Nos 25 morceaux du premier semestre 2020
Rap francophone

Nos 25 morceaux du premier semestre 2020

Des rappeurs quadragénaires qui retrouvent de leur superbe, des MCs fans de boom-bap qui le disent avec un triplet flow, des couplets ésotériques et des stars qui cultivent leurs fondamentaux avec brio, voici la sélection semestrielle de la rédaction pour les six premiers mois de 2020.

Photographie : Lalcko par nos illustres confrères de Le Bon Son

Isha – « Les Magiciens »

C’est l’histoire d’un groupe d’hommes débarqués avec le livre saint dans une main et un drapeau dans l’autre. Leur don leur a permis de réaliser le prodige de prendre et d’imposer, en un tour de main, donnant l’illusion d’offrir et d’élever. C’est à travers des images sublimées et fantastiques qu’Isha raconte la colonisation du Congo – qui peut s’appliquer à toute l’Afrique – dans « Les Magiciens ». Mutilations, travail forcé, viols, expropriations, acculturation… tant de thèmes difficiles à aborder dans un texte de rap sans que celui-ci ne ressemble à un cours d’histoire. Généralement traité sous forme de storytelling à travers le parcours d’un personnage – ce qui n’est pas le cas ici –, ce sujet douloureux ne semble pas occulté par la scène actuelle, l’actualité ravivant la flamme du souvenir et de la mémoire. Quelques mois après la sortie de ce titre sur La Vie augmente, Vol. 3, soixante ans après l’indépendance de la République démocratique du Congo, le roi de Belgique regrettera « ces blessures du passé » et les statues de Léopold II commencèrent à tomber. Loin d’être visionnaire sur ces évènements mais profondément conscient de leur poids historique sur sa propre vie, Isha a produit un titre touchant par la profondeur de son thème et la (fausse) naïveté de sa forme. Son refrain entraînant et ses couplets poignants en font un des titres les plus marquants de la trilogie LVA. – Ouafa

L’uZine – « Où sont mes kaïras »

Il n’y a pas de surprise. Tout le morceau sonne comme une évidence, le jus pur d’un fruit de Montreuil pressé par une équipe soudée comme les cinq doigts d’un poing fermé qui tape en pleine gueule. Ils jurent “sur les ptits du maire” et tu “manges tes morts”, barbecue au quartier on ne graille pas de porc, mais on en grille à la broche quand-même. À l’instar de son dernier album Jusqu’à la vie et de sa trajectoire jusqu’alors, L’uZine sur “Où sont mes kaïras” porte haut l’étendard d’un rap plein de rage, populaire, besogneux, solidaire et brut au besoin. Chacun des mc’s en présence est aussi sûr de lui que des siens, l’egotrip est mis au service de l’équipe, au sens large : les gens d’en bas et de là-bas, les narvalos qui traînent vers le cimetière, les kaïras égarées, les anciens et les sœurs, la rue et le seum. Un ensemble d’êtres de principes, de travail et de valeurs qui se résument en une lettre, le Z. La dernière de l’alphabet, celle du fond qui s’écrit ici en un mouvement rapide et déterminé, qui décolle vite et s’arrête net où il faut : “une flexion nous sépare pour que ta tête et mon pied viennent s’embrasser! ” – B2

Karlito & Pone « Au-delà de l’horizon » feat. Ali

Dans la continuité de Kate & me, sur Vision les samples résonnent comme des échos du passé, enveloppés dans des nappes cloud plus actuelles – qui font rêver qu’à Karlito succèdent, sur les instrumentaux de Pone, deux frères des Tarterêts… C’est sur la production la moins nuageuse, au beat le plus nerveux, que la force tranquille de 45 Scientific, Ali, vient signer l’unique feat de l’EP. Dans un couplet impeccable aux allures de motivation music spirituelle et lumineuse, il alterne rimes allongées et, plus surprenant, mots brefs, dissylabiques, qui le placent sur une cadence différente. Le symbole est trop beau pour ne pas marquer l’histoire du rap. Trois légendes accidentées, trois symboles de collectifs mythiques (Fonky Family, Mafia K’1 Fry, 45 Scientific) se réunissent à Marseille pour un titre plus léger (l’auteur de Contenu sous pression chante « lalala », pour que le son coule mieux), egotripique voire un brin revenchard de son côté, mais dont se dégage simplement une envie de faire le bien. Pone, Ali et Karlito savent, chacun à leur manière, qu’une minute de vie est trop précieuse pour la gâcher en écoutant hypocrites, mythomanes ou regrets intérieurs. De ce triumvirat passé ne déborde aucune goutte de nostalgie. Au contraire, ils arborent la hauteur nécessaire pour regarder le rap en face, au-delà de son horizon, sourire de ceux qui savent aux lèvres : « si tu parles de hip-hop, c’est que tu parles de nous gros ». – Manue

K.Oni & Coeur Nwar – « Epilogue »

En musique, il est vain de combattre l’air du temps. Il n’y a que deux solutions : soit se laisser porter par le vent de la tendance, avec la même innocence que celle de profiter d’un heureux instant présent. Soit cultiver des petits plaisirs égoïstes, livrés par des artistes qui tournent le dos aux moulins à vents de la mode, autant qu’à l’air brassé par des Don Quichotte persuadés de garder le temple. K.Oni, lui, a un pied dans chaque posture. Et ce qui pourrait avoir l’air d’un grand écart s’avère être finalement très solide sur ses appuis. Pourquoi ? Car l’auditeur retrouvera le K.Oni fine plume, aussi pudique que sincère, aussi sophistiqué que cultivant des mots simples et accessibles. La qualité de l’élocution et le ton aux allures de soliloque sont ici identiques à ceux que le rappeur rennais de feu Micronologie (installé depuis de nombreuses années à Paris) cultivait déjà lors de ses Réflexions en 2013. Mais la robustesse de K.Oni, c’est aussi celle d’évoluer en synchronisation avec le même beatmaker que celui présent lors de ses derniers efforts : RezO. L’éternel activiste breton est en plus rejoint à la réalisation par DJ Atom (C2C, Beat Torrent). Le duo aux machines s’appelle Cœur Nwar, et il délivre à K.Oni un tapis sonore éthéré aux rythmiques trap. Mais plutôt que de parler de tendance, il faut dire que si l’album doit être salué dans son ensemble, c’est que le virage moderne de la production est abordé avec un soin rare, une franchise qui ne dénature pas l’essence de son MC et une qualité de réalisation hors norme. Sameer Ahmad et C.Sen ne s’y sont pas trompés en étant les seuls (grands) invités à honorer ce disque intitulé 1984. Quant à « Epilogue », si K.Oni a décidé d’ouvrir une nouvelle page avec ce titre en guise de première piste, c’est probablement qu’après 7 ans d’absence, il est le morceau qui condense le mieux ce que le boom-bap avait de beau en 2013 et qui sait le rester en devenant « trap » en 2020. – zo.

Laylow – « …DE BATARD » feat Wit.

Un film. En sortant Trinity en février dernier, Laylow aura eu l’ambition de faire une véritable œuvre cinématographique et sonore dans le rap français : l’histoire d’un amour impossible entre un homme et une machine, pour fuir les angoisses d’un monde trop triste pour ne plus être augmenté. Et pour appuyer encore plus son intention, le Toulousain a fait un court métrage : situé en fin d’album, “…DE BATARD” raconte l’histoire d’un SDF que croise Laylow dans son périple à travers plusieurs protagonistes. Le mari, la femme, la fille et un huissier. Détail important : le rappeur interprète lui-même les trois premiers personnages. Mené par une prod’ de Laylow en personne (sous son alias Jay Anderson) qui donne l’impression d’être tout droit sortie d’un Streets Of Rage des années 90, le titre plonge alors dans les tourments d’une famille qui se disloque. Porté par un sound design millimétré (bruits de porte, de motos, pas dans les graviers…) ainsi que d’un vrai sens de la transition, il laisse ensuite son ami Wit. terminer le travail dans un couplet d’huissier véreux et sans cœur. Le 6 mars dernier à l’Olympia, Laylow faisait alors ce que beaucoup attendaient, sans savoir si il s’y risquerait : interpréter le morceau sur scène d’une traite, à travers une mise en scène en ombres chinoises et en prenant les différentes voix de ses personnages. Un moment en suspens qui aura permis de confirmer que Toulousain est bel et bien un des hommes fort de l’année, tout comme ce “…DE BATARD” s’inscrit facilement dans la liste des morceaux importants de ces derniers mois. – Brice

Retro X – « 5ième Symphonie »

Depuis maintenant plusieurs années, Retro X élabore une musique complexe et exigeante, qui se démarque favorablement du reste de la production rap. S’il revendique avoir créé son style (l’emodrill), celui-ci déborde assez largement de tous les moules dont il aurait pu sortir : la trap de Gucci Mane et de ses enfants (de Chief Keef à Goonew en passant par Z Money), l’emo rap à la Lil Peep ou le cloud rap du Drain Gang. A croire qu’il y a chez Retro X quelque chose de l’exception culturelle à la française : dans sa manière de briser les élans de tendresse par des secousses violentes, d’osciller entre la naïveté et la corruption et de teinter ses moments contemplatifs d’une couleur nostalgique, on perçoit parfois du Bashung, du Souchon (deux références revendiquées), voire du Doc Gynéco. Sur « 5ième Symphonie », l’instrumentale rugueuse et sophistiquée d’Erasisdead donne à son unique couplet un parfum d’urgence. Comme un cadavre exquis écrit par un enfant et un OG, pour épancher ses pulsions guerrières avec une simplicité éloquente (« J’ai juste envie de tuer un individu / J’ai vu un ennemi il a pissé dans son tissu »). De quoi présager du meilleur pour la compilation Emodrill, le nouveau western, qui doit concrétiser sa collaboration avec Gizo Evoracci en réunissant une partie de l’avant-garde du rap français. – Léon

Dubble G Kiluavi – « Légendairavi Shit »

La production de “Légendairavi Shit” est imparable, une boucle dont on voudrait qu’elle ne cesse jamais de tourner, au point de donner à elle-seule une aura mystique à ce morceau. Elle envoûte plus qu’elle ne berce, et aspire l’âme vers des mondes inconnus. Dubble G Kiluavi a littéralement piégé cette pièce qui est à ce jour une de ses prestations les plus marquantes… Et à plusieurs titres. Au-delà d’envelopper confortablement l’auditeur au rythme d’une mélodie hypnotique et presque soporifique, il le bloque dans une impasse morale extrêmement puissante. “Légendairavi Shit” est spirituel, mais hors des voies connues. Blasphème, profanation, insulte, c’est une expérience intense et violente pour le croyant, monothéiste tout au moins. La façon qu’a le Dubble G d’aborder (d’exploser) ces questions n’est pas sans rappeler les approches de Despo Rutti. Il retourne en lui-même, au plus profond de son âme, de sa couleur de peau et de son continent, au plus profond des Grands Lacs, et par la même occasion ce sont les fondations même de la foi des uns ou des autres qu’il retourne. Bien des auditeurs risquent d’ailleurs de n’écouter ce “Légendairavi Shit” qu’une fois, mais de s’en souvenir longtemps. Légendaire, à vie. – B2

Kekra – « Putain de salaire »

Sur la page wikihow « Prier comme un bouddhiste », il est indiqué : « Un mantra est simplement une phrase qui est répétée souvent. Vous n’avez pas forcément besoin de connaitre la pleine signification de vos mantras, étant donné que la répétition des mots les vide de leur signification et vous aide à vous concentrer. » Astuce : remplacer le traditionnel « om mani padme hum » par « Putain de salaire (putain de salaire), putain de salaire, et voilà, et voilà, et voilà (et voilà, et voilà, et voilà, et voilà) ». Kekra, sarouel noué autour du visage, aurait pu s’accaparer le filon des séances de méditations pour cadre stressé, car certains de ses sons sont effectivement des mantras ou des litanies à réciter ad-libitum. « Putain de salaire », premier extrait de Freebase Vol. 4, sorti en mars, est la quintessence de ce style raffiné depuis le volume 1 : une écriture sonore au service de son interprétation, à rabâcher avec toutes les intonations et tous les flows possibles, jusqu’à épuisement. Là est le génie de Kekra, qui joue de son aisance vocale pour livrer parfois des démonstrations à la Young Thug, dont le texte obsédant produit son effet à force d’être répété. Si la séance est réussie, c’est l’accès à une forme d’indifférence narquoise, où plus rien n’a d’importance, tant que l’on peut continuer à tracer des cercles en quad dans le désert de Dubaï. – Léon

Twinsmatic – « SEVENOCLOCK » feat. Dinos

On le sait : Dinos aime l’émotion. De Imany à Taciturne, les meilleurs moments de la musique du rappeur de La Courneuve se dévoilent souvent lorsqu’il ose fendre l’armure (“Les garçons ne pleurent pas”, “Helsinki”, “Les Pleurs du Mal”). Une caractéristique qui, au moment de collaborer avec le producteur Twinsmatic, ne pouvait que faire fonctionner leur collaboration : adepte des nappes sonores synthétiques qui noient généralement l’auditeur dans sa nostalgie, celui que l’on connaît aussi sous le nom de Julian livrait au printemps dernier un album de producteur au casting relevé. Et sa collaboration avec Dinos sortait directement du lot : construite comme une épopée synthétique en deux temps, d’abord à base de lignes de synthés futuristes, ensuite portée par une basse menaçante qui accompagne une modulation de thème, on y retrouve un Dinos à la fois arrogant dans son texte et fragile dans sa voix chantonnée. Un contraste qui correspond bien à la tonalité générale du morceau, autant porté par l’émotion qu’il peut se permettre de bomber le torse. – Brice

Lalcko – « 4 femmes »

Attendu depuis si longtemps qu’il ne l’était plus ou presque, le retour de Lalcko a été amorcé fin 2019 et s’est rapidement concrétisé par la sortie de dizaines de titres inédits, neufs ou bien exhumés, et d’un album, B.a.g.s. “4 femmes” n’est pas issu de ce nouvel opus mais de la tape Capital 2 mise en ligne en janvier. Il s’y entend un Lalcko malicieux. Le flow est celui d’un rappeur gentil, le verbe est naïf d’apparence, c’est celui d’un enfant innocent, quant aux idées portées, elles sont celles d’un grand chef de famille. Jouant sur les contrastes, L.a.l pose devant ses yeux les lunettes d’un gamin ignorant pour regarder un monde sans pitié. Les jeux de mots, les double sens et les métaphores se succèdent les uns aux autres pour conférer à “4 femmes” une dimension poétique inattendue. La prison ? Une grande maison construite par un type super sympa pour dormir avec plein de copains. Le sida ? Un cadeau offert au plus grand nombre par un aîné partageur. Le poison ? Un somnifère pour les chanceux au sommeil habituellement trop léger. Frapper un homme ? C’est l’aider à prendre de l’épaisseur… – B2

Sitou Koudadjé, Mod Efok & Kaiman L’Animal – « 3 points »

Avec son sample fantomatique et ses bruits de nature qui envahissent le silence d’une humanité qui dort, « 3 points » est un titre lugubre. Et il résume bien le conciliabule qui, sur ce disque de douze pistes, unit Sitou Koudadjé, Mod Efok, et Kaïman L’Animal. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas un hasard si le collectif du dernier s’appelle Underground Conspiration, que l’excellent et unique album du second s’appelle Légitime Déviance, et que l’œuvre du premier l’unit notamment à Skalpel dans cette volonté anti-néocoloniale et ce besoin d’infuser les continents de l’hémisphère sud dans chaque tracklist. Un champ lexical qui pose les trois conditions avec lesquelles il faut composer lors de l’écoute du trio : être prêt à tracer sa route en ne croyant plus à grand chose, si ce n’est à protéger son cou comme le Wu Tang, et les rares quelques siens comme des frères. Trois points à prendre au pied de la lettre, et renforcés par trois couplets admirables. Kaiman multiplie tout l’album les entrées fracassantes et y ajoute ici une incroyable métaphore filée qui rassemble basket et philosophie de vie. Sitou Koudadjé rompt le pain dans une ambiance de conjuration solitaire. Quant à Mod Efok, c’est à lui que revient la synthèse de toute cette ambiance funèbre et underground qui transpire des 43 minutes : « il vaut mieux un long silence qu’un petit débat d’idées stérile. » Cela tombe bien, trois points de suspension, c’est exactement ce que laissent chacune des pistes de ce disque une fois finies. –  zo.

Népal – « Trajectoire »

Avec la 75e session comme centre de gravité, Népal s’est tracé une route musicale au plus près de ses valeurs personnelles. Discret, simple, sincère : trois mots qui décrivent cet homme de l’ombre. Au milieu des douze morceaux d’Adios Bahamas, « Trajectoire » catalyse toutes les réflexions que le rappeur a distillées au long de sa carrière. Entre remise en question et volonté d’élévation, Népal dresse un tableau amer (réaliste) porté par un flow rectiligne sur des notes de piano. Comme si la ligne de conduite n’avait jamais bougé – comme celle de l’horizon – dans les bons et les mauvais moments. « Il faut rester positif en restant conscient de ce qui se passe sans l’ignorer », conclut le philosophe Nassima Haramei à la fin du morceau. Trouver sa « Trajectoire » est finalement une question d’équilibre entre ce qu’on choisit d’accepter et ce qu’on souhaite changer. Népal a choisi de rester fidèle à lui-même. – Ouafa

Soso Maness – « Interlude » (Mistral)

Fidèles à son anti-esprit de sérieux, les interludes et morceaux bonus de Soso lui servent à s’amuser un peu. Outre la chanson française, le nationaliste font-vérien est aussi friand de rock anglais des années 1980. Ici, c’est selon lui sur une sorte de “Nirvana type beat” – mais qui n’a pas réellement la texture grunge du son états-unien des années 1990 – qu’il compose un titre à la fois drôle, parce qu’un brin parodique dans l’intention, et extrêmement politique dans le fond. « Manifestant perd son œil, jeune de cité perd la foi » : l’interlude de Mistral sert de critique des violences policières universellement défouloir. Pour le clip, Soso opte intelligemment pour une version de “TP” vue de l’autre côté de la barricade. La GoPro est cette fois vissée à un groupe de bacqueux enchaînant toute sorte d’actions détestables, du pneu percé pour le sport à l’agression sexuelle et au racket d’une prostituée. Il énumère en réalité les exactions reprochées à la Bac nord de 2012 – pour beaucoup réintégrés en 2013 – en y associant un refrain à la portée hymnesque (« pointeurs, violeurs, politiciens c’est des voleurs et on les calcule pas ! ») qui promet d’en faire une rockstar au moins le temps d’une scène. Dans la lignée de ses reprises ghettoïsées d’Aznavour, Renaud et Stromae, Soso Maness montre encore qu’en musique comme dans la vie, il est partout chez lui, parce que partout lui-même. – Manue

Tedax Max – « Maxaveli »

Tedax Max est « humble et affamé ». Depuis son fief de la place Voltaire, il s’impose en quelques clips comme un pensionnaire de plus d’une scène lyonnaise qui n’en finit pas d’abreuver de talents. Pas vraiment d’innovation chez celui qui se revendique « fin lyriciste à la Mos Def », mais une parfaite maîtrise de ses gammes, qui lui permet de livrer avec aisance une écriture directe et percutante. Preuve de son bon goût, il revendique une ascendance plus qu’honorable, et que l’on perçoit rapidement à l’écoute de « Maxaveli ». En plus de l’héritage GFG, dont l’influence sur le rap français semble chaque jour un peu plus palpable (« Vie d’ordure comme Shone et K.E.R »), il cite explicitement les frères N.O.S et Ademo ainsi que Lil Reese. Un rap cru et plutôt virtuose, qui fait le pont entre la mentalité des gangsters de la vieille école et des sonorités plus modernes (« J’ai enlevé mes dreadlocks, fuck Playboi Carti, j’suis du quartier »). – Léon

Lesram – « Red Ded »

Le décor n’est pas celui de Red Dead Redemption, la monture non plus. Lesram ne traverse pas les grands espaces américains à cheval, mais les rues de la capitale française en scooter, des plus belles et cossues aux coupe-gorges exigus. “Red dead” est un titre immersif, caméra embarquée sur un casque semi-intégral le long de quelques missions et livraisons. Lesram part de son Pré-Saint-Gervais et roule sans GPS en direction de l’ouest parisien : soirée electro, petite bourgeoisie qui boit du champagne, “à Paris dans le XVIe c’est sports d’hiver, à Paris dans le VIIe c’est sports d’hiver !” Le jeune urbain connaît ses terrains et cela vaut aussi sur le plan musical. Le morceau synthétise des aptitudes diverses et complémentaires de l’ancien Tonton Flingueur. Indéniablement, Lesram est un kickeur, sa facilité technique s’entend à chaque mesure. Il n’en reste pas moins un rappeur à l’écriture fine, épris de rimes. Et surtout, en posant sur ce qu’il conviendrait d’appeler une “prod à la Jul”, il rappelle la possible conciliation d’une technique des plus traditionnelles et d’une ouverture sonore vaste. C’est un peu la rencontre entre Nakk et Naps. – B2

Monsieur Saï – « Valetudo »

Durant les quarante minutes de son dernier album, Mr. Saï détruit une belle quantité d’illusions. En résumé, les seules choses que le rappeur manceau semble respecter, c’est l’enfance et une forme d’errance paisible. Pour le reste, que ce soit la scène rap alternative et militante, la machine à broyer du salariat, les amitiés qui s’effritent comme un mauvais bout de shit ou la lancinante et redoutable lepénisation des esprits, Saï le détruit, avec flegme et l’air faussement blasé de celui qui revient du pays des cœurs morts. (Se) Regarder dans le miroir fait parfois mal, et a priori, le rappeur manceau avait quelques reflets à tendre à ses contemporains. Parmi eux, il y a ceux croisés aux tristes extrémités des soirs de fête. En s’appropriant un flow en triplet, en détournant les gimmicks sur lesquels il est devenu nécessaire de turn-up dès que possible pour se persuader de s’enjailler, le MC autopsie les mensonges faits à soi-même dans des soirées qui se transforment en surenchère du cassage de tête et de drague par peur d’être seul. Banalisation de la cocaïne et de la MDMA, éthylisme sans autre issue que danser hagard, vie sexuelle et affective où ce qui se partage le plus est la gueule de bois, Mr Saï dépeint en quelques rafales l’envers sordide d’un décor d’apparence jovial et qui donne naissance chaque soir à des dizaines de milliers de selfies souriants et criards. Une façon redoutable de casser l’ambiance, et surtout de rappeler qu’aujourd’hui, beaucoup de sourires en soirée ont plus l’allure de camisole chimique et de fuite que de libération et de rassemblement. La fête et finie. En restera le miroir tendu mais dorénavant ébréché, avec dessus les traces d’une soirée comme les autres. –  zo.

Gazo – « Drill fr 4 » feat. Freeze Corleone

La désormais fameuse connexion Chicago-Brixton-Brooklyn a fait des émules, et les morceaux de rap français estampillés « drill » pullulent en ce premier semestre 2020. Beaucoup ont suivi la tendance, avec des succès divers. Parmi eux, Gazo fait à la fois partie des précurseurs et des plus à l’aise dans le registre. Il s’est rapidement imposé avec la série des « Drill Fr » inaugurée en automne 2019, puis avec le très bon « Acte de Burberry ». Pour ce quatrième opus, le rappeur de Saint-Denis rentre dans les crânes en un refrain taillé à coups de machette, dans un style percutant appuyé par les kicks balourds de l’instrumentale signée Flem. A ses côtés, un Freeze Corleone toujours aussi régulier dans le découpage, qui gratifie son hôte de deux couplets imparables. Plus que jamais, son ombre et son flow lancinant planent comme une menace sur les alentours. On peut déjà décerner le titre de banger de l’année à ce featuring plein de promesses entre un nouvel arrivant sur qui il faudra compter prochainement et l’invité le plus dangereux du rap français. – Léon

Hornet La Frappe – « Divorce »

Si le sujet de la figure maternelle (ou paternelle) est un des plus grands maronniers du rap français, celui du déchirement familial se fait souvent plus pudique. C’est pourtant ce qu’a évoqué Hornet La Frappe en janvier dernier sur son album Ma Ruche : comme son nom l’indique “Divorce” raconte étapes par étapes la souffrance et les conséquences qu’ont engendré le départ d’un père par la suite absent, emportant alors son fils dans une spirale de doutes. D’habitude plutôt discret dans ses textes, le rappeur d’Epinay compacte en trois minutes toute une jeunesse passée à chercher du sens à sa propre vie en dehors d’une structure familiale brisée, tout en rappelant dans son refrain l’amour qu’il porte à ses deux parents. Comme s’il regardait son passé dans un miroir, Hornet La Frappe montre avec “Divorce” que, derrière son rap proche de la rue, se cache un vrai amour pour l’introspection et les textes travaillés si chers au canal historique du rap français. – Brice

Sazamyzy – « Braquage à l’africaine pt. 5 » feat. Kalash Criminel & Freeze Corleone

La Seine-Saint-Denis n’est pas un département, c’est un continent. Sur le cinquième volet de la série « Braquage à l’africaine », l’indépendance du 667 (incarnée par son représentant né aux Lilas) et celle de précédentes générations du 93 s’unissent à la langue la plus sincère et brute de la scène sevranaise. Le résultat ? Comme prévu, un titre où l’auditeur ne sait plus où donner de la tête. Échos paronomastiques autour de « Léopard Léotard Leopold II » entre Kalash Criminel et Sazamyzy, fidèles au combo « gratuité dans la forme/politique dans le fond » qu’ils ont en partage, sample en VF d’une réplique mythique de Salvatore Conte dans Gomorra (« l’homme qui peut se passer de tout n’a besoin de rien ») en guise de pont, et, cerise sur le gâteau, entrée sous stéroïdes pour Freeze. Avantage non négligeable, le couplet de ce dernier ne contient (presque) aucune référence à même de provoquer des émois adolescents sur le forum 18-25 de jeuxvidéos.com – la franc-maçonnerie a quand même le droit à son hommage mais, après tout, même Soso Maness s’en amuse. A la place, c’est une technique qui attire l’attention : le fait de faire rimer des homonymes, avec la triple occurrence du nom propre « Ajax » – produit ménager, équipe de foot, héros de la guerre de Troie – de meilleur goût que le triple Robert dans « Ekip » L’époque où le Comte de Bouderbala et autres moquaient (gentiment) la rime riche du 113 « au casino comme dans Casino » est loin. Les rebonds homonymiques chez Freeze s’inscrivent dans cette capacité précieuse qu’ont certains artistes : la transformation de défauts en virtuosité. « Braquage à l’africaine part.5 » perpétue la tradition en unissant sans concession styles et générations, faisant rêver d’un rap français qui ressemblerait plus souvent à ça. – Manue

Mairo – « eritv »

La sortie de l’EP 95 Monde libre de Mairo s’est faite en janvier dernier dans une certaine discrétion. Issu du roster suisse de Colors Records, le rappeur affilié à la Superwak Clique a néanmoins marqué les esprits quelques semaines plus tard avec son « 95ml Freestyle » pour Couleur 3. Il y étalait ses capacités de kickeur déjà connues des auditeurs les plus vigilants depuis 365 sorti en 2017. Trois ans plus tard Mairo a pris un peu de bouteille et propose avec cette deuxième sortie un disque plaisant, à la qualité homogène. Celui-ci s’inscrit pleinement dans l’ADN du label : énergie, créativité, confiance en soi, liberté sont autant de maîtres mots pour une musique qui ne demande qu’à éviter les carcans. “Eritv” se pose comme un des titres les plus forts de 95 monde libre. Créé il y a quelques temps déjà par son auteur, testé (et approuvé) sur scène, c’est un egotrip pur, “un doigt à la modestie”. Le rappeur dépense toute sa fougue sur un instru signé Hopital, sans fil conducteur ni thème particulier, ne s’en remettant qu’à “[son] instinct, [sa] boussole de poche”. Et ceux qui n’adhèrent pas iront voir ailleurs si Mairo y est… “Mais [il] y sera sûrement vu [qu’il] est vif. – B2

Charybde & Scylla – « Jeun’ fouuu »

Le Jouage n’a jamais aussi mieux brillé qu’accompagné. C’est peut-être un peu ingrat de l’écrire, mais c’est essentiellement pour se remémorer de bons souvenirs. Lorsqu’il formait le binôme Hustla avec Grems, il excellait dans des productions influencées par l’école Cannibal Ox/Company Flow. Quand il incarnait le Dieu Arès dans Olympe Mountain, c’était d’une nonchalance désarçonnante, avec des textes aux allures de disques réinscriptibles. Quand il racontait un univers futuriste aux côtés de James Delleck (qui a sorti ces dernières semaines un méchant titre avec des scratches géniaux d’Ugly Mac Beer), c’était toute une science-fiction possédée et K.Dickienne qui s’exprimait. Et tout cela sans parler de sa carte de membre du Klub des 7. Bref, Le Jouage a toujours été dans les bons coups du rap estampillé à-la-va-vite d’alternatif, et il s’est avéré particulièrement doué pour deux choses : faire vivre son flow indolent aux côtés de MCs plus offensifs, tout en développant un imaginaire nourri à de nombreuses références romanesques et filmiques. Cet amour de l’écriture narrative, il est cette fois à retrouver sous deux alias mythologiques dans un univers de piraterie mâtiné d’horrorcore et de barbarie. Prévu depuis 2015, Bon baiser du détroit est enfin sorti et il voit le rappeur s’associer à Djibton, dont la voix évoque un Kabal post-mortem qui dirigerait le vaisseau fantôme du Hollandais Volant. Et sur « Jeun’ Fouuu », les deux marins libertaires font les présentations. Elles sont menaçantes, prononcées dans un foutoir de références décalées et au charme incompréhensible. Le drapeau noir à tête de mort se transforme en linceul surréaliste. – zo.

Sobek le Zini – « Wendigo »

D’après l’égyptologue Philippe Derchain, « Sobek est le crocodile qui s’est mis à nager dans le Noun et soulève à coups de queue les flots des étangs et des lacs. On l’appelle Sainte Emergence d’où émergent les émergés, créateur qui crée les créatures, qui suscite les potiers-fabricateurs dès le commencement. » De nos jours, le dieu crocodile des origines a élu résidence dans le 94 et vient de sortir un album solide, Necronomicon, après trois EP réussis. C’est sur l’un d’eux que se trouve « Wendigo », dans lequel il surgit des profondeurs de la forêt pour vanter son expertise en matière de drogue et faire planer sur ses ennemis des menaces ésotériques. S’il n’est pas encore le membre du 667 le plus célèbre, Sobek Le Zini possède déjà les caractéristiques qui font le succès de son collectif : un rap sûr de sa technique, qui multiplie les références aux substances psychoactives et à la culture populaire (de Lovecraft à Street Fighter), avec en prime un attachement pour le monde surnaturel qui donnent à ses morceaux des allures de cérémonies cabalistiques. Un package alléchant pour une figure de plus à suivre avec attention dans l’écosystème 667. – Léon

Jul « Rentrez pas dans ma tête » feat. Nessbeal

La musique de Jul unit les cœurs, n’en déplaise aux détracteurs qui n’y voient que répétitions et facilités. De son treizième album studio – probablement le meilleur depuis La Zone en personne en décembre 2018 – deux featurings nourrissent particulièrement sa légendaire mélancolie. Il s’agit de « Toi-même tu sais » avec Doria et de l’attendu « Rentrez pas dans ma tête » avec Nessbeal. Faute de collaboration sur l’album de Soso Maness, malgré une longue discussion téléphonique entre les deux artistes au moment de Rescapé, il s’agit de la première apparition discographique du Roi sans couronne depuis cinq ans. Et la connexion apparaît dès la première seconde comme une évidence. Sur une prod (DJ Bellek / Abdellah) alliant rythmique reggaeton, guitares tristes doublées en fond par la voix autotunée de Jul, Ne2s fait le choix d’une introspection qui résonne avec les préoccupations de son hôte. Particulièrement au refrain – « laisse-les croire que je suis bête… » Les déformations latines des mots en -a (la fameuse « Miseria« ), déjà connues chez Nessbeal, le font apparaître justement moderne. A l’inverse, « Rentrez pas dans ma tête » rappelle que le Marseillais est l’héritier de ce rap au sourire de clown triste dont Nabil Sahli est un des plus brillants représentants. Ce duo, pour qui communiquer semble toujours plus fluide par la musique, donne envie de danser dans la brume les yeux au ciel, au milieu des autres mais sans les regarder – solidaire mais solitaire. Le credo du rap marseillais, formulé par Luciano dès 1998, « si je fais la fête c’est que tout va mal dans ma tête », trouve en 2020 encore une poignante illustration. Ouais ouais ouais. – Manue

Roméo Elvis – « Gonzo »

Parmi tous les nombreux EPs sortis durant le confinement, Maison de Roméo Elvis aura été de ceux que à classer dans les bonnes surprises : après avoir tenté de toucher aux registres de la variété et de la pop sur son premier véritable album, le Bruxellois livrait en avril dernier une dizaine de minutes qui revenaient aux fondamentaux de sa musique. Du rap, et un sens du refrain qui aura fait la spécificité (et la popularité) du rappeur à ses débuts. “Gonzo” en est sans doute le meilleur exemple : construit sur deux axes distincts et finalement complémentaires – des couplets rappés menés par des pianos très new-yorkais, un refrain scandé – “Gonzo” et sa réflexion sur le monde qui nous entoure semblent bien synthétiser en trois petites minutes là où la musique de Roméo Elvis peut maintenant se balader. À mi-chemin entre les schémas de rimes étudiés du rap français et les formules entêtantes de refrains prêt à être chantés en festivals. En espérant que la formule persiste sur son second album. – Brice

Gérard Baste – « L’Épicier »

27 mars 2020, dixième jour de confinement. Une nouvelle espèce de héros apparaît aux yeux de la France : ceux du quotidien. Chaque soir, ils sont applaudis. Infirmiers, pompiers, éboueurs, mais aussi livreurs, cheminots, caissiers, manutentionnaires, voient des millions de Français ouvrir leur fenêtre pour leur adresser leur gratitude. Les médias célèbrent ces hommes et femmes anonymes devenus soudainement indispensables aux yeux de tous. Même le personnel politique de tous bords, d’habitude aussi prompt à clamer la valeur travail qu’il est avare en négociation sociale, certifie la reconnaissance de la Nation. La scène dure depuis plusieurs jours maintenant, et le commerce de proximité se retrouve d’un coup adoubé par des confinés aussi enthousiastes qu’ils sont fébriles en faisant quelques pas dehors une attestation en main. Dans tout ce cirque, il y a cependant un Français assailli par des problèmes de conscience bien plus graves. Planté devant un petit point de vente, il réfléchit à cette fébrilité reconnaissante qu’il éprouve depuis toujours pour le commerce de proximité. Lui, sait depuis belle lurette que la petite échoppe que l’on trouve à chaque pâté de maison de la France urbanisée est un maillon essentiel de la chaîne. Dans le langage courant, ce magasin, c’est celui de L’Épicier. Toujours avec une majuscule, car ce n’est pas pour rien que les Québecois ont surnommé ce commerçant Le Dépanneur. Et d’être dépanné dans un pays confiné, Dieu sait à quel point c’est encore plus souhaitable qu’à l’accoutumée. Mais ce n’est pas à cela que pense Gérard, planté là. Non, ce à quoi pense Gérard devant L’Épicier, c’est qu’il a soif. Encore. C’est qu’il a souvent soif Gégé, il aime bien boire un p’tit coup, et pas qu’à la maison. Alors devant ce pas de porte au auvent rayé et équipé d’un stand de fruits bien agencé sur le trottoir à toute heure du jour et de la nuit, il est assailli de sentiments contradictoires. La tentation l’envahit. Il devine que s’il rentre dans le commerce, il va craquer. L’alcool est le pêché de gourmandise ultime, et L’Épicier le sait. Il a toujours une canette au frais, et pour les plus possédés par le démon, un flash d’alcool fort trône sur son rayonnage au-dessus de la caisse. L’Épicier c’est à la fois le sauveur et celui qui fait trébucher. Et face à sa devanture, Gérard Baste est désorienté, comme un chien ayant soudainement perdu sa piste, tiraillé comme Milou profitant d’une bouteille de Loch Lomon tombée du sac du Capitaine Haddock et ne sachant plus à quel saint se vouer. Alors il entend une voix. Celle de sa femme, Fancy, qui sur un air digne d’un titre R’nB sorti de Taxi 4, lui dit qu’il ne faut pas rentrer dans l’épicier. « Attends, « Dans l’épicier » ? » relève Gérard. « Comment ça « Dans l’épicier » ?! » s’exclame-t-il ! « On ne rentre pas dans un épicier, mais chez l’épicier ! » La voix de Fancy ne s’arrête pas pour autant. « Faut pas rentrer, dans l’épicier, non, faut pas rentrer, par pitié Gérard, ne rentre pas, non, non, non ! » renchérit la voix dans la tête de Gégé, comme une ritournelle affreuse sortie d’un album de Kayna Samet. « Mais enfin, rentrer dans un épicier, c’est dégueulasse et techniquement compliqué », se dit-il, soulevant au passage un débat sémantique sur la confusion que peut engendrer le mauvais usage d’une préposition. Et sans s’en rendre compte, pendant que dans sa tête, il argue longuement auprès de Fancy ce point linguistique, Gérard franchit le pas de porte. Soudainement, la voix de Fancy s’éteint, il est rentré dans l’épicier. Et quelques heures plus tard, il est revenu bourré. De CHEZ L’ÉPICIER, bordel, CHEZ ! CHEZ ! CHEH !- zo. (et La Nation reconnaissante à tous les Épiciers de France)


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