Chronique

Araabmuzik
Electronic Dream

Duke Productions - 2011

Cam’Ron, Busta Rhymes ou Jadakiss. Autant de figures assez établies pour crédibiliser une entrée par la grande porte de la scène rap new-yorkaise. Et trouver une place dans l’univers des grossistes sonores issus de la grosse pomme. En signant quelques productions en titane – « Get it in Ohio », « Gorilla Muzik » – Araabmuzik a posé les jalons de son esthétique sonore. Une esthétique unique, marquée par une percussion intense et une inspiration électronique extrême piochant jusque dans la trance. Aux antipodes des poussiéreuses boucles de jazz et autres couches épaisses de synthés devenus la norme.

Plus ou moins exposées, ses collaborations n’auront été que des marchepieds, reléguant toujours au second plan les rimeurs éclipsés par la violence de ses compositions. Logiquement, on retrouve cette violence au cœur d’Electronic Dream, le premier album du mystérieux Araabmuzik.

« You’re now listening to Araabmuzik. »

Entièrement instrumental, dénué d’invités, Electronic Dream est un album de peu de mots. Avec ce gimmick récurrent, qui résonne comme un rappel à l’ordre pour mieux marquer au fer rouge les esprits. Et replacer constamment son auteur au centre du viseur. Cet LP illustre une époque bientôt révolue où la MPC est au centre de la programmation. Il célèbre l’avènement d’une personnalité et d’une identité sonore étouffante, chargée d’hémoglobine. Une atmosphère apocalyptique où les basses explosent les enceintes autour de grosses boucles de dubstep et d’électro.

Dans ce chaos sonore grassement saturé, parfois épileptique, les compositions dépouillées sonnent comme des plans de guerre. Avec une montée en puissance, une forme d’escalade dans l’intensité qui rappelle l’équipée du Bomb Squad. Les chocs s’accumulent et on ne peut s’empêcher d’associer ce traumatisme auditif avec le personnage. Il faut vraiment le voir sur scène, quasi-stoïque, insensible, avec cette impression de manipuler une arme nucléaire sans sourciller. Bonnet enfoncé jusqu’aux couilles, à taper sur les pads de sa MPC comme Saruman enverrait des volées de bois verts.

L’écoute prolongée de ces morceaux suggère des images, des scènes à même d’illustrer justement ces moments. « Underground Stream » pourrait être la bande-son de la giclée de Columbine, les fusils à pompes collés à la gabardine. Ou l’hymne guerrier pour accompagner la montée en pression de Ron Artest dans les gradins de Detroit un soir de novembre 2004. Un vrai concentré de psychotropes pour psychopathes. Une apologie de la drogue dure et une incitation musicale à la barbarie.

Mais si les moments les plus brutaux sont également les plus marquants, Electronic Dream n’est pas uniforme. Il laisse échapper quelques instants moins épuisants, avec des extraits d’euro-dance bon marché, potentiellement échappés du carnaval de Dunkerque. Ironie absolue, il intègre ces tubes un peu potaches – « Why don’t you dance with me » de Future Breeze – pour bâtir un nouvel univers, beaucoup plus sombre. Mais ces moments plus hypnotiques, à l’image de « Free Spirit » et « Electronic Dream », ne sont que des respirations au cours de trente-cinq minutes de violence.

Electronic Dream est un marteau-piqueur venu caresser ton crâne délicatement posé sur le billot. Avec une densité et une intensité épuisante. En d’autres termes, la bande originale idéale pour un été léger et chaleureux. Et s’il ne consacre pas encore pleinement son auteur, il donne un excellent aperçu de son univers. En attendant le jugement dernier.

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