David Delaplace, des visages et une culture
Interview

David Delaplace, des visages et une culture

Photographe autodidacte, David Delaplace tire le fil conducteur du rap, des années 1980 à 2016, à travers une galerie de quatre cents visages. Entretien.

Sauf encadrés et photo de « Une », toutes les photos sont de David Delaplace.
Photo de « Une » par Samuel Cueto.

Il a grandi à Vigneux-sur-Seine et a d’abord utilisé une caméra sans se poser de questions. Au cœur de son quartier ou lors de ses sorties en skate avec ses potes, David filme et photographie tout ce qui se passe, sans réfléchir ni conceptualiser ses images. C’est un jeu, un passe-temps. À force et au gré des rencontres, il verra dans la photographie quelques perspectives. Jusqu’à ce que celles-ci l’amènent à tirer le portrait de l’histoire du rap français. Son idée ? Le faire à travers les artistes qui ont traversé cette musique, que ce soit il y a trente ans ou hier soir. Voilà pourquoi son projet s’appellera Le visage du rap. Entretien avec celui qui collabore parfois à nos publications et qui depuis bientôt trois ans est, avec son appareil photo, toujours quelque part où le phases et les beats résonnent.


A : Quels sont tes premiers souvenirs de photographe ? Comment commences-tu ?

D : J’ai grandi à Vigneux-sur-Seine, dans le 91. Vigneux, c’est le genre de ville éloignée de Paris où ce n’est pas toujours tranquille. Je me décris souvent comme un jeune de la génération des émeutes de 2005. J’avais 15 ans et c’est un vrai marqueur de mon adolescence. C’est souvent quelque chose de fantasmé par les gens, mais pour moi, c’était bien réel. Le quotidien dans le quartier et le bordel qui va avec, voilà dans quel état d’esprit j’ai commencé à faire des images, même si l’envie d’une caméra a commencé par le skate. Avec des potes, on s’était rassemblés en une petite équipe de skateurs. Évidemment, on regardait beaucoup de vidéos de skate, notamment celles de Rodney Mullen. Ça nous influençait beaucoup, l’ambiance, mais aussi et surtout les tricks, les figures. On se rendait souvent au Cosa Nostra Skatepark en Seine et Marne et on voulait se filmer, pouvoir faire des vidéos de nos sessions. L’appareil photo et surtout la caméra, c’était d’abord pour ça. Et comme je suis un connard qui aime faire de tout, je me suis mis à filmer aussi ce qu’il se passait au quartier, surtout les moments où ça partait en couilles. [rires]

A : Tu parles du skate, qui est très connoté dans ses vidéos, où les images et la réalisation sont souvent très travaillées. Mais tu parles aussi de banlieue et d’émeutes, autour desquelles une certaine esthétique s’est développée. Ce sont des influences ?

D : Non, pas du tout, et même si je filmais des bagarres, des flics en train de se faire caillasser, je le faisais sans me poser de questions, sans autre but qu’être là et voir. Je ne m’imaginais absolument pas photographe, je n’avais pas la moindre idée de ce que j’allais foutre de ma vie ! Vigneux ce n’est pas Bagdad, mais ce n’est pas le truc le plus tranquille non plus. C’est une ambiance, mais c’est aussi une bonne ambiance sur plein d’aspects. Plutôt qu’une esthétique, je dirais que ça m’a naturellement formaté à avoir un rapport humain avec les gens, à les regarder vivre. Je vais te dire une phrase que je trouve totalement con quand je la dis, mais qui n’est finalement pas totalement fausse appliquée à la photo : j’aime bien comprendre les gens, et je pense que quand tu photographies quelqu’un, tu dois le voir comme une personne à part entière, comprendre son parcours, qui il est, ce qu’il a vécu et vit.

A :  Quel rapport as-tu avec le rap à ce moment-là ? Qu’écoutes-tu ?

D : À l’exception de ce que ma mère pouvait écouter à la maison, le rap est la seule musique que j’écoutais. Comme tout bon gamin du 91, j’étais un grand fan de Sinik. Il est du département, ça me parlait grave. D’ailleurs, aujourd’hui j’écoute encore ses albums. À côté de ça, j’étais déjà un grand fan de Salif. Il y avait aussi du Lim, Unité 2 Feu, Diam’s, un peu de Disiz. Je crois que j’étais le public cible de l’époque en fait. [rires] Au fur et à mesure, j’ai développé un goût, notamment en écoutant Lino. Ce qui me fascine chez lui, c’est qu’il a certains titres que tu peux écouter dix fois par jour pendant dix ans, tu auras quand même du mal à les mémoriser par cœur. Il y a des phases que tu ne comprends qu’en grandissant ou des années plus tard. « Paradis Airlines » par exemple, je ne le connais pas par cœur et pourtant j’ai dû l’écouter quasiment tous les jours depuis des années. Il y a un moment où le morceau me possède, où mon cerveau s’en va avec lui. Lino et Salif sont vraiment mes deux artistes pera.

A : Le rap a aussi une esthétique, il y a les pochettes des disques également. Est-ce que tu fais le lien entre la musique que tu écoutes et ce que tu fais avec ta caméra et ton appareil photo à l’époque ?

D : Pas du tout. Avant 2011, je n’ai aucune notion de photographie. Quand dans le quartier, je suis sur le tournage du clip de « Juste Palper » de Tito Prince qui était du même coin que moi, je ne prétends à rien si ce n’est être là parce que je suis du quartier et filmer l’ambiance autour du tournage. Ce jour-là d’ailleurs, en marge du clip, les flics ont arrêté un grand du quartier. Pour le stopper, ils l’ont renversé sur son scooter. Tous les gens du clip ont débarqué, on était plus d’une centaine, les flics ont pas trop compris et ont fini par faire demi-tour. [rires] Voilà typiquement le genre de truc que je filmais. Je m’amusais en fait, je ne cherchais rien d’autre que de capturer ce qu’il se passait en bas de chez moi. Idem avec le skate. Les vidéos qu’on regardait étaient pourtant hyper bien filmées, mais à l’époque je ne les regarde que pour voir les figures. Mon idée, c’est qu’on se filme en train de faire les mêmes figures, pas qu’on se filme de la même manière que dans les vidéos. Jamais je ne me mets à la place du mec qui filme ou qui fait les photos. Les seules choses que j’ai faites influencées par ça l’ont été par mimétisme ou par des codes qu’on avait en nous, qu’on recevait par le rap ou par d’autres biais. Il n’y avait aucune recherche technique, aucune démarche artistique, rien.

A : Aujourd’hui on est en 2016, tu t’apprêtes à exposer tes photographies, tu prépares un livre intitulé Le visage du rap. Quel est ton cheminement entre les images faites à Vigneux et l’idée de faire un livre de portraits de gens issus du milieu du rap ?

D : Avec le temps, à force de manipuler un appareil ou une caméra, j’ai commencé à doucement percuter quelques concepts techniques. Ce n’était pas spécialement réussi, mais ça me poussait à faire des photos un peu plus traditionnelles, comme des paysages. Et puis en 2011, j’ai eu une rentrée d’argent et j’ai proposé à mon frère qui rappait un peu de lui faire quelques photos pour son Myspace. Tito Prince les a vues et m’a proposé d’en faire pour lui. C’est là que je commence à me dire que je peux faire quelque chose, notamment dans le rap. Parallèlement, un de mes potes est le cousin de Mory de La Comera. Ils s’apprêtent à tourner un clip à la Grande Borne. Je m’y incruste et je me retrouve à faire les photos officielles sur leur tournage. J’y rencontre Kennedy, que je photographie aussi. Ça me plaît et pour que ça se reproduise, je commence à traîner un peu à droite à gauche, jusqu’à ce que je rencontre Ali du site Buzz2Fou. Je commence à travailler avec lui et ça m’ouvre les portes des Planète Rap. J’étais hyper heureux. Avec le recul, mes photos étaient nulles à chier artistiquement, mais je vois que je progresse et surtout je découvre que ce que je faisais il y a des années sans me poser de questions me plaît vraiment et qu’il y a un peu de place à condition d’être sérieux. Avec ma copine, nous décidons de monter un petit studio photo amovible à la maison et à partir de là, j’essaie de réaliser beaucoup de clichés tout en m’entraînant. Au bout d’un moment, ça a commencé à payer puisque je finis par travailler avec d’autres sites internet, puis des magazines. Sinik, les TLF, des gens comme ça se retrouvent dans mon salon. J’avais des petits cachets sur certaines sessions, mais surtout je me faisais connaître. Je rencontre aussi d’autres photographes qui m’expliquent un peu le business. Je commence à me dire qu’il est possible de vivre de la photo. Pas forcément en photographiant des rappeurs, mais qu’en faisant de la mode ou des photos commerciales, il est possible d’en vivre. Je commence à voir ça comme un débouché, je me dis que ça peut être mon travail, assez honorable en plus.

A : Quand tu commences le projet Le visage du rap, estimes-tu être un photographe professionnel ou encore amateur ? 

D : Je commence Le visage du rap début 2014. Avant, javais commencé à me diversifier. Depuis un an et demi, j’avais commencé à faire mes premiers travaux issus de commandes. Je faisais aussi des shoots pour des modèles. Dans le milieu du rap, j’avais fait la pochette de Green Money par exemple et surtout pas mal de shootings pour des artistes, notamment dans le cadre de ma collaboration avec des sites internet spécialisés. Pour autant, je ne dirais pas que je me considérais comme un photographe professionnel à l’époque. Aujourd’hui encore, j’ai toujours un peu de mal à le penser, même si je ne me qualifierais pas d’amateur non plus.

A : Quelle est l’idée directrice du projet ? Qu’est-ce qui en fait plus qu’un livre de portraits ?

D : Ce projet vient d’un constat : je trouvais fou que certaines personnes ne connaissent pas le visage d’artistes qui avaient contribué à ce mouvement. Parfois ils ne connaissent même pas leur nom ou leur existence. Je crois que tu existes parce que tu as un visage, même dans la musique où c’est d’abord le son qui prime. Je pense que l’histoire ne peut pas s’écrire sans les visages, ou une image forte. Les gens connaissent les standards, les visages de Solaar ou l’iconographie d’Assassin. Mais par exemple, avant qu’il fasse son retour, plein de jeunes ne connaissaient pas Lino. Parfois même pas son nom, et encore moins sa tête. Au fur et à mesure que j’avançais sur ce projet, je me suis d’ailleurs rendu compte que j’étais moi-même victime de ce que je déplorais chez d’autres. Quand je trouvais dingue qu’il y ait des jeunes qui aient des lacunes à propos des rappeurs des années quatre-vingt-dix ou du début des années 2000, je me suis rendu compte que j’avais les mêmes lacunes, mais à propos des années quatre-vingt ! Je ne pensais même pas que c’était aussi immense dans les eighties. En plus, tu as peu d’informations sur ces années-là. Réaliser que moi-même, j’avais les carences que je déplorais chez d’autres, ça m’a encore plus conforté dans ma démarche. Je me suis fait prendre à mon propre jeu. [sourire]

A : Tu pars de zéro. Tu n’es pas très connu dans le milieu. Comment démarres-tu le projet ? Quels sont les premiers contacts ?

D : Il y a une part de relationnel associée à une part de bluff. J’ai l’idée de ce projet en ayant totalement conscience que dans ce milieu, ça fonctionne parfois plus au renom qu’au talent et que si les deux sont parfois compatibles, le renom ne va quand même pas toujours avec le talent. Je suis conscient de ne pas avoir vraiment une renommée, pas celle du mec qui aurait les épaules pour être crédible quand il parle de sortir un livre en tous cas. Forcément, j’allais devoir me heurter à la question : « mais t’es qui toi ? » De l’autre côté, j’ai cette volonté de montrer aux gens ce qu’il se passe. Je pense que la photo sert à ça, dire : « cette chose ou cette personne, elle existe. » Du coup, je parle de mon idée à un pote, qui lui-même a un ami proche d’Oxmo Puccino. Quand je raccroche avec mon pote, il est aussi motivé par le projet que moi, si ce n’est plus. Du coup il appelle son ami, qui lui-même en parle à Oxmo. Et là, le soir-même, on me rappelle en me disant : « demain tu vois Ox’ ! » Le lendemain, j’étais dans ma petite voiture en bas de chez lui. C’est quelqu’un d’incroyable, avec qui tu es tout de suite à l’aise. On monte dans la voiture, on se balade dans Paris, on va au studio où il enregistre un titre, j’ai l’impression d’être avec un pote de quartier en fait ! [sourire] Je lui explique bien le projet, et il ne sait pas encore qu’il est le premier. Mes potes lui avaient vendu le truc en expliquant que quelques artistes avaient commencé à participer. Par la suite il a su que j’avais enjolivé la situation, mais ça s’est tellement bien passé qu’il ne m’en a pas voulu. [rires]

Ça m’a tellement boosté que le lendemain, je me suis mis en tête de voir Lino, qui est ma référence absolue en rap avec Salif. J’ai passé ma journée à téléphoner partout, à tous les gens que je connaissais, puisque j’avais quand même un doigt de pied dans le milieu. J’ai appris qu’il était en banlieue parisienne pour des répétitions. J’ai décidé d’y aller, au culot. Je lui ai raconté le projet, je lui ai dit que j’étais avec Oxmo la veille, que demain je serais avec un tel autre, ce qui était totalement faux. [rires] Lui aussi a kiffé le projet. Et au travers de ces deux artistes, je vois qu’on m’a fait confiance, que les gens sont accessibles, et surtout, j’apprends que mon idée est bonne, mais aussi qu’elle est importante pour eux.

A : Que veux-tu dire par là ? Qu’il y avait une demande d’un tel projet dans le milieu du rap ? Que c’est quelque chose qu’il manquait ? Une frustration que les visages n’aient pas été réunis, documentés, retenus ?

D : Je ne parlerais pas d’une frustration, quoi que pour certains ça doit être le cas. Mais par contre, oui, j’ai vraiment senti une demande, celle de pouvoir laisser une trace, pour les passionnés bien sûr, mais surtout pour les jeunes. Je trouve qu’il y a beaucoup de gens qui ont contribué à l’histoire du rap qui ont été oubliés, que la mémoire collective n’a pas retenus. Beaucoup de gens aussi se disent les premiers à avoir fait tel ou tel truc, et ça efface parfois ceux qui ont essayé avant eux. Quand tu remontes l’histoire, tu te rends compte que c’est difficile de savoir qui a vraiment été le premier rappeur ou qui a sorti le premier un disque en indépendant, etc. J’avais envie de montrer tout ça. Pour moi, ça passe en mettant tous ces artistes côte à côte dans un même livre, que ce soit ceux qui ont fait quelque chose pour le rap ou ceux qui font quelque chose aujourd’hui. C’est un peu prétentieux, mais avec ce livre, je veux vraiment retracer l’histoire du rap en France. À ce jour, j’ai rencontré un peu plus de 400 artistes, qui couvrent une période qui va de 1981 à 2016.

A : En rencontrant les gens, as-tu eu l’impression de dérouler une pelote à l’infini ? Étais-tu parti avec une liste de cent noms en tête par exemple, et en croisant les gens, en discutant, en recoupant, tu t’es retrouvé à photographier cinq cent personnes ?

D : Bien sûr. J’ai même été aiguillé par certains artistes vers d’autres dont je n’avais jamais entendus parler. Notamment pour des rappeurs des années quatre-vingt, car ce n’est pas ma génération et que la période n’est pas documentée comme l’ont été les années quatre-vingt-dix ou 2000. Certains d’entre-eux ont eu une carrière éphémère. Du coup il est arrivé plusieurs fois qu’un MC que je photographie et avec lequel je discute du projet me dise : « ah mais, si t’as été voir lui, il faut absolument que tu ailles voir un tel ! » Je me suis parfois retrouvé comme un idiot à ne même pas savoir de qui on me parlait. Et là on m’explique. J’ai vraiment remarqué que les « anciens » aiment beaucoup parler des gens de leur génération. De fil en aiguille, je n’avais plus qu’à recroiser les témoignages. J’ai remonté le temps grâce à eux. C’est quelque chose que j’ai moins senti chez les jeunes rappeurs, mais c’est logique. Après, ce qui m’a parfois un peu déçu, c’est d’entendre les plus jeunes être parfois dans un déni du rap français, dire qu’ils n’en écoutent pas. Les anciens ne sont pas là-dedans au contraire, et pas seulement par passéisme, puisque c’est aussi les premiers à écouter ce que font les jeunes d’aujourd’hui.

A : Tes photos sont très axées sur les portraits, en plan assez serré. Est-ce que les lieux et les ambiances de l’époque, leur esthétique, t’ont manqué ?

D : Plus que les lieux, c’est la folie de certaines époques qui m’a manqué. Ce qui m’a un peu fait rêver en voyant des photos d’archives et que je n’ai pas eues, c’est l’ambiance de l’époque, voire même un état d’esprit. Tu regardes des photos de l’époque, les mecs n’hésitaient pas à sauter en l’air devant l’objectif, à se porter sur les épaules, bref, il y avait une folie, une spontanéité, une euphorie. Les gens n’étaient pas dans l’idée d’être une personne publique, ils étaient eux-mêmes. Pour exagérer, je pense qu’à l’époque, un truc comme huit cailleras capuchées en train de caresser des chats qu’ils tiennent dans les mains, ça aurait été possible. [rires] Tu as des témoignages de ça. Quand tu vois la vidéo où Vincent Cassel rappe avec son frère et NTM, tu vois derrière, MEO, tranquille capuche sur la tête qui tient un chaton dans les bras pendant que Solo est vautré sur Joey. Il y avait moins de calcul, c’était plus relâché je pense. Aujourd’hui, les images circulent plus, sont plus soumises au regard des gens, et le regard des gens s’exprime plus aussi. Ça circule sur le web, rien que ça, ça change tout. Je pense donc qu’il y a plus d’auto-contrôle dans la plupart des cas. Après, ça dépend des personnes. Avec un Vald, Georgio ou Deen Burbigo ça restera très euphorique et spontané. Ils sont conscients de leur image, mais ils laissent la place au moment. Après, en termes photographiques, je pense que tout ça est très relatif. Tu peux faire un portrait qui dégage quelque chose avec juste un mur blanc en fond. Une bonne photo, c’est un mélange de plein de paramètres qui doivent s’aligner.

A : Est-ce qu’il y a un gros travail en amont avec certains artistes ? Dans le sens où plusieurs séances de shooting seraient nécessaires, ou encore que tu as dû voir et revoir avant de pouvoir vraiment les photographier ?

D : Oui, c’est arrivé. Déjà car chaque personne voit le projet différemment. Certaines s’y engagent vraiment, défendent leur propre vision du projet, donc on discute beaucoup, on fait parfois plusieurs séances, on partage des idées, bref, c’est vraiment une collaboration. Mais ce n’est pas une généralité. Je pense que j’ai eu à faire à tous les cas de figures. Je suis tombé aussi sur des gens qui ne m’ont consacré que trois minutes chrono, sur d’autres qui ont participé uniquement parce que leur pote a participé, et d’autres encore qui le font parce qu’ils veulent être de tous les projets. Mais qui que ce soit, je n’ai jamais eu en face de moi quelqu’un de malveillant.

A : Quelle était ta direction artistique ? Arrives-tu avec des propositions ?

D : Aucune hormis mon regard. Dès le début je me suis fixé une règle : quand je contacte un artiste, je ne lui propose rien d’autres que de participer au projet et de me fixer un rendez-vous. Je le laisse au pied du mur tout en lui donnant carte blanche : à lui de me proposer un lieu, une date, un horaire, une idée s’il a envie, etc. Je m’arrange juste pour me déplacer et être là à l’endroit et à l’heure qu’il a choisis. Ça me permet de rentrer dans leur univers. Le grand défi de cette démarche, c’est de s’affranchir des intermédiaires, type manager, attaché de presse, etc. J’essaie que ce soit sans filtre.

Il y a aussi des artistes que j’ai eu parce que j’étais au bon endroit au bon moment. J’ai pris le parti de bourlinguer dans ce milieu. Je fais en sorte d’être là où il faut être, j’essaie de vivre tout ce qui peut se passer. Je vais à tous les gros concerts de rap, les événements, les clips quand je peux. Je fais tout pour en manquer le moins et avoir des vrais instants. Quand je n’ai pas de rendez-vous, j’essaie tout de même d’être quelque part. Parfois je me retrouve à des endroits où les gens ne s’attendent pas à me voir. Et surtout, à force d’être toujours quelque part, les gens me voient, m’identifient. Ça m’aide beaucoup aussi, à créer une légitimité et une confiance.

A : Tu parles de ton approche, du temps à « occuper le terrain. » À quel point ton propre parcours et la personnalité du photographe comptent dans un projet comme celui-ci ?

D : Mine de rien, je pense que venir de banlieue m’a beaucoup aidé. Je ne suis pourtant pas un cliché ambulant. Mais j’ai certains codes en moi, et surtout, je reste moi-même. Je ne me déguise pas, je ne joue pas un rôle, je n’ai pas changé ma façon de parler. Je m’impose un rapport direct, entre deux individus, notamment pour que le côté fan ne ressorte pas devant certains artistes, mais aussi pour que le premier contact soit le même avec tout le monde. Quand j’aime ce qu’un artiste fait, je ne le cache pas, mais je montre que je ne le résume pas à sa musique ou à ses disques. Ce n’est « que » de la musique. Tu ne peux pas réduire les gens à ça même si tu les vois d’abord pour cette raison. Et de toute façon, si tu passes trois ans de ta vie dans un milieu en n’étant pas toi-même, tu finis par te griller. Les gens finiront plus par te voir pour ce que tu veux plutôt que pour ce que tu es.

A : Dans ta manière d’occuper le terrain, ça me fait penser à du journalisme d’immersion. Ton livre suivra-t-il cette idée, en étant documenté de textes, de biographies, de témoignages ? Ou restera-t-il un livre de portraits photos purs et durs ?

D : Je vois ce projet comme complémentaire de ressources qui existent déjà aujourd’hui. Il y a déjà des livres très sérieux qui sont sortis sur le rap, mais ils sont très pauvres en photos, voir il n’y en a pas du tout. « Regarde ta jeunesse dans les yeux » de Vincent Piolet, qui m’a beaucoup aidé d’ailleurs, n’est pas illustré par exemple. Je pense que mon travail peut illustrer ce qui existe déjà.  Pour autant, je ne renierai pas le fait de mettre du texte, même s’il y en aura peu, cela pour deux raisons. La première est pratique : j’ai rencontré plus de quatre cents artistes. Si à chacun, j’attribue une photo pleine page plus une biographie, le livre va devenir un énorme pavé et deviendra inaccessible financièrement parlant. Ça n’aurait aucun sens, ce n’est pas un livre qui est fait pour être archivé en bibliothèque. Je ne vais pas non plus faire plusieurs tomes car je ne veux pas fragmenter l’histoire, ce serait casser l’idée de fil conducteur. Et d’autre part, je suis photographe et je tiens à m’affirmer en tant que tel. Alors il est logique que je restreigne le texte. On réfléchit par contre à une application de réalité augmentée que pourraient télécharger les gens qui ont le livre, justement pour donner plus de contenu, mais ce n’est pas encore fait.

A : T’es tu fixé des limites, des critères ? Notoriété ? Ancienneté ? Géographique ?

D : Aucune. Il y a même des rencontres que je souhaitais mais qui se sont faites par hasard ou sur la base de discussions ou dans des événements où j’étais venu juste pour être là. La principale question que je posais aux artistes était : « qui l’histoire de cette musique a-t-elle laissé de côté ? » Les réponses à cette question m’ont beaucoup aidé, elles sont mêmes devenues la base de mon travail. Et la plus belle récompense, c’est par exemple quand je vois Cyanure qui me raconte sa découverte du rap. Il me dit que parmi les premiers MCs qu’il a entendus, il y a Iron 2 et MC Shoes et qu’il n’a jamais vu leurs têtes. On m’avait déjà aiguillé vers eux, et j’ai pu montrer à Cyanure leurs visages puisque je les avais photographiés. C’est là où mon travail prend du sens. Iron 2 lui-même m’a dit que j’étais la première personne à le photographier en tant que MC. Il y a vraiment des gens comme ça qu’on a oubliés.

A : Est-ce que la musique n’a pas aussi changé avec le net et les médias ? Dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix, ne pas connaître la tête des artistes c’était assez commun au final. Bien sûr, tu avais les livrets des disques, les clips, les magazines, les concerts. Mais à part dans le dernier cas, tu ne choisissais pas trop de qui tu allais connaître la gueule ou pas. J’ai écouté des tonnes de groupes, tous genres musicaux confondus, j’ai découvert leur tronche grâce à internet, jamais avant. Est-ce qu’il n’y a pas un rapport différent, notamment à l’imaginaire ?

D : Si, bien sûr que ça a changé. Mais moi je parle avec des artistes pour le moment, pas avec le public. Le rap était vraiment un microcosme à ses débuts. Tout le monde se connaissait, puisque tout le monde fréquentait les mêmes lieux. À l’époque, tout le monde finissait par se croiser un jour ou l’autre. Aujourd’hui c’est beaucoup moins vrai. Les jeunes générations peuvent connaître la gueule d’un tel ou un tel grâce à internet, mais ceux qui n’y sont pas, qui sont descendus du train du rap avant qu’internet existe, personne ne connaît leur tête parmi les jeunes. Pourtant ils connaissent parfois les morceaux. J’ai donc voulu réhabiliter un peu les premières générations. Pas forcément pour dire que c’était mieux avant, car c’est bien trop simpliste. C’est plus pour dire que le rap tel qu’il est aujourd’hui n’aurait jamais été le même sans tous les gens qui l’ont fait. Chacun à son échelle a fait quelque chose qui a pu créer une impulsion chez les autres, que ce soit par inspiration, challenge, compétition, peu importe. Je vois un peu le rap comme une addition d’effets papillon en fait. Et comment faire exister quelqu’un ? En montrant son visage. Tu existes par le visage et ce projet veut faire ça : mettre en avant le visage de gens qui ont construit le rap. Mettre des visages sur les noms, c’est une façon de faire exister quelqu’un dans l’histoire au-delà du mythe. Au travers des rencontres que je fais, je ne veux pas réécrire l’histoire, mais essayer de tirer un fil conducteur de l’histoire du rap en France.

A : Quelles personnes t’ont touché ?

D : [Spontanément] DJ Djel ! On s’est rencontrés plein de fois à Marseille et tu as l’impression de parler à ton oncle, qui partage tout ce qu’il sait, tout ce qu’il fait. Il a un cœur tellement énorme que je ne sais pas comment il fait pour le faire tenir dans son corps.
Toujours à Marseille, Soprano est vraiment d’une gentillesse incroyable. Pour l’anecdote, j’étais sur un shoot que réalisait Koria pour des photos de presse, et Soprano qui est tout de même le mec qui vend des milliers de disques, répond à toutes les sollicitations. Il s’était fait alpaguer par un type qui prenait un café à la terrasse du bistrot en face et il est allé spontanément le rejoindre et partager un verre avec lui. Tu vois vraiment quelqu’un qui n’est absolument pas bouffé par sa carrière, qui reste très simple.

Mac Tyer m’a aussi beaucoup touché. On se connaissait déjà un peu avant que je lance le projet, et c’est devenu un bon pote. Pourtant on ne traîne pas ensemble, mais il y a une véritable confiance. C’est quelqu’un qui spontanément t’emmène dans sa vie, ne cloisonne pas. Si tu es avec lui en studio et qu’il doit s’absenter une heure pour quelque chose de plus personnel, il t’emmènera avec lui. C’est une caillera dans le bon sens du terme, un mec de quartier fiable et droit dans ses baskets.

A : As-tu donné une place aux scènes dites alternatives ?

D :  Une partie d’entre eux a refusé de participer au projet. Si j’ai bien lu entre les lignes de certaines réponses que j’ai pu recevoir, c’est pour eux une façon de se démarquer, de ne pas se mélanger à tout le monde. Ça n’a pas été le cas de tous. James Delleck par exemple a accepté et a été super sympa et enthousiaste. Alors les refus, c’est un peu chiant quand ça arrive, mais ce projet m’a appris à être tenace. Tant que le livre n’est pas imprimé et sorti, je considère que personne n’a dit non. [sourire]

A : Un projet comme celui que tu mènes, c’est à fond perdu tant que ce n’est pas sorti. Tu arrives à t’en sortir ?

D : Quand je me suis lancé dans ce projet, je commençais à gagner ma vie avec la photographie. Pas bien, mais je la gagnais quand même. Mais une fois parti sur Le visage du rap, il est rapidement devenu évident que je ne pourrais pas concilier mon projet et le travail de commande. J’ai dû faire un choix, en sachant que le rap est-ce qu’il est : beaucoup d’artistes ne sont pas forcément carrés sur les horaires, les rendez-vous. Tu as des séances qui tombent du jour au lendemain. Tu dois être là partout pour nouer des contacts, rencontrer les gens. Bref, tu ne peux rien planifier. Même pour la vie personnelle ça a été compliqué parfois. Pour te dire, il m’est même arrivé de revenir de vacances pour un shooting ! Parce qu’avec certains rappeurs, tu sais que si tu les loupes cette fois-là, il n’y aura peut-être pas de deuxième fois, ou alors ce sera des semaines de travail pour avoir un nouveau créneau. J’ai donc pris le parti de me dire : « je dois être toujours disponible. » Forcément, ça engendre des sacrifices, personnels et professionnels.

À côté, l’objectif a toujours été de matérialiser ce projet par un livre, ce qui a aussi un coût. Je sortirai le bouquin fin 2017, pour la période de Noël. Pour ça, il faut avoir livré le contenu à l’éditeur plus de six mois à l’avance. Si j’ai choisi la fin d’année c’est évidemment pour des raisons financières et pragmatiques, mais aussi d’exposition. Je sais que pour les gens ce n’est pas évident comme discours, mais c’est effectivement un projet à fond perdu pendant trois ans. Il y a de véritables frais quand tu te lances dans un projet pareil. Quand je passe un mois à Marseille, je dois me financer les logements, le déplacement. Quand je vais voir Rockin’ Squat à Rio durant une semaine, c’est pareil. Et même sur l’Ile de France, ce sont des heures de bagnoles, des pleins d’essence, des galères de parking, des amendes. J’ai fait un rapide calcul et c’est un projet qui avoisine les trente mille euros d’investissement. Sans parler du coût de l’exposition et des tirages, ni même la fabrication du bouquin !

A : Justement. As-tu des mécènes pour développer cette exposition ? Quel est le rôle de La Place où cette exposition aura lieu ?

D : La Place m’a proposé l’exposition mais ne la finance pas. Une exposition comme celle-là, avec des photos tirées par le laboratoire Central Dupon Images qui est un laboratoire très prestigieux, c’est dix mille euros de budget. J’ai comme partenaire Easy Just, qui est une association avec laquelle je travaille. Ils m’aident à financer l’exposition. C’est une structure qui réalise des portes-clefs en partenariat avec des sportifs de haut niveau comme Priscilla Gneto, Youna Dufournet ou Rabah Slimani. Les portes-clefs sont fabriqués par des gens en statut de handicap et une part des fonds obtenus via les ventes sont reversées à des clubs sportifs et des associations. Je fais des photos pour eux depuis un moment, et eux m’aident à financer cette exposition.

A : Tu parlais plus tôt de ton travail de commande que tu as dû laisser tomber. Dans ce cadre précis, sentais-tu une uniformisation de l’image ?

D : Complètement. En ce moment, la mode est au faux noir et blanc qui tire un peu sur les gris, un peu décontrasté avec un rajout de grain pour imiter le cachet de l’argentique. De tout ça, j’ai appris quelque chose : ne jamais suivre ce que font les confrères. Ne jamais se plonger dans leur travail. Bien sûr, quand je vois des photos, je les regarde. Mais j’essaie de ne jamais savoir qui les a prises. Ça va choquer des gens, mais je suis un photographe qui ne connaît aucun nom de grands photographes connus. À part David La Chapelle et des photographes hip-hop que je connais et respecte comme Fifou, Koria ou Armen, je n’en connais aucun. Ça ne veut pas dire que je n’ai jamais vu leurs photos, ça veut juste dire que j’essaie de me renseigner le moins possible, de ne pas trop plonger dans les univers des autres. Même la presse spécialisée photo, je ne la lis pas.

Pour autant, je ne suis pas forcément contre la tendance ou ce qui peut être à la mode. On vit dans un monde où il y a des images tout le temps, partout. Tu ne peux pas ne pas les voir, donc forcément, directement ou indirectement, tu peux être influencé. Mais je cherche à ne pas avoir de modèles ni trop d’exemples sous les yeux, car je crois qu’en photographie, il est très important de se différencier. Le problème du travail de commande, c’est souvent qu’il y a un manque d’audace, beaucoup d’ingérence de la part de ceux qui font appel à tes services alors que pourtant, ils te disent qu’ils comptent sur ton regard. Et enfin, il y a aussi du suivisme. Tu vas travailler sur une pochette, proposer des idées, et il suffit qu’un disque cartonne avec une pochette un peu originale ou marquée, et tout de suite on va t’orienter vers quelque chose dans le même style.

A : Dans quel état sort-on d’un projet comme Le visage du rap ?

D : Techniquement d’abord, tu peux n’en sortir que meilleur. Quand il m’est arrivé d’avoir trois minutes pour un shooting, ça a été la meilleure formation possible. Avec ce projet, j’ai dû oublier la notion de studio et me confronter aux envies des artistes puisque je les laissais choisir les lieux, l’heure, l’endroit. J’ai dû apprendre à m’adapter à tout un tas de circonstances et être très réactif. Je ne pouvais pas m’autoriser à tergiverser sur des réglages ou avoir une mauvaise appréhension de la lumière. Voir mes clichés s’empiler au fur et à mesure m’a aussi permis de faire mon auto-critique, de détecter les points où je pouvais m’améliorer. J’ai réalisé qu’il y a des choses que je ne calculais pas trop avant de me lancer dans ce projet et qui aujourd’hui sont essentielles. Je suis beaucoup plus consciencieux sur les lignes, le cadrage, les angles et les bords du cadre. J’ai appris à ne pas me concentrer que sur mon sujet mais à vraiment penser à l’ensemble de l’image. Il y a des photos que j’ai prises au début de ce projet et que les gens apprécient, mais que moi je ne supporte plus. J’y vois plein de défauts.

A : Et humainement ? Est-ce que ce projet va te manquer une fois qu’il sera fini ?

D : J’ai d’autres projets, mais je pense que je n’arrêterai jamais le rap. Ça ne sera peut-être que quelques sessions par an, mais je ne me vois pas sortir de ce milieu. De manière générale, je ne me vois pas photographier autre chose que des gens. Avec Le visage du rap, j’ai essayé de comprendre à chaque fois le parcours des gens que je photographie. Un mec comme Dawala, à 18 ans, je ne pense pas qu’il s’imaginait là où il est aujourd’hui. Ça m’a aidé à avoir la tête sur les épaules aussi, à être droit dans mes bottes et correct avec eux. Je ne sais pas si ça se sent dans mes images, mais j’espère. Je ne juge pas les gens à leur notoriété ou quoi, je les prends comme ils sont, c’est leur vie et eux-mêmes qui sont là.

A : Tu exposeras tes photos au mois d’octobre 2016 à La Place. Tu sortiras ton livre un an plus tard. Quels seront tes projets ensuite ?

D : Quand j’ai commencé Le visage du rap, j’avais d’autres projets en tête. J’ai choisi de me consacrer d’abord à celui-ci pour justement laisser la place à mes autres idées ensuite. Je trouvais compliqué de faire des photos plus sociales puis débarquer en plein milieu avec un projet rap. Je souhaite notamment monter un projet avec des sans-domiciles fixe. Attention, je ne veux pas que ce soit un projet à la con où tu prends trois photos de SDF à qui tu n’as parlé que deux secondes pour ensuite vendre leurs portraits mille euros en galerie sans qu’ils n’en sachent rien.

En fait, quand j’ai quitté les barres où j’ai grandi, j’ai d’abord beaucoup voyagé en France, dans énormément de villes et de quartiers. J’y ai vu des gens pauvres, du dénuement, et j’ai vraiment pris des claques de vie. J’ai côtoyé des gens de tous les milieux. Les SDF de Châtelet, je les ai fréquentés et les fréquente. Je m’arrête quand je les vois et on discute, on partage un petit truc, quelque chose à manger, un moment. Les gens nous éduquent avec l’école, Christophe Colomb, tout ça, mais en fait, on s’en fout d’une certaine manière de ça. Ce qui compte, c’est comment tu es dans la vie. Et ça on se le cache tous. On ferme les yeux, on reste dans nos milieux. La vie, c’est le rapport aux gens, quand tu parles avec eux, tu te rends compte de la vie telle qu’elle est, du bien-être que tu peux apporter, des échanges que tu peux avoir, de réalités que tu ne connais pas forcément. C’est ce que je souhaite montrer avec mes prochains projets.

A : Pour finir, ta vision du rap a-t-elle changée avec ce projet ? 

D : J’étais un terroriste du rap avant ce projet ! [rires] Je défendais un rap qui devait avoir des valeurs, un certain style. J’étais un prétendu puriste mais finalement, je n’y connaissais pas grand chose. [rires] Aujourd’hui, je me bousille la tête à Hamza sans problème, et pourtant ça ne raconte strictement rien. C’est une musique pour chiller, s’envoler. Discuter avec les gens de ce milieu et les rappeurs m’a vraiment éclairé sur l’histoire de cette musique. Ça a fait tomber beaucoup des préjugés que je pouvais avoir en tant qu’auditeur, ça m’a poussé à me poser des questions. Par exemple, tu arrives persuadé que le rap a toujours été politique, qu’il doit l’être, et un mec te dit que lui a justement arrêté le rap à l’époque parce que tout ça commençait à trop se politiser. Idem avec les pionniers des années quatre-vingt qui relativisent énormément le rap de rue d’aujourd’hui, en t’expliquant qu’eux aussi ne faisaient rien d’autres que parler de leur quartier et de la vie qu’ils y menaient. Les mots étaient différents, mais sinon, c’est les premiers à te dire qu’il n’y a pas de grande différence. Je crois vraiment que chacun a sa vision du rap par rapport à la période où il l’a découvert, par rapport aux artistes qui l’ont fait basculer dans cette musique. J’espère que mon livre pourra mettre en lumière les visages qui ont fait cette musique, qu’elle que soit la période où les gens ont découvert le rap.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*