DJ Fab, l’élément observateur
Interview

DJ Fab, l’élément observateur

DJ Fab est un vétéran du hip-hop français et une figure emblématique de sa face underground. État des lieux.

et Photographie de Une : Ronay
Photographies dans le texte : Tonton Steph

Dans l’hexagone, rares sont ceux qui peuvent porter un regard sur 35 ans de hip-hop en France. DJ Fab est l’un d’eux. Des soirées au Globo aux studios de Générations, de sa place auprès d’EJM à celle aux côtés de La Caution, de disquaire à la FNAC Montparnasse aux concerts Hip-Hop Resistance montés avec Awer, DJ Fab est peut-être l’un des personnages les plus emblématiques de l’underground en France. En 2013, il avait donné une large interview à nos confrères de Down With This. Alors plutôt que de demander à Fab de raconter à nouveau son histoire, voici sa définition du rap, du hip-hop, mais aussi et surtout du deejaying à travers une vingtaine de mots-clefs. Entretien fragmenté avec un DJ discret, au sens de l’observation aiguisé par la passion et la générosité.


Le Globo

Dans la deuxième moitié des années 1980 et en mettant de côté la scène breakdance, si tu avais envie de participer à la culture hip-hop ou de voir et vivre des choses qui te correspondent, Le Globo était le seul endroit où tu devais aller. En général, c’était quelqu’un qui t’y emmenait. Moi des potes m’ont dit « viens là-bas, c’est hip-hop, il y a des breakers, ça défonce. » La vérité, c’est que tu as un peu peur. Tu ne sais pas trop comment ça va être, c’est encore quelque chose d’obscur pour toi, tant que tu n’y as pas été, tu ne sais pas à quoi t’attendre. Il n’y avait pas tous les reportages, les livres d’aujourd’hui qui racontent comme c’était. Tu suis tes potes, et quand tu fous les pieds là-dedans… Tu n’es pas clair ! [Rires] La première fois, tu ne danses pas mais tu observes. Tout, absolument tout. Tes yeux deviennent un sampler : comment les mecs sont habillés, comment le DJ est posé, comment les basses arrivent, tout est une information. Même à New York je n’avais pas vécu ça, tout simplement car je ne sortais pas beaucoup. Ce n’est qu’après avoir été au Globo que j’ai mis les pieds dans une soirée hip-hop du Bronx, une vraie, pas celles du Roxy où c’est très différent, car le DJ est loin et la culture clubbin’ est prégnante. À l’époque du Globo, je marchais beaucoup avec Clyde, qui était mon voisin. Mais je marchais beaucoup aussi avec DJ Maxx qui était dans les Hypnotik avec Clyde et Asko. DJ Maxx, c’est ce mec dont personne ne parle alors qu’il a gagné l’un des championnats de France. Il était aussi un très bon beatmaker. Je connaissais Jacques Massadian de Radio Nova, j’étais déjà DJ et mon nom a tourné. Pour finir, on m’a proposé d’être l’un des DJs du Globo. Je suis venu avec ma petite pile de disques, et je jouais avant Dee Nasty. C’est un honneur de dingue pour moi. On est face à des b-boys, des mecs qui ont envie de danser sur des bons beats, des bons skeuds cainris. L’ambiance était forte, fat, il fallait juste leur donner ce qu’ils voulaient, c’est à dire du bon son pour danser. Dee Nasty, DJ Jo, Maxx, et moi étions les principaux DJs, il y avait Jaid de la Zulu Nation qui passait des disques également, Queen Candy était dans les parages aussi. Dee Nasty était vraiment le king. En tant que DJ, tu sais que tu vas être tout petit comparé à son set, mais ce n’est pas grave. Tu mets tes bons skeuds, tu fais ton truc et tu essaies de montrer que tu sais ce que tu fais. Il fallait s’imposer, montrer quelque chose. Il y avait aussi un côté sulfureux au Globo, c’est d’ailleurs souvent ce côté-là dont on parle le plus aujourd’hui. Oui, il y avait des bandes et des tensions, ça nous a fait du tort dans la culture hip-hop d’ailleurs, mais on devait faire avec. Je n’ai pas envie que le mauvais occulte le bon, ni de nourrir une sorte d’apologie ou de mythologie sur les embrouilles de l’époque. Je préfère qu’on retienne tout le côté musical de cette histoire. Le Globo a permis de véhiculer le hip-hop quand ce n’était encore rien en France. La vérité, c’est que tensions ou pas, Le Globo était un endroit où il fallait être. Si tu n’y allais pas, tu ratais un truc.

Disquaires

Quand tu es pris dans l’engrenage du deejaying, il te faut des disques. Une évidence s’impose : travailler chez un disquaire. Dee Nasty était coursier pour Caramel [importateur de disques pour les magasins, se reporter à cet entretien de Dee Nasty sur hhvs.fr, NDLR], personne ne pouvait rivaliser avec ça. Moi, j’achetais beaucoup mes disques à la FNAC Montparnasse, qui avait un peu de hip-hop au milieu du rayon funk. J’étais tout le temps fourré là-bas et j’étais un peu le casse-couilles de service, le mec hyper collant qui lâche rien. [Rires] Je deviens pote avec un vendeur qui s’appelle Thierry, et je finis par lui demander s’il n’y a pas un poste pour moi. Il me demande de formaliser ma candidature. Je le fais et quinze jours après, je suis embauché… Au rayon où il y a le hip-hop ! Je ne sais plus si je commence en 1988 ou 1989, mais ce dont je me souviens, c’est qu’en étant là-bas, je vois tous les disques arriver avant tout le monde. Je suis à la source ! La FNAC Montparnasse était, avec Champs Disques et une autre boutique de Montparnasse [très probablement Soul Finders, fondé par Yamani « Momo » Dazi, NDLR], l’endroit où tu avais la primeur des sorties. Le rayon rap n’était pas énorme, mais j’y ai vu passer énormément de monde. En tant que DJ, être à la source des disques, ça te simplifie la vie. J’étais comme un poisson dans l’eau et je crois pouvoir dire que je faisais très bien mon job. Sauf qu’avec tous ces disques sous les yeux en permanence, il y a un moment où tu craques. Mon rêve était d’avoir des disques au point que ça remplirait ma chambre, pour les jouer mais aussi pour la collection. Alors au bout d’un an je me suis mis à en détourner. Tu en vois tellement que si tu es passionné, tu ne peux pas faire autrement… Tu es jeune, tu vois que tu arrives à faire sortir des vinyles, tu penses connaître tous les pièges et tu prends confiance. Sauf qu’évidemment, tu finis par te faire griller. C’est comme ça que je me suis fait virer.

EJM

Je rencontre EJM en 1990 ou en 1991, je ne sais plus exactement. [Probablement plutôt en 1990 ou avant, puisque les premiers titres d’EJM auxquels participe Fab sortent discographiquement en 1990, NDLR] Il cherchait un DJ, il m’avait entendu au Globo et on a été mis en contact. Plus que son DJ, je suis devenu très vite son ami. C’est avec lui que j’ai appris ce qu’est être un DJ derrière un MC, ce qui est fondamentalement différent d’être DJ de soirée. J’ai appris sur le tas, j’ai fait plein d’erreurs notamment dans les rapports aux maisons de disques. [Rires] EJM m’a mis en avant dans le clip d' »Élément dangereux », sur les visuels, mais moi je ne voulais pas être dans la lumière. Je suis son pote, je vivais mon petit rêve tranquille, être son DJ me suffisait. Dans « Élément Dangereux », lorsqu’il me dit « Fab, Fab Lover, qu’est-ce que tu leur dis ? » et que je lui réponds bêtement et spontanément « comme toi », c’est vraiment le reflet de comment je vivais tout ça. Aujourd’hui encore on me demande pourquoi j’ai dit ça. [Rires] Mais j’étais ému d’être interpellé de la sorte, de devoir dire quelque chose au micro, j’étais vraiment comme un gamin. [Sourire] Je ne savais vraiment pas quoi dire ! EJM me disait « viens dire un truc » mais dans ma tête je n’y arrivais pas. Et il garde ce « comme toi » en plus, dont on me parle encore trente ans plus tard. Comme quoi la musique ça reste ! Et finalement, ça me va bien car quelque part, ça reflète la place que j’ai toujours voulu avoir en tant que DJ : ne pas supplanter le MC, être à son service. J’adore cette phrase de DJ qui dit : « speak with your hands. » J’apprécie le retrait du DJ, je n’ai jamais voulu être quelqu’un dans la lumière. Si tu regardes un peu ma carrière, hormis Hip-Hop Resistance où je me suis un peu mis en avant car on voulait développer quelque chose, j’ai toujours aimé ce retrait. Parle avec tes mains, c’est vraiment ça mon truc. Même tout ce qu’il se passait avec les maisons de disques, je ne calculais pas. J’observe juste ça, inconsciemment je me structure dans ma tête tout en vivant mon petit rêve. Quand EJM signe avec BMG, je ne comprends qu’après que ce n’est que EJM qui a signé. Moi je n’étais pas dans le deal. Quand je lui demande pourquoi je n’ai pas signé, il m’explique avec gentillesse que les maisons de disques ne signent pas quelqu’un pour des scratches sur un album. C’était la vérité de l’époque, ça ne m’a posé aucun problème. Ce n’est qu’un peu plus tard, pour l’album État de choc, que je signe des papiers avec BMG. Je rentre dans le système, les points de rémunération, les déclarations SACEM, mais ça restait quelque chose qui n’était pas limpide pour moi. Ce qui compte, c’est l’aventure humaine et artistique. Je fais de la musique, je suis avec des potes, on voyage, on fait des concerts, on gagne un peu de thunes, ça m’allait très bien, je ne demandais rien de plus. Puis je suis parti vivre aux États-Unis. À partir de La Rue et le biz, je ne suis plus là. DJ Maxx et The Mighty Bop bossent avec lui, ils le font bien, j’étais à l’étranger, je n’allais pas forcer pour continuer à en faire partie alors que j’étais à des milliers de kilomètres.

Studios

Je suis entré dans des studios professionnels au tout début des années 1990 avec EJM. Quand tu rentres dans les studios professionnels, ça te fait vachement progresser. La première fois que tu y mets les pieds, tu n’as qu’une vague idée de ce que c’est. On te dit de prendre ta table de mixage et que tu vas scratcher sur tel instru. Tu débarques et tu as des grands écrans, du matos partout et surtout le son pète ! Un ingé-son que tu ne connais pas te dit : « c’est à toi, pose ton refrain scratché. » Tu t’y attaques et là évidemment, la séquence de scratches que tu rentres normalement à chaque fois ne passe pas… Tu te rends compte qu’il faut être un métronome. Quand tu refais quarante fois une prise, tu apprends très vite ce qu’est le studio. [Rires] En plus à l’époque, tu avais des ingé-son qui n’avaient pas trop le temps ou la patience pour le rap. Ils n’avaient pas cette culture, n’avaient pour la plupart jamais fait de rap. Ils ne connaissaient pas trop la couleur du son qu’on recherchait, ne savaient pas comment un DJ pouvait se placer, ni comment mixer des scratches pour que ça sonne bien. Quand tu écoutes les premiers disques d’EJM, dans le mixage, tu entends que ça ne sonne pas hip-hop. Tu n’as pas le « boom boom » du rap, c’est un son qui claque, pas au sens figuré, vraiment au sens sonique. Ça ne fait pas hip-hop. Au fur et à mesure, on a appris à comprendre ce qu’était le studio, à repérer les ingés-son avec lesquels on pouvait bosser, et finalement à comprendre les ficelles du métier. Même aujourd’hui avec les home-studio, je souhaite à tout le monde d’aller en studio professionnel un jour, car c’est une expérience importante. Ça l’était encore plus pour nous à ce moment où le rap commençait à peine à être produit sur disques. Il y avait quelque chose de magique, on avait tous envie de finir dans un studio professionnel. C’était un aboutissement, quelque part, ça montrait que ta musique accédait à un certain statut, ça te donnait aussi l’impression de bosser. Beaucoup de rappeurs français de l’époque ont eu leur première expérience de gros studio avec Rapattitude, mais nous ça n’a pas été le cas. « Élément Dangereux » c’est une production de JMG des New Generation MCs, et on a été enregistré dans un petit studio sur la butte Montmartre, dont je n’arrive pas à me rappeler du nom. Je fais mes scratches là-bas, où un mec a son Atari et gère bien son truc. Avec EJM, le plus gros studio qu’on a pu faire, c’est La Grande Armée avec Mitch Olivier à la console.

Production

Quand je produis « Rebel is back » ou « Renégat » sur État de choc d’EJM ce sont vraiment les balbutiements de la production pour moi. Je suis sur Atari ST, c’est l’époque où l’informatique est hyper balourd. Ce n’est qu’après que je découvre le S950, la S1000, et ce sera avec ces machines que la folie commencera. Au début, je n’aimais pas trop produire, ce n’était pas logique pour moi, mais on me faisait comprendre – et j’avais compris – que pour prendre de l’ampleur, il fallait savoir faire autre chose qu’être aux platines. Et c’est vrai qu’aujourd’hui encore, mis à part Qbert – et encore il fait de la prod’ – si tu veux savoir voler de tes ailes en tant que DJ, il faut savoir produire. Moi, je m’y suis d’abord mis parce que j’avais envie de comprendre ce qu’il se passait sur les skeuds que j’achetais. C’était vraiment une façon de décrypter ce que j’écoutais. Au fur et à mesure, tu te prends au jeu, tu te laisses emporter et tu achètes du matos. Pour un DJ, le problème de se lancer dans la frénésie du beatmaking, c’est que tu délaisses tes platines. Ça m’est arrivé quand je fais le maxi avec TTC [Game Over 99 / Trop frais, NDLR], juste avant qu’ils signent chez Big Dada. À cette période là, j’ai une SP-1200 le S950 et je suis à fond dans la production. Et un jour je me suis rendu compte que je n’avais plus la même dextérité aux platines. « Mais Fab, qu’est-ce qui t’arrives, tu ne sait plus scratcher ? » Non, tout simplement, je me suis trop enfermé dans mes machines, il faut continuer à s’entraîner sur les platines ! Si tu ne le fais pas, il t’arrive ce qui est arrivé en tant que DJ à Pete Rock. Aujourd’hui, il est pété en tant que DJ. La dernière fois que j’ai joué avec lui, c’était d’une tristesse… Et pourtant, quand tu réécoute son émission Future Flavas avec Marley Marl, en tant que DJ il était génial ! Mais aujourd’hui ? Plus rien. OK il a bouffé avec la production, il a fait un nombre incroyable de remixes, mais à quel prix ? Au moment où il a tellement bouffé grâce à la production, il s’est laissé emporter. Et aujourd’hui en 2020 ? Il est obligé d’essayer de tourner en tant que DJ pour gagner sa vie. Et quand tu le vois aux platines, tu te dis : « c’est ça Pete Rock ? » Alors OK, il est important de savoir produire. Mais en 2020, ta meilleure assurance pour manger, ce sont les platines, pas le beatmaking. En longévité, le deejaying m’a bien plus nourri que la production. Aujourd’hui, le beatmaking, c’est du low-budget comme disait Kev Brown. Tu vois des productions vendues sur internet à 30€ : mais qu’est-ce qui s’est passé les mecs ? Les beatmakers se sont laissés dépasser par plein de trucs, beaucoup de gens s’y sont mis aussi, car la technologie a rendu ça plus accessible, donc forcément, il y a beaucoup plus d’offre. Je ne dis pas que Kev Brown est le meilleur beatmaker du monde, mais quand je le vois vendre ses productions quelques dizaines d’euros sur internet… C’est dur !

Influences

J’ai eu beaucoup d’influences. Elles sont assez attendues : Ultramagnetics MCs, Marley Marl ce genre de choses. DJ Premier évidemment, après No More Mr. Nice Guy, Pete Rock aussi. Même Mantronix pour ce côté electro funk et hip-hop. Prince Paul qui arrive avec des trucs complètement décalés pour De La Soul, Jay Dee et le côté suave et chaloupé bien sûr, où tu te dis « comment il fait pour retourner des boucles avec des beats comme ça », et même Timbaland, car je n’ai jamais compris comment il faisait… La liste est longue, il y a aussi Def Jux, Rawkus bien sûr, surtout Company Flow. Eux ont ouvert la porte à quelque chose de différent, un boom-bap décalé, notamment sur les beats. Ça peut paraître anodin aujourd’hui, mais à l’époque, tu te disais : « une production sans charley ? Mais c’est quoi ça, c’est pas bien ! » [Rires] El-P est arrivé à faire autre chose tout en restant très hip-hop. Il y a aussi ce côté complexe mais très bien fait, comme le fait La Caution d’ailleurs. Ils ne sont pas off-beat mais ont un placement qui se distingue des schémas classiques. Avec Company Flow, tu sentais qu’une porte s’ouvrait, c’est le genre de groupe qui, à cette époque où on était sur des vraies règles, a tout changé. Ils n’ont pas été assez crédités pour ça. Mais je crois que le truc qui m’a le plus retourné, c’est le deuxième volume des Soundbombing. [Célèbre compilation de chez Rawkus dont les trois volumes sont sortis entre 1997 et 2002, NDLR] De mon point de vue, c’est un chef d’œuvre. Ça rassemble à la fois ce que j’aime en rap, en production, mais aussi en deejaying. C’est une compilation où tous les rappeurs défoncent, où tu découvres Eminem, Mos Def, et les Beat Junkies ont mixé le tout au point que tu ne sais plus si c’est une mixtape, une compilation, ou un album. Ça a une telle identité ! Soundbombing et Lyricist Lounge, c’est tout ce que j’aurais voulu faire en tant que DJ, car c’est vraiment ça : un truc qui à l’identité d’un album tout en étant une mixtape. Tu vois le talent de Babu, de J-Rocc, tu te dis qu’ils ont tout compris. Tu ne peux pas passer à côté de ça quand tu aimes le hip-hop.

« Soundbombing 2, c’est vraiment l’illustration de ce que j’aurais voulu faire en tant que DJ. »

Hip-Hop Resistance

Avec Awer, quelque part c’était cette démarche à la Soundbombing qu’on voulait faire, mais façon concert. On trouvait qu’à Paris, il n’y avait plus ce qu’IZB avait réussi à ramener. [IZB était un collectif hip-hop, notamment connu pour avoir organisé des événements mythiques à Paris durant la première moitié des années 1990, NDLR] Désormais, les concerts étaient soit trop chers, soit ne programmaient pas ce qu’on avait envie d’entendre. On se dit qu’on va créer une alternative, surtout Awer qui était visionnaire. Évidemment, on crée ça sans avoir d’argent. Je passe d’un boulot de DJ et beatmaker à celui d’un mec qui organise des concerts. La chance qu’on a, c’est que c’est le tout début d’internet, des blogs, etc. Le premier truc qu’on fait, c’est inviter Mr Len de Company Flow. On fait ça au Batofar et là, super bonne suprise : c’est blindé ! Alors évidemment, on enchaîne. Comme on n’avait pu que payer Mr Len, on avait fait qu’un DJ set, même si je crois que des rappeurs français étaient venus poser en mode open-mic. Pour le second concert, on décide de mettre des MCs face à face, et là, on fait un concert qui met face à face le label de DJ Lefto, Brick 9000, et Kerozen. Il y avait TTC, La Caution, cette fameuse scène dite alternative. Puis on se met à faire des têtes d’affiche américaines ou étrangères, comme la soirée consacrée au label Superrappin par exemple. On invite vraiment des gens qu’on considère comme des pointures : Living Legends, Madlib grâce à Wildchild avec qui on était potes. Plus tardJ Kozi nous rejoint, car il a vraiment la même vibe musicale que celle qu’on défend, en plus d’avoir des très bonnes qualités techniques. Je crois que niveau concert, on a été avant-gardiste sans le savoir. On allait vraiment chercher la crème de cette scène indé américaine. On tient notre truc, puis Awer décède brutalement en 2009. [Les archives de 90BPM.net proposent un entretien avec Awer, qui complète tout le propos tenus par Fab, NDLR] On a continué à faire des plateaux, mais avec le temps, les gens sont moins venus. L’époque changeait, le rap indépendant américain attirait moins. L’avant dernier concert que je fais, je réunis Artifacts, pour la première fois en France. Quand je mets le flyer sur internet, j’ai cru que j’allais faire un stade de France. [Rires] Les gens se déchaînaient, la date était vraiment vécue comme un événement. Pourtant, au final, on a fait que 277 entrées. « Où sont les gens ? » Franchement, je l’ai un peu mal vécu, mais je n’ai pas baissé les bras. J’enchaîne sur Kool Keith avec Kut Masta Kurt et on fait à peine plus de cent personnes… Là, j’ai pris un vrai coup derrière la tête. Je me suis dit qu’il était tant de changer mon fusil d’épaule et de penser à ma gueule. Je n’ai plus l’envie, je suis fatigué, donc j’arrête. C’était un changement d’époque, qui arrivait doucement. Quand on avait lancé Hip-Hop Resistance, il y avait une vraie demande, un engouement, les gens avaient besoin de ces concerts. Mais au moment où je fais Kool Keith, ce n’est plus pareil. Déjà, c’était au Glazart, et pour certaines personnes, ce n’est plus Paris… [Le Glazart est une salle située Porte de la Vilette, NDLR] Mais surtout, il y a d’autres promoteurs qui s’imposent, et on était trop underground. Il aurait fallu s’ouvrir un peu plus, mais ça aurait été mentir, à moi-même et au souvenir d’Awer. Je n’ai pas su faire plus gros. Et puis c’est le début de cette période où les gens étaient plus sur internet que dans des concerts. C’est sur la toile qu’ils vivaient leur truc. Tu fatigues, tu te dis que si tu continues comme ça, tu vas à la ruine. Il faut se protéger.

Scène alternative

À l’époque, j’ai cru à cette idée de scène alternative française. J’étais pote avec tous les gens-là. Delleck c’est mon pote, je le connais depuis le milieu des années 1990. Fuzati a été un ami proche, TTC j’ai produit pour eux et on se connaît très bien. À l’époque, le rap français connaissait le succès à travers des sons très cailleras. Nous, on ne s’y reconnaissait pas, on recherchait une autre émulation. Quand j’accueille James Delleck sur une de mes mixtapes en 1997, ou quand j’enregistre Teki dans un couloir chez ma mère, je vois des mecs qui ont une liberté artistique incroyable. C’était ça qui était mortel : ils n’avaient pas peur de se faire juger et tous démontaient à leur manière. Moi le rap français me fatiguait et voir ces mecs, c’était frais ! Quand je faisais déjà mes mixtapes Underground Explorer, sur lesquelles j’invitais TTC ou James Delleck et d’autres mecs, lorsque je les déposais chez LTD où d’autres magasins, si tu savais comment on me regardait : « Mais c’est qui ces MCs ? Qu’est-ce que tu veux vendre avec ça ? » Je m’en fous, j’ai fait ce que j’avais à faire. Quand il y a eu L’Antre de la folie, ça a changé la donne parce que c’était un peu plus officialisé. J’y ai cru à fond, pour moi c’était notre Lyricist Lounge. [Sourire] Mais on n’a pas su prendre le pas, parce que des gens ont quitté le navire, sont partis à gauche, à droite, et c’est normal, chacun a défini son chemin. Au fur et à mesure, il y a eu les signatures pour certains, les choix artistiques d’autres, et on a pas su faire de cette dynamique quelque chose. Les gens ont envie de voler de leurs propres ailes, ils se disent qu’ils n’ont pas besoin de faire parti d’un collectif, et encore on ne se définissait pas comme collectif, on se disait juste qu’on était ensemble. On n’a pas su tenir correctement les choses pour que ça devienne vraiment une scène, une dynamique continue. Du coup, c’est devenu ce mot : « alternatif ». Mais c’est quoi alternatif ? Du rap avec du rock ? Les gens ont voulu nous mettre là-dedans et ça, aux yeux de beaucoup, ça nous a séparés de l’idée de rap. Que tu puisses ne pas aimer TTC et la voix de Tekila, je le comprends. Mais quand tu vois leur succès, que pour leur anniversaire, ils remplissent La machine du Moulin Rouge avec un monde fou, des gens venus de partout, des meufs qui font une fête incroyable, tu te dis qu’ils ont eu raison de faire ce qu’ils faisaient, qu’ils ont réussi un truc. Tekila voulait amener la culture club dans le rap et il y est parvenu. Même en tant que DJ, aujourd’hui il est lanceur de tendances et il est très bon dans ce registre. Il a atteint son objectif d’une certaine manière, car TTC est devenu clubbin’. Ils voulaient péter et n’ont pas eu peur d’inventer des choses, de tester des nouvelles sonorités. Moi c’est ça que j’aime : qu’on teste, qu’on se permette d’évoluer ! Tu te casseras la gueule ou pas. Bon, cette scène dite alternative, on s’est tous cassés la gueule en vrai. En France, le truc, c’est que dès que t’es identifié dans une case, on veut que tu y restes. On dit de moi que je ne sais jouer que du hip-hop underground. Je trouve ça hyper réducteur, comme si ma culture se limitait qu’à une niche. Je sais jouer de la funk, de l’électro, mélanger du hip-hop à de l’électro, mais je suis tellement identifié rap underground qu’on ne me propose que ça. TTC a eu cette chance, grâce à DJ Vadim, de signer chez Big Dada, un label anglais, chose, qu’à ma connaissance, aucun groupe de rap français n’avait réussie. Ça a été une très bonne chose pour eux, ils ont pu faire le disque qu’ils voulaient sans se faire enfermer, et je crois aussi qu’être produit par un label anglais, ça leur a amené le respect quand leur album est retombé en France. C’est un peu comme les Nubians lorsqu’elles sont revenues de Philadelphie : plus personne ne les a regardées pareil. Cette scène alternative, je l’ai vu émerger, j’étais le plus vieux de toute cette clique et j’ai vu que dans tous ces mecs-là, il n’y avait que des gros potentiels de MCs. James Delleck, si tu regardes son écriture, il tue. TTC, tu es obligé d’avouer qu’ils ont réussi un truc que personne n’a réussi. Fuzati, qu’on aime ou pas, il avait son truc morbide hyper bien fait. Mais vu qu’on était boudés par l’énorme majorité du public, qu’on attirait qu’une petite jauge de personnes, TTC a mangé du pain noir pendant longtemps, ils se sont beaucoup fait cracher dessus avant d’avoir un gros succès d’estime. La Caution, on avait la chance d’avoir Noisy-le-Sec derrière nous, mais on a aussi mangé du pain noir pendant longtemps. Pour certaines personnes, c’est vraiment le documentaire Un Jour peut-être qui leur a fait prendre conscience que quelque chose s’était à un moment passé. Même pour moi : ce documentaire a fait réaliser à de nombreuses personnes que j’étais là aussi. Beaucoup l’ignoraient.

La Caution

Tekila me présente Nikkfurie, et ils ont besoin d’un DJ. Au départ, on était deux DJs dans TTC, Orgasmic et moi. La Caution était en galère, Orgasmic est resté avec TTC et moi je suis parti avec La Caution. La première date est passée crème, et ainsi de suite. La Caution, les mecs sont forts, tu ne peux pas dire autre chose. Ahmed et Mohamed [respectivement Nikkfurie et Hi-Tekk, NDLR], ils sont en train de préserver le hip-hop. C’est vrai ! [Rires] Sérieusement, tu vois comment ils écrivent, les beats qu’ils choisissent, et surtout, ils ont toujours testé des choses, et à chaque fois c’était hyper réussi. Ahmed dit toujours en interview : « si tu vois un rappeur et que tu arrives à l’imiter, ça veut dire qu’il n’est pas bon. » Il dit la vérité ! Eminem, personne ne l’imite. Peu importe ce que tu penses de ses albums, la vérité c’est que personne ne l’imite. D’ailleurs, en termes de rap, l’immense majorité des rappeurs ricains ont peur de lui ! Avec La Caution, on a essayé de continuer tant bien que mal notre truc, et honnêtement, quand tu prends les albums, tu te demandes comment ça se fait qu’on n’ait pas explosé ? Pourquoi même avec « Thé à la menthe », ça n’explose pas ? C’est aussi que comme à l’époque d’EJM lorsqu’il est parti vers d’autres sonorités, les maisons de disques n’ont pas voulu suivre ni prendre le risque. Je ne mets pas tout sur le dos des labels, ni sur celui des artistes d’ailleurs. Nikkfurie et Hi-Tekk n’ont fait qu’exploiter leurs capacités. Tu ne restes pas que dans du boom-bap, si tu veux évoluer et que tu sens que tu peux le faire vers de la drum n’ bass ou de l’acid jazz ou peu importe, fais-le. Nikkfurie et Hi-Tekk ont toujours tenté des choses, ont su définir leur son et le faire évoluer. J’ai un petit vécu, mais je n’ai jamais rien eu à leur apprendre. Forcément, on parle, mais comme des amis, pas comme si je les conseillais. Très tôt et comme beaucoup d’autres, ils ont compris que pour eux, ça allait être au mieux de la production sur un label indé. Les majors pour des groupes comme TTC ou la Caution, c’était mort. Ce n’est pas par hasard que dès leurs débuts, ils ont fondé Kerozen avec Mouloud.

« Les concerts étaient devenus soit trop chers, soit leur programmation ne nous parlait pas, alors on a fait Hip-Hop Resistance. »

Mixtapes

Les mixtapes, c’est une question de sensations. Si je sens que j’ai une idée qui me pousse à faire une mixtape, je le fais. Il faut que je trouve le thème, l’envie, et ce n’est pas quelque chose qui me vient facilement. La dernière, qui rassemblait Poska, Brasko, Skillz, Stresh et moi, elle s’est faite grâce à Skillz. Il est arrivé avec ce concept très fort des Deadly Venoms à la française, et on a taffé ça jusqu’au bout. On a été chercher les bruitages qu’il fallait, on a réalisé tout le travail de fond, il y avait le concept, le graphisme, le côté hommage, ce n’était pas un mix spontané que tu pousses en trente secondes sur les réseaux. Il y avait vraiment de la recherche, et c’est ça que je défends. Pour moi, ça fait partie de ce qu’un DJ doit proposer sur une mixtape. Là, Manu Dibango est mort – paix à son âme – et spontanément, plein de DJs arrivent à lui dédier des mixes. Moi, je ne sais pas faire ça. Je ne sais pas faire des mixtapes pour faire des mixtapes, surtout que pour lâcher des mixes live, j’ai mon émission Underground Explorer sur Générations. Peut-être aussi que mixer chaque semaine là-bas canalise mon envie de mixtapes, je ne sais pas… En tous cas, je n’en ai effectivement pas fait des dizaines depuis le début de ma carrière, alors que pourtant, quand le format explose aux USA, je suis là-bas. Quand je rentre des États-Unis au milieu des années 1990, le marché était déjà pris d’une certaine manière. Quand Cut signe chez Universal pour les premières mixtapes en CD [référence aux Hip-Hop Soul Party, produit par MCA Records tout juste racheté par Seagram, holding elle-même rachetée par Universal, NDLR], je suis avec lui dans les bureaux. Il signe, moi je ne signe rien. [Éclats de rire] C’est complètement logique, lui s’était construit, il s’était fait un nom, il maîtrisait ses concepts, son marketing, apparaissait dans La Haine. C’est le seul à avoir su faire ça aussi bien. Moi je n’ai pas le même panache ni la même productivité que Cut Killer, et ça me va très bien car c’est ma nature. Mais forcément, ça ne peut pas intéresser une maison de disques. J’ai tout appris à ma vitesse, et ça a pris du temps. Et puis je me suis dit très tôt que si je voulais vraiment rester ce que je voulais, il fallait que je produise artistiquement des choses qui me ressemblent. C’est aussi pour ça que l’immense majorité des personnes avec qui j’ai collaborées sont des mecs de l’underground, à l’exception de Stomy que j’ai accompagné sur scène. Peut-être que sous un autre nom, j’aurais dû faire un truc house ou électro, mais je n’en avais pas envie. Pour les mixtapes, c’est la même idée : si je ne sens pas un feeling ou que je n’ai pas une bonne idée, je ne le fais pas. Je ne me suis jamais forcé et pourtant, il y a eu des gens qui sont venus me voir pour me proposer des choses. Pour décider si je m’engage ou pas sur un projet artistique, je me suis toujours posé la même question : « lorsque tu te regarderas dix ou vingt plus tard, auras-tu envie de te souvenir de ça ? » La réponse a très souvent été non. Bien sûr j’ai dû perdre des thunes. Mais jusqu’à aujourd’hui, ça va, je me sens bien dans mes baskets. Je n’ai pas envie de mentir à la musique qui m’a nourri, qui m’a bercé. J’ai besoin d’être à l’aise aux platines pour mettre à l’aise les gens qui sont de l’autre côté.

Pédagogue

Quand je prends le micro en soirée ou quand je fais le warm-up de La Caution, c’est pour deux raisons. La première, c’est pour bousculer un peu les gens, leur rappeler qu’ils sont là pour faire la fête. Ça, il ne faut pas en abuser, c’est un dosage assez savant, car si tu en fais trop, les gens n’écoutent plus que ta voix, voire ils peuvent être mis mal à l’aise. La seconde, c’est ce côté pédagogue. C’est un grand mot, mais par exemple, en ouverture pour La Caution, qui est un concert rap français, je ne vois pas l’intérêt de leur mettre « Ante Up » de M.O.P et « Simon Says » de Pharoahe Monch, car ils ne vont rien apprendre ! Je préfère mille fois leur passer un M.O.P qu’ils ne connaissent pas, et prendre le micro deux secondes pour leur dire ce que c’est. Le but, c’est de donner envie d’en savoir plus, de chercher. Elle est là la pédagogie musicale : de quel album vient ce son ? Qui l’a produit ? Ça date de quand ? C’est cette curiosité que j’ai envie de susciter. J’ai toujours eu cette approche de me dire : « même si le DJ qui passe après moi me déchire, j’aurais passé du son que personne ne connaît et que les gens vont avoir envie d’aller chercher. » Le but, ce n’est évidemment pas de faire une sélection constituée intégralement de trucs obscurs et inconnus juste pour dire que toi tu as le savoir, que tu passes des trucs de méga-connaisseurs que personne ne connaît. Au contraire, ça c’est l’erreur à ne surtout pas commettre. Ce qu’il faut faire, c’est bosser ta sélection en amont pour diffuser des sons que les gens n’ont pas ou peu entendus, et qui tout à la fois les surprennent et leur donnent envie de de faire la fête autant que d’être réécoutés. Il faut réveiller la curiosité en fait. Un DJ doit être pédagogue, que tu sois devant mille personnes ou dix, fais-les kiffer ! Et encore plus si t’es dans une tranche un peu indé ou spé’, comme je le suis. Il faut arriver avec un truc violent, une sélection originale, et en faire un bon mix, lâcher des bons scratches. Si dans ton mix, l’enchaînement entre un son bien connu de Pharaoe Monch et un Lootpack passe tout seul, que les gens restent au taquet, c’est que tu as gagné.

Soirées

Plus tu deviens vieux, plus les gens se disent que ça correspond à un ramollissement. Mais non ! Ton esprit ne se ramollit pas, tu continues à venir jouer en te disant qu’il faut défoncer, se démarquer. Aujourd’hui comme hier, je suis obligé de me nourrir de grands DJs comme Melo D ou les Beat Junkies. Parce que le peu de fois où j’arrive sur scène, je sens que les mecs ont plus que jamais envie de me tester. Tu dois être prêt, et pour ça, étudier ce que font les grands DJs est capital. Même si tu ne les égales pas, ça te permet de te tenir à un vrai niveau, d’avoir une exigence qui ne fait pas de ton ancienneté un passe-droit. Le but n’est pas d’être Schwarzenegger, c’est de ne pas être has-been. Et puis j’aime bien l’esprit de compétition, l’émulation que ça procure. Même si ce n’est pas de la compétition au sens des championnats de deejaying, en soirée ou sur une mixtape, tu dois montrer que tu es carré dans tes scratches, que tu as des idées dans tes décalages, bref, tout ce qui fera que le DJ qui t’écoute ou te succédera sur scène se dise : « Ah, l’ancien il connaît son taf, il a de la ressource ! » Ce n’est même pas que technique, c’est aussi musical. Il n’y a pas de complexes à avoir, tu n’es pas obligé de t’aligner sur le mix trap du DJ qui a vingt ans de moins que toi et avec lequel tu partages l’affiche. Propose autre chose, le principal est que tu le fasses bien et que les gens aient l’impression de se faire emmener quelque part. En plus, on a les outils pour ça désormais ! Le fait d’avoir des banques de son en numérique, ça te permet d’improviser de façon beaucoup plus large qu’avec des vinyles. À l’époque, tu venais à une soirée, si l’autre DJ qui partageait l’affiche avec toi avait dix vinyles identiques aux tiens dans son bac, l’un des deux était mort. Aujourd’hui tu arrives avec des milliers de sons dans un ordinateur, donc ce n’est plus possible. Tu as une possibilité d’affiner ta sélection en temps réel, et surtout de prendre des risques. Aujourd’hui, je trouve que les DJs ne prennent plus de risques. Ils passent du Kendrick Lamar et du Migos pour faire bouger les gens, prennent leur chèque et s’en vont. Mais la soirée elle continue derrière ! Quelle est la destination de la soirée, le voyage que vont faire les gens en étant là ? Où veux-tu les emmener ? Il faut être fin quand tu prépares un mix. Je pense que les DJs plus âgés ont une expérience qui leur permet d’avoir plus de finesse, d’être beaucoup plus large dans les choix, de passer des choses moins attendues que ce qu’on entend déjà partout. Les jeunes sont beaucoup plus bourrins que nous dans l’ensemble. Faire se succéder des tubes et des bangers pour faire bouger les gens, c’est un peu trop facile et il n’y a pas une histoire ou quelque chose qui reste derrière. Ça n’interdit absolument pas de passer quelques hits du moment, mais il faut le faire avec finesse. C’est même parfois ce côté commercial qui te permettra d’insérer des choses inattendues, de rompre les habitudes, le principal étant que ce soit bien fait et que tu ne coupes pas aux gens l’envie de danser ou faire la fête. À partir de là, tu peux passer tout ce qu’ils n’auraient pas imaginer entendre.

Serato

J’étais beaucoup dans ce discours qui dit qu’un vrai DJ, ça ne joue que du vinyle. Avant Serato, il y a eu Final Scratch. Je n’étais pas convaincu, ce n’était pas assez stable, l’aspect informatique me rebutait. Puis quand Serato est arrivé, j’ai commencé à voir les DJs s’en emparer. DJ Gero m’a montré tout ça, et là, je dois avouer que je n’était pas clair, j’ai commencé à relativiser et à me dire « pourquoi pas ? » Quand tu comprends la puissance du truc, que tu franchis le côté pénible de l’installation de tout le système, et surtout que tu arrives à restituer en dématérialisé l’équivalent de ta banque de son vinyle, tu te rends compte que ça change la donne. Tu te rends à l’évidence : « si je veux continuer à être DJ, il faut savoir utiliser les nouvelles technologies et les opportunités qu’elles apportent. » La question vinyle versus Serato est évacuée, celle qui te reste c’est de bien définir comment tu vas te servir de ce nouvel outil pour continuer à faire ce qui te ressemble. Aujourd’hui, je n’y vois quasiment que des avantages, principalement pour le côté pratique et la banque de sons que ça t’apporte. Tu es assis dans ton fauteuil, tu cliques et d’un coup, hop, tu as le son que tu cherchais. J’ai aussi beaucoup voyagé, et là aussi ça m’a changé beaucoup de choses. Je me suis fait voler des disques dans un train, j’ai porté des caisses de vinyles super lourdes. Honnêtement depuis qu’il me suffit de prendre un ordinateur, à chaque fois que je refais une soirée avec des vinyles, je me demande où je trouvais la force de transporter tout ça. [Rires] Aujourd’hui, mes vinyles me servent surtout de banque de données chez moi. Par contre, ce que j’ai compris avec le temps, c’est que Serato ne doit absolument pas être une raison pour arrêter de t’entraîner avec des vinyles. Le toucher n’est pas le même, tu as plus de risques que ça saute, tu n’as pas de boucles que tu peux programmer, ce n’est pas du tout la même exigence et je crois qu’il est très important de s’imposer une discipline technique en continuant à manipuler du vinyle.

Modèles

C’est important de continuer à suivre des mecs comme les Beat Junkies, Craze, Skratch Bastid, parce qu’il est nécessaire de se faire gifler parfois. [Rires] Avec eux, il y a une performance musicale et technique qui te donne une leçon. Quand tu écoutes Melo D, tu prends une vraie claque, tu sens le travail de fond et même en vidéo, c’est agréable à voir ! Je pense qu’il faut choisir ton DJ d’une certaine manière, trouver celui qui te donnera envie d’être plus fort, ou qui te fascine à regarder. Par exemple, visuellement, mais aussi en termes d’inventivité, un mec comme DJ Nu-Mark est incroyable. Le côté visuel, c’est même son portefeuille, c’est une partie intégrante de sa performance. Avec Jurassic 5, il était déjà dans ce truc hyper ludique et fascinant à regarder. Il te transforme des jouets pour enfants en machines, il met un élastique sur sa platine pour en faire une guitare basse, il n’y a que lui qui invente des choses pareilles, c’est génial ! Et en tant que DJ, quand tu vois ça tu te dis qu’il y a une idée à prendre, quelque chose à creuser. Tu ne te dis pas ça pour le copier, tu te nourris juste de son imaginaire, ce qu’il fait t’ouvre des portes car lorsque tu le regardes, en plus de voir quelque chose d’inattendu, tu apprends quelque chose. En ce moment, celui qui me fascine, c’est Koco aka Shimokita. Ce mec est monstrueux, c’est une machine. Il met tout le monde à l’amende, même des mecs comme DJ Scratch. C’est l’école japonaise, très affûtée, carrée, minutieuse, c’est presque même trop. [Rires] Le mec arrive à mixer des trucs hyper durs à faire rentrer ensemble dans le temps, c’est improbable ! Avant de connaître ce mec, je me disais : « DJ Scratch est un tueur. » Mais là, Koco lui a mis une sauce ! Le mec a pensé des plans auxquels on a tous pensés, mais la façon dont il les place, aucun de nous n’aurait imaginé pouvoir le faire. Et puis quand tu vois que DJ Scratch ou Jazzy Jeff l’appellent pour tourner ou jouer avec lui, ça en dit long.

Vinyles

S’il y a une chose qui a changé avec internet et les nouvelles technologies, c’est la façon dont tu découvres la musique et l’apprends. Par exemple, Serato a changé l’apprentissage des DJs. La question n’est vraiment pas de dire que l’un et mieux que l’autre, c’est vraiment deux prismes différents. Sur internet, tu te fais une culture incroyable, et en même temps, elle ne peut pas être la même qu’avec des disques. Par exemple, l’interaction avec les gens lorsque tu cherches des disques n’est plus la même. L’échange, qui est au cœur du digging, les rencontres, la recherche des disques, les écouter, les échanger même parfois, il ne se définit plus du tout de la même manière sur internet. Un autre truc, c’est le rapport à l’objet. Le disque en tant qu’objet, c’est ta porte d’entrée avec une œuvre, ton premier contact. Un exemple tout con : quand j’achetais des disques, il fallait évidemment que je rentre chez moi pour les écouter en entier. Durant le trajet en métro, je lisais les disques avant de les écouter ! Je ne les avais pas encore entendus que j’avais déjà lu tous les crédits, parcouru en long, en large et en travers la pochette. Ça paraît banal dis comme ça, mais ces lectures de pochettes dans le métro, c’est l’une des principales manières dont j’ai construit mes connaissances sur la musique. Je voyais des noms revenir, que ce soit de rappeurs, de beatmakers, des dédicaces, des noms de studios, et à un moment, à force de repérer tous ces noms sur des pochettes, les choses s’assemblent dans ton cerveau. C’est comme si au bout d’un moment, tout ce que tu lisais fusionne et te permet de lire la matrice du rap. Une fois que tu passes ce cap, quand tu lis un skeud, tu le déchiffres avant même l’avoir écouté. Ça m’a aussi beaucoup servi avec les samples. Pour la soul, ce qui m’a beaucoup aidé, ce sont les Ultimate Breaks & Beats. Comme je n’avais pas la thune pour acheter les albums originaux, ces compilations avec tous les trucs de soul, les breaks de batterie, c’était ma porte d’entrée. Ça a fait toute ma culture.

Collection

Avant qu’il y ait cet engouement sur ce format, DJ Spinna me le disait déjà : « À New York, on est tous en 45 tours. » Je lui répondais que je n’avais plus la foi pour me lancer là-dedans. En France, DJ Suspect produit de très bons 45 tours, Aeon Seven aussi. Mais ils sont vraiment dans une niche. Le format est aujourd’hui très en vogue chez les DJs mais personnellement, je n’ai pas envie de refaire les références de ma collection disponibles en 45 tours. Déjà c’est devenu hyper cher. Même sur discogs, tu trouves à plusieurs dizaines d’euros des disques que je trouvais à l’époque pour quelques francs. Le vinyle est devenu un objet de collection, j’aurais dû continuer à acheter beaucoup de skeuds en fait, c’est devenu une façon de faire son beurre. Ce n’est plus un truc de DJ mais de collectionneurs et d’ultra-passionnés. Les coffrets que pas mal de groupes sortent par exemple, c’est vraiment pour le plaisir de l’objet. Même les DJs comme moi les achètent, mais pas pour les passer, juste parce qu’ils sont beaux. Le coffret Wu-Tang du premier album est magnifique, mais en réalité, on a tous déjà la version LP Classique. Et surtout, tu as vu le prix ? Quand j’ai acheté le coffret A Tribe Called Quest, il coûtait une blinde. À l’intérieur, il y a une petite boîte. Quand je l’ai découverte, vu le prix, je me suis dit que j’allais y trouver des trucs, peut-être juste des stickers, mais quelque chose quoi ! En fait, rien, walou ! [Rires] Les mecs se lâchent, les prix deviennent fous, et pour tous les formats. Même les albums que vous citez, ceux de Hus Kingpin, DJ Muggs, Griselda, c’est devenu un truc hyper cher. Et moi, garder les skeuds pour faire joli, j’aime bien, vraiment, mais quelque part, ne pas me servir d’un disque, ça me fait bizarre. Acheter un disque juste pour le regarder, je n’arrive pas à m’y faire. Et puis, doucement, j’essaie de relativiser l’importance de l’objet d’un point de vue matériel. Je suis toujours hyper attaché au vinyle, mais vu ce que désormais ça coûte et la place que ça prend… J’ai la chance d’avoir pu aménager un local pour mes disques, mais même dans cette configuration là, ça occupe un espace monstrueux. J’ai drastiquement réduit mes achats car on n’est plus à l’époque où les vinyles étaient mon outil de travail, et aussi notre drogue, le support de notre érudition.

« J’ai aussi construit mes connaissances dans le métro en lisant les pochettes des vinyles que j’achetais, avant même de les écouter.  »

Banalisation

Il y a beaucoup de DJs aujourd’hui, et avec le confinement et tous ces lives Facebook ou Instagram, il y en a encore plus. Maintenant, la moindre personne qui a un controler et une petite banque de son débarque, dit qu’il va faire kiffer et se présente comme DJ. À ce rythme-là, moi je vais me proclamer pâtissier. [Rires] Il faut arrêter, c’est un métier. Si je mets à part les grands DJs, j’ai l’impression que la plupart des gens qui se connectent pour mixer en vidéo le font sans trop de ligne directrice, sans thème, sans rien d’autre que dire : « tiens j’ai du son, écoute ! » Les gens ne veulent pas se compliquer la vie. Et puis, c’est sûrement mon côté vieille génération, mais hormis quelques pointures, j’ai beaucoup de mal à regarder des mixes en vidéo. Pour moi, écouter un DJ, c’est aller l’écouter dans une soirée, ou alors attendre de lui un travail qui correspond à une mixtape. Voir un DJ mixer de chez lui, s’il n’a pas pensé à donner un vrai sens à son mix, je trouve qu’il ne se passe rien. Alors bien sûr que le deejaying est un super refuge. Mais pourquoi se filmer tous les soirs ? Sors-nous des mixtapes, claque des mixes historiques, parle avant ou après ton set des disques que tu as diffusés, montre les vinyles, bref, fais en sorte qu’on apprenne quelque chose, qu’il y ait un échange ! Ce n’est même plus le débat Serato ou vinyle, c’est celui d’expliquer un peu ce que tu fais, de créer un échange. Il y a vraiment d’autres choses à faire que la majorité des lives vidéo que je vois en ce moment.

Argent

Ce côté underground que je défend me fait refuser des propositions. Après, j’ai cette chance de ne pas vivre de la musique. Refuser des choses comme je me permets de le faire, c’est impossible pour un DJ aujourd’hui, sauf si tu as signé ou que tu tournes tout le temps. Durant trente ans, j’ai vécu de la musique, mais un jour, tu fais des choix de vie, tu fondes une famille et tu réfléchis différemment. Moi j’ai pris le parti de rechercher un taf. Je me suis reconnecté avec la société, j’ai redécouvert la sécurité sociale et tout un tas de trucs que tu n’as pas quand tu es DJ. Avoir ce boulot me permet aujourd’hui de dire « non » à toutes les propositions qui ne me parlent pas artistiquement, et sans que j’ai à me tordre le bide. Je vis le deejaying comme ma passion. Quand on veut me booker, aujourd’hui, je ne me pose pas la question de l’argent. J’accepte des trucs mal payés parce que j’adhère à la démarche ou qu’il y a un challenge, comme j’en refuse d’autres simplement parce que ce sera une galère ou que ça ne me parle pas. Ce qui est sûr, c’est que je ne suis plus pris à la gorge quand quelqu’un qui voulait me booker me propose dans un premier temps 500€ pour, la veille de la soirée, revoir la rémunération à 150€ car il a des galères de budget et sacrifie le DJ. C’est beau ce pouvoir de dire non librement. [Sourire] Et là, avec le confinement, je peux te dire que tous les DJs sont en train de réfléchir à comment ils vont s’en sortir.

Masta Ace

Il y a un lien énorme avec Masta Ace, effectivement. Déjà, c’est un ami, on a à peu près le même âge. Je l’ai ramené trois quatre fois en France, on se parle encore aujourd’hui, on se voit quand il vient sur Paris. Mais au-delà de l’affection, techniquement, c’est un tueur. Scéniquement aussi. Ses sons, très peu sont pourris. Ça me parle, ça me donne envie de me dire « Masta Ace c’est le rappeur qui traverse les âges sans problèmes. » Ça correspond aussi à ce que lui a envie de faire, et ça, c’est quelque chose que j’apprécie toujours. Jamais tu ne te dis qu’il est fatigué car c’est un rappeur qui sait jauger ce qu’il a à faire. Il essaie d’être moins partout, et par exemple, même si je ne suis pas fan de tout ce que fait Marco Polo, ce qu’ils ont fait ensemble est bien foutu. Avec Masta Ace, on a d’ailleurs déjà parlé d’une mixtape qu’on réaliserait ensemble. Après, c’est une question de temps, ça correspond à ce que je disais plus tôt. Et je me dis aussi que tout effort mérite salaire. Si j’estime que je ne peux pas me permettre de le faire maintenant, c’est que c’est une sortie qui ne sera pas rémunérée à sa juste valeur. Je préfère être silencieux que de dire à un MC « t’inquiètes » alors qu’un truc n’arrivera jamais. Surtout avec Masta Ace, vu le respect que j’ai pour lui. Aujourd’hui, la vie fait qu’il y a autre chose, que ce soit pour moi ou pour lui. Il est obligé de tourner beaucoup par défaut, et pour tous ces MCs, tourner est une fatigue. Beaucoup ne le font pas par gaieté de cœur, mais car ils ont besoin de bouffer, parce qu’aujourd’hui, sortir un album c’est sur internet et c’est tout. Quand dans une petite salle française, Raekwon dit merci à son public d’être venu en expliquant que ça lui permettra de payer les couches de ses enfants, ça peut paraître violent, mais c’est la réalité. Les gens se disent que rapper c’est cool. Bien sûr que c’est cool de rapper. Mais derrière, quand tu vois tous ces artistes sur scène, il y a une finalité : payer les factures. Et aujourd’hui le game n’est vraiment pas simple. Actuellement, on voit quelque chose de plus sympa dans le rap, qui a plus d’opportunités de visibilité. Mais la réalité, c’est que c’est beaucoup plus dur. Désormais, tu dois aussi être webmaster, clippeur, graphiste… Personne ne sait faire correctement tout ça à la fois. C’est le genre de choses pour lesquelles il faut une personne à chaque poste, mais pour ça, il faut un budget. C’est compliqué !

Générations

Générations et moi, c’est une histoire de longue date, mais je ne parlerai pas d’histoire d’amour. Évidemment, si j’y suis depuis aussi longtemps, c’est que j’y suis à l’aise et que je m’y entends très bien avec Laurent, le directeur des programmes qui est là depuis près de trente ans et qui comprend mon émission. Mais si demain matin, une autre station vient me voir en me disant qu’ils apprécient Underground explorer et veulent l’inclure dans leur grille de programmes, on en parlera. Car quand quelqu’un vient te recruter, tu montes ta cote tout simplement. Mais aujourd’hui, honnêtement, personne n’est venu me voir pour me dire « Underground explorer est une émission culte. » Je l’entends de la bouche des gens, mais aucun directeur ou programmateur de station ne me propose quelque chose. Quand il y a eu une grande bascule de l’équipe de Générations vers chez Mouv’, je n’en ai pas fait parti. Lorsque Bruno Laforestrie [actuel directeur de Mouv’, ancien directeur de Générations, NDLR] a été nommé chez Mouv’, il a été rechercher les gens de Générations. À cette époque, j’ai entendu dire que je recevrais une proposition, mais je n’ai jamais rien reçu. Ça ne change rien à ma vie artistique, je m’éclate sur Générations. Et puis, étant DJ de La Caution, ce n’est peut-être pas plus mal qu’on ne soit pas sur la même antenne. D’une certaine manière, ça m’arrange de pouvoir diviser les choses, car La Caution est une chose, DJ Fab en est une autre. L’exemple de La Caution est un cas particulier en plus, tout simplement car ils avaient déjà leur émission avant que Mouv’ se repositionne. Il faut bien avoir ça en tête. La Caution, mine de rien, leur force, c’est qu’ils passent du coq à l’âne. Leur émission était établie, elle avait son potentiel, et c’est d’ailleurs la seule qui a été gardée si je ne me trompe pas.

Le rap français en 2020

Aujourd’hui, il y a des bonnes choses comme des mauvaises, mais honnêtement, j’en vois surtout des mauvaises. Quand je suis dans les studios de Générations et que je vois ce qu’il y a en rap français, je ne peux faire qu’un constat : globalement ça ne rappe plus. Ça prône également beaucoup de violence et ça parle de choses qui ne me parlent pas. Ma perception est logique d’une certaine manière : j’ai un certain âge, j’ai besoin que le rap ait un côté conscient, avec de la forme et du fond. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il n’y a plus ni l’un ni l’autre, et que ça rapouille au lieu de rapper. Il y a des mecs qui sortent du lot comme Alpha Wann, Nekfeu, et quelques autres… [Il cherche d’autres exemples] Il y a JL aussi mais ce n’est pas un nouveau, c’est un ancien qui sort encore des trucs, donc pour moi c’est du nouveau. [Éclats de rires] Il n’y a que chez quelques jeunes que je retrouve ce côté kicker, une lumière du rap que j’aimais. Je ne suis pas super confortable avec le rap français, même s’il y a des petites choses qui me font encore plaisir. De toute façon, vu mon parcours, ce que j’ai essayé de défendre, si je te disais qu’il y a plein de trucs qui tuent aujourd’hui, vous seriez interloqués, non ? [Sourire] Est-c’est que ce que je vous dis là, c’est quelque chose que je disais déjà en partie il y a quasiment vingt ans ? Peut-être. Mais la différence avec il y a vingt ans, c’est qu’à l’époque, même s’il y avait des paroles dans lesquelles je ne me reconnaissais plus, au moins ça rappait encore, alors qu’aujourd’hui, je ne vois plus grand monde rapper. Le rap français est devenu un mélange de musiques africaines avec de l’électro sur lequel on chantonne et ou on fait semblant de rapper huit mesures. Après tout, à mon époque, des mecs ne comprenaient rien à TTC ou La Caution quand ils se le prenaient dans la figure, alors qu’à mon sens, c’est eux qui avaient raison. Donc qui sait ? Mais ce que j’entends majoritairement aujourd’hui ne me plaît pas. J’ai besoin d’un MC qui kicke.

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