Une semaine à Compton – Partie 3
Reportage

Une semaine à Compton – Partie 3

Dernier épisode d’une semaine en immersion auprès de la population d’une ville phare du hip-hop américain, et qui ne veut pas être réduite à l’image du gangsta rap dont elle est le berceau.

Reportage : Nicolas Rogès
Photographie : Julien Cadena
Encadrés et textes additionnels : Nicolas Rogès et la rédaction de l’Abcdr du Son

Certains veulent y rester, d’autres tentent de s’en échapper : si la ville de Compton peut être synonyme de fierté, elle est aussi marquée par le sceau de la violence et de la mort. Et si Rosecrans en est son poumon, cette grande avenue traversant tout Los Angeles est aussi une zone dangereuse, quadrillée par les gangs. Alors que Kee Riches et LeeLee.Babii, jeunes espoirs de la scène rap de la ville, posent fièrement devant un barber shop, décor de nombreux clips, le rappeur Kanin détaille son histoire depuis un quartier huppé de Los Angeles, loin de Rosecrans et de ses zones d’ombre. Au cœur de l’Ouest de Compton, sur l’avenue Corlett, Show Gudda ne cache quant à lui rien de ses traumatismes et de ses espoirs, décrivant avec fierté la ville où il a construit sa vie. En commun ? Compton, bien sûr, mais aussi Nipsey Hussle, assassiné en mars 2019 dans un quartier proche, et dont la mort a laissé une profonde cicatrice.

 

VI Pente ascendante

L’ambiance est animée sur le boulevard Avalon en cette fin de matinée. Plusieurs hommes se tiennent devant un salon de coiffure et discutent de la saison de basketball à venir. La conversation est momentanément couverte par le bruit d’une voiture passant dans le parking, dont l’autoradio semble bloqué sur le volume maximum. Les basses émanant du véhicule tremblent alors que sa conductrice repère une place et s’y gare avant de couper le moteur, ramenant un semblant de calme aux alentours. « C’est un truc que font beaucoup de gens ici », précise Boogalue. « Ils mettent des enceintes dans leur coffre pour que le son soit énorme ». es portières de sa voiture ouverte, le rappeur Kee Riches joue des titres de son cru à deux pas de Boogalue. Il porte un pantalon de survêtement gris et un t-shirt blanc floqués de la mention « Get Rich », une marque qu’il a créée.

Loin de la posture mercantile que son nom pourrait laisser présager, sa marque est au contraire le reflet de son état d’esprit. Il ne s’agit pas seulement de « Get Rich / devenir riche » pour accéder à un confort matériel, mais de se servir de son argent pour redonner à sa communauté c. Il s’explique : « « Get Rich to give back / Devenir riche pour redonner » est le nom que j’ai donné à ce que je fais sur Skid Row – quartier de Los Angeles tristement connu pour être l’un des endroits les plus pauvres des Etats-Unis – et San Pedro. On a acheté plein de vêtements et on les distribue à toutes les personnes sans domicile fixe ».

Pur produit de Compton, dont il a d’ailleurs le nom tatoué sur la poitrine, élevé près de l’avenue Rosecrans, Kee Riches a pour ambition de devenir l’un des symboles d’une ville en pleine mutation, en multipliant les actions positives envers la jeunesse de Compton et des villes environnantes. Toute sa carrière est orientée en ce sens, elle guide la manière dont il se présente au monde, celle avec laquelle il communique avec son public, et les objectifs qu’il se fixe. En gardant toujours sa ville près de lui. « Je pense que je représente ce qu’il se passe de bien ici », analyse-t-il. « J’essaye toujours d’évoquer les côtés positifs de toutes les choses qui arrivent dans cette ville, parce qu’il y a toujours beaucoup de négatif quand des gens parlent de chez nous ».

« Tu ne m’entendras jamais dire que c’est cool d’aller en taule. »

Son titre « Westside Lady » illustre cette envie de se faire le plus sincère possible ; si le premier couplet, léger, est dédié à une femme, la suite est plus sombre lorsque la souffrance et la peur de la prison prennent le dessus : « Je pense que quand tu parles de la vie, tu dois parler de tous ses aspects. C’est normal de parler des femmes, mais en tant qu’homme Noir je dois aussi évoquer la prison. Tu ne m’entendras jamais dire que c’est cool d’aller en taule. J’ai le sentiment que tant que tu gardes un équilibre et que tu n’oublies pas d’être positif, t’as pas de souci à te faire ».

Ses ambitions sont élevées : « D’ici dix ans, je me vois comme une icône. Je veux que les gamins me prennent pour exemple, pas en suivant ce que j’ai fait de bien ou mes succès, mais en apprenant de mes erreurs et de ce que j’ai fait de mal. Je veux être une inspiration, une source de motivation, quelqu’un vers qui l’on regarde quand on sent qu’on ne peut plus avancer. Quand ça m’arrivait, je m’inspirais de Nipsey Hussle, il me disait de continuer à me battre et de rester concentré ».

Dans sa manière de réfléchir, de mener ses entreprises, ses envies d’être un leader, son attitude, et même sa voix, difficile de ne pas déceler l’influence de Nipsey chez Kee Riches. Comme le feu MC de Crenshaw l’avait fait avec sa Mixtape Crenshaw, Kee Riches décide de mettre un prix relativement élevé – 100 dollars – sur son projet From Broke To Rich, par ailleurs distribué gratuitement. Un geste symbolique, et une manière pour lui de montrer que son art à une valeur. Comme Nipsey, il se positionne en artiste qui se suffit à lui-même, prouvant qu’il n’y a aucune limite à ce qu’un Homme Noir peut accomplir.

Et alors que sa musique continue de sortir des enceintes de sa voiture, Kee Riches soulève son t-shirt pour montrer le tatouage qu’il porte sur le flanc droit : Bip-bip, le personnage du dessin animé des Looney Tunes se tient fièrement sous un tatouage « Compton ». Rassemblés autour de lui, ses amis s’en amusent autant qu’ils en sont fiers : « C’est nous, on est tout le temps sur la route, en train de courir pour aller de partout. On est les Bip-Bip de Rosecrans ! », déclare Kee Riches en riant avant de couvrir son ventre.

Quelques minutes plus tard, Boogalue, de retour d’un passage éclair chez le barbier, indique d’un signe de tête un homme assis près d’un magasin d’alcool. Il a installé une chaise bleue pliante sur le trottoir et, bien habillé et concentré, lit un journal qu’il a déplié devant ses yeux. « Tu vois le gars là-bas ? », demande Boogalue. « Il était super riche il n’y a pas longtemps. Le gars a tout perdu d’un coup, personne ne sait vraiment ce qu’il s’est passé », finit-il en secouant la tête, dépité, comme si tout ce que cet inconnu représentait était ce qu’il s’employait chaque jour à éviter.

Boogalue au barbershop

Au même moment, une voiture blanche se gare sur une place de parking laissée libre. La rappeuse LeeLee.Babii s’en extirpe, puis se présente en célébrant immédiatement ses origines et l’état actuel de sa ville natale. « Compton est ma ville, mes parents et ma grand-mère viennent d’ici. On est tous sur une pente ascendante. Il y a toujours des meurtres et des gangs, mais ça n’a rien à voir avec le passé. Il y a beaucoup de belles choses qui sortent de notre quartier. Même si je dis parfois des conneries, j’essaye d’être toujours positive, c’est l’un de mes objectifs », dit-elle avec une voix forte. Dotée d’un charisme évident, elle s’exprime en appuyant ses mots de grands gestes. Impossible de passer à côté d’elle sans la remarquer : LeeLee.Babii fait en sorte d’occuper tout l’espace.

À la différence de Kee Riches ou de YS, LeeLee.Babii a toujours un emploi stable, ne parvenant pas encore à vivre de sa musique. Une manière pour elle de garder un pied dans la réalité et, surtout, de ne pas voir ses rêves brisés si d’aventure sa carrière ne parvenait pas à atteindre des sommets. « C’est un hobby pour moi, j’ai toujours une vie normale, je n’ai pas quitté mon emploi », dit-elle, avant que son visage ne s’illumine lorsqu’elle mentionne sa fille de six ans, omniprésente dans sa vie. « Elle connaît toutes mes chansons. Je fais ça pour elle, pour lui offrir la vie que je n’ai jamais eue ».

Ses derniers mots sont pour Ryan Twyman, jeune homme originaire de Compton âgé de vingt-quatre ans et père de trois enfants, tué le 6 Juin 2019 par deux officiers de police de Los Angeles. Trente-quatre balles ont été tirées sur sa voiture, alors que Ryan, non armé, tentait de prendre la fuite suite à son interpellation. Capturée par une caméra de vidéo-surveillance, la scène fait le tour des médias et des réseaux sociaux, tout Compton demandant à ce que les responsables soient condamnés pour ce nouvel acte de barbarie commis envers un homme Noir – au moment d’écrire ces lignes, le verdict n’a pas encore été rendu -. Selon le mouvement Black Lives Matter, plus de cinq cent hommes Noirs ont été tués par des policiers de Los Angeles depuis 2013.

« Que Baby Black, alias Ryan Twyman vive pour toujours » crie LeeLee.Babii en s’éloignant, espérant que répéter son nom permette de n’oublier ni l’homme, ni la triste réalité à laquelle ramène sa mort.

L’autre district Toute une ville sur bande FM

Greg Mack (à droite) avec notamment Russ Parr et Roger Troutman

Pour tout citoyen Los Angeles, posséder une voiture est indispensable dans sa vie de tous les jours. Mal pensée, étendue sur plus de mille kilomètres avec une faible densité, les transports en commun desservent mal l’ensemble du territoire et le plus souvent, l’autoroute est le seul moyen d’arriver à destination. Mais ces grandes voies symbolisent parfaitement la démesure et le manque de réflexion sur cet espace urbain. Aux heures de pointe, les embouteillages sont infernaux si bien que le rappeur 2Pac personnifie cette relation compliquée sur la bande originale du film Gridlock’d (1997) : “La vie est courte, je me sens piégé. J’espère ne pas être surpris, je surveille mes arrières, perdu dans les bouchons sans cœur et tragiques. » Dans ce contexte, l’autoradio est une arme de prédilection pour tuer le temps, une opportunité saisie par la radio de grandes ondes KDAY-1580 AM. À l’origine, la station n’est pas prédestinée à jouer du rap mais plutôt de R&B. En 1983, l’animateur Greg Mack de la station Magic 102 à Houston débarque et se charge de la programmation musicale. Après avoir quitté le Texas pour Los Angeles, il s’installe à South Central et confie à Brian Cross dans le livre It’s Not about a Salary: Rap, Race, and Resistance in Los Angeles : « Quand j’ai déménagé à Los Angeles, je vivais avec ma mère à South Central et dès que j’ouvrais ma fenêtre, je n’entendais que la sono et tout ce qu’ils écoutaient, c’était du rap. » Pour Greg Mack, la stratégie est simple : jouer du rap et soutenir les artistes locaux, « Ma théorie avec le fait de programmer un artiste local était que je préférais jouer un rappeur médiocre de la côte Ouest qu’un hit de la côte Est, parce que les rappeurs de la côte Ouest diraient dans les rues que KDAY est la station à écouter. » De façon intelligente, la station organise durant les heures d’écoute les plus importantes – les bouchons de fin de journée et soirées – des émissions spéciales à l’image des Mixmasters, un programme de quinze minutes où les DJs les plus en vue dans les soirées et clubs de South Central se partagent les manettes. Dans ces tranches spéciales, Dr. Dre et DJ Yella sont des invités fréquents dans l’optique de promouvoir leur groupe The World Class Wreckin’ Cru et une fois les mixes enregistrés, ces derniers sont pressés et vendus au Roadium Swap Meet. La radio est cruciale pour faire passer une culture encore marginale au grand public. Elle dessine une formule à suivre pour toutes prochaines bandes FM et tisse des liens privilégiés avec l’ensemble des rappeurs émergents de Los Angeles dans les années 1980. À titre d’exemple, lorsque Eazy-E souhaite mettre « Boyz-N-The-Hood » en radio, une rencontre entre sa personne et Greg Mack suffit, avec néanmoins une seule exigence de la part de l’animateur : faire une nouvelle version plus propre pour que les enfants – part majoritaire de l’audience – puissent chanter derrière les paroles de leurs idoles. La suite est connue, « Boyz-N-The-Hood » devient un hit et KDAY joue un rôle primordial dans l’éclosion nationale d’une scène rap à L.A. avant la mainmise des grandes corporations sur les bandes AM et FM. – ShawnPucc

VII En marge de Compton

Loin de Compton, Kanin marche dans les rues de l’Art District de Los Angeles. Ici, les murs sont couverts de fresques colorées et des galeries d’art tiennent boutique à chaque intersection. Située à seulement trente minutes de voiture de Compton, la zone semble appartenir à un autre monde, plus huppé et cosmopolite.

Kanin voit le quartier comme un symbole de son ascension, lui qui a grandi à Compton et y a connu les premiers remous de sa carrière de rappeur. Il a tenu à s’en éloigner pour atteindre son plein-potentiel, sentant que s’il y restait, il se destinait à n’être rien d’autre qu’un rappeur de plus dans une ville qui en produit à la pelle : « Mes amis me disaient qu’il fallait que je fasse des sons de gangsters, des trucs hardcore. C’est ce que les gens attendent d’un gars de là-bas. Ils me disaient « t’es un gangster, donc tu dois faire des choses de gangster ». Et je leur répondais que c’était exactement pour ça que je voulais faire quelque chose de différent, parce qu’à mes yeux, les vrais gangsters sont ceux qui peuvent battre le système, les clichés. J’ai toujours eu l’ambition d’être meilleur que ça ».

Antonio White a passé la majeure partie de sa vie à Compton. Impliqué dans des activités illégales, il fait un aller-retour en prison suite à un braquage. Sa peine de prison le contraint à arrêter de rapper. À sa sortie, il devient père, puis en 2009, reprend sa carrière où elle s’était interrompue en travaillant sur I Go By The Name Of Kanin, dévoilé en 2011. Juste après la sortie du deuxième volume de cet album, Kendrick Lamar, alors qu’il vient de livrer son album Good kid m.A.A.d city, pose quelques rimes sur le titre « Winner’s Circle » de son ami d’enfance, permettant à Kanin de bénéficier de sa notoriété pour étendre son audience. Si cette collaboration lui donne une exposition nouvelle, Kanin n’est de son propre aveu pas prêt, à cette époque, à l’exploiter à son maximum.

Kanin

Presque de retour à la case départ, il commence à vendre de la drogue sur son lieu de travail pour financer ses séances de studio. Elles donnent naissance à Old School New Sense, dont le son est plus léché, plus professionnel, reflet des pensées paranoïaques de son auteur mais aussi de toute la souffrance qu’il ressentait. Il l’avoue : « La musique était une thérapie, j’avais besoin d’en faire, c’était ma seule manière de m’exprimer ». Après avoir été licencié puis constaté que ceux qui dealaient en même temps que lui étaient envoyés en prison, il décide de reprendre sa vie en main. En 2014, il rencontre l’actrice Moriah Brown, qui lui met un pied dans le monde du mannequinat, de la publicité et du cinéma. Il travaille avec Big Sean et la chaîne BET, joue les doublures d’A$AP Rocky pour une publicité, réalise des doublages et monte son propre label, Win Win Music, en 2017.

Inspiré par Jay-Z, qui avait créé son label Roc-A-Fella en y injectant l’argent qu’il avait gagné dans la rue, Kanin s’associe à deux de ses amis et commence à enregistrer chanson sur chanson, tout en travaillant sur des clips pour mettre en avant sa musique.  « Je ne veux pas qu’on me perçoive comme un artiste unidimensionnel », dit-il lorsqu’il décrit son identité artistique. « Quand t’écoutes certains rappeurs, tu les reconnais tout de suite car ils ont toujours le même flow, le même ton. J’ai une plus grande palette et, comme Prince, je me réinvente en permanence. Je veux créer de l’art qui permette aux gens d’apprendre certaines choses. Je vais toujours avoir un message à transmettre, sans oublier que les gens ont besoin de s’amuser aussi ».

« Je veux créer de l’art qui permette aux gens d’apprendre certaines choses. »

Également à la tête d’une entreprise prospère de serrurerie, Kanin a déménagé à Burbank, un quartier huppé dans les hauteurs de Los Angeles. Loin de Compton, il reste tout de même fidèle à sa ville et reconnaît son importance dans son parcours. Il y retourne régulièrement pour participer à des événements destinés à améliorer les conditions de vie de sa communauté, parfois avec Andre Spicer. Dre et Kanin se sont récemment réunis au parc Campanella : « Il y avait une conférence nommée « Man Up / Grandis ». Ils parlaient de la place de l’homme Noir en Amérique et à Compton, où nous en sommes et où nous devons aller, individuellement et collectivement. C’est le genre de choses que je veux faire pour mes semblables. Je ne veux pas aller à Compton pour tourner une vidéo où je ferais des doigts d’honneur dans la rue et jouerais au gangster. Je suis allé là-bas pour parler aux jeunes et pour chanter une chanson ».

Dans la voiture qui le mène jusqu’à l’endroit qu’il a choisi pour son shooting photo, Kanin se sert de l’autoradio pour passer les chansons qu’il vient d’enregistrer. Le son est fort et les basses ronflent tandis qu’il bouge la tête en écoutant le résultat d’une session d’enregistrement récente. « Dans ce son, je dis que je suis un athlète de haut niveau, car j’avais l’habitude de passer mes journées à courir d’un bout à l’autre de l’autoroute quand je vendais de la drogue », dévoile-t-il en riant, tournant presque en dérision un passé sur lequel il a depuis longtemps tiré un trait. Rappant par-dessus un instrumental sur lequel il n’a pas encore eu le temps de poser sa voix, il dévoile un texte à la fois mélancolique et habité par une farouche détermination.

Comme le symbole d’un homme qui n’a rien oublié de ce qu’il a vécu à Compton, tout en ayant les deux pieds dans l’Art District de Los Angeles, où il a trouvé un deuxième foyer.

L’autre district L.A, l’exil américain

Nicolás Rolando Gabaldón, premier surfeur afro-américain reconnu, en tandem à l’époque où la plupart des plages de Californie connaissaient encore la ségrégation

1987. Un jeune éphèbe du Midwest américain descend d’un bus Greyhound au cœur de Los Angeles. Dès ses premiers pas dans la ville, il baigne dans une atmosphère sombre, glauque et électrique. La cité des Anges qu’il découvre est l’antithèse de celle vendue depuis 25 ans par la surf music et les studios de cinéma. La ville suinte la violence, la débauche, elle est une terre de perdition où chaque vice est un piège. « Welcome to the jungle » proclame le jeune adulte. Et pour cause, il sait de quoi il parle : venu avec son ami Izzy Stradlin de Lafayette, dans l’Indiana, Axl Rose et son groupe, les Guns N’ Roses, détruiront l’image idyllique de Los Angeles et de la Californie vendue par Hollywood et les Beach Boys. Leur album s’appelle Appetite for Destruction et il résume parfaitement l’appétit que la ville nourrit vis-à-vis de ceux qui foncent droit dans ses bras, les étoiles du Walk of Fame dans les yeux. Au même moment un autre groupe entreprend lui aussi de faire tomber les masques de la Cité des Anges. Eux savent encore mieux de quoi ils parlent que le chanteur des Guns N’ Roses : ce sont tous des locaux. Ils sont sous le choc des contrastes depuis leur naissance. Dr Dre, Ice Cube, Eazy-E, MC Ren, Arabian Prince et DJ Yella arrachent les bâches hollywoodiennes qui cachent l’existence de leur cité : Compton. Depuis sa banlieue ghettoïsée, le groupe encule le LAPD, écrit des paroles d’une rare violence, et symbolise la banalité du port d’armes et de la mort dans des rues qui prennent des allures de fêlures territoriales. N.W.A devient l’incarnation soudaine de la réalité de la violence californienne, jusque-là cachée aux yeux du monde par le flux de séries télévisées et de super-productions hollywoodiennes. Mais avant eux, un autre homme avait déjà levé le voile façon Iceberg Slim. Et comme Axl Rose, il n’était pas du cru. C’est un rappeur, arrivé à Los Angeles adolescent après la mort de ses parents, qui posera le premier la pierre fondatrice de ce à quoi le rap west coast est encore trop rapidement résumé aujourd’hui : le gangsta rap. Ice-T et son Rhymes Pays chantent la vie d’un braqueur homme à femmes. Un infréquentable qui n’aspire qu’à l’indépendance dans sa décapotable posée sous les palmiers avec une femme en monokini échancré. Si musicalement, le style n’a pas encore sa connotation G-Funk, le message est clair : L.A est peut-être une ville qui vend du rêve, mais elle est peuplée de gens exclus de la fête prêts à tout pour survivre et se tailler une part du gâteau. Ed Bunker n’a qu’à bien se tenir.

Dans cette drôle de collision temporelle avec le groupe de hard-rock le plus dangereux de la fin des années quatre-vingt, personne n’a mieux renversé l’image idyllique de la Californie que le gangsta rap. Des films comme Chinatown (1974) l’ont bien tenté, mais ils restaient une anomalie avec leur esthétique noire qui n’avait pas réussi à démonter ni le mythe, ni les vagues, ni les palmiers, et encore moins les rêves de jolies aspirantes actrices se baladant sur Sunset Boulevard en espérant se faire une place sous le soleil de l’industrie du divertissement. La fin du XIXème siècle avait vu les Américains se ruer en Californie pour y trouver de l’or. Le début du vingtième consacrait le potentiel agricole et pétrolifère du Golden State, quitte à réduire les immigrés asiatiques, puis plus tard latinos, à un quasi statut d’esclavage. Mais l’apogée de la Californie, ce fut la naissance d’Hollywood. Avec elle ? Son lot de ragots, de tragédie sordides et d’entreprises mafieuses mises sous le tapis. Sauf qu’au début des années 1990, quand toutes les télés des adolescents du monde étaient branchées sur la Cali idyllique de la série Berverly Hills 90210 ou sur Alerte à Malibu, plus personne ne pouvait prétendre ignorer ce qu’il se passait à quelques kilomètres de là. Le gangsta rap avait désormais balafré de façon définitive le mythe Californien. Le coup de cuter ultime ? Les émeutes de Los Angeles, retransmises en direct par toutes les télévisions du monde.

Si les locaux de N.W.A en restent les symboles, une partie non négligeable des têtes d’affiches du gangsta rap ont pourtant pour point commun de ne pas être des Californiens pur-jus.  Le point commun à tous ces « immigrés intérieurs » ? Le besoin de se mettre à l’abri, les aléas du divorce de leurs parents ou tout simplement satisfaire une soif d’opportunités. 2Pac, le prince du genre et symbole malgré-lui de la guerre East Coast/West Coast avait fuit en famille Baltimore et le crack. Xzibit, dont l’album At the speed of life est lui aussi une incarnation du rap Californien, vient de Détroit, Kurupt de Philadelphie (avec un vraisemblable passage par le New Jersey ?), Nate Dogg du Mississipi, The D.O.C de Houston. Tous sont venus en Californie durant l’enfance ou le début de l’âge adulte au gré de trajectoires sociales ou familiales. Pour eux, l’État de l’Ouest était un refuge. Quant au fantasque Humpty Hump, c’est en espérant trouver la chance que la Floride ne lui apportait pas qu’il débarqué dans la Bay Area. Et il ne s’agit pas d’autre chose quand Will Smith endosse les habits du Prince de Bel Air ou lorsque dans son premier quatuor de Los Angeles dont l’action se situe dans les années cinquante, l’écrivain James Ellroy met lui-même en scène Elizabeth Short tristement connue comme le Dahlia Noir, Howard Hughes, le magnat de l’aviation à l’énorme pouvoir politique et Mickey Cohen, le mafieux chargé de ponctionner la Cité des Anges. Tous les trois sont des personnages réels issus d’autres États américains. Et ils partageaient ce point commun : avoir choisi L.A en espérant trouver une vie meilleure, quitte à essorer son industrie du divertissement. Un divertissement, le gangsta rap en est lui-même parfois devenu un aux yeux d’un public avide de sensations fortes et d’exotisme sulfureux, à contre-courant des rêves de célébrité et de réussite ostentatoire qui sont des moteurs du mythe californien. Car derrière ses palmiers et son walk of fame, Los Angeles et les villes du Golden State sont peuplées de laissés-pour-compte. Comme toute terre de rêve, elle transporte son lot de désillusions. Pour la gloire d’un, il y a l’échec de mille. Pour une colline de Beverly Hills, il y a cent rues où il est difficile de traverser sans prendre une balle perdue. Pour une plage pleine de surfeurs, il y a le quartier entier de Skid Row peuplé de clochards. Le gangsta rap, c’est la consécration aux yeux du monde de la Californie noire, dans les deux sens du termes. Celle de la réalité violente des ghettos afro-américains de l’État, mais aussi celle du noir au sens romanesque du terme. C’est cela que cette branche du rap a chanté toute sa vie, et elle a été nourrie de l’Amérique entière avant de lui recracher le tout à la figure.  – zo.

VIII Décompression

Sur l’avenue Corlett, pas de graffitis extravagants sur les murs, de boutiques de mode ou de restaurants gastronomiques. Juste des maisons de plain-pied, et des pick-ups garés devant des pelouses bien entretenues. Posté sur le porche de sa maison, Show Gudda, alias Tutu, est torse nu et discute avec son frère, dans un fauteuil roulant. Grand et élancé, Show Gudda se fend d’un sourire sincère lorsqu’il ouvre la porte de sa demeure, après avoir aidé son frère à gravir les marches du perron. Son salon est plongé dans le noir pour laisser la chaleur à l’extérieur. Tutu s’aide de la table basse installée en face du sofa pour se préparer un joint ; au-dessus du fauteuil trône le portrait d’un homme vêtu d’un costume blanc élégant.

La voix de Tutu se brise sous le poids de l’émotion lorsqu’il parle de lui : « Benzo était mon cousin, mais on était plutôt comme des frères. On a tout fait ensemble, des bonnes et des mauvaises choses. Il a investi de l’argent pour que je fasse mon premier disque, m’a aidé avec tout. Il croyait en moi, me poussait à continuer à rapper. Il est mort il y a deux ans, au mois d’août. Quand c’est arrivé, c’est comme si on m’avait enlevé une partie de moi. J’ai dit à ma tante que j’allais faire vivre son nom pour toujours. La police de Los Angeles l’a tué en lui tirant dessus. Ils ont dit qu’il avait une arme sur lui mais ce n’est pas vrai. Mon frère s’est aussi fait tirer dessus sept fois par des policiers. C’est une norme d’entendre des coups de feu par ici. A une époque, la situation était tellement mauvaise que quand on en entendait, on trouvait ça normal ».

Show Gudda devant chez lui, avec son frère

Show Gudda est l’une des figures majeures de l’Ouest de Compton, dont il semble connaître chaque habitant. Boogalue, YS, JohnBoyCool, Andre Spicer, Lil Mausberg, Twinn Red : tous connaissent Tutu, légèrement plus âgé qu’eux, et prononcent son nom avec un mélange de respect et d’affection. Né à Watts, il déménage à Compton tôt dans son enfance, pendant laquelle il est confronté, au cours des années quatre-vingt-dix, à l’une des périodes les plus sombres de l’histoire de la ville. Les guerres de gang ravagent ses rues, les Pirus et les Crips se livrant une lutte sanglante au sein d’un territoire dont la superficie réduite favorise les rencontres malheureuses. Ayant évolué au cœur de ces affrontements, Show Gudda est bien placé pour en parler : « Grandir ici était à la fois agréable et difficile. Je faisais beaucoup de sport, surtout du basketball, pour m’éloigner un peu de ce qui se passait. Les gangs étaient partout. En marchant jusqu’à un magasin, tu n’arrêtais pas de regarder par-dessus ton épaule. Tu ne savais pas ce qui allait t’arriver, qui allait te tirer dessus ».

Mais c’est aussi parce qu’il a fait l’expérience de ces années difficiles qu’il est capable de réaliser à quel point Compton n’est plus la même ville qu’avant. Il est formel : « Maintenant, tout va vraiment mieux, j’adore comment on vit ici. Il y avait une époque où on ne sortait pas de chez nous pendant des mois, comme s’il y avait un couvre-feu. Avec tous les artistes qui ont émergé, la nouvelle maire, tout s’améliore. Pour moi, Aja Brown a fait beaucoup de choses positives. On vient juste d’avoir une réunion avec elle et Andre Spicer, où on a parlé de notre quartier, et il y avait aussi une foire à la santé. Compton est un super endroit maintenant ».

Show Gudda, affilié aux Pirus du parc Campanella, pointe du doigt ses baskets. Elles sont bleues, sa couleur favorite. Aurait-il pu les porter il y a quelques années ? Pas certain. Selon lui, les relations entre les Pirus et les Crips se sont considérablement améliorées. Tutu a des amis appartenant au gang des Crips et il désigne la musique comme l’un des facteurs ayant permis le rapprochement entre les deux factions rivales. « On choque le monde entier tous les jours », dit-il avec un sourire. « On avait pas ça avant, les Crips faisaient leurs trucs et nous on faisait les nôtres. On était jamais ensemble. De nos jours, c’est comme si tout le monde se rassemblait pour trouver un moyen de faire de l’argent et essayait de s’en sortir en faisant des choses positives ».

Père de deux filles de quinze et six ans, il apprécie de pouvoir les élever dans un environnement sain, où il est désormais rare qu’il sente le danger planer sur lui et sa famille. Quelques jours auparavant, il était à Oklahoma City, à plusieurs heures d’avion de Compton, où il devait comparaître devant la Cour pour une affaire de trafic de drogue. Relaxé, il est soulagé d’être de retour auprès des siens. « Je suis chez moi ! », s’écrie-t-il, heureux, sans se dépêtrer de son éternel sourire.

Show Gudda est un personnage attachant : il aime rire, amuser ses amis, et faire en sorte que tous ceux qui l’entourent prennent du plaisir. L’un des meilleurs amis et mentors de Kendrick Lamar, qu’il a poussé à s’éloigner des gangs pour se concentrer sur la musique, il apparaît dans nombre de ses clips et dans le livret accompagnant l’album To Pimp A Butterfy. On y voit Tutu accroupi au-dessus d’un juge face contre terre, souriant de toutes ses dents. « J’ai toujours voulu tracer mon propre chemin », avoue-t-il au moment de parler de l’influence de Kendrick Lamar dans sa carrière. « Mon pote a du succès, on se parle, il me donne des conseils sur comment m’améliorer, mais je lui dis toujours « rejoignons-nous au sommet, quand je t’aurai rattrapé ». Je veux avoir ma propre histoire. Beaucoup de gens ont essayé d’utiliser Kendrick pour avoir du succès. Mais on est sur des routes différentes. Je dois juste être patient, je vais arriver là où il est ».

Rappant depuis plus de dix ans, ayant joué le rôle de conseiller pour de nombreux jeunes MCs de l’Ouest de Compton et doté d’un catalogue impressionnant d’albums, de clips et de mixtapes, Show Gudda met en musique ses expériences passées. Longtemps, il n’osait pas parler de lui, craignant que cela n’intéresse personne. Il commence donc sa carrière en modelant son flow sur les artistes qui l’inspirent, peinant à se trouver une identité propre. Il change vite son fusil d’épaule : « J’ai dû arrêter d’écouter les autres pour savoir qui j’étais. J’ai alors commencé à aimer davantage ma musique, car elle me ressemblait. Je ne peux faire que de la musique qui parle de mon regard sur la vie, de ce que j’ai vécu. Quand tu trouves une histoire à raconter, tout devient plus facile ».

« J’ai dû arrêter d’écouter les autres pour savoir qui j’étais. »

Show Gudda

Sur State Cases and Federal Indictment, il se fait ainsi le reflet de deux années difficiles, entre la perte d’êtres proches et des affaires judiciaires au long cours. « C’est l’un de mes meilleurs albums », dit-il après quelques secondes de réflexion. « Beaucoup d’émotion, de douleur. Toutes ces chansons venaient du fait d’être nerveux, de ne pas savoir ce qui allait t’arriver, de ces gens dans cette salle d’audience, des allers-retours constants entre ici et là-bas. T’as peur, t’es stressé. J’y ai mis toutes mes pensées et tout ce que je ressentais. Quand je l’écoute, je souris, c’est exactement ce que je voulais faire ».

Alors que son frère, assis juste en face de lui, appuie ses dires, Show Gudda s’arrête de parler pour accueillir sa fille de six ans, qui vient de passer la porte de la maison. La petite monte sur le fauteuil puis se blottit contre son père. Elle l’écoute attentivement, sans dire un mot. Plus tard, elle viendra poser avec lui lors de la séance photo qui s’improvise dans l’arrière-cour de la maison de Show Gudda. D’une taille conséquente, celle-ci est dotée d’un petit studio d’enregistrement, où Tutu capte certaines de ses chansons. Enfilant un t-shirt blanc immaculé, le rappeur poursuit : « Tu vois, on passe par tellement de choses ici, qu’on se doit de partager notre histoire. On a des choses à dire parce que plein de trucs se passent sous nos yeux, et on peut leur donner vie. On essaye de transformer la négativité en positivité ».

Show Gudda est fier de sa ville, de son art, de ses fréquentations, fier de sa rue, de ses filles, de sa femme, de tout ce qui compose son quotidien. Sa bonne humeur est communicative, il est d’une générosité sincère, enthousiaste et accueillant. Il est en définitive le parfait symbole d’une ville que d’aucuns auraient peur de visiter, mais qui se révèle d’une richesse touchante lorsqu’elle se dévoile. Ses habitants sont inspirants, déterminés à s’imposer sur les scènes artistiques et politiques, ils sont des entrepreneurs avisés, qui ne renient jamais leur ville et vantent ses couleurs retrouvées.

Et alors que Show Gudda court après son chien, qui s’est échappé de la maison et trotte dans la rue, une voiture arrive dans son dos, en sens inverse. « Papa, fais attention ! Il y a une voiture derrière toi ! », le prévient sa fille depuis le perron.

Sans se retourner, Tutu, posé au milieu de l’avenue Corlett, lève les bras vers le ciel. « Ils vont attendre », crie-t-il. « C’est ma rue ! ».

Roi de son monde : Compton, ville de toutes les légendes.

L’autre district Le décès de Nipsey, l’abolition de la frontière des gangs

Pochette du single « i » de Kendrick Lamar, faisant référence aux couleurs des deux principaux gangs de la ville.

Dans un Staples Center rempli à rabord (un privilège posthume jusque là réservé à Michael Jackson puis à Kobe Bryant), Samiel Ashgedom conclut l’hommage à son frère : « bro stayed and he died on Crenshaw and Slauson ». La carrière de Nipsey Hussle, sa démarche extra-musicale, son attachement au quartier de South Central et ses habitants ne pouvaient trouver meilleur résumé. Des premières mixtapes distribuées à la main sur un parking jusqu’au magasin de textile ultra moderne, c’est toute une œuvre attachée viscéralement à ce croisement et aux rues qui l’entourent. La série des Bullets Aint Got No Name constitue un premier cycle où l’orthodoxie de leur auteur se confronte à la difficulté d’Epic Records, son label de l’époque, à vendre du gansta-rap dans un paysage musical qui commence à en être moins friand. Des morceaux tels que « Blacc Ice », « Strapped » ou « Paid My Dues » laissent cependant entrevoir un artiste avec une perspective propre et le troisième volume de la trilogie esquisse déjà le virage que son auteur s’apprête à prendre. Car c’est bien le départ de son label et le retour à l’indépendance qui va permettre à Nipsey Hussle de développer un mantra qui le guidera jusqu’à la fin : de The Marathon à Victory Lap, la persévérance, l’effort, la vision à long terme deviendront les boussoles de sa musique. Le débit se fera plus lent et l’interprétation plus instinctive tel un prêche destiné à rassembler autour de ses valeurs tous ses semblables quelque soit leur affiliation dans la rue. Ces années formateront aussi sa matrice sonore via la rencontre avec Mike & Keys qui deviendront les architectes de son seul véritable album studio. Fait marquant et central de cette période, la mixtape Crenshaw vendue cent dollars finira de changer  Nipsey Hussle en légende urbaine de South Central selon ses propres termes. La réception critique quasi-unanime autour de Victory Lap et sa nomination aux Grammys pour ce même album feront office de reconnaissance pour un roi longtemps resté sans couronne. Il développera également une relation étroite avec YG, le blood de Compton, dont le pinacle est sans nul doute l’incendiaire « FDT » qui appelle en sous-texte à l’union de toutes les communautés de Los Angeles. Au cours de ses dernières années, il est devenu un modèle tant dans l’approche commerciale que dans le discours pour de nombreux rappeurs californiens de G-Perico à Mozzy. Un rôle de trait d’union et de leader concrétisé via plusieurs programmes de rénovation et de développement de son quartier. En filigrane commençait alors à poindre l’espoir de transformer l’esprit de corps des gangs en moteur de transformation et d’empowerment. Sa mort prématurée et violente le 31 mars 2019 finira d’asseoir la figure unificatrice, les rassemblements suivants son décès ayant notamment vus se réunir des factions pour la première fois depuis les émeutes de 1992. Et au sortir du Staples Center son cortège funéraire lui offrira un dernier tour d’honneur dans les rues qui l’ont vu naître, fils d’un père émigré d’Érythrée, et mourir en héros quasi-mythologique. – Pap’s


Retrouvez la première et la deuxième partie de ce reportage dans nos colonnes.

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