Chronique

Necro
Death Rap

Psycho +Logical Records - 2007

Comme tous les artistes un tant soit peu différents, Necro déclenche haines et passions – « il ne laisse personne indifférent« , comme disent les communiqués de presse foireux. « Déclenchait » et « laissait » seraient sans doute plus appropriés.

Il y a quelques années, à l’époque où les rappeurs blancs semblaient représenter une alternative valable pour l’avenir du rap (Cage, Copywrite, Non Phixion, la clique Anticon…) avant de rater quelques marches, le nom de Necro suffisait à éveiller l’intérêt des amateurs de hip-hop. I Need Drugs puis Gory Days sortirent : deux gros disques venant tout droit des égoûts de la Grosse Pomme et surtout deux classiques qui imposèrent Ron Braunstein comme une figure incontournable pour tous ceux qui aimaient la musique cradingue, simple et efficace. Et comme un antéchrist pour les tenants d’un rap moral, conscientisé et intelligent – à message .

Le tournant (aka « l’overdose« ) se situe sans doute au tournant de l’année 2004. « Overdose« , car Necro devînt omniprésent, produisant à la pelle (l’intégralité des disques d’Ill Bill, Goretex, Sabac Red et Mr. Hyde) et rappant toujours sur les mêmes thèmes, mais sans l’effet de surprise des premiers temps. De projet en projet (The Pre-Fix For DeathThe SexorcistThe Circle Of Tyrants avec Ill Bill, Goretex et Mr. Hyde), toujours le même refrain : du cul et de la violence teintée de sadisme. Une bonne partie de la base de fans originelle finit par se lasser et lui tourna le dos.

En septembre 2007, le voilà une nouvelle fois de retour, avec Death Rap, son quatrième album solo. Qui ne semble pas déchaîner les foules. Ce qui est dommage, car nous tenons là le plus ambitieux album de Necro depuis… longtemps.

Mais pour pas mal de monde, ce disque est une sombre merde. Trop assourdissant, trop répétitif. Car Necro, qui fit partie d’un groupe de metal dans sa jeunesse, exploite maintenant ce filon : le mélange de rap et de rock « dur« , à base de hurlements gutturaux et de gros riffs de guitare électrique. The Pre-Fix for Death (2004) proposait déjà, via quelques collaborations avec des artistes de la scène metal et hardcore, quelques pistes. Ceux qui l’ont écouté se souviendront longtemps du démentiel ‘Push it to the limit’ et de son refrain. Sur Death Rap, il approfondit ces voies et les synthétise.

Une synthèse, ce nouvel opus l’est à plusieurs titres. Par sa longueur, premièrement : 14 titres, 37 minutes de musique. Exit les 25 titres de l’album précédent. La formule est plus ramassée, moins brouillonne, plus maîtrisée. Elle gagne en efficacité. Pas le temps de s’ennuyer : l’auditeur est pris dans un tourbillon de haine, de violence et de menaces dont il ne ressort que lorsque démarre ‘Portrait of a death rapper’, le dernier titre, avec son sample vocal presque doux et ses notes de basse vibrantes. Etrange conclusion, pour un périple tout aussi surprenant : le fond reste le même mais la forme lui confère une ampleur nouvelle. Necro ne fait pas plus peur qu’un nerd écrivant en « caps lock » avec des tonnes de points d’exclamation mais, ici, ses tombeaux d’injures et d’atrocités giflent autant que les guitares électriques furieuses et les refrains hurlés par ses compères des Cro-Mags (‘Belligerant Gangsters’), des Twelve Tribes (‘Keeping it Real’) ou des Shadows Fall (‘Suffocated To Death by God’s shadow’).

Synthèse au niveau des styles, donc : le grand écart entre rap et rock est parfaitement réussi, même si Necro n’est évidemment pas le premier à le tenter. Pas une fusion boiteuse, comme nous le disait le producteur toulousain Al’Tarba en interview, mais un disque à la fois pour rappeurs et metaleux – deux publics différents, que le producteur et MC brooklynite peut sans doute se vanter de parvenir à rassembler. Du Necro classique, on retrouve le goût pour les instrus glauques et simples (‘Exploitation’, ‘As Deadly as can be’, ‘Technician of Execution’, ‘Forensic Pathology’), les textes bardés de références à la « sous-culture » occidentale, les enchaînements de rimes décrivant divers châtiments physiques. Du Necro nouveau, on apprécie les changements de flow, les collaborations avec des artistes metal et hardcore punk, les expérimentations et les prises de risques. Bref, une nouvelle façon d’exprimer les mêmes choses ; une évolution appréciable et un renouvellement salutaire.

Ceux qui disent que Necro tourne en rond se trompent donc. Le rappeur et beatmaker new-yorkais ne répète pas sans cesse la même formule. Le fond reste identique, oui, mais la forme varie considérablement. Et Necro ne se trompe pas en empruntant ces chemins :  ses menaces et sa hargne fusionnent parfaitement avec ses nouvelles orientation musicales. Death Rap en est la preuve.

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