Jukebox, le making-of
La compilation Abcdr

Jukebox, le making-of

Derrière la compilation Jukebox se cachent mille visages. Des affres de la création aux anecdotes les plus improbables, retour avec les artistes sur l’histoire des inédits que l’Abcdr est allé dénicher.

« Tu sais, malheureusement, je crois qu’aujourd’hui, tout le monde a l’esprit pollué par la « commerciabilité » de la musique. Avant tout, la musique, il faut la faire. Si elle sort, tant mieux, ça reste le but. Mais l’important, c’est l’instant vécu, le moment où tu la fais. » Cette phrase signée Hifi – qui nous fera l’honneur, on l’espère, d’être présent sur un prochain volume – résume l’essence même d’un projet comme Jukebox : la conjugaison de passionnés persévérants et d’artistes qui pensent à faire de la musique avant quelque autre considération, et n’ont pas toujours, pour de multiples raisons, l’opportunité de la partager ensuite. Derrière cette compilation réalisée en quelques mois cohabitent des tranches de vie qui vont bien au-delà des trois ou quatre minutes d’un morceau de rap. Du duo Zoxea/Madizm séparé un temps par l’Atlantique aux colocations de Mala avec ses beatmakers, plongée au cœur des petites et grandes histoires de la compilation Abcdr.

 

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Zoxea

Zoxea – « Veuve Clicquot » (prod. Madizm) (2013)

Madizm : « En 2013, je revois Zoxea que je n’avais pas vu depuis un bail après avoir déménagé aux Etats-Unis et être revenu en France. J’ai repris les rênes d’un studio dans le 92 et on a commencé à faire des sessions ensemble, sans but véritable. Juste parce qu’on est deux fous, qu’on était contents de se retrouver et qu’on aime bosser. On a fait trois ou quatre morceaux dont ce fameux « Veuve Clicquot ». À ce moment-là, on parlait du thème de « L’Hymne du Mozoezet » qu’il avait fait avec son frère et que j’ai toujours considéré comme un de ses meilleurs titres. J’ai sorti un track que je trouvais bien pour lui, notamment à cause du beat qui tournait comme en ternaire mais en binaire ! C’est technique. En gros, ça veut dire que 99% des rappeurs français se seraient cassé les dents dessus. Il a pris le track et il l’a retourné. J’ai fait quelques arrangements et, depuis, on était trois ou quatre personnes à l’avoir et à regretter le fait de ne pas l’avoir sorti sur le coup. Parmi ces personnes se trouvait Jee la saucisse qui n’avait pas le MP3 mais se souvenait de la violence du titre après écoute. Et comme on trouvait bête, Zox et moi, de ne pas l’avoir exploité, on a décidé de le sortir à l’occasion de la compilation Jukebox. »


LOSO (Photographie : Chroniques Automatiques)

LOSO – « Station Mir » (prod. Phohat) (2015)

LOSO : « Ce morceau est l’un des cinq ou six titres que j’ai travaillés avec Phohat dans un studio de Maison-Alfort. Lorsqu’on est en studio, on n’est pas dans la recherche du titre qui va sonner single, on est vraiment dans la création. Chaque instru’ va apporter sa touche à un univers bien à nous. C’est de la musique spatiale avec une touche de blaxploitation. Je pense que c’est le futur de la musique, revendiquer notre culture et notre histoire avec une musicalité sans limite, sans frontière et ce même si on est aux antipodes du marché rap français actuel. Je crois que j’ai plusieurs facettes qui se révèlent selon la personne avec qui je travaille, réal ou beatmaker, c’est la liberté pour moi de faire ce qu’on veut, quand on veut et comme on veut. Le titre n’est jamais sorti car j’attendais d’en avoir une quinzaine qui me plaise avant de lâcher un projet qui permettrait à l’auditeur de s’immerger dedans. »


ZA (Photogaphie : Reza Antagonist)

ZA – « No Sleep » (prod. Street Fabulous) (2016)

ZA : « Le morceau a été produit par Amir de Street Fabulous. J’étais vers la fin de l’enregistrement de Césarienne. J’avais aligné les « CvCg », « Retour aux Pyramides », tout ça, des sons qui me permettent de rester dans l’époque avec des sonorités très actuelles. Mais il me fallait des sons plus à l’ancienne comme « Césarienne » où je puisse rapper comme avant, du ZA quoi. « No Sleep », c’est le genre de prod’ que je cherchais, j’en parlais au studio avec les ingé’, Julien et Raphaël : « Ouais, il me faut des prod’ comme ça… » Mais en ce moment, quand tu fais le tour des beatmakers, t’as que de la trap partout… Même mon gars Lex Lut’Or est là-dedans. Et Julien me dit : « Tu sais, le studio où on est, là, c’est aussi le QG de Oz de Street Fab’. Viens, on leur parle, je suis sûr que tu vas trouver quelque chose chez eux… » On l’a appelé, on a discuté, calé un rendez-vous. C’est pas histoire de faire le difficile mais, crois-moi ou pas, on a fait trois sessions. Rien que la première, on a dû écouter une centaine de sons. Je suis rentré avec quelques-uns mais je n’étais pas satisfait. Heureusement, Oz, c’est pas quelqu’un avec un ego mal placé, il aurait pu me dire : « Comment ça il n’y a rien qui te plaît, on t’a fait écouter plein de sons ! » Nan, il a compris qu’on aimait les morceaux au feeling, où ça accroche tout de suite, où avant même d’écrire le morceau, il est déjà écrit dans ma tête. Seconde session, j’en sélectionne une vingtaine mais toujours rien qui se passe. Et à la troisième, j’ai entendu ce qui deviendra la prod’ de « No Sleep » et j’ai dit de suite : « C’est celui-là ».

Pour ce qui est du morceau en lui-même, il symbolise mon état d’esprit actuel. Je dors trois heures par jour, mes potes m’appellent « micro-sieste »… L’idée conductrice est venue en observant mon gamin un jour. Il ne tenait pas en place, il voulait aller là puis ailleurs… En analysant son comportement, je me suis rendu compte qu’il reproduisait la même chose que moi à son échelle. Je suis toujours en mouvement. Le matin, je peux être en Hollande, je reviens à Bruxelles, je suis à Anvers le soir et je descends sur Paris dans la foulée… Le reste, c’est la magie du studio. »

Le titre « No Sleep » est également présent sur la mixtape Césarienne, désormais disponible.


Lalcko (Photographie : Draft Dodgers)

Lalcko & LOSO – « Stress Free » (prod. Jaycee) (2011)

LOSO : « Le morceau a été enregistré au studio Blaxound à Montparnasse. Il me semble que c’était après la sortie de l’album de Lalcko L’eau lave mais l’argent rend propre. Je pense que ce titre était censé atterrir dans la version physique de l’album qui n’a finalement pas vu le jour. Ce morceau était le reflet parfait de notre état d’esprit : no stress, tout se fait au feeling. C’était une bonne ambiance parce qu’un gars à nous était présent pour poser un couplet mais devait absolument être de retour dans le 94 à une certaine heure à cause de son bracelet électronique. Lalcko était content de le voir et qu’il participe au projet. »


Pandemik Muzik (Bachir & J-Lock) (Photographie : Kamalec)

Joe Lucazz – « Juste Hier » (prod. Pandemik Muzik) (2015)

Bachir (Pandemik Muzik) : « C’est mon acolyte J-Lock qui a trouvé le sample en regardant le film dont est issu le son. J’ai ensuite acheté le disque pour sampler le titre. On a fait la prod’ vers fin 2013. J’ai toujours aimé le son Dipset mais avec notre touche, J-Lock a par exemple rejoué pas mal d’éléments : violons, pianos… On a aussi tenté des choses sur le sample, on hésitait puis finalement ça donnait bien, donc on a roulé comme ça. Avec J-Lock, on réalise tous les beats ensemble quand on arrive à se caler. Je vais à Montréal ou lui revient à Bordeaux pour qu’on bosse en live. Quand c’est à distance, je commence en général l’instru’, je la lui envoie, il bosse dessus, me la renvoie, je la retouche et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on soit satisfaits du résultat. Il n’y a pas réellement de répartition définie mais lui est davantage dans les instruments, les mélodies… Cette prod’ a une longue histoire car, avant que Joe Lucazz ne rappe dessus, Sam’s puis Mokobé l’ont gardée pendant un temps mais ils ne l’ont en fin de compte pas utilisée. Elle était donc bloquée puis je me suis dit qu’elle pourrait intéresser Joe. Je crois qu’il a écrit directement sur la prod’ car on était en studio début août 2015 avec Metek qui était sur le morceau. Malheureusement, on n’a pas pu finaliser à temps la version avec Metek et Joe a bouclé le titre seul. Le son a été enregistré pendant les sessions pour No Name 2.0 puis on l’a mixé à Bordeaux avec David Meaume. »

Le titre « Juste Hier » sera également présent sur No Name 2, bientôt disponible.


Nodey (Photographie : Jonathan Moyal)

Despo Rutti – « Rumeurs » (prod. Nodey) (2011)

Nodey : « C’est Koko, producteur du label Soldat Sans Grade et ex-manager de Despo Rutti, qui m’avait demandé des prod’ pour l’album Les funérailles des tabous. J’avais fait cette instru’ en 2011 pour le Beatmaker Contest, un battle de beatmakers. L’organisation envoie trois samples aux participants. Et, avec ces trois samples, les participants ont quelques jours pour faire trois beats. D’ailleurs, l’un des samples m’a permis de produire « Haut la main » de Flynt.  Et j’ai réalisé le beat de « Rumeurs » sur un sample de rock progressif. À l’époque, j’écoutais pas mal Rick Ross, donc j’ai fait une rythmique sudiste et j’ai mis de la musique viet traditionnelle au début et à la fin du morceau. »

Titre bonus de la version mix de Jukebox, disponible à l’écoute sur notre Mixcloud.


Zekwé (Photographie : Meddy Zoo)

Zekwé – « Zezeille » (prod. Zekwé) (2015)

Zekwé : « Zezeille a en fait été enregistré sur un autre beat complètement différent. Le morceau tel qu’il est sorti est un remix en quelque sorte. À la base, le beat était beaucoup plus aéré, très spatial, un peu influencé par la mouvance « cloud rap » à la PNL, que j’écoutais beaucoup à cette période. Le refrain était plus chargé en voix. Le morceau traite d’un « je m’en foutisme » de tout, à part ce qui peut rendre les miens et moi-même heureux : l’argent. C’est pour ça que le ton est très nonchalant, sans énergie. Je me rappelle que mon gars Yoro n’était pas convaincu au studio. Et lui, c’est mon thermomètre rapologique. S’il n’est pas chaud sur un titre, c’est mort. Après écoute, j’ai compris que la sonorité ne me ressemblait pas et j’ai tenté une autre version. Toute la terre y allait de son commentaire : « Cette version tue », « Non, la première est mieux »… J’ai envoyé les deux versions à Jee qui me filait quelques coups de mains pour ma promo à cette époque. Grand monsieur. Ce son n’est pas apparu sur le EP Frapp Musiq car il traite de la même chose que « Princess » d’après mon directeur artistique. J’ai dû choisir. Jee m’a contacté quelques semaines plus tard pour la compilation Abcdr avec une idée derrière la tête… Je lui ai donc offert « Zezeille » avec plaisir. »


Sameer Ahmad (Photographie : Photoctet)

Sameer Ahmad – « Siwak Remix » (prod. LVMX) (2015)

LVMX : « Siwak est le titre de Perdants Magnifiques que je trouve le mieux ficelé musicalement, celui qui coule le mieux, le plus évident aussi. J’avais testé quelques a cappella du projet sur des bases de sons, mais c’est celui-là qui a collé à un sample que j’avais trouvé juste avant sur youtube. J’avais envie de totalement changer l’esprit du morceau, le rendre plus froid et électronique, alors qu’il est chaleureux, avec des instruments live joués par Nabil. J’ai poussé le vice en mettant de l’autotune sur la voix de Samir, ce qui est a priori totalement hors de propos. Mais j’ai bien aimé le résultat. Pas lui, la première fois qu’il l’a entendu. J’avais envie de l’envoyer à notre mailing list pour faire plaisir à ses auditeurs, mais il préférait un remix dans l’ambiance qu’il affectionne, ou un jour faire un vrai morceau dans ce style, tant qu’à brancher l’autotune. Après, j’ai perdu le contenu de ce laptop et du coup je n’avais plus que le mp3. Quand Diamantaire m’a demandé un inédit, je le lui ai envoyé et il a beaucoup aimé. Du coup j’ai re-soumis le track à Ahmad, vu qu’en inédit on n’avait rien sous la main, et cette fois il a bien apprécié, un an plus tard. Le problème que j’ai avec ce remix, c’est que je déteste les choix de sons rythmiques et leur mixage, même si j’aime bien le reste, les samples, la structure, les synthés… Perso, quand je l’écoute, je souffre, mais ça n’a pas gêné les gens apparemment, donc « amen » pour qu’il apparaisse sur la compilation. »


Lyon’S

Lyon’S – « Sunny » (prod. Greg Foli) (2005)

Lyon’S : « Des années en arrière, posé sur mon balcon, je pensais à mon parcours et notamment à mon passage en Afrique dans différents pays, aux amitiés et aux différentes péripéties qui me sont arrivées. Je me suis alors projeté dans le futur en imaginant des retrouvailles avec tous ces amis avec qui on a lutté et galéré. Et, justement, un de mes frères ressortissant de la Centrafrique – qui avait subi un rapatriement mais était hélas resté au pays quand, moi, j’ai pu revenir – m’appelle pour m’annoncer le décès de sa mère qui était pour moi comme une mère aussi. Dans cette atmosphère de nostalgie entremêlée de tristesse et surtout de l’espoir de pouvoir un jour se retrouver, je me suis mis à écrire ce morceau. Du moins à le finir, étant donné que j’avais écrit le premier couplet deux ans auparavant dans ma voiture, en pleine réflexion dans l’attente de la venue de mon futur fils que j’ai nommé « Sunny ». J’avais mis ce couplet de côté, faute de son pour le poser. Donc, le lendemain d’une nuit blanche à Savigny à épauler la famille éprouvée par le décès de leur mère, j’avais rendez-vous avec Black Mo, mon fidèle compagnon des premiers jours, chez lui dans le XIXe. Dans une chambre où était installé son home studio, le son « Sunny » était posé en deux heures, refrain et couplets compris… Et, bizarrement, ce son est resté dans le tiroir jusqu’à ce que l’Abcdr propose cette compilation. C’est un morceau qui inspire la fierté parce qu’il porte le nom de mon premier-né et en même tant la lutte, la nostalgie et la joie de pouvoir un jour voir les miens relever la tête, quelles que soient les difficultés rencontrées… »

Le titre « Sunny » sera également disponible sur Cold Case, projet regroupant des inédits de Lyon’S.


Solo (Photographie : Alain Garnier)

Solo – « K.O. Banania » (prod. Solo & Gordon Cyrus) (2001)

Solo : « Je l’ai écrit et finalisé entre 1999 et 2001… J’avais cette rythmique en stock totalement inspirée du « C.R.E.A.M. » de Wu-Tang, un petit sample en guise de nappe et fond sonore. Il manquait juste de quoi vraiment faire décoller tout ça. À l’époque, je venais de transférer mon studio, de la Cigale à Salam prod (FFF). Donc je n’ai eu qu’à taper à la porte du studio d’à côté occupé par Gordon Cyrus et à lui demander de venir freestyler avec moi, lui au Rhodes, moi au mic. Un peu d’edit de certains de ses riffs et hop le track avait atteint son altitude de croisière. Pour le texte, je n’ai eu qu’à poser la retranscription de mon ressenti d’homme noir né et ayant toujours vécu dans un monde blanc. Le genre de texte qu’il m’arrivait à l’époque d’écrire en quinze minutes. Émotion et fulgurance d’un ressenti inexprimé depuis que je respire… Le titre est venu de mon ami Loik Dury, un jeu de mots sur une des phases du texte. »

Titre bonus de la version mix de Jukebox, disponible à l’écoute sur notre mixcloud.


Mala

Mala – « Zalazasta Kho » (prod. Lex Profit) (1999)

Lex Profit : « Avec Mala, on a enregistré ce son le jour de notre première rencontre, fin 1999 ou début 2000. J’étais en sang ce jour-là. Le morceau a été fait dans ma chambre, on ne l’a même pas mixé. Il a une vibe Killarmy, j’écoutais beaucoup « War Face » à l’époque. La deuxième fois que Mala est passé chez moi, il était avec un pote à lui, un grand métis. On a fait tourner le morceau en boucle en fumant un grand joint. Le soir-même, je feuillette un Radikal et je me rends compte que je venais de bédave avec mon rappeur préféré. Le grand métis, c’était Booba ! Je n’avais pas internet à l’époque et je ne l’avais pas reconnu sur le coup. C’était une autre époque. C’est incroyable que ce son sorte finalement seize ans après. Il a une signification de dingue pour moi, il a changé ma trajectoire. Six mois après l’avoir enregistré, je suis parti habiter chez Mala. Quand j’y repense, la plupart des gros couplets du 92i ont été écrits sur mes sons. J’étais le sac de frappe de l’équipe. Si ça doit être l’héritage que je lègue au rap en France, ça me convient ! [Sourire] »


Kohndo

Kohndo – « Steeve » (prod. Jee Van Cleef) (2002)

Kohndo : « Au départ, je l’avais écrit pour Deux pieds sur terre et je trouvais que le sujet était trop éloigné du reste de l’album. J’avais envie d’écrire sur la télé-réalité mais je sentais que je n’avais pas réussi à mettre la vibe qu’il fallait niveau interprétation. Je n’étais pas assez habité. »

Jee Van Cleef : « La prod’ date de 2000/2001. À cette époque, je n’avais pas encore Internet et mon stock de bons disques à sampler arrivait à expiration. J’avais une furieuse envie de faire du son, mais seulement le « Dinner Music » de Carla Bley sous la main. Bien évidemment, le fameux « Song Sung Long » me faisait méchamment de l’œil, mais Large Professor l’avait déjà plié sur l’album de Mad Skillz et, sur le coup, je ne parvenais pas à le faire tourner de manière suffisamment pertinente. Histoire de faire un break, j’ai allumé la radio, et en zonant sur mes programmes favoris, je suis tombé sur une bande de nuit ambiance jazz/soul. Le poste étant équipé d’un Mini Disc, je me suis machinalement mis à enregistrer plusieurs morceaux, jusqu’à tomber sur ce son de flûte terriblement hypnotique. J’allais par dépit violer une des règles tacites du sampling en échantillonnant un morceau que je ne possédais pas physiquement, mais je n’en avais strictement rien à cirer, et lorsque j’ai vu par la suite des mastodontes comme Timbaland ou Quik avouer sampler la radio ou des programmes TV, ça m’a réconforté dans l’idée de rester créatif quelle que soit la matière première en ma possession. Une petite rythmique maison, quelques samples de voix et une basse filtrée plus tard, j’avais la prod’ qui donnerait naissance à ce fameux « Steeve ». Petit jeu pour les oreilles les plus affûtées : je n’ai finalement pas pu m’empêcher d’utiliser le morceau de Carla Bley pour agrémenter ma prod, saurez-vous retrouver l’emprunt ? »


Cris Prolific & K Banger

Dakwarians feat DJ Grazzhoppa – « Forever » (prod. Cris Prolific) (2008)

Cris Prolific : « K Banger et moi-même nous sommes rencontrés virtuellement via le spectre myspace suite à des échanges assez fous que j’entretenais avec Jay Electronica alors qu’il était quasi-inconnu. Mais je sentais que la lumière finirait vite par éclairer son talent. À cette période, j’étais en contact avec lui car j’écoutais sa page assez souvent, vu la qualité de ses contenus et choix musicaux, et il était question qu’il soit sur le titre « I Reminisce » que j’avais réalisé pour mon premier album Art/Money. Après m’avoir envoyé un message qui m’avait bien motivé – « Let’s build here’s my email… ! »,  je croyais que j’allais faire découvrir un talent mais il a disparu mystérieusement par la suite sans un mot.

Et puis, un mois après, sorti de nulle part, K Banger m’envoya quasi la même phrase sans aucune précision particulière, au point que je crus qu’il s’agissait d’une blague de Jay Elec. Mais non, c’était bien K Banger – qui avait pour le coup un peu le même timbre de voix selon les démos qui figuraient sur sa page à l’époque – qui visiblement appréciait ma musique. Du coup, nous avons collaboré très vite ensemble et avions comme projet de sortir son album solo sur 45 Scientific. Mais les complications au sein du label ont interféré avec la naissance de ce projet de groupe basé sur nos similitudes artistiques. Le temps nous a permis de poursuivre notre collaboration et ainsi de créer notre groupe. Ce titre, « Forever », marque notre naissance officielle qui deviendra Dakwarians par la suite. Concernant Jay Elec, il a commencé à être dans les petits papiers de Erykah Badu, j’ai alors compris que je n’aurai plus de nouvelles… »


La Main Gauche (K2C) (Photographie : Cyril Zannettacci)

K2C – « Ici Bas » (prod. Cédric) (2001)

La Main Gauche (K2C) : « Le morceau « Ici bas » devait figurer sur un maxi produit par le label Équinoxe de Fabio, un pote de Badem. Medi Sadoun (oui, le comédien !), un ami d’enfance de Badem, nous a présenté un beatmaker talentueux qui débutait. Nous avons été emballés par la prod’ qui était sa première (et sans doute la dernière). Les voix du morceau ont été prises dans le studio où Marlène Jobert enregistrait ses contes pour enfants, épaulé par son ingénieur en titre. Shone était de la partie pour réaliser les scratchs ainsi que le producteur Soper. Nous étions tous satisfaits du son et de la collaboration mais Fabio n’a pas pu finaliser son projet… Il nous a laissé le morceau, masterisé chez Translab. Le refrain est une référence à une réplique du film Les Affranchis de Martin Scorsese. Kery James l’a également utilisée… Pris de vitesse pour le sortir, le morceau est tombé aux oubliettes, abandonné durant une quinzaine d’années avant qu’il ne soit débusqué et sélectionné par l’Abcdr du Son. »


Nikkfurie & Hi-Tekk

Nikkfurie & Young Zee – « Back ‘N Forth » (prod. Nikkfurie) (scratchs & cuts : DJ Cross Fella) (2016)

Nikkfurie : « L’inédit « Back ‘N Forth » est une collaboration avec Young Zee, issue d’un projet d’EP commun que l’on envisage de sortir courant 2017. Avec La Caution, on a toujours apprécié le boulot des mecs de Outsidaz, notamment Young Zee et Pacewon. Un jour, un pote à moi, Payp, un ancien membre de La Caution toute première mouture, poste une vidéo d’un accappela que j’ai fait en concert, un truc intéressant par sa technique. Young Zee voit la vidéo et big up la performance. On s’était déjà checkés il y a longtemps lors de leur passage à Paris mais très vite fait. Et là du coup, il me propose spontanément de faire un track, j’en étais honoré et on a fait un titre qui sera dans le prochain album de La Caution. Par la suite, en échangeant, l’idée de faire un EP commun a germé et le premier titre que l’on a enregistré est donc « Back ‘N Forth ». On taffe tranquillement sur le reste sans pression, c’est un projet par et pour des passionnés. »

Le titre « Back ‘N Forth » est également présent sur le maxi du même nom, désormais disponible.


Dan de Ticaret (Photographie : David LS)

Moda & Dan – « Caresse » (prod. Dan de Ticaret) (2001)

Dan de Ticaret : « Ce morceau a été conçu pour un distributeur qui projetait de sortir un double CD, le CD2 étant les instrumentaux. La compilation n’est finalement pas sortie pour une raison que j’ignore. Il devait notamment y avoir LIM de Mo’vez Lang dessus. À l’époque, je découvrais la MPC avec les pads et Moda a écrit sur la prod’. C’est l’une des dernières compositions de notre duo avec le maxi Clubbing Sounds paru chez Djoos Records. »

Marc Jouanneaux (Animalsons/TheLeftLaneProject)

Mala & Booba – « Smack la Lune Remix » (prod. Marc Animalsons alias TheLeftLaneProject) (2016)

Marc Jouanneaux : On a habité ensemble avec Mala à un moment. Au bout d’une semaine de PES intensif, on s’est dit : « Viens, on fait de la musique au lieu de jouer à la console ». On était là, on squattait le soir, je commençais un beat vers deux ou trois heures du mat’ et Mala posait dessus à six heures. On a fait les trois quarts de l’album Himalaya comme ça, en à peine deux semaines. Plus récemment, Mala m’a demandé de faire un remix d’une chanson d’Himalaya. Au début, je voulais faire « Izi Cash ». Mais en réécoutant « Smack la lune », j’ai eu une idée. « Smack la lune », ça veut dire fumer le cul de la vieille en fait. Et je trouvais qu’il y avait des similitudes entre ce son et « Oh la la » de PNL. Je me suis dit que ce serait sympa de mixer les deux morceaux. Je retrouvais l’ambiance de « Smack la lune » dans le couplet de NOS. Il y a une petite atmosphère spatiale. En plus, l’autre jour, j’étais en voiture avec un pote et il y a « Onizuka » de PNL qui passait à la radio. Je lui demande : « C’est un manga, c’est ça, Onizuka ? » « Ouais, c’est GTO ». Et il se trouve que le sample du début de « Smack la lune », ça vient de GTO. J’étais Onizuka avant PNL, la boucle est bouclée. [Sourire]

Mala kiffe à mort le remix. Je me suis dirigé vers l’EDM parce que l’uniformisation du rap depuis l’apparition de la trap m’ennuyait un peu. C’est toujours les mêmes leads de Nexus, les petites clochettes, les brass… Tout le monde utilise les mêmes kits. J’ai besoin de m’amuser quand je fais de la musique. J’ai toujours kiffé créer des sons que personne n’avait. Je viens du dancehall à la base et c’est un genre où il faut se renouveler sans cesse. Donc je m’ennuyais un peu et puis, un jour, j’ai découvert les Skrillex et compagnie et je me suis dit : « C’est ça que je veux faire ». Je n’avais ce genre de sons dans aucun de mes synthés. Je me suis renseigné et j’ai vu que les mecs du dubstep, de l’EDM, pour la plupart, créent leurs sons à partir de presque rien. Un son de base d’un synthé, ils le modifient jusqu’à créer un nouveau son. Ça m’ouvre à l’international en plus. Et, comme dans l’electro, on n’y utilise pas les chanteurs de la même manière. C’est moins basé sur la voix : elle est davantage considérée comme un instrument parmi les autres. Et, moi, je ne voulais pas dépendre forcément d’un chanteur pour faire du son.

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