Kendrick Lamar, <br>sans faux pas <br>dans l’Arena
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Kendrick Lamar,
sans faux pas
dans l’Arena

En deux soirées à l’Accor Arena, dont une diffusée en direct en streaming, Kendrick Lamar a prouvé qu’il a passé un cap en termes de concert. Retour sur ses dates parisiennes.

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Était-ce pour répondre à une date symbolique du calendrier ? Une possibilité technique offerte par le lieu ? Après avoir déjà passé deux soirées en 2018 à l’Accor Arena à l’occasion du DAMN. Tour, Kendrick Lamar a remis un doublé dans le même palais omnisports du XIIe arrondissement de Paris pour The Big Steppers Tour, nouvelle tournée mondiale pendant laquelle le rappeur de Compton est accompagnée de Baby Keem et Tanna Leone, ses signatures sur son propre label pgLang.

Il s’avère que la seconde date, celle du samedi, tombait de surcroit le jour des dix ans de good kid, m.A.A.d city, premier album sorti en major qui a révélé le talent et la vision de Kendrick au monde entier. Et pour l’occasion, cette soirée a été captée et diffusée en direct sur Amazon Prime. L’opportunité pour les abonnés de la plateforme de commerce en ligne et de VOD de saisir de chez eux ce spectacle élaboré et ambitieux, suffisamment en tout cas pour susciter une conversation entre trois membres de note rédaction : ShawnPucc, présent à l’Arena le vendredi et devant son écran le samedi, quand ses deux comparses Brice et Raphaël ont suivi le concert du samedi respectivement dans la salle et dans un salon.


Raphaël : Après avoir vu Kendrick trois fois sur scène, quand la nouvelle date parisienne de Kendrick Lamar a été annoncée, je n’ai pas voulu acheter de place cette fois. Malgré la grande affection que j’ai pour sa musique – y compris et particulièrement pour ce dernier album en date qui divise – j’étais resté sur une déception de son précédent concert parisien, pour la tournée de DAMN. Mais du coup une fois sa diffusion en simultanée annoncé sur Amazon Prime, ça a quand même piqué ma curiosité.

ShawnPucc : Ah ouais, t’avais été déçu ? J’étais allé le voir également à Paris pour sa tournée sur DAMN et en retournant le voir vendredi, j’ai trouvé que Kendrick a un rapport particulier avec la scène : il est là pour dominer l’arène. J’avais eu cette sensation durant la tournée DAMN lorsqu’il a joué le titre « HUMBLE. ». Il a laissé tout Bercy chanter le premier couplet – si je ne me trompe pas. Et j’ai trouvé ça à la fois très sûr de soi mais aussi un défi vis-à-vis de lui-même : dominer l’arène.

Raphaël : Si c’est vraiment son cahier des charges de « dominer l’arène », pour moi, c’était raté sur le concert pour DAMN. Le choix scénographique en 2018 plaçait Kendrick tout au fond de l’Arena, sur sa grande scène avec un gros élément de décor épuré et mouvant, dans des lumières souvent tamisées – de mémoire. Il était également venu au milieu de la fosse sur une petite plateforme, à l’occasion de quelques morceaux. Mais Kendrick ayant offert une performance assez froide et mécanique, couplé à une qualité de son assez moyen, j’étais resté sur ma faim. J’avais trouvé le spectacle assez ennuyeux, pas à la hauteur de son statut acquis au fil des années. La fois précédente où j’avais vu Kendrick, c’était pour good kid m.A.A.d city avec des musiciens sur scène : ça avait plus de gueule que ce seul en scène très distant pour DAMN.

Brice : De mon côté j’ai aussi préféré le concert de cette nouvelle tournée par rapport à DAMN, notamment parce que je trouve que la mise en scène et la manière de présenter Kendrick sont plus en phase avec qui il est en tant qu’artiste. Si je ne dis pas de bêtises, c’est avec DAMN qu’il commence à faire des concert de type arena, et j’ai un souvenir d’avoir aimé le concert à l’époque mais d’avoir été un poil contrarié par le fait qu’il soit vraiment tout seul sur scène dans un décor très minimaliste. Clairement le message des concert pour DAMN c’était : « J’ai changé de dimension. » Et il l’a fait comprendre en venant seul en scène rapper sans aucun bande pendant 1h30. Il y avait un côté « popstar » du rap, à la Drake, qui ne marche pas avec Kendrick pour moi. Et ça le sanctuarisait aussi un peu en mode messie du rap j’avais trouvé, ce qui était peut être un peu too much.

ShawnPucc : Il y a toujours un peu de ça sur sa tournée pour Mr. Morale dans le sens où n’il interagit pas forcément beaucoup avec le public mais quand il monte sur scène, il est pas là pour jouer.

Brice : C’est vrai que ça m’étonne vraiment son côté distant vis à vis du public, que ce soit sur DAMN ou sur Mr. Morale. Il interagit très peu avec le public, ne parle pas entre les morceaux, réalise (très très bien) sa performance. Mais ça peut donner parfois l’impression d’un show millimétré qu’il réalise au fil des dates sans trop laisser de place à l’improvisation. Alors que par exemple j’avais été agréablement surpris par Tyler, the Creator à son Zenith de Paris cet été où, même si visuellement c’était très préparé, il avait pris le temps de parler au public, d’interagir, etc. C’était marrant et on avait l’impression de vivre un vrai moment. Mais pour revenir à Kendrick, sur ce nouveau concert, j’ai l’impression qu’il revient un peu sur terre : il n’est plus tout seul dans un décor géant, il y a des danseurs avec lui, il invite des artistes de son label comme Tanna Leone et Baby Keem, notamment ce dernier à qui il a laissé deux morceaux à « lui » pendant son concert. J’ai trouvé qu’il y avait plus d’ambitions artistique et moins de culte de la personnalité de cette tournée.

ShawnPucc : Moi aussi ça m’a étonné mais en vrai son côté un peu « distancé » avec le public. Mais au fond, le concert qu’il a donné, c’est le haut du panier dans l’industrie du spectacle vivant. Pour avoir été vendredi voir le concert, puis samedi le regarder sur Amazon… Tout est millimétré à la seconde près. Chaque plan est travaillé. Par exemple, Baby Keem quand il arrive sur scène, c’est un moment fort de son concert. Et le rendu sur image est pour moi, encore plus impressionnant à regarder en captation parce que t’as la chance d’avoir une réelle vision d’ensemble et tu t’attardes pas juste sur l’artiste principal (Kendrick) ou la personne qui est debout en face de toi pendant le concert et qui t’empêche de voir chaque détail.

Raphaël : Oui, Kendrick a offert un grand spectacle musical, a hauteur de son talent. Sur la distance de Kendrick avec le public que vous évoquiez, même si je suis d’accord avec vous, le détail qui pour moi a apporté une nuance est cette scène avancée au milieu de la fosse. Ça l’amenait a se déplacer autrement, être moins « passif » que je l’avais trouvé en 2018. Un concert de cette nature, c’est aussi du mouvement, du déplacement, de l’occupation de l’espace. Et que ce soit lui ou ses danseurs, ça amenait autre chose, ces trois plateformes reliées par des couloirs. D’autant que je l’ai trouvé bien meilleur sur scène qu’à l’époque de DAMN. Même s’il garde ce côté très exécutant dans sa manière de dérouler son concert, je le trouve à l’aise sur ce mélange paradoxal entre sobriété et excentricité – à l’image de sa dégaine tout en cuir noir mais décalée. Sa gestuelle entre C3PO et un matador est bizarre, mais il l’habite totalement et surtout, ça ne prend jamais le pas sur sa performance vocale. Il se permet même des coquetteries vocales, comme sur la fin de « Alright » avec des accents jazz entendus sur le « untitled 02 », ou son interprétation plus enlevée sur « Mirror ».

« Le spectacle vivant devient aussi un atout non négligeable pour allonger la durée de vie d’un album. »

ShawnPucc

Brice : D’ailleurs j’ai l’impression que sur cette nouvelle tournée, son concert a été imaginé comme une comédie musicale, avec des tableaux, des petites interludes audio où on entend sa femme Whitney (je crois que c’est elle) dire entre les morceaux des nouvelles choses par rapport à l’album. Un peu dans la continuité de l’album qui raconte une histoire en musique avec différents personnages au final. Il y a plus une recherche artistique dans la mise en scène du concert par rapport à DAMN et ça m’a beaucoup plus plu.

ShawnPucc : Oui, il y a un côté très théâtral. Le début c’est trois ou quatre minutes, juste des danseurs qui se déploient tranquillement sur toute la scène. En fond, des violons et quelques notes piano. Puis tout le monde repart derrière le rideau.

Raphaël : C’est vrai que sur DAMN, la mise en scène dépendait beaucoup plus des petits courts métrages avec le personnage de Kung Fu Kenny. C’était efficace mais assez artificiel. Là, foutre un plumard pour le morceau « LUST. », un fauteuil pour « Father Time », une cabine de quarantaine pour « Alright », des danseurs sur de nombreux morceaux, ça donne un autre effet, plus… tangible. Les jeux d’ombre etaient assez beaux aussi : son négatif en géant sur « DNA. », l’aube sur « Bitch Don’t Kill My Vibe », les flèches dans le dos sur « Count Me Out »… il y avait une vraie variation de tableaux et d’intentions pour souligner visuellement les sens de certains morceaux, mais aussi un effort pour gommer le côté trop mécanique du concert à travers la mise en scène.

ShawnPucc : Voilà, c’est de ça que je parle d’une forme « d’esthétisation » et qu’un concert ne doit plus uniquement se vivre mais aussi se voir. Toutes ces belles images, elles sont vraiment saisissantes mais dans un contexte plus large, si tu regardes l’album de Mr. Morale en termes de promo c’est : un site Internet oklama, quelques tweets, un clip et un album. Et je pense qu’il y a une réflexion à pousser dans ce sillage, c’est que le spectacle vivant – en plus d’être une des principales ressources financières pour les artistes – devient aussi un atout non négligeable pour allonger la durée de vie d’un album.

Raphaël : Sur le prolongement album – concert, j’ai beaucoup aimé le côté rétro-futuriste de ce piano de rade de blues au milieu de la scène métallique. Ça souligne évidemment les intentions musicales de titre comme « United In Grief » et « Crown », mais rien que le fait de jouer les notes inaugurales de « HUMBLE. » sur ce vieil instrument défraîchi, ça donne une autre entrée au morceau.

Brice : Alors j’étais dans la fosse, j’ai peut être pas bien vu, mais il jouait pas vraiment du piano non ? [sourire] J’avais l’impression qu’il faisait un peu le faux pianiste sur scène ahaha. Par contre c’est vraiment intéressant d’avoir autant mis en avant ce piano sur plusieurs morceaux pendant le concert. J’avais déjà eu l’impression en écoutant l’album que c’était un instrument qui avait un rôle un peu à part, il revient à tous les moments forts comme « United In Grief », « We Cry Together », « Savior » et évidemment « Mother I Sober ». Le piano est, pour moi, presque un personnage de l’histoire de Mr. Morale & The Big Steppers pour moi. Et le fait que dans la mise en scène de son concert il le mette plusieurs fois au centre de la scène comme ça, ça me conforte un peu dans cette idée

ShawnPucc : C’est l’effet Duval Timothy. Il sort un nouvel album au moins de novembre (Meeting with a Judas Tree).

Raphaël : ShawnPucc, quelles grosses différences tu vois entre l’expérience en tant que spectateur dans l’Arena le vendredi et devant ta télé le samedi ?

ShawnPucc : Franchement, pour moi, c’est deux expériences totalement différentes. En fait, tout à l’heure je parlais d’un côté très « esthétique », ou plutôt, une réflexion à mon avis que la musique ne doit plus seulement s’écouter aujourd’hui mais doit être vue. Si tu regardes son concert sur Amazon, je pense que tu vas être plus impressionné par les jeux de lumière, l’orchestration entre Kendrick, les danseurs et la scénographie. En fait, tu as vraiment la sensation – et ça impressionne – que ce concert a été réfléchi sous plusieurs angles. Et si en revanche tu vas voir le concert, sur certains effets de son, notamment quand il a une espèce de maison en plastique qui tombe sur lui, t’as un énorme vrombissement dans la salle qui te fait trembler la poitrine. Et ça, faut être sur place pour le ressentir.

Brice : Oui carrément, le vrombissement dans la salle c’était impressionnant. Tout comme certains moments quand tu es dans la fosse, y’a une espèce d’explosion assez impressionnante – et encore on était en France, pas aux US. Mais clairement « Alright », « HUMBLE. » et « Backseat Freestyle » ça fout vraiment les frissons debout au milieu de toute le monde qui scande le truc. Mon seul regret c’est que le public n’a par contre pas du tout du tout réagi sur le passage des deux morceaux de Baby Keem avec lui, notamment sur « Family Ties », où clairement c’est LE morceau de concert de ces derniers mois, et Kendrick avait en plus fait monter la pression en laissant au moins 30 ou 40 secondes de silence en fixant Keem en face de lui avant que la prod’ démarre. Aux États-Unis, où Keem est plus connu, ça doit vraiment être exceptionnel ce moment là.

ShawnPucc : C’est à cause de Tik Tok ! C’est comme Steve Lacy qui s’est retrouvé à un concert à interprété « Bad Habits », titre numéro aux US. Et après son refrain, il a voulu laisser chanter son public… Et là, personne ne connaissait la suite.

« Avec cet anniversaire des dix ans de good kid m.A.A.d city, tous les morceaux qu’il a joué de cet album étaient des moments spéciaux. »

Raphaël

Raphaël : Un détail qui continue à me faire tiquer, quand même, c’est l’invisibilisation des musiciens, comme en 2018. Je trouve ça dommage parce qu’ils apportent une vraie plus value sonore. Il n’y a pas eu de relecture radicale de certains morceaux, mais il y a des variations que j’ai adoré : rythmiques sur « Element », mélodique sur « Die Hard », qui devenait d’un coup plus chaud et funky que sur disque. Et évidemment toujours ce côté plus rock donné à certains titres, comme « m.A.A.d city » notamment

Brice : Et bien je ne savais même pas qu’il y avait des musiciens au concert… J’avais déjà un doute sur DAMN mais on m’avait dit qu’ils étaient là. Là, je pensais que c’était des bandes lives ! Je trouve ça vraiment dommage aussi même si je comprends l’envie d’épurer le show.

ShawnPucc : Je pense aussi que ça répond à des contraintes peut-être techniques ou alors plus moderne avec aujourd’hui des concerts qui sont des superproductions en vérité. Parce que la qualité du concert sur Amazon on s’en rend pas compte mais c’est un niveau au-dessus. Concernant les musiciens, j’ai un peu essayé de faire mes recherches parce que y’avait un autre moment fort dans le concert : le morceau « Money Trees ». Déjà, Kendrick avant de le lancer joue avec le public a attendre trois minutes dans le noir avant de dire le moindre mot. Et ce titre en question est réinterprétée avec une basse de dingue, une guitare électrique de feu et des espèces de synthés qui donnent un mélange délicieux. Et du coup, j’ai trouvé que la basse était jouée par Tony Russell. Je suis allé sur son Instagram, c’est vrai que ça fait drôle de voir des musiciens qui jouent limite dans une cage.

Raphaël : Quelle belle enquête ! Ça souligne le côté plus funk que je décrivais pour « Die Hard », justement. Et oui « Money Trees » est toujours un moment magique. Avec cet anniversaire des dix ans de good kid m.A.A.d city, tous les morceaux qu’il a joué de cet album étaient des moments spéciaux. Et de mon canapé, j’ai vraiment eu l’impression que ce sont ceux qui ont suscité une ferveur encore plus grande du public. « Backseat Freestyle », « m.A.A.d City », « Bitch Don’t Kill My Vibe » sont vraiment devenus en dix des morceaux emblématiques, générationnels. D’ailleurs c’est sur « Money Trees » qu’il a évoqué les dix ans de good kid m.A.A.d city.

Brice : Oui ultra vite fait, en mode « hop je le cale et on passe à la suite. » J’aurais aimé qu’il nous parle plus en vrai. Déjà qu’il fait plus d’interviews, parle nous un peu ! Sinon, autre chose que j’ai remarquée : sur cette tournée, Kendrick appuie clairement sur le fait qu’il est à 100% sur son nouveau label pgLang. Tu entres dans la salle tu avais un logo géant pgLang, sur les écrans, en premières partie tu avais Tanna Leone et Baby Keem signés sur le label, et ils sont aussi venus avec Kendrick sur scène pendant son show pour trois morceaux. On sent qu’il a vraiment envie d’aller vers un nouveau chapitre avec ce label.

ShawnPucc : Totalement. Et j’ai trouvé ça très touchant que ses anciens confrères de TDE écrivent quelques mots sur Twitter pour saluer sa performance.

« Mr. Morale & The Big Steppers va être l’album qui va éternellement créer des débats et des discussion dans la carrière de Kendrick. »

Brice

Raphaël : Sur la mise en avant de pgLang, c’est une belle manière de faire croquer ses artistes, je trouve. Non seulement en première partie, en bénéficiant de quelques effets lumineux du show de Kendrick, mais en plus pendant le concert. Même si j’ai trouvé que ça manquait d’interaction – notamment avec Tanna pour sa venue sur « Mr. Morale ».

Brice : Oui le pauvre, il reste en seul sur la scène pendant que Kendrick est à l’autre bout sur la plateforme. Par contre avec Keem le moment où ils sont l’un en face de l’autre, chacun d’un côté de la salle, reliés par l’espèce de chemin qui passe au milieu du public, c’était joli. Par rapport au contenu de « Family Ties » et à leur relation, il y avait vraiment une symbolique forte. Je pense vraiment que Keem a fait du bien à Kendrick dans sa musique, le fait d’avoir un jeune hyper talentueux – aussi producteur – qui a la dalle comme ça dans son équipe, ça a du le booster après DAMN. En tout cas on sent qu’il croit à fond à lui, pour lui donner sa première partie et surtout lui laisser deux morceaux entiers où il revient sur scène pendant son concert…

ShawnPucc : C’est d’ailleurs drôle parce que lorsque Keem sort Die for My Bitch, j’ai l’impression d’entendre Kendrick Lamar quand il prend ses voix pitchées.

Brice : Ma seule surprise, mais ça n’en est peut être pas une, c’est qu’il n’a pas joué « Mother I Sober ». J’imagine que c’est un peu douloureux comme morceau. Mais ça aurait été fou qu’il termine son concert par ça en l’interprétant en entier.

ShawnPucc : Ou « Auntie Diaries ». Puis il fait uniquement l’intro de « We Cry Together ». Après c’était ça aussi le challenge sur son album : comment tu le défends sur scène sachant que tous les thèmes sont sont assez lourds ? « Mother I Sober », ça parle quand d’un abus sexuel dans sa famille et « Auntie Diaries », ça parle de transidentité. Tu viens à un concert, c’est aussi pour célébrer. Mais c’est pour ça que Kendrick continue comme un artiste soliste qui pousse encore un peu plus l’enveloppe – ils aiment bien dire ça les Américains. Clairement, quand il a joué « Worldwide Steppers » vendredi, il n’acait pas un mot dans la salle pendant les deux couplets. Tu regardes. Et tu te tais. [rires]

Raphaël : Le truc aussi avec « Auntie Diaries » et « Mother I Sober », ce sont des morceaux longs et insécables. Parce qu’il a aussi fait le choix de couper beaucoup de morceaux. « Father Time » s’arrêtait sur la phrase « Got some healing to do. » « Loyalty », il n’a joué que le refrain. Les deux morceaux fleuves précités, au-delà de leur esthétique anti turn-up, se fondent plus difficilement dans un concert comme celui-là où il y a des impératifs de rythme.

Brice : Oui c’est sûr, d’ailleurs tous les morceaux étaient raccourcis. Mais j’avoue que finir un concert par une performance avec un morceau long je trouve ça toujours super fort. Dans un autre registre j’ai été marqué par Orelsan sur la tournée de La Fête est finie, qui te débitait « Notes pour trop tard » en entier en dernier morceau après avoir enchaîné deux heures de concert, tu te disais vraiment « Ok, il est fort. »

ShawnPucc : Je pense que mon moment préféré du concert c’est l’interprétation du morceau « Crown » lorsque tu as tous les halos de lumières, qui ont l’air chaud et lourds, qui descendent sur lui. Ça fait à la fois un bel effet de pesanteur, ce fameux poids des responsabilités de celui qui choisit de porter la couronne. Ça résonne parfaitement avec la symbolique du titre.

Raphaël : C’est juste dommage que ce soit le moment où il y a le plus de voix sur bandes, alors que c’est en effet un de ses morceaux les plus vulnérables.

ShawnPucc : On ne peut pas tout avoir. Mais dans ce morceau la répétition des voix est centrale, tout comme la répétition des notes de piano.

Raphaël : Personnellement, mon moment préféré, ça a été « Mirror », pour sa performance et la plateforme qui se surélève pendant son interprétation. C’est purement fortuit, mais cette plateforme centrale avec lui enfermé dans le sas de quarantaine, ça m’a rappelé PNL au meme endroit quelques mois plus tôt qui chantaient « Déconnecté » avec ce même mouvement vertical, dans un même enfermement, pour un titre qui dit des choses similaires sur le succès et la quête de liberté individuelle en dépit de leurs contraintes de célébrités

ShawnPucc : « Maybe it’s time to break it off / Run away from the culture to follow my heart. »

Brice : Sébastien, je ne sais pas si tu as aussi eu le même ressenti vendredi, mais l’ambiance dans la salle retombait beaucoup quand Kendrick jouait ses morceaux de Mr. Morale & The Big Steppers, notamment ceux un peu portés sur le texte comme « Father Time » (mais c’est aussi parce que le public était français). Il n’y a que sur « N95 » ou je sentais que ça suivait vraiment. Je pense vraiment que Mr. Morale & The Big Steppers va être l’album qui va éternellement créer des débats et des discussion dans la carrière de Kendrick. Et DAMN celui qui va marquer le plus grand nombre. Dès qu’il mettait des morceaux de celui là c’était le feu.

ShawnPucc : Ce dernier album doit être un calvaire pour les mecs qui bossent dans ces plateformes de musique en ligne, ils doivent se gratter les cheveux pour s’avoir dans quel playlist va figurer « Worldwide Steppers ». C’est un truc qui tue l’ambiance et quand tu sais que la majorité des écoutes dans ces plateformes sont passives…

Brice : Il avait clairement pas envie de faire un album pour les autres mais pour lui sur celui-ci. Moi c’est ce qui m’a vraiment plu : être autant attendu par tout le monde et quand même faire la musique qu’on veut, sans compromis, je trouve ça romantique.

ShawnPucc : Complètement. A mes yeux, ça lui a fait beaucoup du bien d’enlever de son dos le poids si symbolique de To Pimp a Butterfly.

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