Chronique

Cyne
Evolution Fight

CityCentre Offices - 2005

Little Brother et Cunninlynguists auraient pu nous le faire oublier, mais la musique Hip-Hop peut être belle sans devenir irrémédiablement soporifique sur la longueur. Si un album récent devait en constituer une preuve irréfutable, Evolution Fight de Cyne serait celui-là.

Sur le papier, rien de révolutionnaire. Du boom-bap a priori classique. Pourtant, Speck et Enoch, les deux beatmakers du groupe floridien, ont construit un édifice sonore lumineux et rafraîchissant. Les différentes boucles, construites à l’aide de samples ou d’instruments live, s’avèrent être d’une efficacité redoutable, voire mieux : on tutoie le grandiose avec les synthés de ‘Haze’ ou de ‘Growing’, le piano de ‘Running Water’ ou encore avec les enchevêtrements de voix de ‘Up and Above’ (sample déjà utilisé par Immortal Technique pour le remix de ‘One’). La volonté de conserver une certaine intensité tout au long de l’album est louable : les morceaux sont généralement plutôt courts, permettant ainsi d’éviter le piège récurrent des titres interminables.

Néanmoins, cette qualité de production n’aurait aucun intérêt sans MCs à la hauteur. Et là apparaît la seconde grande qualité de Cyne, différenciant nettement le quatuor des autres formations rap auto-étiquetées « conscientes » ou « matures » : Akin et Cise Star, les deux voix du groupe, font bien le métier, ne se contentant pas uniquement de faire passer un quelconque message, mais proposant des prestations vivantes et rythmées. En témoigne ‘Up and Above’, où Cise Star nous gratifie d’un flow double time plutôt efficace pour un morceau surprenant évoquant sa mère décédée. Le propos est dans l’ensemble moins politique que sur Time Being, premier album du groupe. Toujours desservi par une écriture imagée, le focus se fait plus sur la vie quotidienne, ses tracas et sur les MCs eux-mêmes :

« Can you believe I once ran ?
But look at me now, beautiful child,
Resurrected from the section niggas holdin me down,
Struggle through the puzzle of life, the pieces are found,
So even when I’m down, I’m wearin the beautiful crown,
Smile, a new day dawned, a man moves on,
A brand new song, days are short but nights are long,
Searchin, trial by fire, life high on the wire,
Give me a piece of mind, I’m losin it like Mariah,
See, I over hope to come bringin it close,
So muthafucka you know my soul, remains older,
Stronger than anything, accomplish many things,
The truth is the answer, my wisdom is everything,
Concrete slabs over the green grass,
But a rose still grows from the rocks and outlasts » (‘Growing’)

La formule Cyne pourrait donc sembler imparable. Toutefois, on n’évite pas certaines baisses de régime (‘Rousseau’, ‘Deferred’), assez relatives au demeurant. La seule chose que l’on pourrait reprocher au groupe, en étant très pointilleux, est un certain manque de folie, les titres s’enchaînant avec une aisance et une fluidité que l’on aurait peut-être aimé voir bouleversées à un moment ou à un autre. Mais cet embryon de reproche n’y fera rien : Evolution Fight est un grand album et Cyne un groupe avec lequel il faudra compter dans les temps à venir.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*