La ride feutrée de Yepes & Joey Larsé
Interview

La ride feutrée de Yepes & Joey Larsé

Joey Larsé a eu besoin du rap pour extérioriser certaines choses enfouies en lui, et a trouvé en Yepes l’architecte sonore qu’il lui fallait. Ensemble ils proposent Drugstore, un album où derrière la légèreté se cache l’introspection. Une ride pleine de sens.

Photographies : Valentin Campagnie

Lorsqu’ils se rencontrent, Joey Larsé et Yepes, respectivement rappeur et beatmaker, ont en commun un goût prononcé pour le rap sombre, un peu crado et de préférence new-yorkais. Cette source originale n’est pourtant pas très perceptible à l’écoute de Drugstore, le premier album qu’ils proposent . Et pour cause, c’est ensemble qu’ils ont ouvert leurs esprits à des influences nouvelles. Joey et Yep’ ont avancé l’un avec l’autre vers des horizons musicaux neufs, sont sortis de l’obscur studio de leurs débuts et on conçu un écrin sonore doux, propice aux réflexions que développe Joey Larsé en filigrane de Drugstore. Enregistré chez Bachir de Jaambar Muzik alors qu’un écran diffusait The Wire et qu’un second projetait The Sopranos, cet opus laisse l’introspection s’exprimer par la fiction, autant qu’à travers une sortie soi-disant festive il propose une plongée intimiste dans l’esprit de son narrateur : c’est le cabinet d’un psy installé dans une berline de luxe. Entretien croisé avec les deux créateurs de ce joli moment de rap.

 


Abcdr : Joey, tu n’es pas originaire de Bordeaux mais de Montreuil. Lorsque tu arrives ici, fais-tu déjà du rap ?

Joey Larsé : J’arrive ici à quinze ans, et je rappe déjà oui. J’ai commencé au collège avec des potes entre la quatrième et la troisième, sur de sombres prods de Spike Miller, très très sombres ! [Rires] Je déménage sur Bordeaux et là j’ai arrêté quelques temps, puis j’ai repris le rap vers mes dix-sept ans, après avoir rencontré des gars, toujours à l’école ou au quartier. On faisait nos petits trucs. Si je viens à Bordeaux, c’est pour des raisons familiales et c’est aussi ce fait qui me pousse à rapper à nouveau, j’avais des choses à dire, à extérioriser.

A : Yepes quant à toi, tu es Bordelais depuis toujours ? Quels sont tes débuts dans la musique ? 

Yepes : Non, je suis originaire de Charente-Maritime et je suis venu à Bordeaux pour mes études. La musique, j’ai commencé à en faire en tant que DJ à l’âge de dix-sept ans en découvrant les platines, et je suis devenu producteur vers 2007. Deux ans plus tard j’ai sorti un premier projet d’une vingtaine de titres. J’étais DJ dans un groupe à l’époque et nous n’avions que des Faces B, ce qui nous a amenés à un moment à vouloir nos propres musiques. De là, je me suis mis à composer, et les rencontres que j’ai pu faire m’ont aussi poussé à commencer la production sans le vouloir plus que ça.

A : Tu te souviens de la première fois que tu as entendu la musique de Joey ?

Y : Je m’en rappelle bien, et je lui ai envoyé un message sur Facebook sans que l’on se connaisse, à la suite de son projet C’est l’art et la manière. En fait, on s’était déjà rencontrés…

J : Sur des concerts à Bordeaux, dans des circonstances…

Y : Bordelaises ! [Rires] Mais quand j’ai démarché Joey c’est après avoir vu un de ses clips issus de C’est l’art et la manière.

A : Ce projet C’est l’art et la manière se compose uniquement de faces B. C’est dû à un manque de réseau à ce moment pour toi Joey ? 

J : Exactement. J’avais les clefs d’un studio la nuit mais je n’avais pas de producteur à côté de moi… Alors je me débrouillais ! La première fois que je suis allé chez Yep, j’avais encore un morceau à enregistrer sur une face B de Joey Chavez que je cherchais, et il se trouve que lui l’avait en vinyle ! C’était la meilleure qualité possible, ça m’a changé des mp3 piratés sur Youtube… Mais choper des faces B comme ça me permettait aussi de proposer un projet avec que des prods chaudes !

A : Dans quelles circonstances commence votre collaboration ? 

J : Cela se fait dans un appartement de vingt-deux mètres carrés où tout est fermé, éclairé à la Maglite ! Yepes était dans une science très particulière à ce moment-là.

Y : Parce que c’était un moment particulier de ma vie !

J : On avait des influences en commun pour nous rapprocher.

Y : C’est à une période où on n’écoute pas encore vraiment ce qui se fait maintenant, on est dans le boom-bap mais on en sort un peu.

J : C’était un moment charnière pour nous deux, chacun avait besoin d’aller autre part, de découvrir quelque chose d’autre par rapport à la musique. Et finalement, on a fait ce chemin ensemble. Yep m’a fait découvrir des choses, moi je lui en ai fait découvrir d’autres, on s’est ouverts.

A : Vous êtes sortis d’une orthodoxie musicale que vous aviez tous deux ? 

Y : On a vraiment évolué ensemble à ce niveau. Nos références communes quand on s’est rencontrés étaient très new-yorkaises : Alchemist et tout ça. Même ce que l’on écoutait à Los Angeles ressemblait à du son de New York, c’était Evidence, Dilated Peoples…

J : En France, les rappeurs qui m’ont bercé ce sont essentiellement Ill et Booba. Aux States, je me suis longtemps buté à Roc Marciano. Au début je ne comprenais pas et je pense que c’est ce qui m’a fait vraiment kiffer, j’ai écouté et réécouté. C’est comme Les Soprano, au début ça m’a fait chier puis j’ai regardé à nouveau et j’ai trouvé ça légendaire. Ensuite je me suis ouvert à la West et aussi à tout ce qui est Jet Life, Curren$y, etc. Je me suis pas mal tué à ça. Yepes a beaucoup écouté James Blake lui !

Y : En vrai, tout ce qu’il écoute je l’écoute et vice-versa, on se fait découvrir beaucoup de trucs, y compris avec le reste de notre entourage !

J : Il faut aussi dire qu’étant jeune j’écoutais beaucoup les artistes français de notre génération : Sinik, Sniper, Tandem et tout ça. J’étais un auditeur féru, je ne savais pas si j’allais en faire ou pas mais je kiffais le rap, et de façon générale j’aimais la musique. Mon père est jazzman, il fait du saxophone donc j’ai baigné dans le son, il y a toujours eu plein de skeuds à la maison.

A : Yepes tu n’as jamais rappé toi ?

Y : Il ne vaut mieux pas non ! [Rires] Je n’ai jamais eu l’occasion de rapper, et ça ne m’a jamais vraiment intéressé en fait.

A : Lorsque tu commences à produire, quels sont tes premières connexions ?

Y : Je bossais avec Fayçal et avec des artistes du label Sonatine auquel il était rattaché : Dajoan, VII. J’ai commencé avec cette équipe-là à Bordeaux puis la vie nous a fait prendre des chemins différents.

A : Et tes références en terme de beatmaking, quelles sont-elles alors ? 

Y : Quand j’étais encore en Charente-Maritime, je venais à Bordeaux pour choper des mixtapes et je découvrais des sons sans avoir forcément les crédits… Les trucs que je kiffais étaient souvent tout ce qui inspirait le rap français dans la veine de Mobb Deep, les sons produits par Alchemist, et j’aimais aussi beaucoup les prods de Joe Budha pour El Fudge.

J : C’est vrai que tu écoutais des trucs complètement sombres, et moi aussi d’ailleurs. Je pense que c’est quelque chose qui nous a rapprochés. On aimait les samples mafieux, les sons crades, dénicher des échantillons en écoutant des vinyles toute la journée. On en venait à écouter du rock progressif et c’était du rap en fait ! [Rires]

A : De quel matériel disposes-tu quand tu te lances dans le beatmaking ?

Y : Une MPC 1000 et des vinyles ! Je sample énormément à partir de ça, et je ne suis venu à la compo que très tard. J’avais aussi la chance de connaître des bassistes et des guitaristes qui m’ont permis de disposer de pas mal d’arrangements pour faire groover mon son un peu différemment.

A : Quand vous sortez ensemble l’EP Confortable en 2017, quelle est votre démarche ?

J : C’est une carte de visite, mais pour être honnête on était partis dans l’idée de proposer deux projets : Confortable et un huit titres derrière, River Glen Motel. On avait presque tous les morceaux pour ça, sauf qu’à un moment on a fait « Salutations », le dernier titre de Drugstore, et à partir de ce son on a décidé de repartir de zéro. On a tout jeté, tout refait.

Y : Confortable, c’est la période où on se découvre musicalement et personnellement. On a fait pas mal de morceaux que l’on testait en live et que l’on ajustait selon leur effet en concert, aussi bien selon la réaction du public que selon notre degré de kiffe en les jouant. On cherchait aussi une identité propre, on ne voulait pas faire comme untel ou untel. On a multiplié les essais, et le live a vraiment permis de se jauger à ce niveau. Il y a des sons qui vont bien pour le live mais moins pour un disque…

A : Vous aviez des opportunités scéniques ?

J : Oui, on a eu pas mal de plans, que ce soit des premières parties, des bars, des dates avec Fayçal… Maintenant on a quand même pas mal joué à Bordeaux ! Après concernant le choix des morceaux, on peut s’être trompés aussi, peut-être que certains auraient mérité d’être gardés, c’est possible !

Y : Mais pour Confortable on avait besoin d’une carte de visite un peu progressive… Il ne fallait pas que l’on montre tout directement, pour n’avoir plus rien à donner après, surtout que l’on voyait déjà vers quoi on voulait aller avec la suite.

A : Lorsque vous travaillez sur un morceau, dans quelle mesure cela se fait-il à deux ? 

J : C’est rare que Yepes fasse une prod dans son coin et que je pose dessus ensuite. Ce n’est que du sur-mesure en général. Je suis chez lui, on fait la prod ensemble, je repars avec pour écrire chez moi, ou bien je le fais sur place, d’autant plus que l’on a un micro maintenant là-bas donc je peux poser dans la foulée.

Y : Oui, que du sur-mesure et on peut faire trois prods pour en avoir une seule. Même si c’est encore un peu flou, Joey sait quel type de sonorités il veut, il me suggère des idées. Après, les meilleures viennent souvent par accident. Je fais un truc par hasard et il bloque dessus. Puis, bien qu’il ne le dise pas, Joey commence à produire maintenant aussi !

J : Je me suis mis à produire à force de traîner avec Yep et Bachir ! [Moitié de Pandemik Muzik, NDLR] On discute, on échange beaucoup pendant la composition d’une prod et c’est aussi vrai quand j’enregistre : Yepes me conseille, me donne son avis.

« Drugstore n’est pas juste un projet musical, c’est aussi un temps où on a grandi ensemble aussi bien musicalement que personnellement. »

A : Combien de temps vous a pris la création de Drugstore 

Y : Ça n’a pas pris un mois… Disons deux grosses années.

J : Un an de création à proprement parler, et un an de « comment on le sort ? » Cette période d’attente avant la sortie est un temps très très frustrant. Tu ne peux pas sortir autre chose tant que tu n’as pas envoyé ce sur quoi tu as travaillé pendant les mois d’avant… Si tu fais un titre qui te plaît vraiment tu ne peux pas le rajouter au tracklisting, il faut être patient.

Y : Ce n’est pas juste un projet musical, c’est aussi un temps où on a grandi tous ensemble aussi bien musicalement que personnellement. On n’a pas juste craché des titres assemblés sur un projet, c’est une évolution commune, une élévation. C’est Drugstore qui fait qu’aujourd’hui on est bien où on est.

J : Pour arriver à ça il a fallu que l’on fasse pas mal de morceaux depuis Confortable, des morceaux qui ne sont pas sortis.

A : Dès le début de la conception de Drugstore, vous saviez ce que vous recherchiez ?

Y : La seule chose que l’on ne savait pas c’était quand est-ce qu’il fallait s’arrêter. C’est ça le plus dur : savoir quand c’est fini.

A : Qu’est-ce qui vous a fait vous dire qu’à un moment c’était bon ?

Y : On a enregistré le projet chez nous mais il a été mixé à Bruxelles, et à un moment il fallait aller au studio là-bas, donc finir les morceaux. C’est le temps qui nous a fait arrêter, la deadline.

J : Il y a aussi le fait qu’à l’écoute générale de morceaux est venu un moment où on a trouvé qu’il ne manquait plus grand-chose. On avait la racine et la structure, la deadline on se l’est imposée aussi ! À force de travailler dessus, tu n’es plus objectif sur ton truc, tu fais et refais sans arrêt…

Y : Et tout simplement aussi, il faut être à la page de ce qui se fait un petit peu. On ne veut pas être à mille lieux de l’époque.

A : Le mix s’est fait à Bruxelles dites-vous ?

J : Oui, on est allés le mixer avec Le Seize en Belgique, comme c’était déjà le cas pour Confortable. Le Seize est producteur à la base, et il m’a contacté à l’époque de C’est l’art la manière en me disant qu’il aimait bien ce que je faisais. On a discuté et il s’est avéré qu’il était aussi ingénieur du son. On a décidé de tout mixer là-bas, ça a donné lieu à une sacré ride en Belgique. Les Belges nous ont super bien accueillis.

Y : Sortir de la France pour finaliser ton projet permet d’avoir un super recul, d’autant plus quand c’est pour travailler avec des gens dont l’expérience est différente de la tienne.

A : Faites-vous beaucoup écouter ce que vous créez au fur et à mesure ?

J : Oui, on fait écouter à notre entourage, ce qui fait une petite dizaine de personnes différentes et qui sont dans la musique.

Y : Auxquelles s’ajoute l’équipe du studio à Bruxelles : Carlos et Le Seize, et enfin Bryan Pachaud qui assure le mastering, et qui contrairement à ce que dit son nom est très chaud ! [Rires] Il faut bien comprendre que faire un album, ce n’est pas que créer des morceaux, dire ce que tu as à dire et voilà ! C’est aussi choisir ta chaîne de son, te prendre la tête pour avoir vraiment ton son, pour transmettre les émotions justes selon la place de la basse, la hauteur de la voix, etc. Le master va parfaire le tout.

A : On trouve le nom de Plae Casi dans les crédits de Drugstore, qui est-il et quel est son rôle ?

Y : Plae Casi est producteur, claviériste à la base. Il était déjà intervenu sur « Confortable » et « Pour vrai » sur l’EP. Il avait joué des basses et fait des arrangements. Pour Drugstore, il est auteur de deux co-productions avec moi : « Carrousel » et « On fête ». Ce projet, je devais entièrement le faire seul au départ, puis la vie a amené Plae Casi et moi à travailler ensemble par ailleurs, ce qui nous a amenés à aussi travailler ensemble ici. On s’est dit qu’il était mieux de faire le truc à deux-cent pourcent plutôt qu’à quatre-vingt-dix. Il compose, il fait des arrangements et il délivre aussi un avis extérieur. Son rôle est réel, même pour Joey dans la mesure où Plae Casi rappe aussi maintenant. C’est le troisième homme, il est avec nous sur scène d’ailleurs !

A : Pour ce qui est de la conception des mélodies, arrive-t-il que toi Yepes tu fasses des toplines pour Joey ?

Y : Sur cet album, je n’en ai pas fait. Elles sont de Joey, et Plae Casi a participé aussi, pour « Salutations » et « Dr. Melfi » où il fait des ambiances.

J : Mais maintenant Yepes fait aussi des toplines sur ses prods.

Y : Oui maintenant effectivement. Ce projet et d’autres à côté m’ont permis d’évoluer musicalement, ça a débloqué plein de choses je pense, non seulement pour moi mais pour nous.

« Tu es toujours dans cette dualité : tu aspires à une richesse matérielle, est-elle vraiment nécessaire ? Jusqu’où l’est-elle ?  »

A : À la fin de plusieurs morceaux il y a des ruptures, des changements d’instrus. Pourquoi ?

Y : Pete Rock, que j’ai toujours kiffé, faisait souvent des trucs comme ça, et tout simplement il m’arrive d’avoir des bonnes boucles de sample que j’ai envie d’utiliser, que je ne veux pas laisser dormir. Alors quand c’est cohérent, je le fais. Les terminaisons de morceaux se font souvent sans calcul, au moment venu de boucler le morceau, cette idée nous vient, on l’exécute et on n’en parle plus !

J : Quand on a tout fini, on est repassés sur les morceaux en se demandant ce que l’on pouvait mettre ici ou là, et on a essayé de faire des fins un peu originales. Puis c’est aussi une façon d’installer un peu Yepes, parce que c’est un projet à deux et cela permet de le mettre en avant, même si je ne sais pas si beaucoup de monde ira au bout d’un morceau pour se dire « oh cette boucle à la fin, extraordinaire ! » [Rires]

A : Le projet est sorti via la structure Jambaar Muzik, comment vous êtes-vous retrouvés à travailler avec Bachir ?

Y : C’est une bonne question… [Ils réfléchissent un temps] On s’est tous reconnectés pour Confortable et on est restés ensemble, c’est de là qu’est parti Jambaar.

J : Parce que l’on se connait depuis longtemps, depuis le début des années 2010. On venait bosser ici.

Y : C’est le rap qui nous a rassemblés, et puis à Bordeaux il n’y a pas non plus énormément de gens qui sont bons. Beaucoup font de la musique, beaucoup font du rap, mais peu sont pointus.

A : Joey, venons-en plus précisément à ce que tu développes au long de Drugstore. Il y a une thématique assez centrale : le temps, la façon dont il passe et la difficulté à le mettre à profit entre aspirations matérielles et aspirations spirituelles…

J : Tu es toujours dans cette dualité : tu aspires à une richesse matérielle, est-elle vraiment nécessaire ? Jusqu’où l’est-elle, nécessaire ? N’es-tu pas mieux en étant simplement bien dans ta vie, en étant justement « simple » ?

A : Tu parles beaucoup d’argent…

J : [Il coupe] Parce que je n’en ai pas beaucoup en fait.

A : Tu écris une course après l’argent, et dans le même temps tu mets l’argent à distance. Comme si à mesure que tu te rapprochais de l’argent, tu cherchais à ne plus l’atteindre.

J : C’est vrai… Ce sont des doutes. Tu veux faire ton billet mais à quel prix ?

A : « J’ai l’endurance à force de courir après l’envie, courir après l’amour, courir après l’argent jamais après la fuite » dis-tu sur un album qui parle beaucoup de boire, de sortir, de fumer… Qu’est-ce que c’est sinon une fuite ? 

J : On peut considérer ça comme une fuite, oui. Ou comme de l’élévation…

Y : Mais c’est une fuite qui commence à 23 heures, ce n’est pas pareil ! [Rires]

J : « On fête » résume complètement ça. Je ne sais pas trop quoi ajouter, c’est vrai que la fête n’est pas que de l’amusement.

A : Yepes, t’arrive-t-il d’intervenir sur le contenu des textes ?

Y : Je lui dis de moins parler de fric justement. C’est lui qui décide mais je lui fais des suggestions. Je l’ai invité à parler plus d’amour, à être plus introspectif, c’est de ces conseils qu’est plus ou moins né « Salutations ». Mes suggestions sont toujours un peu les mêmes. Une autre : ne pas trop citer de marques, sortir du personnage.

J : C’est quelque chose qui correspond aux codes du rap, tout ce rapport au luxe, à l’argent. Et c’est peut-être ce qui explique la dualité qu’on évoquait, j’avais envie d’en sortir, en tous cas je voulais ne pas rester prisonnier de nos codes de poireaux ! J’ai essayé d’être sincère.

Y : Il s’agissait de sortir du personnage Joey Larsé d’avant.

J : Je me suis appelé Joey Larsé parce que je suis fanatique de films comme Les Affranchis et toutes ces conneries, et qu’il y a toujours des Joey là-dedans ! Et Larsé était le verlan de « C’est l’art ». Quand j’ai commencé à faire ma musique, je suis parti dans ça. J’écrivais comme si c’était une série, mon questionnement n’était pas d’écrire des choses vraies ou pas vraies. Je cherchais plutôt une forme de storytelling, et à un moment ça m’a fait chier, je sentais que je commençais à m’emprisonner là-dedans et c’est là que j’ai ressenti le besoin d’ajouter de la sincérité, de mettre de ma vie personnelle.

Y : Chose qui n’est pas facile…

J : Tu te sers aussi de la musique pour te cacher, et aller vraiment raconter tes trucs c’est dur, se livrer c’est dur.

A : C’est un peu balourd d’aborder ça de cette façon mais la présence d’un morceau intitulé « Dr. Melfi » laisse d’emblée penser que tu essaies de te livrer, qu’il y a une dimension psychologique dans le fait de créer de la musique.

J : Clairement ! Les raisons qui m’ont amené à Bordeaux ne sont pas super joyeuses et c’est pour ça que je me suis remis au rap aussi : j’avais des choses à cracher.

A : Est-ce qu’après avoir fini Drugstore tu t’es senti soulagé de quelque chose ?

J : [Sans hésitation] Oui ! J’avais besoin de dire certaines choses, je les ai dites… Il va surtout m’aider pour les prochains projets, dans le sens où il m’aura libéré de plein de choses. Je le vois déjà dans les morceaux que l’on a faits depuis. Ce projet a une couleur assez sombre, et dans ce que je fais maintenant j’aspire à quelque chose d’un peu plus léger, moins prise de tête, et sortir Drugstore m’a aidé pour ça.

A : [Air circonspect] Le propos peut être jugé sombre mais c’est tout de même tempéré par le son…

J : Cela tient peut-être plus du propos que de la production, mais pour moi il y a quelque chose d’assez sombre. Disons clair-obscur.

A : Il y a une dimension feutrée, cabinet de psy, et une autre liée à la ride. Diriez-vous que vous faites de la musique d’intérieur ou de la musique d’extérieur ?

Y : Joey c’est la musique d’extérieur et moi celle d’intérieur ! [Rires] Je suis souvent enfermé chez moi à travailler… Pour écrire, il faut vivre des choses et donc sortir, ce que Joey fait.

J : L’essentiel c’est que l’album puisse être écouté dans une voiture… Tant que tu peux l’écouter dans une Mercedes break, tout va bien !

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