Sidekicks

Actif depuis des années aux côtés de son ami Vaati, le jeune Nusky travaille désormais dans son coin, et planche justement sur son premier album solo. Depuis le mois de janvier, il a publié trois morceaux, dont le récent « Tesla »  qui figurera au tracklisting de son futur projet. Ces titres ont en commun une couleur rose triste… Il s’en dégage à la fois l’innocence adolescente et la violence de la maturité. Les mélodies que propose le rappeur sonnent comme des comptines, sa voix ne dégage aucune expérience de la vie, donnant alors à ses textes toute leur efficacité. A vrai dire, intégrer l’univers que dessine Nusky ne se fait pas naturellement pour qui n’en est pas familier. On y mange des bonbons comme on y avale des para, on se balade en toute tranquillité dans une ville qui explose de toute part. Après « Gabrielle Solis » et l’excellent « Super-héros », Nusky se fait réellement force de proposition et tous les espoirs sont désormais permis concernant son album, qui pourrait avoir des allures burtoniennes.

Pour Sly Johnson, la musique est un voyage, un vol long-courrier qui n’a eu cesse de le faire planer sur des paysages lointains. Des standards d’Otis Redding à la trompette d’Erik Truffaz, sa destination a toujours été déroutante pour les auditeurs. Dernier exemple en date :  Youaresurrounded. Réalisé l’année dernière sous un alias obscur, TAGi & Steven Beatberg, cet album a ponctué une nouvelle étape pour l’intéressé, ses débuts dans la production. Et en cette rentrée, Sly gracie l’auditeur d’un nouvel EP, Silvère, Pt. I, composé de trois morceaux tous aux antipodes dans leurs sonorités. Le premier, “Skin (Buffalo B)”, trouve des thématiques dans l’ADN de son auteur, proches de celles débattues sur des titres comme “La preuve par 3” avec le Saïan Supa Crew ou encore “France” d’OFX. Le deuxième, “Mother”, et certainement le plus réussi, cherche une rédemption quasi chamanique, somme toute assez troublante. Et “Miroir” reflète bien les fêlures d’un artiste effacé ces dernières années. Une première posée avant la sortie d’un nouvel album prévu pour 2019.

C’est l’étonnant freestyle d’un rappeur au parcours jusqu’ici nébuleux. Yudimah a cumulé les pseudonymes et s’est d’abord illustré par un son très influencé par les tendances américaines. L’écho aura pourtant été confidentiel. Ou presque, puisque ces derniers mois, le producteur de musique électronique Uppermost, qualifié de « relève de la French Touch », a eu recours aux flows du rappeur Bordelais. Ce dernier rappe essentiellement en anglais, parfois en français, et a sorti ce 2 octobre son album Energy. La baseline de sa communication ? « Lies won’t last. » Et si les mensonges ne sont pas conçus pour durer (quoi que ?), si les ambiances développées par Yudimah sur ses Soundcloud et Bandcamp sont d’abord vaporeuses, à cheval entre beats modernes et parties chantées, son « freestyle » intitulé « The Team » (justement produit par Uppermost) révèle une capacité d’interprétation et d’engagement dotées d’une énergie propre aux meilleurs kickers. Ses paroles seront qualifiées de moralistes et d’illuminées par les sceptiques. Elles seront caractérisées comme vraies et franches par les convaincus. Dans tous les cas, elles ne manqueront pas de poser question et de prolonger les interrogations du MC. Espérons juste qu’elles ne masqueront pas un corps-à-corps avec le micro qui est trop rare aujourd’hui pour ne pas être souligné ici.

Festival qui fait son trou depuis dix ans dans l’Ouest de la France, En Vie Urbaine fête cette année son dixième anniversaire. L’Abcdr est partenaire de ces festivités et comme en 2017, ça commence par des places à gagner. Les affiches étant plutôt (très) belles et destinées à satisfaire tous les goûts et toutes les générations, il va falloir suivre nos prochains concours. Mais ça commence dès maintenant avec la date du jeudi 11 Octobre. Les vertiges de Pierre C.Sen, les luttes menées en première ligne par Skalpel et les Nike qui kickent de Busta Flex seront à voir en live pour la première des trois grandes dates du festival Niortais. Ne les manquez pas et consultez dès maintenant la programmation complète, histoire d’être autant que nous dans les starting-blocks. À dans une semaine !

En partant vivre la moitié de l’année à Atlanta en 2015, le DJ et producteur français Brodinski réalisait un rêve : celui de s’échapper de la musique électronique pour se plonger au coeur même de l’épicentre actuel du rap américain. Trois années plus tard, le pari tient toujours ses promesses : hyperactif en ville, Louis Rogé semble toujours plus affiner son identité sonore – entre froideur trap et soupçons électroniques – au fil des collaborations avec de jeunes pousses de la ville, inconnues du grand public, mais pour beaucoup très prometteuses. C’est l’impression que l’on ressent en tout cas à l’écoute de Drug Money Worldwide, nouvelle mixtape réalisée en compagnie du label local Drug Money Records, et dans laquelle Brodinski fait à nouveau se rencontrer jeunes rappeurs d’Atlanta et belles figures du beatmaking à la française. En plus de ses propres morceaux, le Rémois convie ainsi Myth Syzer, Ikaz Boi, Myd ou 8tm pour accompagner (entre autres) les rappeurs de Young Slime Life, collectif originaire du quartier de Cleveland Avenue et affilié à Young Thug, lui aussi originaire du même coin. Un résultat long de 20 morceaux entre urgence propre à la ville et expérimentations sonores sous influences électroniques qui redonne un beau coup de fraîcheur au rap de rue d’Atlanta.

Depuis une dizaine de jours, L’Abcdr expose une vingtaine de clichés originaux issus de ces interviews. Commentées par les rédacteurs ayant rencontré les artistes exposés, ces images restent visibles jusqu’à ce mardi 2 octobre au soir (tard) dans le cœur de Paris. Elles seront ensuite soient vendues lors du décrochage mardi soir, soient transportées au festival En Vie Urbaine avant d’espérer trouver un nouvel écrin aussi sympathique que simple dans la capitale. Mais en attendant, n’hésitez pas à venir y faire un tour. Tout est expliqué dans le livret dédié à l’exposition que l’on vous offre au format numérique ici. À très vite autour d’un verre avec certains rédacteurs et rédactrices de l’équipe. Ne nous traitez pas de « forceurs ». C’est juste que nous aimons boire des coups en parlant rap ! Peut-être dès ce mardi ?

Un peu comme un fantôme, il planait sur le rap français. Ces derniers mois auront vu Joke disparaître des radars après la non-sortie de son nouvel album, pour finalement mieux préparer son retour. Présent ici et là sur des disques de quelques uns des artistes de son entourage (Dinos, Veerus, Flaco) celui que l’on doit maintenant appeler Ateyaba semble en effet enfin décidé à revenir. « Rock With You », nouveau single en date, laisse en tout cas penser que le natif de Montpellier a réussi, avec le temps et l’absence, à retrouver ce qui faisait le charme de ses débuts. Bourré d’attitude, soigné musicalement et visuellement, ce dernier morceau entre rap et influences synthétiques en compagnie du producteur Ikaz Boi est ce que l’on nomme un bon retour, tant il réveille le temps de quelques minutes tout ce qui faisait la singularité d’un garçon sans doute trop rentré dans le moule sur son premier album. Et quand on sait qu’une certaine Charlotte Gainsbourg devrait passer une tête sur ce nouveau disque, tout nous donne envie de croire à la nouvelle mue de Joke en Ateyaba. Si l’album sort. Évidemment…

Los Angeles est une terre fertile. Du rap au jazz, en passant par l’électronique à la “beat scene”, l’éclectisme est une valeur constante à sa scène musicale indépendante. À mi-chemin entre tous ces fleuves : Kiefer. Originaire de San Diego, le pianiste multi instrumentiste a d’abord fait ses mains dans l’écrin très classique avant de partir sur le terrain de La Cité des anges aux côtés des producteurs Mndsgn et Swarvy. Cette année, un pas de plus dans sa jeune carrière avec la sortie de son second album HappySad, estampillé par le label indépendant Stones Throw. Actuellement en pleine tournée européenne, il atterrit à Paris ce vendredi 28 septembre au Pop-Up du Label pour une date unique. Pour l’occasion, 2 x 2 places sont à gagner pour découvrir cet artiste surprenant, à la croisée des mondes. Rendez-vous sur notre page Facebook.

Ce 19 septembre est sorti un clip puissant du rappeur togolais Elom 20ce, en hommage au militant indépendantiste de Guinée et des îles du Cap-Vert Amílcar Cabral. Sa mort y est figurée par une danse introductive, qui donne toute sa force visuelle au clip. Le combat de Cabral était double, celui contre les colons et pour l’unité des colonisés. L’invitation faite au Bavar ne pouvait mieux coïncider avec de telles prises de position. Le message général est d’ailleurs à l’image de son arrivée sur l’écran et sur le beat : l’affirmation d’une dignité inaltérable. 365 cicatrices et toujours ce flow et cette classe incorruptibles (« Je ne changerai pas le monde mais il ne me changera pas »), qui en font certainement le rappeur le plus touchant de La Rumeur. Le lieu de tournage le confirme, puisqu’il s’agit de l’île de N’Gor – « dignité » en wolof. Le clip est extrêmement référencé, et chacun y verra des significations nouvelles en fonction de sa culture. Elom 20ce lie l’histoire des luttes noires partout – afro-américaines, avec le « each one teach one » placé dans son couplet, le choix de lier une voix antillaise et une voix togolaise – et la revendication de son lien inextricable avec le hip-hop. Et c’est, à l’écoute de son EP sorti en 2015 où figure ce titre, une caractéristique propre à l’artiste, connu pour son panafricanisme. De plus, les femmes n’y sont jamais en reste : l’hommage à Dona Ana Maria Calbral, mariée à Amílcar, militante même après sa mort, vient confirmer le désir d’unité, à la fois personnel et politique, qui se dégage de la démarche de celui qui a choisi sa mère pour la couverture d’Indigo. En attendant peut-être, un album en 2018 aussi puissamment visuel que ce clip et son écriture, comme il l’annonçait à demi-mots ici.

Le premier est un vétéran du rap anglais. Membre de Def Tex, actif depuis son plus jeune âge, Chrome est une figure réputée du hip-hop de la Perfide Albion. Andy Cooper est lui mieux connu pour avoir été l’un des piliers d’Ugly Duckling. Certes Américain, il est aujourd’hui totalement tourné vers l’Europe, que ce soit en Angleterre lors de ses featurings avec The Allergies ou ses relations sur le vieux continent (voir notamment son morceau avec l’excellent et trop méconnu Néerlandais Blabbermouf). Les deux rappeurs s’associent pour un morceau. « Shockwave » défend un rap technique, valorise les capacités de fast flow de chaque MC, et enchaîne entre un refrain scandé et des lignes débitées à vitesse lumière sur une belle basse bien ronde. Comme quoi, les vétérans en ont encore sous la semelle.