Kobo, quête de liberté
Interview

Kobo, quête de liberté

Avec son deuxième album ANAGENÈSE, Kobo poursuit le sillon entamé il y a trois ans et raconte sa recherche d’équilibre artistique et personnelle.

et Photographies : Brice Bossavie

Est-ce de la sérénité ? Du détachement naturel ? Une forme de sagesse ? La rencontre avec Kobo a lieu quelques heures avant une soirée Dans le club, orchestrée par ARTE Concert. Sorti de ses balances, le rappeur belge a l’air concentré par son concert du soir, mais plutôt détendu et même disposé à la conversation. Le rendez-vous a pourtant lieu le jour même de la sortie de son deuxième album, ANAGENÈSE, trois ans après Période d’essai, première carte de visite convaincante et suffisamment singulière dans le flux tendu des sorties de rap francophone. Une sortie pour laquelle Kobo a par ailleurs annoncé une co-édition avec le label TheVie de Damso, ami de longue date.

Lâché pendant un printemps 2019 lors duquel sont parus des albums mastodontes (Deux frères, Destin, Les Étoiles vagabondes), Période d’essai constituait une belle surprise à deux titres. Déjà parce que Kobo portait l’ambition de se présenter d’emblée avec un album porté par lui seul et dont ressortait un vrai souci de cohésion. Avec des ambiances moites, souvent vaporeuses, parfois nerveuses, le son du disque rappelait parfois celui du JEFFERY de Young Thug. La voix aigre-douce de Kobo et son rap souvent chantonné, dont ressortait des saveurs jamaïcaines, s’adaptaient à merveille à ces ambiances presque crépusculaires sur des titres comme « Blessings », « Koboy », « Baltimore », « Manque de sommeil ». L’écriture pouvait par moments manquer d’épaisseur mais elle ne montrait aucune rature, sans trait forcé ni exagération dans cette quête de Kobo pour s’éloigner des vices de son environnement et se rapprocher d’une liberté artistique et existentielle.

Trois ans plus tard, ANAGENÈSE reprend là où son premier album s’était arrêté. Les pieds plus ancrés dans l’industrie du spectacle et ses travers, Kobo cherche toujours sa vérité en fuyant le superficiel en tant qu’artiste et en tant qu’homme. Ce deuxième album marque en revanche une évolution avec des teintes musicales plus riches : à des nouvelles inflexions afro-caribéennes (« .CARPE.DIEM. », « .LIBERTÉ. », « .ÂME.SOEUR. ») et rap saturé (« .GHETTO. », « .BOYZOO. », « .RÉPRESSION. ») s’ajoutent des influences rock (« .FUCKED.UP. », « .DEMAIN. ») et même soul (« .EXISTER. », « .MOVIE. »). En ressort de cet ANAGENÈSE une impression d’aller-retour constant entre les humeurs contraires de son auteur, magnifiées par une interprétation vocale plus poussée. Des polarités qu’il essaie tant bien que mal de réconcilier et de dompter, et sur lesquelles il est revenu, entre autres choses, lors de cet entretien.


Abcdr du Son : On entend à la fin d’ANAGENÈSE une voix qui dit : « quand tu es né, on t’a bercé dans la musique ». Qui est-ce ?

Kobo : C’est la voix de mon père. J’ai grandi à Kinshasa, du coup j’ai beaucoup écouté de musique congolaise : Koffi Olomidé, Papa Wemba, Franck Oloambo, Ridi Ami… C’est des chanteurs que les gens qui écoutent du rap ne connaissent peut-être pas vraiment mais les Congolais connaissent. Une musique très mélodieuse, avec des instruments. Il y avait un tourne-disques dans le salon et mon père écoutait du son tout le temps. J’ai baigné dans ça, j’ai toujours eu cette passion. Plus jeune, je cassais les couilles pour avoir le casque, pour entendre, pour mettre de la musique dans la voiture. Je pense qu’ensuite mon premier clip de rap c’est « California Love » de 2Pac. Ça m’a mis une claque, la talk box, tout. Je devais avoir quatre ou cinq ans.

A : Tu as commencé à faire de la musique dans ta jeunesse ?

K : Oui, ma mère m’a inscrit à des cours de piano, après l’école : comme elle bossait, elle ne pouvait pas venir me chercher. À partir de là, il y a eu un déclic : je n’appréciais plus seulement en écouter mais aussi en faire. À partir de 2012, quand j’ai commencé mes études, j’ai rencontré Damso et je l’accompagnais au studio. Lui et les OPG faisaient de la musique et moi, j’observais. De même que l’équipe Le Jeune de Krisy, Lous était aussi dans le coin. Ils avaient déjà cette ambition d’y arriver professionnellement, de se structurer. Pour moi, c’était juste du son ! À force de les côtoyer, en voyant que chacun faisait son chemin, je me suis dit que je pouvais faire le mien. Autant le faire que d’être juste le mec qui lâche des freestyles en soirée quand il a bu un verre. [sourire] Parce que j’ai commencé à faire de la musique pour m’en sortir. Quand j’ai quitté le Congo, je suis venu en Belgique pour faire des études de droit où j’avais aussi des cours de comptabilité, de gestion des ressources humaines, qui permettaient de nourrir la réflexion sur la création de projets. J’étais censé rentrer avec un diplôme. Et puis il y a eu la musique, des propositions de contrat, donc je me suis concentré sur la musique. Et ce n’était pas évident : mes parents n’étaient pas dans le même pays que moi, je devais vivre décemment, manger à ma faim. Je ne devais plus dépendre d’eux. C’était l’équation.

A : C’est un propos qui rejoint ce que tu dis dans le morceau « .PRÉNATALITÉ. » : « je prendrai des risques pour être libre ». De sortir de ce confort familial, de ce cocon, et de saisir une opportunité.

K : Tout à fait. Prendre le risque d’exploiter les dons que la vie nous donne, plutôt que de prendre les chemins classiques que tout le monde prend. Il y a toujours une certaine peur, parce qu’on ne sait pas si c’est possible. Et puis il y a un côté très aléatoire et incertain, parce que c’est pas un boulot où tu sais qu’à chaque fin du mois tu as un salaire. Tu signes un contrat, tu sors un album, et après c’est peut-être trois ans sans rien. Ça provoque beaucoup de peurs.

A : Il se passe combien de temps entre le moment où tu te lances et ton premier album ?

K : Il se passe trois ans. Je sors mon premier clip sur YouTube en août 2016, « What’s my name », puis je lance « Présumé sobre ». Et à partir de là, j’ai mes premières propositions de contrat. C’est assez rapide, et du coup l’ego se gonfle aussi. Tu te dis « je vais tout niquer, je suis le meilleur ! » Mais en fait non, la vie t’attend toujours au tournant.

A : Sur Période d’essai, il y avait une sorte de fil rouge de la musique comme porte de sortie, aussi bien dans l’épanouissement personnel que dans la réussite sociale. Est-ce que ce premier album t’a permis de rejoindre ces objectifs ?

K : Oui, quand même. Ça n’a pas été un succès commercial de ouf mais ça a été un succès d’estime, critique. Ça m’a permis d’inscrire mon nom sur la scène et de poser les fondations de ma carrière, construire une fan base. C’est pas encore le million, mais à mon niveau, c’est assez bien pour avoir une vie décente. Et puis je suis à un âge où je n’ai jamais taffé.

A : Tu mentionnais déjà ça dans « Désillusion » il y a trois ans, d’ailleurs.

K : Exactement. Donc j’ai toujours eu ce côté « ok si j’ai une idée, je vais tout faire pour la concrétiser et faire en sorte qu’elle me rapporte de l’argent. Mais comment faire ? ». Il y a eu des petits épisodes où c’était un peu la rue. Et je n’aime pas glorifier la rue mais elle t’apprend que si tu as une idée et que tu sais comment la vendre, ça va te rapporter du bif. Je me suis dit « au lieu d’appliquer ça dans la rue, pourquoi ne pas l’appliquer dans quelque chose de bien ? ». Vendons de la musique, c’est mieux !

A : Ça se sentait beaucoup dans Période d’essai, cette prise de recul et de conscience sur l’illégal. Et sur ANAGENÈSE on le perçoit encore.

K : C’est quelque chose qui me motive. Quand j’analyse froidement les choses, pour les gars de ma communauté, la communauté noire, ça fait des générations qu’on est enfermé dans les mêmes cycles. On fait les mêmes choix, qui nous amènent les mêmes conséquences, mais on n’en tire pas les leçons. Nos grands frères ont fait les mêmes choix, leurs grands frères ont fait les mêmes choix, nous on fait les mêmes choix, et nos petits frères font les mêmes choix. Il faut essayer de briser ce cycle et pour le faire, il faut passer le message, sans sombrer forcément dans un truc de rap conscient donneur de leçons. Mais juste dire « j’ai vécu ça, je te conseille de prendre un autre chemin ».

A : Est-ce que cette prise de recul va avec le fait d’avoir pris ton temps pour sortir ton premier disque, puis ce deuxième album ? C’est plutôt rare de voir un rappeur signé en major prendre le temps de se développer après avoir été signé sur quelques titres.

K : J’avais besoin de temps. Et le fait que je vienne de Belgique me pousse à prendre le temps parce que je sais que ça sera plus dur pour moi. Je ne suis pas d’ici, je n’ai pas un quartier ou une cité derrière moi. Tout ce que je peux faire, c’est délivrer mon message, délivrer ma musique. Ceux qui veulent vraiment suivre le feront. Et quand on est dans cette optique-là, ça prend forcément plus de temps. Dès le moment où j’ai signé, je savais que ça serait plus difficile, même si j’ai vécu certaines choses qui ont gonflé mon ego.

« Ce que j’aime, c’est tout faire et agencer ça de la manière la plus parfaite possible. »

A : T’as travaillé plus ardemment pour ANAGENÈSE ?

K : Deux fois plus. Je n’ai peut-être pas encore le succès à la hauteur de ce travail mais je crois que j’ai fait en cinq ou six ans ce que j’aurais dû faire en dix. J’ai mis ma vie entre parenthèses et je n’ai fait que ça. C’est devenu même trop, je me demandais pourquoi je le faisais. « Pourquoi je cours après ce succès ? » Ce n’était plus un plaisir de le faire juste pour percer, ça me consumait de l’intérieur.

A : Tu le dis dans « .MOVIE. » : « La vie est belle, pourquoi la gâcher
à courir après le succès »
.

K : On pense que ça nous rendra heureux mais on se rend compte qu’il faut plus que ça. Le vrai luxe, ce sont les choses simples. Le temps passé avec tes parents, ta meuf, tes frères et soeurs, ces gens que tu aimes. Quand tu passes du temps seul, tu te rends compte que le vrai luxe, c’est d’être bien entouré et vivre.

A : À l’écoute de ce second album, on sent justement que c’est la suite de ce que tu désirais dans Période d’essai. L’épanouissement personnel avec la musique, on sent qu’il est contraint par certaines choses, comme la petite notoriété que tu as eue et dont tu parles dans « .STUDIO. » ou « .DEMAIN. ». Et que tu n’es pas encore réellement libre.

K : Tout à fait. L’intention pour moi, c’est d’être libre, d’avoir une vie paisible, épanouie. Le chemin que j’ai pris pour atteindre cette liberté est assez paradoxal parce que il me fait miroiter que tout est rose, mais la vie d’artiste n’est pas si rose. Il y a un prix à payer : ça t’éloigne des gens que tu connais et te rapproche de ceux que tu ne connais pas. Ça demande un temps pour s’adapter à cette nouvelle vie.

A : Alors que faire de la musique, c’est une forme liberté. Mais on a aussi l’impression que tu sacrifies une part de cette liberté pour vivre de ton art.

K : Exactement. Quand je fais de la musique, c’est un exutoire. La création m’enchante beaucoup. Mais à mesure que la passion est devenue un travail, j’ai appris à comprendre que ça a une double facette. Créer en studio et partager sur scène ; mais une fois que ça devient mécanique, basé sur des statistiques, des ventes, des followers, des streams… le plaisir commence à baisser. J’ai dû apprendre à trouver un équilibre. Je laisse ceux dont c’est le boulot s’occuper des chiffres. Mon boulot c’est de faire la meilleure musique possible et d’apprécier ce que je fais. Je n’accorde plus mon temps aux autres détails.

A : T’as déjà regretté d’avoir retiré ton masque ?

K : Oui. Je l’ai retiré au moment de la promo du premier album. Personne ne me connaissait dans la rue, je pouvais vivre ma vie comme je voulais. Je sortais en claquettes, rien à foutre. [sourire] D’un coup, dès que je l’ai enlevé, ça a changé. « Salut mec, on peut prendre une photo ? » Mais moi j’étais toujours dans le mood d’avant ! C’est là que j’ai capté que ça va vite. J’ai dû m’adapter, et c’était un peu dur.

A : Une chose est remarquable sur cet album, c’est à quel point il est foisonnant musicalement. Période d’essai était très nocturne, très brumeux, parfois caribéen. ANAGENÈSE, dès le premier single « .FUCKED.UP. » avec ces riffs de guitare rock, propose une intention différente. Tu avais une idée préciser de cette direction musicale ?

K : Oui, c’était ma volonté de départ. Je voulais exprimer qui je suis de toutes les manières possibles et ne pas me limiter. J’écoute beaucoup ce qui se fait, j’essaie de rester à la page. Je me suis dit « ok, il y a toujours le même mimétisme. La drill ça marche ? Tout le monde en fait. L’afrotrap ? Tout le monde en fait ». Soit tu fais comme tout le monde, soit je fais comme j’ai envie. Il faut prendre le risque d’être soi-même et d’exprimer qui on est. Parce que j’ai peut-être certains choix artistiques que je fais qui sont uniques. Mais par peur, je ne vais pas les exprimer, faire comme tout le monde et passer à côté d’un truc. Donc je me suis dit « non ». Ce que j’aime, c’est tout faire et agencer ça de la manière la plus parfaite possible.

A : Même si c’est ce que tu voulais faire, tu penses que tu es sorti de ta zone de confort ?

K : Oui. Je trouve que je suis allé plus loin que pour Période d’essai. Ce premier album, je l’ai beaucoup travaillé dans mon coin : la majorité des beatmakers m’envoyaient des prods et ensuite j’allais au studio pour enregistrer. Je n’avais pas de contact direct avec eux. Pour ANAGENÈSE, j’ai créé intuitivement : j’ai rencontré toutes les personnes avec qui j’ai bossé, hormis Ikaz Boi, et on a fait une grosse résidence dans un studio que j’ai booké pour une longue période. Et à chaque fois qu’on s’est vus avec chacun, on créait la prod et on enregistrait directement. La règle était de ne pas sortir de studio tant que le morceau n’était pas fait.

A : Ça t’amenait à mettre au défi les producteurs ?

K : Exactement ! C’est un challenge sain. « Ok t’es lourd sur les réseaux, on va voir maintenant. » Avec certains on a fait quatre sons en un jour. J’ai essayé de creuser, d’aller plus loin que pour Période d’essai. J’ai séjourné sept mois en Afrique aussi, où j’ai été exposé à d’autres styles musicaux, ceux que j’écoutais quand j’étais petit : beaucoup de rumba, des musiques du Nigeria.

A : Cette influence nigériane se sent sur « .ÂME.SOEUR. ».

K : Oui. Il y a aussi un morceau que je chante en lingala, pour ma mère. Et c’est sur celui-ci où je suis le plus sorti de ma zone de confort parce que je n’avais jamais écrit en lingala, et c’était compliqué. Je ne savais pas comment assembler les rimes, ce n’est pas le même fonctionnement qu’en français. En lingala, parfois, ça n’est pas logique de mettre tous les mots pour faire rimer, et parfois mieux vaut même ne pas rimer pour être vraiment bien compris. Dans l’ensemble, je trouve cet album riche en sonorités.

« Je veux être une source d’inspiration positive pour les gens. J’étais très dans le « moi ». Maintenant je suis dans le « nous ». »

A : Ça a changé ta méthode de création de travailler en collectif ?

K : Oui. Il y a peut-être certains morceaux que j’écrirais dans mon coin, mais maintenant la règle, c’est le partage. Quand tu rencontres les gens, il y a l’énergie du moment aussi. Il est motivé, tu es motivé, et c’est une énergie positive qui crée un bon morceau. Quand tu es dans ton coin, tu es tout seul, et il y a un côté… c’est du travail. Du coup tu réfléchis tellement que tu sombres dans la mélancolie qu’on entend sur Période d’essai, finalement.

A : Il y a en effet un côté très solitaire sur Période d’essai, avec un aspect très porté sur le labeur, et de se faire seul.

K : [approuve] Avec du recul, Période d’essai est un album introspectif et je l’ai trouvé triste. J’ai eu un long moment sans l’écouter et je me suis dit que je l’écouterais seulement une fois le deuxième album terminé. Je l’ai réécouté dernièrement, et je te jure, j’ai failli laisser une larme. J’étais aussi triste ? Je ne me rendais pas compte. Dans ANAGENÈSE, il y a toujours cette tristesse et cette noirceur, mais il y a des couleurs, de l’espoir. J’espère que le troisième album ira un peu plus vers la lumière.

A : Il y a même de la hargne dans ANAGENÈSE. Dans ton interprétation vocale, il y a plus de variations, c’est moins linéaire, il y a des tripes.

K : Oui, c’est quelque chose que j’ai beaucoup travaillé. J’ai voulu présenter mon alter ego avec une autre voix. Il y a des morceaux plus mélodieux, avec ma voix habituelle. Et puis il y a des morceaux comme « .FUCKED.UP. », « .GHETTO. », « .BOYZOO. », « .RÉPRESSION. », avec une voix plus aiguë qui représente l’ombre… le Kobo masqué qui parfois revient. Il y a toujours un côté en moi qui veut revenir à des moods street. Ça fait partie de moi et je trouve que c’est intéressant de l’exprimer artistiquement, ça donne de la richesse, du relief. Tu passes par plus d’émotions : colère, amour, tristesse.

A : D’ailleurs encore plus que sur Période d’essai, où il y avait des alternances entre moments méditatifs et d’autres plus énervés, le slalom est encore plus poussé sur ANAGENÈSE, avec des pics et des chutes.

K : Ça me fait plaisir que vous me disiez ça. Aujourd’hui c’est rare parce qu’avec le streaming, les gens écoutent d’abord les focus tracks, les feats, et le reste vite fait. Alors que quand je fais un album, je le construis de A à Z, tous les morceaux sont liés. Dans ANAGENÈSE, y a des références aux morceaux précédentes dans le suivant. C’est une histoire : je sors du ventre de ma mère, le monde est « .FUCKED.UP ». « .CARPE.DIEM. », j’apprends à vivre au jour le jour. Pour réussir je passe par le « .STUDIO. », mais la passion devient une forme de névrose. Donc la rue me rattrape : « .GHETTO. ». Plus je suis dans le ghetto et plus j’essaie de penser à « .DEMAIN. ». De travailler de manière frénétique – « .FRÉNÉSIE. » – et je cherche cette « .LIBERTÉ. ». Mais mes « .BOYZOO. » me ramènent dans la street, etc.

A : Il y a vraiment cette bipolarité entre le plus et le moins sur tout l’album. Et autour de tout ça, il y a ta mère au début, dans l’intro qui t’invite à prier, et ton père à la fin.

K : C’est l’amour familial dont on a toujours besoin. J’ai passé des moments difficiles pendant ces trois dernières années parce que ça ne bougeait pas comme je voulais. Mes sept mois de retour au Congo, auprès de mes proches, m’ont boosté le moral. Là, j’ai compris. La vraie vie, c’est l’amour.

A : Ça explique le choix de ton visage d’enfant sur la pochette ?

K : Oui, revenir aux racines, à l’innocence de départ. Oublier ce conditionnement que la vie nous impose. Parfois je suis un peu dur, parano, prudent. Je l’exprime en musique. Mais dans l’ensemble, je suis à une phase de ma vie où je me sens en accord avec moi-même. Le passage au Congo m’a beaucoup aidé, et a donné cet album.

A : On en revient au fil rouge de la liberté dans l’album. Dans « .CARPE.DIEM. » tu dis vouloir te détacher de tous sentiments, mais plus on avance, plus c’est du superflu dont tu veux te détacher.

K : Tout à fait. Et quand je dis me libérer de tous sentiments, c’est déjà essayer d’apprendre à vivre dans le moment présent, sans être figé. Je suis un artiste, je passe beaucoup de temps à explorer ces sentiments. Pour écrire, il faut que je sache ce que je ressens, ce que je pense, donc je m’isole. Mais cette démarche, quand elle est trop prononcée, elle nous bouffe de l’intérieur. J’apprends à m’en distancer, sans devenir un robot. J’apprends à vivre en fait, et c’est ça l’album ANAGENÈSE : l’histoire d’un mec en quête de sens et qui apprend à accepter les hauts et les bas. C’est un voyage.

A : Un voyage qui mène déjà à l’après. Dans « .DEMAIN. », tu dis que tu arrives à voir plus loin. Qu’est-ce qu’on pourrait attendre de la suite ?

K : Je pense que voyager, méditer, prier, écrire, faire de la musique et faire une pause m’a appris la valeur de mon travail et la chance que j’ai d’être un porte-voix. Je pense que sur le long terme, j’aimerais essayer de construire quelque chose de bon pour moi mais aussi transmettre quelque chose de positif aux gens. Que ceux qui écoutent puissent réussir à gérer les traumas qu’ils ont vécus et avoir une meilleure vie. Je pense que c’est ça : être une source d’inspiration positive pour les gens. Au début j’étais très dans le « moi ». Maintenant je suis dans le « nous », l’échange.

A : Et d’ailleurs dans « .FRÉNÉSIE. », tu évoques même « éveiller ma mentalité bien avant la paternité ».

K : Être prêt maintenant pour ce que je vivrais demain. Parce qu’aujourd’hui je suis déjà le père que je serai demain. Mieux vaut être prêt avant l’heure qu’après. [sourire]

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