Chronique

AZ
Aziatic

Motown Records - 2002

Fidèle compagnon de route de Nas, AZ n’est jamais véritablement sorti de l’ombre de son mentor. On se rappelle du titre ‘Sugar Hill’, de sa participation au projet The Firm, mais sa voix juvénile et chantante n’a jamais bénéficié d’un écho plus retentissant que celui qui suivit l’inoubliable ‘Life’s a bitch’ dans Illmatic. Pourtant, le natif de Brooklyn en est déjà à son quatrième album, le deuxième chez Motown Records après 9 Lives en 2001.

Sa présence sur le plus prestigieux des labels soul n’est pas due au hasard. Sans surprise mais avec brio, la majeure partie des atmosphères de l’album est puisée dans des samples chaleureux et férocement accrocheurs. Et même si les producteurs ne se retrouveront pas forcément en caractère gras sur les stickers promo, les sons fournis par Portiay, Chop D.E.S.E.L., Miller Time ou les expérimentés DR Period et Buckwild sont tous d’une cohérence et d’une solidité exemplaire. L’ouverture de l’album est des plus réussies : une intro jouissive (‘Once again’, dont le fameux sample sera repris plus tard par Onyx dans ‘Slam harder’), un égotrip bien ficelé (‘A-1 Perfomance’) et le premier temps fort, ‘Wanna be there’. Entre nostalgie et bonheur d’être en vie, AZ se distingue de ses pairs en jouant sur les sonorités dans des rimes courtes et concises, portées par l’harmonie d’une basse, un piano et des choeurs :

East New York, Eighty-two, First pumas navy blue
First wife Kiesha Wilson with love, she was my baby boo
Crazy crew, paying dues, few of us made it thru
Front window, Ms. Glady’s, that was my favorite view

Les nombreux refrains chantés en agaceront sans doute quelques uns, mais ils sont parfaitement dans le ton des morceaux, et s’accordent élégamment avec les voix qui constituent souvent les samples. On peut reprocher à AZ de trop se reposer sur une formule surexploitée actuellement, mais l’écoute n’en est pas moins agréable et sans heurt.

Malheureusement, « The Visualiza » connaît les rouages de l’industrie, et le soufflet retombe vite quand il se met en mode « dancefloor ». A quatre reprises, on subit des morceaux dansants destinés aux rotations lourdes. Trop grillées pour être honnêtes, les influences de ‘Take it off’, ‘Hands in the air’, ‘Take care of me’ et le bonus track ‘Doing me’ plagient allégrement les tics des Neptunes, mais la copie n’a pas la saveur de l’original. OK, l’album est sorti en période estivale, on a déjà entendu bien pire, et après tout y a pas de mal à bouger ses fesses, mais ces quatre party joints tombent à plat… et n’ont pas franchement laissé de trace indélébile sur la FM et les clubs. Alors à quoi bon ?

Pour se faire pardonner, AZ appelle Nas en renfort pour un passe-passe complice dans ‘The essence’. Puis, il élève le niveau dans ‘Paradise (Life)’ (aaaah, ces voix samplées…) et l’excellent ‘Fan mail’, dans lequel il se met dans la peau d’un prisonnier et d’une mère célibataire lui écrivant. Très à l’aise dans cet exercice de style, évitant l’égotrip mal placé et les clichés épistolaires, AZ n’usurpe pas son statut de bon lyriciste :

You touched souls to a lost population of men
And no doubt, if ever out they’ll never lock me again
Faced wit 10 on state time, wit life on the back
It’s fucked up when your own folks ain’t writing you back
Learn to relax, spoke wit certain cats that helped adapt
You know the streets to the pen it’s kinda hard to transact

Entre les morceaux dansants dispensables et des ballades rap un peu trop calmes, on ressent comme un goût d’inachevé aux deux tiers de Aziatic. On commence à attendre des couplets un peu plus énergiques et des beats rentre-dedans. Par chance, AZ a réussi son dosage, et l’album se conclue sur trois titres plus puissants. Les cuivres triomphants d’un ‘I’m back’ digne de Kanye West donnent un coup de fouet à l’album, tout comme le street-banger ‘Hustler’ et ‘Rebirth’, dans lequel AZ fait une démonstration ébouriffante de la maîtrise de son souffle et sa technique. On croit saisir la tuerie au début de la plage 13, mais en voyant sa courte durée, on déchante vite. Dans la série « Les mystères insondables du rap » : pourquoi AZ n’a pas utilisé l’énorme beat Premier-esque de l’outro sur un morceau entier ? ? Dommage, car Buckwild lui donnait là l’occasion de se réconcilier avec les anti-chœurs féminins…

Les accrocs aux originaux de samples se feront un plaisir de partir à la recherche des titres de Wilbert Longmire, George Duke, Eddie Kendricks, ou des Mary Jane Girls échantillonnés tout au long de Aziatic. Un album de bonne facture, mais on peut s’interroger sur sa résistance à l’épreuve du temps. Les titres dancefloors tendance sont condamnées à tomber en désuétude rapidement, et il n’est pas exclu que la densité des boucles puisse à terme écœurer l’auditeur. Cela dit, il n’est pas donné à tout le monde de sortir un quatrième album de la teneur de Aziatic, et AZ tient la distance, sans pour autant connaître la gloire de celui qui l’a placé sur orbite.

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