Chronique

Non Phixion
The Future is Now

Uncle Howie Records - 2002

Six ans après la sortie de son premier maxi Legacy/No Tomorrow, Non Phixion sort enfin son premier album. Le groupe, composé d’Ill Bill (grand frère du très raffiné Necro), Goretex, Sabac Red et DJ Eclipse aura durant plusieurs années multiplié les ennuis avec leurs différents labels avant de finalement pouvoir s’illustrer sur le long format. Et pour bien marquer les esprits, Non Phixion n’a pas hésité à faire appel aux services à quelques figures de proues du Hip-Hop, quitte à voir certains fans de la première heure leur tourner le dos. En plus de Necro, The Future is now rassemble donc Pete Rock, DJ Premier et Large Professor, autant de personnages apparaissant en rupture avec le concept de la formation de Brooklyn, « B-boy gangsterism combined with futuristic imagery », comme le suggère la très intrigante pochette.

D’emblée, on appréciera la volonté qu’a Non Phixion de ne pas jouer sur ses acquis, et de se refuser à offrir une collection de singles parus antérieurement en guise de premier album, comme le firent d’autres grands groupes de la scène underground US, tels Company Flow ou Mhz par exemple. Malheureusement cela ne suffit pas à conférer à The Future is now l’homogénéité musicale qui fait les grands opus. La décision de partager les prods entre des artistes évoluant dans des registres radicalement opposés (citons Necro, Primo, Large Professor ou encore Juju des Beatnuts) ne pouvait d’ailleurs décemment pas conduire à un autre résultat, et les interludes du mythique oncle Howie ne parviennent malheureusement pas à cimenter le tout. Cet aspect très « compil » se retrouve renforcé par les quelques temps morts qui émaillent le disque : entre « Rock Stars » et « Black Helicopters », on découvre le lamentable « Say Goodbye to Yesterday », ses chœurs féminins très fashion et son refrain d’une pertinence certaine : « We can live today, but we’re not promised tomorrow, we can pass away, say goodbye to yesterday. » Comptons aussi parmi les pannes d’inspiration « There is no Future » ou « Suicide Bomb ».

L’hétérogénéité des instrus a cependant un avantage, celui de permettre à Non Phixion de s’illustrer et de cartonner dans des contextes très différents : « The CIA is trying to kill me », « Rock Stars » et « Black Helicopters » en sont autant d’exemples. Alors que le premier emprunte des sonorités très lourdes et une guitare électrique en arrière fond (« The CIA is still trying to kill me », qui clôt l’album, en est d’ailleurs la version acoustique, et Non-Phixion y est rejoint par Fear Factory et Stef des Deftones), le second est plus dansant, Primo piochant dans le rythm’n’blues, pour ce qui constitue de très loin sa meilleure prod depuis le début de l’année. Quant au très sombre « Black Helicopters », il n’est pas sans rappeler les atmosphères ténébreuses de Hell on Earth. Même si Ill Bill et son flow carnassier se détache assez largement de Goretex et Sabac Red, à aucun moment de ces tracks les MCs ne semblent mal à l’aise ou empruntés. Cette facilité d’adaptation contribue à faire des trois morceaux cités autant de grands moments de l’album.

Pour le reste, même si certains tracks sont d’un niveau très correct, aucun n’approche la qualité atteinte par des titres antérieurs à l’album, comme « I shot Reagan » ou « 5 Boros ». Citons tout de même « Futurama », le très spatial « We are the Future » ou encore « Strange Universe ». « If you got Love » ou « It’s us » ne révolutionneront assurément pas le rap, mais force est de constater qu’ils aident à donner une certaine vibe à l’album, empreinte d’espoir et de rage.

Côté emceeing, aucun défaut majeur n’est à constater si l’on place « Say Goodbye to Yesterday » sur le compte du pourcentage de daube tolérable sur un album. On se demande d’ailleurs à quoi carburent les MCs pour maintenir ainsi leur seuil d’énervement pendant presque une heure. Les thèmes abordés ne sont pas spécialement originaux : la rue, la drogue, la volonté de changer le monde, les manœuvres gouvernementales. Ill Bill a comme d’habitude du mal à se décider entre amour et haine, appel à la réflexion et appel au meurtre (pour ceux qui ne connaissent pas, écoutez « How to kill a Cop », après l’oncle Howie et Necro, vous découvrirez le troisième larron d’une famille pas comme les autres). Le casting des invités est quant à lui à revoir : si MF Doom s’en sort comme toujours très bien, il aurait été difficile de supporter les Beatnuts ou Al Tariq sur plus d’un track.

The Future is now apparaît donc comme assez inégal, trop hétéroclite sur le plan musical et contenant trop de morceaux moyens ou juste bons pour être considéré comme le grand album qu’on était en droit d’attendre de la part de Non Phixion. La volonté de gagner en popularité en s’attachant les services de grands noms n’est probablement pas étrangère dans cette semi déception. Confier toute la production musicale à Necro aurait peut être été plus judicieux. Cela dit, même s’il est difficile d’écouter The Future is now d’une traite, sans zapper un seul track, la qualité de titres comme « The CIA is trying to kill me », « Rock Stars » ou « Black Helicopters » lui assurent quand même une certaine pérennité.

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1 commentaire

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  • Kukus,

    Je suis sur le cul en lisant cette critique ridicule. Cet album est tout simplement fantastique de bout en bout. A écouter et réécouter.