Sidekicks

Dans le documentaire The Ecology sorti au même moment que l’album du même nom, l’entourage de Fashawn revient sur son parcours, avec quelques anecdotes choisies. Ses années à bouffer des gros cailloux à Fresno, en Californie, son adolescence chaotique et les étapes franchies jusqu’à sa signature chez Mass Appeal. Plus de six mois se sont écoulés depuis la sortie de son second long format, soit une éternité. Mais demain, mardi 8 septembre, il sera dans notre bonne vieille capitale, au Batofar, sur le quai François Mauriac, dans le treizième arrondissement. Une vraie belle occasion de célébrer (de nouveau) The Ecology, un album longuement pensé qui fait la part belle à la famille de cœur – Exile et Aloe Blacc en tête.

Sur The Devil Hates Pretty, le nouvel album de Lord Lhus disponible depuis le 18 août à la vente et que le rappeur originaire de Caroline du Sud a lui-même posté en intégralité sur YouTube la semaine dernière, il y a beaucoup de morceaux de découpeur d’instrus, des morceaux horrorcore, des morceaux de rap un brin gueulards sur lesquels l’ancien membre du groupe Bloodline force sur sa voix pour en accentuer l’aspect rauque, écorché et menaçant. Il y a beaucoup d’agressivité et de colère, dans la grandiloquence, dans le minimalisme comme dans le grondement des guitares d’un remix, dans l’egotrip, dans ses textes plus politiques. Il y a une énergie, une force de frappe, une maîtrise et une dalle qui font plaisir. Il y a aussi des scratches bien placés, des samples de films d’horreur, des ambiances oppressantes. Il y a des batteries qui tapent fort, des prods de Jace Abstract et du Français I.N.C.H. Il y a un titre clippé formidablement efficace, qui gagne à être écouté sans sa vidéo.

Et puis il y a « Under Standing ». Trois petites minutes placées en fin de projet, durant lesquelles Lord Lhus rappe comme un mort-de-faim en mode introspectif, avec sa « voix normale » – et c’est alors comme s’il tombait le masque, délaissait un court instant son costume de scène et refermait la porte de sa loge pour se retrouver seul devant le miroir. Une démonstration de fluidité sur quelques notes de piano et une rythmique rappelant Havoc, qui détonne et laisse bouche bée, avant de se clore sur un extrait du Hagakure lu par Forest Whitaker dans Ghost Dog.

Il y a donc beaucoup de raisons de prendre le temps d’écouter en hochant la tête celui qui met des gifles depuis une poignée d’années, qu’on le voie gesticuler dans la neige avec Psych Ward ou dérouler sur des prods d’Al’Tarba, avec lequel il avait sorti un très bon projet en 2013.

Lil Herb a sorti un des albums les plus consistants de l’année 2014. Welcome to Fazoland nous a plongé dans un Chicago en guerre, créant le son du métal, strident et étourdissant. Depuis, il a changé d’alias pour G Herbo et continue de nous tourmenter avec les fantômes de ses amis tombés au champs de bataille. La pression est toujours là dans ce nouveau clip, « No Limit », annonçant sa signature chez Cinematic Music Group et la sortie de Ballin Like I’m Kobe, mixtape repoussée à l’extrême. Un titre nerveux avec un refrain familier mais singulier : la reprise du tube de 2 Unlimited, groupe belge d’Eurodance 90’s.  Ce pari difficile relie la ville la plus dangereuse des USA avec les clubs populaires du Benelux, époque fluo tuning. Le mélange parait audacieux mais trouve écho dans la voix gravier de Lil Herb et ses accents parfois UK. Une faille spatio-temporelle digne d’un épisode de Rick & Morty.

L’excellent Mad Max: Fury Road de George Miller ne brillait pas seulement par ses scènes d’action brutales et poussièreuses, mais aussi parce qu’il inversait les codes du film d’action viril : le personnage de Tom Hardy n’était qu’une ombre mutique, tandis que le centre émotionnel du film reposait sur Furiosa, incarnée par Charlize Theron, et les quatre « épouses » en fuite. Un point de vue suffisament singulier pour que Fury Road gagne rapidement ses galons de « film féministe ».

Étonnamment, cette lecture du film semble avoir échappée à Seth Gueko. Pour le clip de « Val d’Oseille », le rappeur du Val d’Oise décide de reprendre l’imagerie post-apocalyptique de Mad Max, mais son interprétation du film est toute personnelle : ici, les femmes redeviennent de vulgaires objets décoratifs (quand elles ne sont pas purement et simplement démembrées), tandis que le « héros » déverse une logorrhée misogyne pendant un dernier couplet nauséeux, où seules les « daronnes qui balayent » apparaissent dignes d’estime. Professeur Punchline, son prochain album, sortira le 6 novembre, et il contient notamment la phrase « Fais-moi une pipe au miel, sur la bite j’ai une abeille. » 2015 restera donc jusqu’au bout une année de ténèbres.

Il n’est pas de retour, il n’est jamais vraiment parti. Le Funk Doctor Spock fume probablement toujours dans le train, mais surtout, il a conservé son phrasé délié, son élocution atypique et son obsession pour les beats poisseux. « Dopeman », premier extrait de son nouvel album solo annoncé pour octobre a tout du banger à même de réchauffer le cœur des trentenaires aguerris aux cabrioles de Redman l’éternel. Produit par Rick Rock, il rappelle aussi au passage que le producteur de Fairfield, en Californie, est un sacré caméléon.

En 2010, le nez dans sa série des GOOD Fridays, Kanye West adoubait Justin Bieber en remixant le morceau « Runaway Love » du Canadien. En pleine préparation de My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Kanye décidait d’utiliser l’instrumental de « Wu-Tang Clan Ain’t Nuthing Ta Fuck Wit », d’inviter Raekwon et de déclarer son admiration pour le jeune chanteur sur Twitter. Cinq ans plus tard, alors qu’il vient de sortir le clip de son nouveau single « What Do You Mean », Justin Bieber est passé sur le plateau de Jimmy Fallon pour en interpréter une version avec The Roots ponctué par un (bref) couplet de Black Thought. Juste après s’être lancé dans un battle avec ?uestlove à la batterie. Sur « Runaway Love », Bieber nous disait qu’il « cherchait simplement à être cool ». On dirait qu’il est sur le point d’y arriver.

« Faridat », single du premier album de Zagnif Nori (2013).

La période estivale a été porteuse de plusieurs bonnes nouvelles pour les amateurs de rap East Coast « post-Killa Beez » et/ou plus précisément connaisseurs du collectif Noble Scity. D’une part, The Meridian Gem (2013), le premier album solo de Zagnif Nori, rappeur originaire de l’État de New York, bénéficie désormais d’une distribution internationale décente et est donc bien plus facile à se procurer. Vous pourriez avoir la bonne surprise de tomber chez votre disquaire préféré sur cette pièce-maîtresse de rap sous-terrain, brut et inspiré, aux productions régulièrement nourries de samples de soul – une soul non pas triomphale ni romantique mais rendue sombre, grave et lancinante, même dans ses envolées, par l’aspect lo-fi du disque et le travail des beatmakers Crucial the Guillotine (eh oui), Illy Vas, feu Kevlaar 7 et Zagnif Nori himself – ou d’un minimalisme froid. Les amateurs de l’esprit sonore des différents Wu-Elements devraient y trouver leur bonheur. La seconde bonne nouvelle, c’est que ce même Zagnif Nori s’est fendu le 30 juin dernier d’un nouvel EP, sobrement intitulé Ferrum EP, et que celui-ci contient encore une fois son lot de très bons morceaux. Enfin, le label-crew Noble Scity ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : Zagnif Nori annonçait il y a quelques jours sur Twitter avoir d’ores et déjà écrit six des titres de son second LP, tandis que Noble Scity prévoit également la sortie prochaine d’un EP de Crucial the Guillotine et d’un autre d’Illy Vas. D’ici là, vous pouvez toujours découvrir ou réécouter les différents projets des membres du collectif ici ou en apprendre plus sur Zagnif Nori (oui, c’est « Iron Fingaz » à l’envers) et ses collègues en lisant cette interview.

The Lox, une institution légendaire qui résonne dans toute la ville de New York et les projects environnants. Originaires de Yonkers, Jadakiss, Styles P et Sheek Louch sont connus pour être la voix de la rue, la réalité quotidienne du ghetto mise en musique, des propos durs mais constructifs, toujours sincères. Le vrai rap, quoi. Ce que peu savaient (y compris, nous), c’est leur engagement dans une autre filière : les Juice Bars.

Lancé par Styles P, ce concept de bar à jus de fruits naît en 2005 à Harlem. Tout partait d’un constat simple : les quartiers pauvres sont souvent abreuvés de denrées bon marché, le genre trop gras, trop sucré. Le but était donc de proposer une alternative saine aux barres chocolatées et autre sodas de toutes les couleurs. Une initiative locale pour aider le voisinage à se maintenir en forme. Depuis, Jadakiss a rejoint l’aventure et de nombreux autres bars ont ouverts sous la bannière « Juices For Life ».

Elite Daily résume parfaitement cette démarche dans cette vidéo alliant personnages populaires, regards d’expert et visions d’avenir. Une vraie direction responsable de bonhomme. The Lox restera une institution légendaire du ghetto.

« Quand j’étais haut comme 3 ballons de basket, je rêvais de jouer en NBA, et malgré sa petite taille Muggsy Bogues était mon héros, je voulais être comme lui », explique Ypsos sur sa page Facebook. C’est aujourd’hui chose faite. Dans son nouveau titre clippé, le rappeur et beatmaker originaire de Nevers et installé à Bruxelles (comme ça vous savez tout), co-fondateur du label Wakos Music (Scoop & J.Keuz, Greky, Rob…), rend hommage au plus petit joueur de basket à avoir évolué en NBA (1m59 !). Entre deux extraits du classique Les blancs ne savent pas sauter, il file l’analogie entre son propre état d’esprit et le basketteur américain. Après « Avant tout », c’est le second extrait de son nouvel album solo 10ème étage, annoncé pour la fin de l’année.

Le roi n’est jamais fatigué. Entre deux concerts blindés, le rappeur de Chicago le plus proche de Toronto fracasse sans ciller un petit flip de James Brown. C’est sale et brutal, comme son troisième Drilluminati. L’énergie est décuplée par les adlibs percutants de l’homme aux breaks infinis, notre maître à tous. Deux rois se rencontrent sous le signe de la chouette réveillant les morts avec les batteries de l’enfer, les tambours de la guerre secrète. Et la boucle se répète, jusqu’à ce qu’on la relance encore. Parce que la drogue est trop forte, à se balancer par la fenêtre.