailleurs, El Pep’s ne s’en cache pas. Les adlibs à la Westside Gunn pleuvent sur son album. Mais il y a chez lui un côté rap de rue purement estampillé des zones urbaines qui bordent les autoroutes partant de Paris pour s’évanouir dans le nord de l’Europe. El Pep’s est aux confluences, à Liège, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière qui sépare la Belgique du royaume batave. Et si d’entrée, 2.4 Kg est un album qui dit porter son nom en référence à la quantité de résine et d’herbe qu’il aura fallu pour le financer, il est aussi un disque de type beats. Après recherche – puisqu’ils sont dûment crédités sur la playlist Youtube du disque – ces derniers correspondent essentiellement à deux hashtag : #JoeyBada$$ et #Griselda. Tout juste faudrait-il en rajouter un troisième : #InterludeDJMuggs. C’est là-dessus qu’El Pep’s pose son rap de blocs. Il y a du Kool Shen dans le côté rap de rue qui ne cherche pas à s’élever au-delà des réalités du sol. Il y a du Lacraps dans l’attitude et la façon de réduire et étendre les rimes au sein du même couplet. Il y a même du James Deano dans certaines interprétations (le côté décalé en moins) et du Scylla dans les chimères évoquées à plusieurs reprises. Et sûrement encore d’autres rappeurs et influences, digérées en pagaille, qui devraient être citées comme El Pep’s cite Rocca, et recrachées comme un monstre à de nombreuses têtes sur un disque poisseux, à mi-chemin entre la culture de rue brut de décoffrage des grands ensembles européens et celle d’un rap en plein revival boom-bap affreux, sale, et d’abord torturé avant de devenir méchant. L’album avançant, El Pep’s le mâtine d’ailleurs d’une teinte horrorcore. Et finit par emprunter un champ lexical sanguinolent qu’il relie à une idée toute simple, quasiment éculée : que le rap mérite une bonne mise à mort. Pas tant basée sur des storytellings sordides, mais plutôt sur un bonne dose de hardcore déterminé. 2.4 Kg se transforme finalement en 2.4 litres. De quoi ? D’hémoglobine sonore.