Chronique

Dälek
Absence

Ipecac - 2005

« La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
Saint Jean 1:5

Au moment d’une éclipse, les zones situées au cœur de l’obscurité dues à l’absence de photons se mettent invariablement en mouvement. Absence, mouvement : antinomie d’une réalité complexe échappant à la perception purement sensorielle. Mais qu’est-ce que l’Absence si ce n’est l’élément révélateur qui s’agite au plus profond ? Du mal être inhérent à toute chose délaissée.
L’« Absence » de Dälek est une éclipse de 57 minutes sur la face la plus sombre du hip-hop. Découpée en dix cycles, elle évolue lentement en assombrissant l’horizon à son passage, jusqu’à réduire à néant le dernier rayon de lumière. Pour le faire rejaillir de l’autre côté sitôt après. Espoir ? Simple révolution…

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
Elle était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
Saint Jean 1:5

Au commencement était la Parole. Absence de musique. A cappella, sous les traits d’une prose déformée :

Broke stride as last of men realized their deep deceit.
This troubling advance of half-assed crews crowd these streets.
Never mind of who I am, son, just listen when I speak
Broken paragraphs hold wrath of a hundred million deep.
Bleak circumstance led masses to only want to dance
A bastard child of Reaganomics posed in a B-Boy stance
Make our leaders play minstrel, Left with none to lead our people.
How the fuck am I gonna shake your hand, when we never been seen as equals?
Deemed evil by those housed in church steeples.
False prophets read backwards from broken tablets to the feeble,
I seen you!

Prophétie d’un chaos sonore imminent. Big bang accompagnant la plongée vers les abymes. Introspection douloureuse. « Absence » deviendra indigeste ces mots énoncés, demeurant à jamais sombre, incompréhensible et inquiétant pour les masses opiacées. La peur s’exprimant comme un réflexe. Le tort de la subir plutôt que de l’accepter. Comme on accepte inexorablement sa part d’ombre et les absences qu’elle est venue combler, peu à peu.

Audible tones honed to hold substance
Form sentence
Poor reluctant poet, speak prose
Refuse to beg repentance

« Absence » lutte, détruit. « Absence » meurtrit, insiste. « Absence » concentre, neutralise. « Absence » évide, régénère.

« Absence » ne fait pas de la noirceur une finalité, mais s’en sert comme un catalyseur, un moyen de transfigurer les maux de ses auteurs. « Absence » est un procédé alchimique, transformant la noirceur en lumière, par-delà le champ de vision du profane.

« Absence » est Absence. Souffrance perpétuelle, douleur lancinante tantôt aiguë, tantôt grave, affleurant la folie par moment, éclatant de grâce à d’autres. Splendide oscillation entre le néant et l’Absolu. Harmonie parfaite, miroir déformant d’une réalité lisse d’apparences et d’apparats. Instant de flottaison magique entre rêve et cauchemar éveillé.

« Absence » oppresse, opprime. « Absence » compresse, comprime. « Absence » affaisse, affine. « Absence » est une messe, un hymne. A la destruction et à la création.

« Absence » s’élève enfin au-dessus de tout en une disharmonie mélodieuse, hurlant son mal jusqu’à la saturation, implorant de pouvoir sortir pour être compris. « Absence » est une bête en cage qui voudrait qu’on la calme, qu’on l’arrête. « Absence » meurt peu à peu. « Absence », à l’image d’une éclipse, n’appartient qu’à un cycle.

Play. Stop. Play.

« La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
Saint Jean 1:5

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