Un cadeau de DJ Djel

Le DJ de la Fonky Family, identifiable à son chapeau vissé sur la tête, Djel, aka the Diamond Cutter, n’est jamais en reste pour animer les soirées marseillaises. Le Baou, un lieu festif en plein air situé vers les quartiers nord, est surplombé par les lettres « M.A.R.S.E.I.L.L.E » – parodiant, avec l’arrogance qui caractérise la ville, les collines d’Hollywood. Cet été, Faf la Rage et Don Choa y jouaient. Parmi les spectateurs, K-Rhyme le Roi dansait avec les gens, presque ni vu ni connu. Djel poursuivait alors la soirée en enchaînant classiques du rap local des années 1990 et titres plus récents. Avant de lancer « A7 », devant un public plus trentenaire qu’auditeur de rappeurs à trois lettres, il prévient au micro : « le rap marseillais, c’est aussi ça ». S’il a ses goûts à lui, Djel a l’amour des classiques de sa région, qu’ils soient passés ou présents. Qui mieux que lui alors pour sortir, ce 25 novembre, un mix célébrant les trente ans du rap de la cité phocéenne ?

Comme le titre l’indique, le mix suit un fil chronologique, après une intro pleine de scratchs et samples explosifs (le « Mar-seille ! » martial du feat Keny RPZ Kalash l’Afro, celui, iconique, de Soprano ouvrant « A la bien », etc.). Le « diamond cutter » commence donc avec le son IAM pré-1997 ; la transition se fait via « Métèque et mat », puis sur le même album, le featuring décisif « La Face B » avec son groupe, et évidemment, « Bad boys de Marseille ». Une deuxième vague est amenée par la transition de Soul Swing à « Né sous la même étoile », avec une belle exploitation de la voix éraillée de Faf la rage, également à l’honneur pour raconter le documentaire Marseille, capitale du rap. D’IAM à Jul.

L’une des forces du mix, c’est sa capacité à faire réécouter des classiques trop saignés, ceux que l’on passe aux premières secondes lorsqu’ils arrivent sur la lecture aléatoire parce que le cerveau les connaît trop, comme ceux tout aussi connus mais qu’il est impossible de se résoudre à passer. Mais aussi, il fait redécouvrir des groupes et des MC moins exposés à la lumière malgré leurs titres à succès – Def Bond, Puissance nord, etc. Au milieu des deux heures dix-huit, c’est Psy4 qui fait le pont entre deux, voire trois époques ; dès la deuxième moitié, Djel jongle entre un Algerino énervé ou marrant, la voix nasillarde de Kalif dans Black marché, Mino le fruit de son époque, Keny l’altermondialiste, les formules choc ou les jeux de mots douteux de R.E.D.K, la politique énergique de Révolution Urbaine, le Soprano de Street Skillz, l’Alonzo atteint du syndrome de la Tourette. Ce voyage sonore se clôture à l’image de la diversité de la scène actuelle, entre l’auto-tune et la mélancolie festive de Jul, Naps, la noirceur fine de l’écriture de SCH, la gouaille sortie d’Endoume via Muge Knight, les déboîteurs de freestyles tels que Mehdi YZ et YL… Bref : deux heures qui assurent que célébrer l’histoire n’implique pas un futur figé, bien au contraire.