Sidekicks

Discret, distant, dispo et visiblement prêt à disparaître, June Marx est un MC et beatmaker qui cultive le mystère. On le sait originaire de Brooklyn, ancien militaire (et très branché « art de la guerre »), membre du duo Twin Perils avec Lone Ninja. Il a également l’habitude de produire intégralement ses solos et est adepte d’un rap que l’on qualifierait volontiers d’épuré, de calme mais déterminé – parfois presque de contemplatif et de « doux » (mais ne le répétez pas). Surtout, June Marx est particulièrement prolifique. En 2014, il abattait deux très belles cartes, l’album Eve of Victory et le EP Veterans Day – à l’écoute, comme ses autres disques, sur sa page Bandcamp. L’autoproclamé « torchbearer » a poursuivi sur sa lancée en 2015, où sont sortis successivement un EP avec le rappeur de Chicago Resolute (Endless Winter), un album (Legendary Tactics) et un « prélude » à son projet de 2012 Seven Trumpets Sound. D’ici peu devraient également paraître Endless Winter : Avalanche Edition LP (annoncé par un premier extrait produit par Giallo Point), ainsi qu’une galette solo/compilation au titre prometteur, Vigilante Vaults Vol.1, Love & War, dont un nouvel extrait, « Coming of Age », a été mis en ligne il y a quelques jours sur YouTube, rejoignant la flopée de « lo-fi leaks » déjà balancée par June Marx.

Avec déjà dix albums au compteur et quasiment au moins autant de mixtapes, Oddisee ne se contente pas de monter régulièrement au charbon. Il a constamment les deux pieds dedans. Toujours ambiancé par les projets rap infusés au jazz, il s’est construit une discographie de pharaon, récemment étoffée de The Good Fight, un nouveau long format consistant au possible. Tête d’affiche à La Bellevilloise le mardi 6 octobre au soir, il jouera à domicile avec son groupe The Good Compny. Une équipe de musiciens étoffée par le chanteur Olivier DaySoul qui devrait donner un peu plus de relief à un medley de morceaux illustrant un parcours hors-format. Si tu t’es fait trouer les poches ce week-end, il te reste une option : notre fil Twitter sur lequel on fait gagner quelques places.

East Side Story de Kid Frost est votre disque de chevet ? Les Princes de la ville votre film culte ? Vous ne sortez jamais sans votre chemise Pendleton avec le col soigneusement boutonné et, chaque 31 mars, vous brûlez un cierge à la mémoire de Selena ? Alors le nouveau clip de The Jack Moves saura réveiller le chicano qui sommeille en vous. Après avoir visité une esthétique pimp égarée entre Blaxploitation et David Lynch, puis un noir et blanc hivernal, le duo de Newark propose cette fois avec « Joyride », comme son nom l’indique, une virée joyeuse aux quatre coins de la Bay Area. Lowriders rutilantes et cholas surmaquillées, tatouages et moustaches, toute l’imagerie et tous les codes de la communauté américano-mexicaine sont scrupuleusement représentés. Une déclaration d’amour bien plus qu’un pastiche moqueur, portée par le falsetto aérien du chanteur Zee Desmondes et les envolées new oldies du compositeur Teddy Powell. Fermez les yeux : le morceau ne dénoterait pas le moins du monde entre « Somebody Please » de The Vanguards et « I’m Sorry » de The Delfonics sur n’importe quelle compilation de old school classics. Il n’y a pas que Lana Del Rey pour remettre au goût du jour une vibe 60’s au charme désuet. Les Charles & Eddie 2015, qu’on vous présentait à la fin de notre rétro R&B, sortiront leur premier album le 30 octobre chez Wax Poetics Records. Orale !

Qui se souvient encore de Push comes to shove, le premier album de MED ? Plus grand monde. Accouché il y a dix ans, le premier essai un peu poussif de l’ex-Medaphoar valait surtout par la qualité de sa production, confiée à Madlib, Jay Dee, Oh No ou Just Blaze. Associé à un autre rappeur col bleu, Blu, notre rappeur au phrasé nonchalant est parti fouiller dans les productions en friche de Madlib pour réaliser Bad Neighbor : un quinze titres avec une belle liste d’invités infusée par la grande famille Stones Throw (Aloe Blacc, MF Doom, Anderson .Paak, Mayer Hawthorne ou Dâm-Funk). « Knock Knock », premier extrait, ne donne pas seulement le ton. Il ressuscite une esthétique empreinte de bricolage lo-fi avec sa boucle tordue et le phrasé rugueux de l’éternel vengeur (et escroc) masqué. Une belle petite sauterie qu’on croirait directement échappée du début des années 2000.

La bonne connexion

Le retour du Hardbodie Hip-hop

Après le costaud Hardbodie Hip-hop (2012), le producteur parisien Kyo Itachi et le MC de Brooklyn Ruste Juxx vont à nouveau croiser le fer. Pas encore de date annoncée, mais leur prochain projet commun s’intitulera Meteorite et sortira sur le label de Kyo Itachi, Shinigamie Records. Le premier extrait, l’egotrip cosmique « Goon Galaxy », annonce un boom-bap solide, efficace et rentre-dedans – mais qui en doutait ? 2015 est donc (encore) une année chargée pour l’initiateur et moteur de la Bankai Fam, qui avait déjà partiellement produit (avec Azaia, Astronote, Venom, Phalo Pantoja et Raw) le solo de G.Stats Syke Ward, va également sortir en novembre Kiai sous la pluie noire avec le rappeur lyonnais Lucio Bukowski et annonce déjà son prochain album, Wanted.

Depuis ses débuts, le rappeur/producteur du Mississippi trône en haut de nos meilleures listes. Même s’il est entré dans un rythme de croisière, ses albums restent consistants, oscillants entre l’héritage des Country Rap Tunes de Pimp C et le « rap à lunettes » sérieux de Talib Kweli. Cadillacta, son dernier en date, manque parfois d’humilité mais garde une ligne exemplaire dans ses textures et son rendu global. Le talent est intact. Pour continuer la promotion de son univers sudiste, Big K.R.I.T. clippe le 3ème épisode de « My Subs », cette chevauchée infinie en Cadillac où les caissons de basses sont poussés au maximum dans le coffre. Avec du Krit dans l’habitacle, n’importe quel char devient une ride de luxe. C’est la seule chose à retenir.

C’est toujours le même schéma depuis quelques années : Booba sort un morceau qui donne l’impression qu’il n’en a plus grand chose à faire du rap (au hasard : « Jimmy », « Scarface » ou « Validée » récemment) avant de revenir avec un titre qui, généralement, réussit à mettre la plupart des auditeurs d’accord (au hasard : « RTC », « 3G » ou « Tony Sosa »). Sur « Attila », nouvelle pièce accompagnée du clip le plus simple qui soit, Booba fait du Booba : déguisé en homme-sandwich pour Ünkut, l’auteur de Ouest Side envoie une pique à Kaaris, fait la promotion de OKLM et, surtout, rappe très bien. Simple et efficace.

En avril dernier, nous vous disions tout le bien que l’on pensait de Love Storydernier album en date de Yelawolf. Trois ans après la déception causée par Radioactive, le rappeur de Shady Records était enfin revenu à ses premières amours, n’hésitant pas à injecter le folklore de l’Alabama dans sa musique. « Devil in my veins », ballade cafardeuse dans laquelle Yela pousse la chansonnette, est probablement le titre le plus puissant du disque, accompagné désormais d’un joli clip dans lequel l’artiste réaffirme son identité redneck.

La prophétie se réalise. Quand on s’était penché sur l’album Château Rouge en 2011, on avait croisé les doigts pour qu’Abd Al Malik poursuive ses collaborations avec des musiciens d’horizons différents. À l’époque, l’ex-leader du groupe N.A.P avait travaillé avec le producteur canadien Gonzales. Le résultat était un album quasi-pop, nourri d’influences africaines et de synthés du futur. Abd Al Malik mettait de côté les exercices rhétoriques un peu pontifiants pour de jolis refrains chantés, et ça lui allait à merveille. Quatre ans plus tard, le rappeur strasbourgeois confirme que sa carrière solo est bel et bien un laboratoire à ciel ouvert : pour Scarifications, son nouvel album, il a fait appel à Laurent Garnier, DJ et producteur éminent de la scène électronique française. Le premier extrait, « Allogène », promet un album radicalement différent de ses prédécesseurs. Abd Al Malik serait-il en train de réaliser la discographie la plus surprenante du rap français ? Réponse le 6 novembre.

Da$H, « RicHie K II », extrait du EP SkrewFace (clip à éviter au travail ou en famille)

Dans la famille Dash, le prénom de Damon devrait a priori vous évoquer quelque chose. Celui de Darien, peut-être moins. Pourtant, le neveu du co-fondateur de Roc-A-Fella Records, âgé de 23 ans, balance depuis une poignée d’années maintenant mixtapes et EP’s avec une belle régularité, en solo ou au côté de son pote RetcH, et a posé des couplets sur plusieurs bons projets (My 1st Chemistry Set de Boldy James, I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside d’Earl Sweatshirt…). Originaire du New Jersey, proche de la A$ap Mob et évoluant au micro sous le pseudonyme de Da$H, il a sorti au mois d’août un EP, SkrewFace, et, la semaine dernière, une mixtape, 17 More Minutes, sur lesquels on retrouve notamment en featuring $ha Hef, Aston Matthews, Maxo Kream et RetcH. Sur des productions signées Antwon Carrera, LS XXXX, H.N.I.C. ou encore Thelonious Martin, Metro Boomin et Earl Sweatshirt (sous le nom de Randomblackdude), Da$H y déploie un rap souvent glacial, brumeux et lancinant, vaguement menaçant et angoissant – un rap de portes qui grincent (ne posez pas de questions). Bref, un rap qui annonce l’automne et l’hiver.