Dixon
Interview

Dixon

Rappeur sombre mais souriant, jeune pousse qui ne manque pas de maturité, héritier de NTM et d’Ärsenik sans en être une pâle copie, Dixon se démarque nettement de la nouvelle vague de rappeurs français. Présentation d’un type dont on n’a pas fini de parler.

Abcdr Du Son: Est-ce que tu peux te présenter brièvement pour les personnes qui n’auraient pas encore entendu parler de toi ?

Dixon : Dixon, je viens de Seine Saint-Denis et j’ai commencé le rap il y a un peu plus de dix ans. J’ai intégré pas mal de groupes et, au début, ça rappait uniquement pour le plaisir et le challenge. C’est toujours le cas aujourd’hui mais c’est fait de manière plus carrée. Le temps avance et tu te dis que tu aimerais partager ton rap avec plus de gens. Généralement, c’est un vrai défi parce qu’au départ, tu ne rappes qu’avec tes potes et ce que tu fais est forcément mortel. Le but du jeu était vraiment d’étendre ma musique et de voir ce que des inconnus pouvaient en penser. C’est une dimension supplémentaire et importante parce que tu vas être confronté à des gens qui n’ont pas d’a priori sur toi et qui peuvent livrer des critiques beaucoup plus acerbes.

A : Quand as-tu commencé à exposer ta musique à des inconnus ?

D : Ça a commencé principalement par le net. Quand tu as un Myspace, des gens peuvent venir sur ta page et donner leur avis. Ceci dit, au départ, il s’agit surtout de personnes qui t’aiment. Les vrais retours, positifs ou négatifs, vont arriver quand ton son commence à être disponible sur des sites comme le tien, sur Rapadonf, Booska-p etc. « Ah j’aime pas sa voix« , « J’aime bien ce qu’il fait« … Tu commences vraiment à rentrer dans le vif du sujet. La transition se fait progressivement. Les gens qui me connaissent bien ont toujours dit que j’étais négatif mais je vois ça davantage comme du réalisme. J’aime bien voler au ras des pâquerettes pour ne pas me casser la gueule de haut [Sourire]. Ce que je veux dire par là c’est que je pense pouvoir apprendre de toute critique constructive. En revanche, j’ai passé l’âge de m’arrêter sur les insultes gratuites.

A : Tes textes sont toujours très travaillés. Comment t’es venu ce goût de l’écriture ? Fais-tu aussi partie de ces rappeurs qui étaient mauvais partout à l’école sauf en français ?

D : Pour être très honnête, j’étais moyen partout parce que je me faisais vraiment chier à l’époque. Par contre, l’amour des mots m’est venu assez tôt. Quand j’étais petit, ma mère me lisait des histoires avant de dormir et ça me passionnait de mettre en image des suites de mots. Dans ma tête, je mettais en scène toutes les histoires qu’elle me racontait. Ensuite, le rap m’a permis d’être introspectif et de me livrer un peu. C’était plus facile de parler de moi que d’aller faire des dissertations sur des types que je ne connaissais pas.

« Qu’est-ce qui a rendu la prestation d’Heath Ledger aussi immense dans The Dark Knight ? Il avait ses tics et ses mimiques qui ont donné une plus-value au personnage. J’essaye d’en faire autant dans la musique. »

A : Tu dis que tu te livres mais moi j’ai le sentiment que, comme Nakk en son temps, tu te caches parfois derrière des textes assez techniques et blindés de métaphores…

D : Pour le moment, le but du jeu est de montrer un panel. J’ai écrit pour une mixtape et je ne voulais pas tout faire ressortir tout de suite. J’ai une histoire personnelle qui fait que je vis la musique comme une thérapie et je ne pouvais pas retracer tout mon parcours dès maintenant. Je préférais lancer quelques pistes aux gens. Mais c’est vrai que j’ai tendance à me retenir pour le moment et je sais que je me livrerai davantage avec le temps.

A : En même temps, tu te permets de vraies libertés au niveau de l’interprétation et n’hésite pas à chanter sur certains morceaux…

D : Musicalement, je pense que c’est très important de proposer un contenu varié. Quand t’as la même voix et le même flow sur vingt morceaux, je peux comprendre que les gens se fassent chier. En plus, on m’a dit que j’avais un grain de voix assez particulier. Au-delà de ça, je pense que c’est primordial de s’intéresser à l’interprétation quand tu veux développer un personnage, qu’il s’agisse de musique, de théâtre ou de n’importe quoi. Ça va tenir à des petits détails, des mots placés à certains moments qui vont construire le personnage. Je pense au Joker dans The Dark Knight. Qu’est-ce qui a rendu la prestation d’Heath Ledger aussi immense ? Il avait ses tics et ses mimiques qui ont donné une plus-value au personnage. J’essaye d’en faire autant dans la musique.

A : Quelle est ta situation avec Goldeneye ?

D : Je suis chez Goldeneye et on est signé en édition chez Because. Jusqu’à présent, tout ce qui a été fait a principalement été l’oeuvre de Goldeneye. Et Because se charge de la distribution. Tout le marketing se fait en petit comité et je pense que, pour le moment, c’est la meilleure solution. On fait notre petite cuisine et on peut tranquillement développer un personnage et proposer quelque chose de fini aux majors. En major, la moindre idée va prendre beaucoup plus de temps à se concrétiser.

A : Tu parlais de développer un personnage. C’est essentiel d’arriver avec un univers très personnel aujourd’hui et de ne pas se contenter d’avoir des bonnes rimes ?

D : Je t’ai parlé de fabriquer un personnage mais, en ce qui me concerne, le personnage existe depuis un moment à cause notamment de mon histoire personnelle. L’idée était d’arriver à créer un lien entre l’homme et l’artiste. Quand j’ai commencé à écouter du rap, j’ai été très marqué par des gens comme Lino ou les 2bal parce qu’ils avaient tout et ressemblaient à des super-héros avec chacun leurs pouvoirs. Pour moi, la musique est une sorte de carnaval un peu malsain où chacun peut dire ce qu’il a sur le coeur. Ensuite, je n’ai jamais vu le rap comme quelque chose de très jovial d’où l’idée d’aller vers la direction qu’on a prise et de développer un personnage assez sombre sachant que c’est ce qui se cache vraiment à l’intérieur.

A : Aujourd’hui, de plus en plus de rappeurs français parlent de swag et ont l’air de chercher à avoir la rime la plus mongol … De ton côté, tu opères vraiment un retour au texte et te différencies un peu de la nouvelle génération.

D : La musique est un divertissement et, même si le rap peut être revendicatif, aucun genre musical n’échappe à cette règle. Je pense que si tu ne soulèves pas une émotion – ça peut être de l’humour, de la tristesse, de la colère – tu ne parleras à personne. A l’ère d’Internet, si tu n’arrives pas avec quelque chose en plus, tu es vite noyé dans la masse de rappeurs. Aujourd’hui, tu tapes dans n’importe quel bâtiment et des rappeurs vont en tomber. Il y a énormément de rappeurs talentueux dont on parle peu et peut-être que d’autres sont plus moyens mais aussi plus accessibles aux yeux des maisons de disques. En tout cas, en tant qu’auditeur, ce qu’on me donne à manger ne me fait pas toujours vibrer.

A : On te voit avec un t-shirt Gremlins dans le clip du « Majeur ». T’es un enfant des années 80 ?

D : Complètement. Je me dis même que les gamins de maintenant doivent se faire chier quand je vois les dessins animés qu’on leur donne ! Je suis peut être nostalgique mais j’ai l’impression qu’on a vécu une époque dorée : il n’y a plus de mangas aujourd’hui ! En tout cas, j’ai conservé toutes ces références.

« Pour moi, la musique est une sorte de carnaval un peu malsain où chacun peut dire ce qu’il a sur le cœur »

A: « Ton rap a de la gueule mais il me fait le même effet que The Wire en V.F. » Tu es fan de la série ?

D : Je m’y suis mis tardivement mais la série m’a bousillé. J’ai dû regarder les cinq saisons en deux semaines, je la mettais la nuit, j’étais fou… C’est une série que j’ai téléchargé et, du coup, certains épisodes étaient en V.F. C’est incroyable comme la série perd sa magie, les personnages ont des voix de merde, t’as l’impression qu’ils se forcent, leurs expressions sonnent faux… Sans hésitation, mon personnage préféré restera Snoop. Elle est incroyable et dégage un charisme fou du haut de ses 1 mètre 20. Le personnage a été très bien trouvé et je ne pense pas qu’il soit si éloigné que ça de la réalité. D’ailleurs, elle s’est fait attrapé il y a quelques mois pour trafic de drogues.

A : Dans ton rap, on aperçoit un côté un peu psychopate sans que ça soit trop excessif non plus. Une série comme Dexter, ça te parle aussi ?

D : Totalement. Certains rappeurs ont mis en avant la dualité. Quand Eminem crée Slim Shady, il crée un autre personnage derrière lequel il va se cacher. Ce qui m’a plu chez Dexter c’est qu’il s’agit de la même personne sauf qu’elle porte un masque la journée qui lui permet de discuter normalement avec les gens. La nuit, cette même personne tombe dans ses travers… J’ai toujours eu l’impression de vivre comme ça. J’allais travailler la journée et je voyais mes potes mais toute cette noirceur reprenait le dessus dès que je rentrais et que je me retrouvais seul. Je le canalise avec l’écriture et c’est pour ça qu’un jour je pense que je reviendrai forcément sur tout ce que j’ai pu vivre avant. En tout cas, cet aspect de la série m’a vraiment retourné.

A : Avant la mixtape, tu as mis en téléchargement gratuit le projet La Main. Comment as-tu eu l’idée de ce concept ?

D : L’idée me trottait dans la tête depuis un moment et j’ai encore plusieurs concepts comme ça en réserve. Juste avant, il y avait eu la trilogie Passé-Présent-Futur d’ailleurs. Ce sont des moyens de faire vivre autrement la musique qu’à travers un simple morceau. Il me semble que c’était sur son deuxième album que Busta Rhymes avait fait deux storytellings : le second décrivait la conséquence de ce qu’il avait raconté dans le premier morceau. Je sais que Dany Dan avait fait le même chose sur un album. Tu t’amuses et ça donne une autre dimension à ta musique.

Pour La Main, je voulais rapper sur des musiques de films, clipper les morceaux et faire tout ça rapidement, en une semaine. C’était également une manière de donner encore un peu de contenu avant la sortie de la mixtape. C’était un plaisir de le faire.

A : Symptome Volume 1 constitue ta première sortie physique. Qu’en attends-tu ?

D : Mon attente principale c’est que ce projet me permette de continuer. Je n’attends rien en termes de chiffre de vente mais mon souhait serait que cette mixtape me permette de continuer à créer, d’imaginer des projets… On sait que c’est compliqué d’enchaîner après un projet qui se casse la gueule, que la suite sera moins facile. Je veux aussi que les gens prennent le temps de me découvrir. Il y a vingt morceaux qui vont dans plusieurs directions afin de montrer ce que je sais faire. J’aimerais plaire à un certain nombre de personnes aussi parce que tu t’arrêtes vite si tu cries tout seul dans ton coin.

A : Tu disais justement « J’peux pas plaire à tout le monde et encore moins aux illettrés. » Dis-tu ça parce que tu as peut-être l’impression d’être moins accessible que d’autres rappeurs de ta génération ?

D : Je vais même aller plus loin que ça. Certains m’ont fait des remarques en me reprochant d’être dans un rap snobinard qui écarterait une partie du public… Pas du tout ! Quand j’écris, je ne me dis pas que je vais mettre un mot compliqué uniquement pour faire mon intéressant. J’écris les mots qui me viennent à l’esprit et je ne cherche pas à être au-dessus de qui que ce soit. Je n’ai jamais essayé de faire du « rap intelligent », je fais les choses comme je le sens. Et je pense que je ne suis pas le seul dans cet état d’esprit. Des mecs comme Médine ou Taipan sont aussi dans cette veine. Le problème de Taipan c’est que beaucoup de gens ne le connaissent pas.

Je ne dis pas que Taipan et Dixon devraient être sur le devant de la scène mais ce serait bien qu’on ait au moins notre courant et qu’on soit reconnu en tant que tel. Il existe du rap de cons, il existe du rap jovial, pourquoi le nôtre ne pourrait-il pas exister ? C’est peut-être un petit peu moins accessible mais, quand j’ai commencé à écouter du rap, il y avait des tas de rimes et de punchlines que je ne comprenais pas. Heureusement qu’il y avait les paroles dans le livret de Mauvais oeil parce que je serais passé à côté de plein de choses sinon. D’ailleurs, même en les lisant, il y avait des trucs que je ne comprenais pas mais je trouvais quand même que ça déchirait ! Par la suite, tu redécouvres ces morceaux et tu comprends la punchline, un mois, deux mois, peut-être un an après.

« Heureusement qu’il y avait les paroles dans le livret de Mauvais oeil parce que je serais passé à côté de plein de choses sinon. D’ailleurs, même en les lisant, il y avait des trucs que je ne comprenais pas mais je trouvais quand même que ça déchirait ! »

A : Quels sont les gens qui ont influencé ton écriture ?

D : Quand j’ai découvert le rap, j’étais vraiment une éponge. J’ai tapé aussi bien dans du Lino que dans du Ill. L’époque Time Bomb m’a beaucoup marqué et, à cette époque, il y a eu une vraie recherche en termes de flows et de placements de mots. C’est là que j’ai commencé à forger mon écriture et, au fil du temps, tu écoutes d’autres mecs. Des Triptik, des Youssoupha, des Lunatic… Je suis vraiment un pot-pourri de tout ça.

A : Tu dirais quoi si je te demandais de citer quelques albums marquants ?

D : [Sans hésitation] Opéra Puccino. Paris sous les bombes, forcément. Il y en a beaucoup trop, j’aimerais bien trouver quelque chose d’un peu plus récent…[En revanche, il hésite longuement]

A : Le Despo ? 

D : Despo est très fort mais je ne me suis pas assez penché sur sa musique pour me permettre d’avoir un avis aussi tranché… La question est simple mais la réponse est plus compliquée qu’elle n’y paraît ! [Rires] Si j’élargis au rap US, Eminem m’a mis une grosse claque mais ce serait compliqué de choisir un album… Allez, je dirais Genesis de Busta. Il se cassait un peu la gueule et j’ai l’impression que cet album l’a réveillé. Avec cet album, il a ramené des nouveaux sons, des nouveaux flows et j’a le sentiment qu’il n’a jamais lâché la barre depuis. Il est increvable !

A : On a l’impression que tu emmagasines beaucoup de choses, que tu regardes beaucoup de films, que tu suis l’actualité… Comment va se passer la création d’un morceau chez toi ?

D : Ça dépend beaucoup de mon état d’esprit. J’ai remarqué que je n’écrivais jamais aussi bien que quand ça n’allait pas. Je pense d’ailleurs que, souvent, les gens qui ont une enfance dorée et qui ne manquent de rien ne sont pas amenés à se poser certaines questions et, par extension, à créer… Ce sont toutes les questions que je me pose sur ma situation qui vont déclencher le processus d’écriture chez moi. Je vais exploiter toutes ces sources d’interrogation. Ensuite, la source d’inspiration est très aléatoire. Il peut s’agir d’une situation d’actualité, d’un truc vu dans la rue… N’importe quoi.

A : Tu viens de nous dire que tu n’écrivais jamais aussi bien que quand ça allait mal mais, en tant qu’auditeur, ça n’est pas toujours évident de se prendre des trucs durs dans la gueule. Est-ce que tu t’imagines dépasser ça un jour et éventuellement faire quelque chose de jovial ou de marrant ?

D : Tout peut-être fait à partir du moment où c’est bien fait. Je ne suis pas fermé… On parlait de divertissement tout à l’heure et il n’y a pas de raison pour que je m’interdise un jour de faire un morceau dans ce délire si j’en ai l’envie. Je pense même que c’est important de ne pas passer sa vie à se regarder les pieds et qu’il faut jeter un oeil sur ce que les autres font de temps en temps. Je ne veux pas non plus tourner en rond dans le même mode d’écriture un peu sombre.

A : On parlait de trucs marrants et il y a une de tes phases qui m’a fait sourire : « Ma vie tient à un cordon de Beats by Dre. » Toi aussi, t’as eu une galère avec ce casque ?

D : Voilà [Rires]. Il y a un double sens puisque c’est aussi un moyen de dire que je ne serais rien sans la musique mais… c’est un truc de fou comme ces cordons sont merdiques ! Mes deux cables se sont barrés en couille. Mais c’est un peu comme quand tu achètes une machine et qu’elle tombe en rade au bout de deux ans, c’est fait exprès ça ! C’est dommage parce que le casque est mortel.

A : Tu travailles beaucoup avec Blastar. C’est ton beatmaker attitré ?

D : En fait, j’ai une histoire un peu particulière avec Blastar parce que c’est la première personne que j’ai rencontrée et c’est lui qui m’a présenté à Oumar, le boss de Goldeneye. C’est vraiment un ami et on a fait plusieurs sons ensemble, un peu moins ces derniers temps parce qu’on était très pris. Par contre, il faut savoir que dans le label, on travaille également avec Cannibal Smith et Richie Beats, deux autres beatmakers. Je vais être amené à beaucoup travailler avec eux mais je ne me ferme pas à des collaborations avec des beatmakers hors label. Je n’ai vraiment pas envie de m’enfermer dans une seule couleur musicale donc je pense que c’est important d’aller piocher un peu partout. Il y a énormément de talent et j’ai même l’impression que les beatmakers sont meilleurs que les rappeurs en France.

A : Salif me disait que le salut du rap français viendrait des producteurs. Tu es d’accord avec ça ?

D : Je le rejoins totalement. Je pense que le salut du rap français passera par une meilleure diffusion. Je m’explique : je pense que chaque beatmaker a cinq, six, peut-être sept perles. Il faut que cette perle en question soit validée par le rappeur puis, éventuellement, par la maison de disques et, finalement, par la radio. Aujourd’hui, j’ai l’impression que les rappeurs choisissent leurs prods en fonction des préférences présumées de la radio. Pour moi, c’est une meilleure diffusion qui sauvera le rap. Ça peut être le cas si on arrête de se focaliser sur la radio et que, par exemple, les webradios sont amenées à exploser. Je pense que notre musique s’en porterait mieux. J’ai l’impression que tout le monde est complexé et que, même le beatmaker, se met à faire des « bananes » comme on appelle ça avec Blastar. C’est à dire que comme les décideurs ne veulent diffuser qu’un format bien spécifique, toute la chaîne est foutue en l’air.

A : Puisque tu parles de radio, on peut difficilement passer à côté de la seule véritable radio rap à l’échelle nationale, Skyrock. Comment tu as vécu le faux scandale qui a agité la radio et l’intervention de plusieurs rappeurs ?

D : J’ai l’impression que c’est très français comme état d’esprit de se bouger le cul uniquement quand on est concerné par quelque chose. Tous les rappeurs qui se sont déplacés étaient des gens diffusés ou diffusables. Tous les autres ne ne sentaient pas concernés et, pire, se réjouissaient même de la situation. A titre personnel, je pense que si on coupe la tête de ce roi là, un autre viendra prendre sa place.

C’est un peu comme les sombres histoires de meuf qui se font violer dans des wagons sans que personne ne bouge. C’est comme ça que j’ai vécu l’histoire et je n’ai même pas voulu m’exprimer là-dessus. Pour moi, Skyrock n’est vraiment pas une fin en soi. Je ne cracherai pas dessus s’ils décident de me diffuser un jour et je trouve que le discours « Fuck Skyrock » est assez stupide. Mais je n’irai pas faire des pieds et des mains pour passer à Skyrock, je ne modifierai pas mes sons… C’est moche parce que ça nique tout le processus de création quand tu réfléchis comme ça.

A : Tu es très présent sur Twitter. Tu vois Internet comme un substitut à la radio qui te permet de t’adresser directement aux gens ?

D : Je vais aller plus loin : je me demande pourquoi Internet n’a toujours pas éclipsé les radios. Tu te mets devant un écran et tu as le choix d’écouter absolument tout ce que tu veux. A la radio, on te balance les mêmes sons dix fois par jour… Je pense que les webradios ont un sérieux rôle à jouer. Le jour où on aura le Wifi absolument partout et notamment dans les voitures, les radios traditionnelles auront du souci à se faire.

A : Sur Internet, un clip peut être vu plus de 50 000 fois en quelques jours alors qu’il n’y aura probablement pas autant de personnes qui se procureront ta mixtape. Comme tu vis ce décalage entre des gens qui vont te voir comme le meilleur rappeur du monde sur le net et qui ne seront peut-être pas au rendez-vous dans les bacs ?

D : Je m’y attends à cette situation. « Je suis ton premier fan… » Mais tu n’es jamais sûr que la personne vienne chercher ton disque. La musique est devenue tellement accessible sur Internet qu’il est plus difficile d’acheter. Quand tu télécharges un album sur Internet, il n’y a pas de vigile qui va se mettre à te courser ! Tu cliques et tu as accès à la musique. Récemment, on a fait plusieurs clips. Il s’agit de divertissements qu’on donne gratuitement sur Internet. Tout ça contribue aussi à créer un système dans lequel il est normal d’avoir de la musique sans payer. Sur ton écran, tu vas avoir une page iTunes sur laquelle la musique va être payante et une autre sur laquelle elle sera gratuite… Le choix est vite fait. Je pense que chacun d’entre nous doit mener une réflexion. Je n’irais pas jusqu’à dire que la musique est un travail mais si on veut que l’artiste continue à créer, il faut lui donner un peu de pain. C’est très cliché mais c’est la réalité. Parce que les « J’aime ça » n’ont jamais nourri personne [Sourire]. En tout cas, j’essaie de ne pas regarder ces trucs là parce que tu finis par péter les plombs. Tu te transformes en maison de disques à regarder tous les chiffres, à te comparer aux autres… Tu sors de l’artistique.

« Plutôt que de faire du slam, tu peux emmener le rap beaucoup plus loin. »

A : Tu as un côté un peu rockstar dans le clip de « Majeur ». La scène, c’est quelque chose d’important à tes yeux ?

D : On est en train de prévoir des shows et je pense que c’est important parce que c’est le moment où tu crées une interaction avec les gens qui se sont déplacés pour venir te voir. C’est autre chose que de cliquer posé dans ton canapé. Pour moi, c’est un ensemble. Le personnage que tu as créé dans tes morceaux et vidéos doit se retrouver sur scène.

A : Tu fais souvent des refrains chantés. Est-ce que tu t’es mis au rap parce que tu n’étais pas en mesure de chanter et que tu aimerais t’y essayer plus sérieusement ?

D : Il y a des gens qui ont commencé par rapper et qui, pour toucher plus de monde et parce que cette musique n’est sûrement pas assez « noble », ont finit par en sortir. En réalité, tu peux rester dans le rap mais l’emmener beaucoup plus loin. Plutôt que de faire du slam, tu peux emmener le rap dans plein de couleurs musicales différentes. Ce qui m’a plu au départ dans le rap c’est qu’il y avait des tas d’influences dans cette musique. Mon rap évoluera certainement avec le temps mais je ne veux pas en sortir.

A : Tu n’écoutes que du rap ?

D : Non, j’écoute beaucoup de musiques de films en ce moment. Pas mal d’électro également. Je suis fan de tout ce que fait Ed Banger. Il faut que j’écoute le dernier Sebastian d’ailleurs parce qu’on arrête pas de m’en parler. La première fois que je suis allé sur son Myspace, je n’avais même pas compris sa musique ! Il fait de la musique en regroupant des sonorités qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Il a une vraie touche.

A : Pour finir, cinq morceaux qui tournent dans ton iPhone en ce moment ?

D : « How to love » de Lil Wayne. Il nous a fait une ballade qui sera parfaite pour l’été. J’écoute beaucoup de Curren$y en ce moment. C’est typiquement quelqu’un qui fait ce qu’il veut et qui ne pense pas du tout au format de sa musique. Ce qu’il fait est mortel, aussi bien sur le plan musical que dans l’imagerie qu’il a développé. T’as l’impression qu’il n’écrit même pas, débarque en studio et pose son texte nonchalamment. Dernièrement, il y a Yelawolf qui m’a mis une bonne gifle. Et en électro, je dirais Mr. Flash que j’ai bien saigné ces derniers temps.

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