Kalash Criminel, le naturel au galop
Interview

Kalash Criminel, le naturel au galop

Sur son deuxième album Sélection Naturelle, Kalash Criminel s’affirme plus que jamais comme une figure singulière du rap français. Discussion au long cours avec un personnage sans filtres.

Photographie : Brice Bossavie

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Kalash Criminel ne s’était jamais posé pour discuter avec l’Abcdr du Son. Après 4 années d’activité intense dans le rap français, il fallait bien prendre une heure entière pour remédier à ce problème. A ses débuts, Kalash Criminel était vu comme le nouveau représentant d’un rap hardcore sorti de Sevran, venu pour terroriser la concurrence, comme il en a joué pendant un (court) moment. Au fil des sorties, c’est pourtant un autre visage, plus complexe et contrasté, que le franco-congolais a tenu à dévoiler : d’abord en se dévoilant sous un jour plus pop dans ses collaboration avec Jul ou Keblack, ensuite en évoquant son amour de la chanson française (qu’il concrétisera en 2019 lors d’une collaboration avec le duo Madame Monsieur) et enfin en montrant aussi son visage le plus engagé, que ce soit pour dénoncer les violences policières, le racisme d’état ou le sang dans les portables des mines au Congo. Kalash Criminel est loin d’être un rappeur bête et méchant. Il est même tout l’inverse : sous ses traits menaçants se cache en fait un garçon qui réfléchit au monde qui l’entoure autant qu’il clame sa passion pour la musique, quelqu’en soit sa forme. Un rap plein de nuances et de variations qu’il a pris le temps, quelques semaines après la sortie de son nouvel album Sélection Naturelle, de décrypter avec nous tout en philosophant sur la violence du monde.

RISQUES

Abcdr du Son : Il y a eu deux années entre tes deux albums. Ça n’a pas été long pour toi de ne rien sortir pendant tout ce temps ?

Kalash Criminel : Oui c’est long. Dans le rap en général il y a une concurrence, il y a pas mal de rappeurs, donc quand tu ne sors pas de sons, si tu n’es pas connu ou si tu n’as pas de fanbase solide les gens t’oublient un peu. Ça n’a pas été mon cas donc je suis content mais pour un rappeur c’est dur. Surtout que ce n’était pas voulu à la base. J’étais chez PlayTwo, maintenant je suis chez Believe, il fallait régler tout ça au niveau des contrats. Et il y avait aussi mon état d’esprit. J’avais un album fini en décembre 2019 mais il n’avait pas cette couleur là, il était assez sombre, du Kalash Criminel comme d’habitude, et je me suis remis en question. Je me suis dit que c’était pas le bon choix, qu’il fallait prendre un peu plus de risques. Il fallait que je prouve, que je montre de quoi j’étais capable.

A : Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que tu te dises qu’il fallait faire autre chose ?

KC : Déjà l’envie d’innover et de me surpasser. Pour moi c’est primordial quand tu es à un certain niveau de toujours ramener de la fraîcheur. Et aussi l’état d’esprit, j’étais plus joyeux. Et un album c’est des prises de risques, des messages, des thèmes abordés, il faut toucher les gens et rapper fort. Les gens savent que je suis imprenable sur mon terrain, alors j’avais envie d’aller sur celui des autres, de montrer que je savais aussi faire d’autres choses.

A : Tu as gardé des morceaux d’avant décembre ?

KC : Oui on a commencé à bosser le projet un peu avant, et on est ensuite partis au Maroc, où on a fait trente morceaux. On en a gardé “Elle est Gang”, “Deathnote”, et le premier couplet de « Incompris ». Après « Incompris » ce n’est pas pareil, quand j’ai commencé à le faire je voulais mettre MC Solaar dessus, et au fur et à mesure que j’écoutais le morceau j’ai voulu le faire tout seul.

A : Tu devais avoir MC Solaar en invité sur ton album ?

Oui c’est ça. Après je devais avoir beaucoup de feats, et je ne les ai pas tous mis parce que ça ne correspondait pas à la couleur de l’album donc ils vont sortir après. Pour ce qui est de MC Solaar, on connaît des gens en commun et il n’y avait pas de problème pour qu’on fasse un feat ensemble. Mon pote lui avait parlé de moi et il était ok. Mais on n’a rien enregistré ensemble.

« Je suis pour la prise de risque tant qu’elle est bien faite. Il faut juste aller au bout de son idée. »

A : Tu parlais de prise de risques. Il y a souvent ce débat dans le rap français. Certains pensent que c’est quelque chose de bien, d’autres disent qu’il vaut mieux qu’un artiste fasse surtout ce qu’il sait faire…

KC : Après en France on est limité au niveau artistique. Tu as des artistes qui font la même chose pendant dix ans, ça marche, ils ne vont pas se prendre la tête. En vrai, c’est aussi le public qui décide. Si un artiste fait de la zumba et voit que ça marche, pourquoi il arrêterait d’en faire ? C’est comme une équipe qui gagne, on ne la change pas. Et si l’artiste sent que son public n’aime plus, il va se remettre en question et innover. Après il y a des mecs qui sont aussi des passionnés, qui aiment bosser et innover, que ça marche ou pas. Un mec comme Damso ça marche pour lui mais il se prend la tête sur sa musique, il tente des choses. Il y a des mecs qui sont des passionnés, d’autres non, c’est ça en vrai de vrai. Mais c’est vrai que les gens ont du mal quand c’est trop artistique, quand c’est trop nouveau, ils sont un peu perdus.

A : Tu penses que tu es quelqu’un qui aime prendre des risques ?

KC : Oui, à chaque projet. C’est vrai que RAS c’était d’abord très brut. Sur Oyoki j’ai fait des morceaux comme « Ce Genre de Mec », un morceau avec Jul, avec Keblack… Sur La Fosse Aux Lions on a aussi pris des risques avec « Encore », « Coltan », et là encore plus. Je suis passionné de rap, j’en écoute depuis tout petit, et c’est peut être ça qui joue aussi. Je n’attends pas qu’un fan me dise « il faut que tu fasses comme ça ». Je rappe comme j’aime et je fais ce que j’ai envie de faire.

A : Quand tu prends ces risques, est-ce que tu penses à la réaction du public ?

KC : Non, je fais mon truc. Après il faut bien le faire aussi. Si par exemple tu te lances sur un morceau rock et que c’est pété il ne faut pas y aller. J’essaie d’innover et de bien le faire. Un morceau comme « Turn Up », tu te lèves pas le matin et tu le fais comme ça. Il faut bien le faire, il faut mettre l’énergie, la prod est space. Je suis pour la prise de risque tant qu’elle est bien faite. Il faut juste aller au bout de son idée.

A : Dans une interview avec Rapelite tu disais qu’avec le temps tu t’étais vraiment mis à travailler. Selon toi c’est à partir de quel moment dans ta discographique que tu t’es dit qu’il fallait bosser ?

KC : C’est à partir de Oyoki. On l’a senti direct. Dans RAS j’étais assez brut, c’était rapper pour rapper, je restais dans ma zone de confort, et à partir de Oyoki je me suis dis « Je suis un passionné, j’ai envie de faire ce métier j’ai de la chance d’avoir autant de buzz, d’engouement, de gens qui me suivent, il faut travailler ». Il y a des mecs qui n’ont peut-être pas mon talent mais ils travaillent, ils auront peut-être un meilleur résultat que moi. Du coup je me suis remis en question et j’ai travaillé. Je me suis mis à écouter les conseils des mecs qui connaissent bien la musique comme mon beatmaker Rey Da Prince ou mon ingé son. Ce sont des mecs comme ça qui t’aident à innover. Et j’ai essayé de tout améliorer, les mélodies, les flows, les prods, les punchlines…

A : Comment tu les trouves ces punchlines d’ailleurs ? Tu les notes ?

KC : J’en note certaines pour ne pas les oublier, parce que je suis un mec qui écrit dans sa tête. Et j’en ai d’autres qui me viennent comme ça, souvent dans la douche. [Rires] Dans la douche je trouve la plupart de mes mélos. Je ne chante pas sous la douche mais je trouve des refrains incroyables. Celui de « Tarifs » c’était comme ça. J’écoutais la prod’, je n’avais rien, je vais sous la douche, j’ai trouvé le refrain. Ce que j’ai posé sous la douche c’est exactement ce que j’ai fait au studio après ! [Rires]

CONTRASTES

A : Ça fait un moment qu’on le sent dans ta musique, et c’est aussi le cas sur ce nouvel album, tu as l’air d’aimer les contrastes et les contrepieds. Comment est-ce que tu expliques cette envie de surprendre les gens ?

KC : C’est venu petit à petit… J’ai fait un feat avec Madame Monsieur, j’ai bossé avec Keblack, ça n’a rien à voir avec Kaaris, j’ai fait Jul ça n’a rien à voir avec Gradur. J’écoute de tout, notamment de la variété, je suis ouvert à tout. J’aime bien innover et faire des contrepieds, tout en le faisant bien, que les gens aiment des choses auxquelles ils ne s’attendaient pas. Regarde le morceau avec Damso, tout le monde s’est pris une claque au final.

Madame Monsieur - « Comme si j’avais mille ans » feat. Kalash Criminel

A : Pareil pour ton feat avec Nekfeu ?

KC : Oui ! Ça c’est un contrepied que personne ne voyait venir. À la base on voulait partir sur un morceau avec du texte, je voulais le mettre sur « Death Note »… Nekfeu c’est le dernier feat que je pose alors que c’était le premier avec Niska à m’avoir dit oui pour être sur l’album et je n’arrive pas à trouver la prod’, ça faisait huit mois que je le faisais attendre. J’avais envoyé pas mal de prods, il le sentait pas, il voulait quelque chose de plus énervé, et je suis tombé sur la prod’ de « Turn Up ». J’ai posé dessus, je lui ai envoyé et il était à fond. Nekfeu c’est un mec des festivals, on s’est dit qu’il fallait faire un son de concert. On aurait pu se dire que non parce qu’il n’y a plus de concerts plus rien, mais on ne s’est même pas pris la tête sur ça, on a fait ce qu’on voulait et je trouve ce morceau incroyable. Je pense qu’on va le clipper d’ailleurs.

A : Tu n’as pas pris des pastilles pour la gorge pour le refrain, ça va ?

KC : Non même pas ! [Sourire] J’ai bien géré ma voix, notamment grace à mon concert à l’Olympia où j’avais fait pas mal de répétitions et où j’avais travaillé là dessus. Mais ouais, j’ai hurlé. Ça m’a fait du bien carrément. [Rires] Et je ne voulais pas faire un morceau énervé à la Kalash Criminel habituel comme « Doutes » ou « Insta Twitter ». Je voulais que ce soit toujours énervé et que ça change.

Kalash Criminel - « Turn Up » feat. Nekfeu

A : Je reviens sur les contrastes. Tu as envie que les gens ne te voient pas uniquement comme un rappeur hardcore ?

KC : En vrai je n’ai pas envie qu’on me voit uniquement comme un rappeur, je ne vais pas faire que du rap dans ma vie. Je pense par exemple faire de la variété. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois j’ai envie de faire un truc avec Obispo ou Florent Pagny. J’ai d’ailleurs déjà vu Florent Pagny, on a déjà parlé. On s’était vus dans une soirée. T’as vu je suis dans des soirées huppées moi ! [Rires] Il m’avait dit qu’il avait entendu mon morceau “La Sacem De Florent Pagny” et on a bien parlé. C’est un bon gars !

A : Mais vous ne vous êtes pas dit que vous alliez faire de la musique ?

KC : Ah mais lui il est ouvert à tout ! Il est chaud. Si ça se trouve si je l’appelle on peut se faire ça demain, on sait pas.

A : Tu t’appelles Kalash Criminel, ton gimmick principal dans ta musique, c’est « Sauvage ». Tu n’as jamais eu peur qu’on s’arrête aux aprioris quand on te voit ?

KC : Les gens s’arrêtent souvent à ça en vrai, alors qu’il y a plus que ça. Il y a du vrai rap, il y a un vrai artiste, ce n’est pas que de la sauvagerie. Après c’est voulu un peu aussi à la base. Quand je dis dans « Insta Twitter » que je n’étais pas là pour percer à la base mais pour leur faire peur, c’est vrai. Je ne m’attendais pas à tout ça, j’étais juste là pour les titiller et leur faire peur. Et ça a pris une autre ampleur.

A : C’est après R.A.S que tu t’es dit qu’il ne fallait pas que tu t’enfermes là dedans ?

KC : Oui. Parce qu’en vrai je n’ai pas besoin d’en faire trop : Kalash Criminel, cagoule, Sevran c’est déjà trop pour les gens. C’est un challenge que je me suis mis : rester comme je suis mais aller le plus haut possible. Je m’appelle Kalash Criminel, je suis cagoulé, mais ça ne va pas m’empêcher d’aller à la télé, d’être super connu ou de faire des concerts. Je pars avec des handicaps, ce n’est probablement pas au journal de TF1 qu’on risque de me voir. [Sourire] Mais j’ai envie d’arriver à un niveau où je ne laisse plus le choix aux gens.

A : Tu dis que tu es parti avec des handicaps. Tu as des regrets par rapport à l’image que tu as installée au départ ?

KC : Non, je n’ai pas de regret parce que c’était voulu. C’est jusque que je ne m’attendais pas à ce que les choses prennent autant. Ce que j’ai déjà c’est énorme, je ne peux pas cracher dessus. Je ne m’en rends pas toujours compte mais c’est d’autres rappeurs qui me le disent : « Gros ce que tu fais déjà c’est énorme. Tu t’appelles Kalash Criminel tu es cagoulé, tu vends autant, tu fais autant de concerts, c’est incroyable ». On n’a pas tous la même trajectoire ni le même parcours. Moi je sais que je ne vais jamais aller faire le journal de 20h de TF1 alors que d’autres rappeurs oui. Mais c’est pas grave.

« Les gens aiment bien dire « Oui le rap c’est violent » mais c’est la vie qui est violente. »

A : On sent que tu es ouvert, prêt à collaborer avec d’autres gens. Mais est-ce que tu penses que les autres genres musicaux sont aussi ouverts que toi ?

KC : Franchement oui. Dans la chanson, Michel Polnareff m’a envoyé un tweet il y a pas longtemps ! Les gens étaient choqués ! C’est incroyable je ne m’attendais même pas à ça. Il m’a DM sur Insta et il a vu que je n’avais pas vu son parce que je reçois trop de DM du coup il m’a aussi écrit sur Twitter ! Je l’appelle Big Mich maintenant. On a échangé deux trois DMs mais je crois que je vais demander un feat ! [Rires]

A : Tu écoutais Polnareff ?

KC : Oui, t’es obligé. J’ai toujours écouté beaucoup de variété. Par exemple Florent Pagny, j’aime vraiment sa musique. « Soldat », « Savoir aimer » je les ai saignés. Joe Dassin aussi. Je suis tombé dessus à la télé, dans des pubs, et j’ai écouté le reste. Mes parents écoutaient de la musique mais c’est souvent moi qui découvrais des choses tout seul. J’écoutais aussi de la musique à la maison parce qu’au Congo il n’y a que ça, mais pour la variété c’était en même temps que le rap, en 2002, quand j’étais vraiment jeune. [il réfléchit] Je pense que ce qui m’a aidé dans la vie en général c’était l’école. J’avais des bonnes notes, et j’avais des facilités. Et quand je suis allé à l’université à La Sorbonne j’ai fréquenté des mecs que je ne croisais pas à Sevran, donc j’ai eu très tôt une certaine ouverture d’esprit, Je n’avais pas de problème à rester avec des premiers de la classe ou des types qui traînaient à la cité, ça m’a appris à ne pas juger. Je partais par exemple chez mon pote, son père était avocat, il avait une villa dans le 78 et le soir je rentrais à Sevran dans le hall 14, je ne me sentais pas dépaysé. Ce sont des choses qui m’ont aidé dans la vie en général.

VIOLENCE

A : Dans ta musique et dans Sélection Naturelle particulièrement, il y a un thème qui revient souvent c’est celui de la violence. Je pense notamment à « Shooter ». D’où est-ce que ça te vient ?

KC : Je vais te répondre clairement : la violence, c’est au quotidien. C’est un mec qui dort sur un trottoir, que personne ne voit. L’hiver quand je passe en voiture et que je vois des gens qui dorment dehors dans le froid ça me fait mal au coeur, je suis obligé de m’arrêter pour les aider un peu, ce sont des choses qui me touchent. La violence, c’est les gens qui se font expulser de chez eux, c’est les bavures policières, et on vit dedans tous les jours. C’est juste que des fois on pense trop à soi-même au lieu de regarder à côté. Il faut juste lever la tête, et voir qu’il y a de la violence partout. Les gens aiment bien dire « Oui le rap c’est violent » mais la vie elle est violente. Se lever à 6h du matin, aller travailler et rentrer chez soi à 20h et gagner 1500 euros, c’est violent wesh ! Des fois il n’y a même pas de RER, tu n’as pas d’argent, t’as six enfants, c’est violent. On vit dans un environnement qui est violent. Tu es obligé de te battre. Il ne faut pas s’arrêter uniquement au rap.

A : Quel rapport est-ce que tu as avec cette violence justement ?

KC : J’aime bien la retranscrire et être vrai, mais je n’aime pas inciter. Je te dis pourquoi je l’ai fait, mais je te dis les conséquences qu’il y aura derrière. Ce n’est pas du rap bête et méchant que je fais, quand je parle de drogue je vais te dire que ça ramène de l’argent, mais qu’il y a la police, ou alors que c’est soit la mort soit la prison. J’aime bien expliquer aux gens où ils mettent les pieds. C’est bien de rapper la violence mais il faut être réaliste : les gens parlent de tirer, mais ils ne savent pas que quand tu tues quelqu’un il y a une famille en pleurs. On rappe la violence mais on ne parle jamais des conséquences.

Kalash Criminel - « Shooter »

A : Pourquoi est-ce que c’est quelque chose qui fascine autant selon toi ?

KC : Sur les réseaux tu vas avoir plus de likes et de RT si tu postes une bavure policière qu’une photo de toi en train d’embrasser ton fils. Ça vend la violence. Il faut dire la vérité. Les gens ils veulent voir du sang, ils aiment ça…

A : Et musicalement, est-ce que la violence – sonore cette fois-ci – t’intéresse ?

KC : Ça c’est lourd par contre parce que ça permet aux gens de se déchainer, de décompresser. Je me rappelle, quand je passais le bac j’écoutais de la musique qui tabassait qui me donnait envie de réussir. Et moi les gens qui m’écoutent, j’ai envie que ça leur donne aussi envie de tout arracher. Et j’ai que des retours comme ça : « Ta musique me donne envie de tout arracher au sport”, “quand je vais à l’école je suis déterminé ». Il n’y a aucun mec qui est parti tirer à cause de Kalash Criminel, c’est faux ça. On regarde des films, ça tue, ça braque, mais aucun mec n’est parti tirer pour un film. Alors encore moins pour du rap.

CONSCIENCE

A : Sur cet album, de la pochette aux textes, tu évoques  les violences policières, le Congo, les albinos. C’est ton album le plus politique, le plus engagé ?

KC : Au début de ma carrière je n’étais pas engagé. Je faisais mes projets, je dénonçais beaucoup, mais je n’agissais pas. Et l’engagement, pour moi ça va en fait au delà de la dénonciation. Ça s’associe à des actes. Je parle par exemple des albinos sur cet album et j’aide vraiment les albinos au quotidien. Le fait des les mettre en avant dans mes clips, je les rend plus visibleS. Lorsque je fais des dons de crème solaire aux Albinos en Afrique, ça les aide vraiment aussi

A : Tu es donc particulièrement engagé sur le sujet des albinos ?

KC : Sur les albinos, sur l’Afrique, même sur les plus démunis en France. Moi je suis chaud pour faire des maraudes, aider les gens. Tant que la cause est noble et juste je suis prêt. Si ça ne me parle pas si c’est bizarre par contre c’est non. Il y a beaucoup de politiciens, même des maires de Sevran qui viennent me dire qu’ils aimeraient bien qu’on fasse une campagne ensemble, et je n’aime pas trop me mélanger avec des gens comme ça. On ne connaît pas trop leurs intentions, ce qu’ils traînent comme casserole.

A : Comment tu t’informes sur tous tes sujets ? On a l’impression que tu es un vrai expert en géopolitique.

KC : [Rires] Tout le monde pense ça ! En vrai je me renseigne, je connais beaucoup de gens qui ont fait de la politique, mon père a aussi fait des études sur le sujet. On parle tous les jours, chacun donne son avis, je me fais mon propre point de vue et je pose. Je regarde aussi beaucoup de documentaires. J’aime beaucoup les documentaires animaliers et les documentaires sur l’histoire. Mais pas sur internet, il y a tout et n’importe quoi. J’aime bien la chaîne Histoire par exemple. En fait, quand je parle de quelque chose j’aime bien vraiment connaître le sujet parce que après tu peux être coincé si tu n’es pas calé dessus. Tu ne peux pas parler de sujets politiques comme si tu parlais de la vie à la cité, il faut être bien renseigné, c’est important.

« J’aime bien aussi utiliser des feats pour faire passer des messages. Parce que tu as plus d’audimat, les gens t’écoutent. »

A : Tu es d’ailleurs réputé pour tes punchlines politiques au milieu de tes paroles. Au lieu de faire un morceau sur les violences policières tu vas plutôt en placer une en plein morceau.

KC : Exactement, parce que faire des morceaux entiers, c’est relou aujourd’hui. Les gens n’aiment plus trop les morceaux à thème. Alors qu’une punchline subtile dans un son qui n’a rien à voir ça va plus marquer les gens. Si tu as un mur blanc et que tu mets un point noir au milieu, ça va focaliser l’attention. Et j’aime bien aussi utiliser des feats pour faire passer des messages. Parce que tu as plus d’audimat, les gens t’écoutent. Faire passer un message sur les albinos ou la tolérance dans des feats comme « But en Or » avec Damso, ou « Arrêt du Coeur » avec Kaaris, ça a marqué les gens. C’était vraiment important pour moi.

A : Tu penses qu’à ton niveau tu arrives aussi à avoir une influence sur le sujet des albinos en Afrique ?

KS : Oui de fou. Je l’ai vu quand je suis allé en Côte d’Ivoire pour faire des dons de crème solaire. Je sors avec tous les albinos, il y a au moins 2000 personnes. Et ils me disent “Ils sont là pour toi et ils t’idolâtrent. Alors que dans la vie de tous les jours ils nous insultent. Ils t’adorent alors que tu es comme nous.” J’ai été obligé de faire un rappel aux gens qui étaient là, et ils ont réalisé que j’avais raison. Ce n’était pas logique de m’aimer moi et de les rejeter eux. Si vous m’aimez vous devez les aimer aussi. Ce n’est pas parce que je suis artiste que je suis différent d’eux. C’est comme un mec qui aime bien Michael Jordan mais qui n’aime pas les noirs. C’est pas logique. Kalash Criminel il est comme tous les albinos, il fait juste de la musique.

A : Tu as l’air toujours très attaché à ton pays de naissance le Congo. Comment est-ce que tu fais pour garder un pied là-bas ?

KC : J’ai beaucoup de famille là-bas, mon père notamment qui est encore sur place, et ça m’aide à avoir des infos, connaitre la situation du pays. Je n’y suis pas retourné depuis 2010 mais je prépare un concert et du caritatif. Mais je ne peux pas partir là bas pour des vacances sinon je ne vais pas pouvoir vivre, ce serait l’émeute. Sur l’album je dis « Je suis tellement aimé dans mon pays que je pourrais être Président » c’est vraiment vrai. Le fait que je défende le pays, que je le défende tout le temps, ça les touche vraiment. Même le fait de mettre des mots en Lingala ça leur parle. Mon père me surnomme d’ailleurs le roi du Congo depuis « But en Or ». [Rires]

A : C’est quand même beau qu’une personne albinos comme toi soit autant aimée en Afrique.

KC : Aimé tout court, pas qu’au Congo. Je n’ai pas eu beaucoup d’amour. À part ma mère, mes parents, je n’étais pas un mec que tout le monde aimait bien quand je sortais dehors. Le fait de recevoir autant d’amour ça me fait trop plaisir. Je me rappelle par exemple des gens qui disaient sur internet : « Il ne vas jamais percer parce qu’il est albinos ». J’avais lu ces commentaires et ça m’avait touché. Et maintenant que j’ai percé ils disent « Ouais mais il a percé parce qu’il est albinos ». C’est pour ça que sur « But en Or » je dis « Ils se moquaient de mon albinisme mais c’est ça qui fait ma force ». Ils n’ont pas compris ce qu’ils étaient en train de faire. Je me suis dis « Ok tu vas voir si je ne vais pas percer ». Et j’y suis allé à fond.

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