Chronique

Telephone Jim Jesus
A point too far to astronaut…

Anticon - 2004

Une des dernières sorties d’Anticon -dont nous avions d’ailleurs parlé- était l’album de Passage, rappeur de Restiform Bodies. Quelques semaines plus tard Telephone Jim Jesus, producteur du même groupe, s’élance lui aussi dans l’aventure d’un premier solo. S’il n’est guère surprenant de le voir apparaître chez Anticon, la proximité des deux sorties ne pouvait être qu’une heureuse coïncidence à l’heure où le label se réoriente à mesure que se succèdent albums et signatures. D’autant qu’à cela s’ajoute le tout récent 45 tours du troisième larron de Restiform Bodies, Bomarr Monk : « Surface sincerity soundtrack ». Si une meilleure distribution, un catalogue d’artistes plus étendu et un public grandissant ont immanquablement abouti à des remaniements, on peut malgré tout être surpris par l’évolution du label. A l’évidence ce n’est plus la minuscule et marginale structure qui presse et distribue elle-même des projets collectifs, toujours plus innovants les uns que les autres. Anticon accuse même de plus en plus le scepticisme des fans de la première heure quant à ses dernières productions, albums solos très clairement orientés electronica et de préférence instrumentaux. A tel point que l’étiquette ‘Hip-Hop experimental’ qu’on lui avait collé dès le départ ne semble plus avoir de raison d’être. Chaque nouvelle sortie est soigneusement épiée, comme un faux pas ou un nouvel espoir. « A point too far to astronaut… » ne déroge pas à la règle…

L’histoire de cet album a ceci d’original qu’elle remonte à quelques années maintenant, puisque les titres présents sont essentiellement issus du premier projet solo de Telephone Jim Jesus, sorti confidentiellement sur CD-R en 2002 et sobrement intitulé « Tel.Jim.Jesus ». Si ce trente titres était davantage une collection inachevée de beats dépassant rarement la minute, il n’en demeurait pas moins une présentation éclectique de qualité. Tantôt sombres, pesants, angoissants, psychédéliques, électro mais au final pleinement mélodieux, les sons permettaient de montrer les diverses influences de ce punk reconverti. Deux années de retouches et d’ajouts substantiels comme les apports de Passage et Pedestrian motiveront Anticon à sortir l’album à l’écoute de la maquette.

Si la différence avec l’album de 2002 est notable sur le format des titres eux-mêmes, on peut aussi être surpris par la plus grande richesse des compositions. Beaucoup d’instruments ont en effet été utilisés : guitare, basse, claviers, ainsi que diverses boîtes à rythmes, le tout orchestré sur MPC. Les beats se font discrets et ce sont surtout des mélodies et des ambiances synthétiques qui émergent de l’ensemble. C’est une demi surprise car le revirement electronica-pop d’anticon est entériné depuis un bon moment déjà. Why? mais surtout Alias et son « Muted » semblent avoir ouvert une brèche dans laquelle tous semblent s’être engouffrés depuis. Non sans un certain mimétisme. Telephone Jim Jesus a néanmoins pour lui le fait d’avoir été un des premiers à avoir exploré ces sonorités -bien que récemment signé- puisque dès les premiers pas de Restiform Bodies et sur « Tel.Jim.Jesus » il voguait assez clairement hors du Hiphop, frôlant même parfois avec l’easy listening et la pop cheap. Sur « A point too far to astronaut… », tout semble au contraire maîtrisé et calculé et si les titres sont assez courts ce n’est que pour en garder l’essentiel. Les mélodies jouées à la guitare et aux synthés créent des ambiances sur lesquelles les rythmes n’ont que peu de prise. L’album oscille entre différentes atmosphères, se mêlant parfaitement les unes aux autres. L’absence de voix, de faute de goût et d’écart prononcé associé à un mix sobre et homogène font que l’album défile de manière naturelle et agréable, sans ennui.

Après les deux LPs de Restiform Bodies, un premier brouillon et diverses collaborations sur les derniers albums de Sole (« Selling live water » et « Man’s best friend »), Telephone Jim Jesus livre un album dense (moins de 40 minutes), varié et personnel où une large part est laissée aux instruments et aux mélodies. Le tout semble renouer avec la formule qui avait fait la réputation du label : 1 album = 1 son unique. On ne peut pas en dire autant du dernier Dosh, par exemple, ou d’autres récemment sortis, qui semblent davantage répondre à une tendance commune. Mais comme souvent avec Anticon, on ne demande qu’à être dans l’erreur… en attendant patiemment la suite.

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