Chronique

KD
G-Fluid

Hollow Ent. - 2011

En l’espace de deux années, l’Alabama est devenu une terre fertile de bon rap. Rich Boy avait ouvert le chemin mais c’est surtout l’avènement de la scène d’Huntsville et de leurs producteurs stars, les Block Beattaz, qui place l’état sur la carte. Plutôt connu pour son passé ségrégationniste, ses Soulmen historiques et ses tornades dévastatrices, l’Alabama se forge maintenant un nom parmi les grands du rap. Yelawolf, G-Side & Slow Motion Soundz, Jackie Chain, PRGz, autant de têtes complètement inconnues il y a quelques années, devenus gages d’originalité et de visions artistiques profondes. Non loin de là, à Birmingham, ville emprunte du combat de Martin Luther King, KD creuse sa place à grands coups de mixtapes ravageuses.

Pour cela, il a choisi un partenaire d’exception : Dj Burn One. La combinaison s’inscrit parfaitement dans le renouveau du genre « Country Rap Tunes », baignée par les classiques de UGK, la Dungeon Family ou 8ball & MJG. Le rythme est sautillant, les basses prêtes à soulever le coffre, le hat accélère à l’infini et la soul nous envahit doucement, un peu plus à chaque caisse claire. Burn One est un véritable orfèvre en la matière, puisant dans cette culture si riche du Sud américain pour en sortir son essence entre le bagoût de Pimp C, l’originalité d’Outkast et le charisme de Scarface. Pas aussi novateur que ces collègues Block Beattaz, il développe un son plutôt traditionnel, très emprunté à l’esthétique de l’âge d’or des 90’s, des boucles simples et efficaces, toujours traitées avec respect. Qu’il soit producteur ou juste dj/host du projet, l’aura qui l’entoure grandit pour en faire un des acteurs les plus importants de la scène actuelle du Sud, collaborant avec des virtuoses en la matière, de Starlito à Big K.R.I.T en passant par Yelawolf, Freddie Gibbs ou Pill.

En soi, KD n’est pas un MC extraordinaire. Entre deux eaux, il est toujours juste mais pas vraiment transcendant. Ses précédents projets étaient plus souvent cités pour les productions et leurs retour aux sources plutôt que pour leurs qualités lyricales. Avec ce nouvel album, deux années après sa dernière sortie, KD progresse, développant une réelle présence, un sens certain du refrain entêtant et une continuité parfaite. Cette fois-ci, Burn One fait office de chef d’orchestre, la plus grande partie étant produite par B.Kirk, proche de l’équipe de KD, Hollow Entertainment. Et le boulot est impressionnant. G-Fluid est en effet la quintessence même de cette renaissance du Country Rap avec ces boucles de cuivres percutants, de guitares guillerettes ou de violons enveloppants, accompagnées de basses rondes et généreuses. L’esprit de Pimp C plane sur l’ensemble du disque, surtout sur des titres comme « Running Away » ou « Cruizin ».

KD évoque le quotidien, l’amitié, les balades en bagnole dans le quartier, l’authenticité, la communauté, le style de vie du Sud. Il couche ses pensées sans en faire trop, en écourtant au fur et à mesure la distance avec l’auditeur. L’ambiance généreuse et les thèmes simples permettent une proximité grandissante, un avant goût de la fameuse hospitalité du sud. D’une façon simple et sincère, il nous embarque sur chaque morceau, chaque titre en appelant un autre, sans aucune perte d’attention. Et lorsqu’au détour d’un morceau, il croise Freddie Gibbs, la voix samplée monte dans les nuages, la basse vrombit, le plaisir grandit.

G-Fluid est le disque typique d’une certaine nostalgie des 90’s version sudiste. Les références sont facilement identifiables, les recettes sont éprouvées, rien de vraiment nouveau si ce n’est la réalisation parfaite, l’adaptation réussie, l’envie débordante et la cohérence globale. L’originalité n’est pas vraiment recherchée ici mais la passion est ressentie derrière chaque mesure, chaque note. Au fil des écoutes, KD se bonifie, devient le parfait instrument pour ses producteurs aguerris. En réalisant cet album salvateur, ils se placent en digne successeurs de ces grandes légendes de l’Alabama. Nate King Cole, Percy Sledge, Wilson Pickett, Eddie Kendricks, ces noms résonnent comme des figures immuables, des intouchables que KD et son équipe effleurent du bout du doigt. En revenant ainsi dans le sillage de leurs aînés, ils développent une légende à leur échelle, à leur manière, entre hommage et accomplissement.

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