Chronique

J-Zone
Pimps don’t pay taxes

Old Maid Entertainment/Fatbeats - 2002

Généralement considéré comme le troisième effort solo de J-Zone, Pimps don’t pay taxes est plutôt le seul album des Old-Maid Billionaires, qu’on pourrait vaguement qualifier de « collectif », même s’il est clair que Zone y est largement mis en avant. New-yorkais élevés au gangsta rap de la fin des années 80, les Billionaires débarquent 2 ans après le succès d’estime de A Bottle of Whup Ass, deuxième LP du Captain Back$lap. A leur tête, J-Zone donc, le truand, Al-Shid, la brute, et Huggy Bear… le truand brutal. Un casting approprié pour la mission fixée, à savoir (se) divertir en pondant un classique du rap inconscient, en prenant garde à bien en faire baver aux cibles privilégiées du trio, les backpapers et les féministes.

Zone et ses potes, ça ressemble fort à des mômes turbulents à qui on aurait confié un micro en les autorisant à tous les débordements verbaux. Insultes, violence gratuite, misogynie à l’excès, les Old Maid Billionaires sont bien décidés à profiter pleinement de leur liberté d’expression, en exposant à peu près toute idée ayant germé dans leurs cerveaux malades.

« Zone come again, ain’t a damn thing changed since the last EP
(No) Dad, padlock your daughter when her ass see me
40 Bottles of Whup Ass get sipped
Then pissed all over your whip for runnin your lip »

Tout cela donne à première vue un feu d’artifice jouissif d’insanités en tout genre, avec comme clou du spectacle pyrotechnique ‘The Bum-Bitch Ballad’, qui bat haut la main le record du nombre d’occurrences du mot en B dans une chanson de rap (voilà qui n’était pas gagné d’avance).

Néanmoins, en grattant un peu la façade « ign’ant as fuck« , on se rend qu’il y a souvent un réel travail sur les concepts (‘Q and A’, ‘Jailbait Jennifer’, ‘No Consequences’). Pour les punchlines et les métaphores, il faudra repasser. Mais pour le story-telling et les qualités d’entertainer, Zone, qui n’a eu de cesse de minimiser ses qualités de MC, n’a de leçons à ne recevoir de personne. Le garçon a un véritable don pour l’autodérision et pour mettre en scène son personnage de looser magnifique, un salopard malgré tout attachant que même sa grand-mère traite de merdeux (‘The J-Zone Fan Club’).
Au niveau des prods, la patte de J-Zone est largement reconnaissable, dans une version toutefois plus simple que celle qui sera déclinée plus tard dans Sick of bein’ rich et A Job ain’t Nuthin but Work. En effet, les structures des productions sont moins complexes, avec notamment moins d’accumulations de samples. Pour le reste, toujours autant de variations, de ruptures, de bruits en tout genre et de répliques de films obscurs insérées un peu partout, sans jamais tomber dans la cacophonie. Les boucles, généralement d’instruments à cordes ou d’accordéon, sont efficaces et entêtantes, confirmant Zone parmi les crate-diggers les plus érudits. Pas vraiment de maillon faible au sein des beats, hormis peut-être celui de ‘Live from Pimp Palace East’, morceau qui aurait mérité meilleur instrumental à l’écoute de la prestation haute en couleur des MCs.

Beaucoup de morceaux marquants sur la galette ; citons parmi ceux-là la brillante entrée en matière ‘Q and A’, le revanchard ‘Zone for President’ et l’hymne des Billionaires ‘Metrocard Millionaires’. Dans l’ensemble, si Huggy Bear et Al-Shid sont des rappeurs plus que corrects, leurs morceaux solos peinent à atteindre le niveau de ceux du Zone, même si ‘Invisible Ink’ d’Huggy, ici à contrecourant du reste de l’album, s’avère brillant. Citons également les interludes : rarement celles-ci n’auront eu une telle importance dans un album. L’hymne à la masturbation (‘Stroke Happy’), le micro-trottoir où J-Zone se fait insulter par tout le monde (‘The J-Zone Fan Club’), la pub pour « rent-a-dick » (‘A Word from our Sponsor’), ça change assurément des sempiternelles skits « messages sur le répondeur téléphonique ».

Plus qu’un grand album, Pimps don’t pay Taxes reste à ce jour le témoignage le plus abouti du travail de J-Zone, constituant une parfaite introduction à l’univers d’un garçon qui, sous des allures de pitre, rappe, produit, scratche et dirige un label. Injustement sous-médiatisé, Zone demeure l’un des personnages les plus intéressants du rap game du début des années 2000, et pas uniquement par ses qualités de producteurs. La mise entre parenthèses (définitives ?) de sa carrière de rappeur nous prive de l’un des trop rares personnages de la scène Hip-Hop à savoir allier imagination et divertissement.

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