Interview

Madj

Co-responsable d’Assassin productions depuis plus de dix ans, Madj se retrouve pour la première fois derrière les machines sur l’album « Hors de contrôle » de La bande des 4. Il revient sur la production de l’album, sa singularité et la situation du label après quelques errements et une direction artistique confuse.

Photo par Photo par Rodrigo Avellaneda.

La Bande des 4

Abcdr du son : Quels sont les producteurs qui constituent le collectif de la Bande des 4 ?

Madj : Je pense que tu auras remarqué qu’on maintient volontairement un mystère autour de cette fameuse Bande des 4. C’est une démarche volontaire donc je ne peux pas répondre à cette question comme cela… De toutes façons il y a des crédits qui sont indiqués dans le disque, donc on sait qui fait quoi. Maintenant ça ne se pose pas comme ça, c’est plus une entité qu’on a voulu rendre impalpable. C’est pour cela que je ne peux pas te dire « il y a untel, untel, untel… » Par contre si tu me demandes si je prends part au projet, je te répondrai par l’affirmative…

A : Ok. Pour revenir un peu en arrière, il y a eu trois volets de « L’avant-garde ». Quelques années auparavant il y avait eu 3 volets de « L’underground s’exprime » qui jouaient un peu sur le même concept, c’était une volonté de ‘retour aux sources’ ?

Madj : ‘L’underground s’exprime’ c’était Assassin, donc c’était fait dans un certain esprit. A chaque fois il y avait la présence de Squat, donc c’était un projet qui était dans un certain cadre si tu veux. « L’avant-garde » était quelque chose qui se proposait d’être dans cette démarche sans trop y ressembler : rassembler des gens… bon c’est vrai que ça peut faire penser à ‘L’underground s’exprime’, mais en réalité ça n’avait pas la volonté de s’apparenter ou de s’affilier à ça particulièrement. C’est un truc qui est arrivé après, plus à l’initiative d’Assassin productions que d’Assassin, donc c’est deux choses complètements différentes.

A : Les street tapes, qui avaient une réelle volonté d’ouverture vers d’autres styles (soul, reggae) mais aussi de revenir à certaines bases et de mettre un patrimoine en avant, c’est le même principe que vous avez voulu que l’ont retrouve sur « Hors de contrôle » ? Faire entendre et découvrir d’autres styles.

Madj : Là par contre ce sont des démarches qui se rejoignent dans le sens où les mixtapes « Universal Soul Brother » avaient une volonté de transmettre quelque chose. Effectivement dans « Hors de contrôle » tu as aussi cette volonté de transmission. Il y a un lien entre les deux projets, même si ce sont deux projets différents. Il y a une logique, une constance. Et je crois que c’est ce qui est le plus important : maintenir une constance dans une démarche.

A : Comment imagine-t-on cela en musique, au départ, et surtout comment passe-t-on du stade de l’idée à la réalisation pour un disque comme « Hors de contrôle » ?

Madj : Disons qu’en fait « Hors de contrôle » ne s’est pas fait de manière consciente, ou du moins pas aussi consciente que l’on pourrait le croire. Ca a été plus porté par une dynamique qui nous dépassait. Au début, l’intention était de faire un projet hip-hop normal, faire rapper des gens sur des instrus.

A : Ce n’était pas un disque instrumental à la base ?

Madj : Non non, pas du tout. Au départ quand on a eu cette idée de se mettre sur un nouveau projet de production hors Assassin, l’envie c’était de faire rapper des gens. Mais il s’est avéré que la tonalité du projet était tellement en désaccord ou en opposition avec l’air ambiant qu’on c’est dit qu’il ne valait mieux pas se prendre la tête à faire rapper des gens et essayer de développer un projet instrumental dans le sens où il y avait un intérêt puisque c’est quelque chose que l’on n’avait jamais fait. En tant que label on n’avait jamais travaillé sur ce type de format, et en termes de productions c’est quelque chose de vachement intéressant parce que ça te force à travailler autrement que de faire des instrus pour un rappeur : tu les fait vivre autrement et la démarche artistique est complètement différente. Et l’aboutissement n’est pas non plus le même. Mais pour revenir à ta question, on ne s’est pas dit de manière consciente qu’on allait travailler sur un projet d’instrus.

A : Et vous bossiez comment, vous composiez chacun de votre côté ?

Madj : Non on travaillait ensemble.

A : Comment vient l’idée de retracer l’histoire aussi bien politique, avec les interludes « Quelques éléments de notre histoire », que musicale depuis les années 1930s avec « La musique est mon occupation » ?

Madj : En ce qui concerne « Quelques éléments de notre histoire », ça existait depuis un bon moment déjà, depuis 1998. Les deux cycles de « La musique est mon occupation » ça, par contre, s’est venu là, quand on était à la production du projet. A un moment on s’est dit que ça pouvait être pas mal de marquer notre position (silence). C’est ça, de laisser des marques, jalonner un peu le parcours.

A : Ca ressemble un peu à l’objectif que vous semblez vous fixer avec le site ?

Madj : Ouais c’est pareil, il y a toujours une volonté de transmission de savoir. Le hip-hop ne doit pas servir qu’à ça, mais il doit aussi servir à ça.

A : Justement, vous avez souvent tenu à associer musique et évènements politiques. C’est le rôle que vous donnez avant tout à la musique, qu’elle soit à textes ou non ?

Madj : Non pas forcément. Ce qui est indispensable pour nous c’est la solidité artistique, en tous cas tendre vers une solidité artistique, faire avancer le schmilblick. Après de lier la contestation à l’art, à la musique, c’est vrai que chez Assassin productions on a l’impression que c’est une constance mais bon on n’a pas fait que ça non plus. Si tu regardes certaines productions qu’on a faites aussi bien comme Pyroman qui était plus léger, même les derniers trucs de Squat, le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est pas la révolution, donc il n’y a pas que ça, même si c’est vrai que de mon point de vue et du point de vue de l’histoire du label, c’est quelque chose qui est assez présent. Tu sais on a créé Assassin productions en 1992 pour pouvoir sortir le premier album d’Assassin : « Le futur que nous réserve-t-il ? » donc l’identité et la naissance d’Assassin productions est largement marqué par l’identité d’Assassin de l’époque. Moi je dis qu’on essaie de parler la même langue que celle de nos débuts. C’est une démarche qui semble pour moi assez logique. D’un point de vue personnel j’aime beaucoup quand la musique véhicule des idées, mais comme je te dis je ne pense pas qu’elle doit être que cela.

A : Il y a énormément de clin d’oeils dans ‘La musique est mon occupation’, c’est pour rappeler quoi ? Que la musique dite ‘contestataire’ a elle aussi une histoire ?

Madj : Il y a une histoire dans la musique tout court. Le rap ou la hip hop music n’est pas apparu comme ça, parce qu’un beau matin quelqu’un s’est levé et à décidé d’inventer le hip hop. Il y a tout un cheminement historique dans la culture et la musique américaine qui fait qu’on en arrive là. Et à mes yeux le hip hop est la forme d’expression culturelle la plus aboutie d’un processus qui a commencé il y a très longtemps. Tout ça c’est donc pour baliser, jalonner, un chemin initiatique, pour donner des repères. Il y a des gens qui ont des codes pour déchiffrer ce genre de choses, eux ça leur parle directement, et pour ceux qui ont pas encore les codes et bien peut-être que ça peut devenir des ouvertures.

A : C’est là que je voulais en venir, sans dire non plus qu’il soit dénigré, le rock est pas mal rejeté de la part du public ‘rap’…

Madj (coupant la parole) : Oui il l’est !

A : C’est pour quoi alors les intermèdes, pour présenter le rock sous une autre facette ?

Madj : On n’a pas pour but d’être ‘conscientisateur’, de réveiller les gens. La culture elle est là, on en maîtrise une partie, on a envie de la transmettre, voilà après comme je te dis il y a des gens qui ont des codes dans et en dehors du hip hop pour comprendre ce genre de balises. Ceux qui sont ouverts et qui veulent bien les comprendre, tant mieux. Ceux qui n’ont pas les moyens ou la volonté d’y rentrer et de les comprendre… Nous en tous cas on avait envie de mettre des repères. Je pense que la scène rap française dans sa globalité s’immerge de plus en plus dans une sorte de débilité profonde. Au bout d’un moment il est bon de recentrer les choses autour de ceux qui ont une culture hip hop un petit peu plus profonde, un peu plus large, et qui ont comme je te dis les clefs pour ouvrir certaines portes.

A : C’est aussi une façon de recentrer les choses pour Assassin productions ? Il y a des disques qui sont sortis ces dernières années qui étaient assez peu convainquant et qui partaient un peu…

Madj : Ouais, c’est vrai, c’est un disque de repositionnement. En terme de label en tous cas, oui. Bien sûr. De repartir, surtout nous, avec Assassin productions avec l’histoire du label, de revenir à un disque qui pour moi revient à l’essentiel car il ne rentre dans aucun format de radio ou quoique ce soit, ouais je pense que c’est un disque de repositionnement. Et par rapport aux égarements, oui, je suis complètement d’accord avec toi.

A : Finalement, un album comme « Hors de contrôle » n’est-il pas plus parlant qu’un morceau de trois couplets ? Tu penses que ça peut avoir le même impact sur la personne qui écoute ?

Madj : Je crois que c’est deux approches différentes de la musique. Faire de la musique chantée est une approche, faire de l’instrumental en est une autre. Ca ne s’est pas inventé avec le hip-hop.

A : D’accord, mais en posant des atmosphères assez sombres et en mettant des extraits de documentaires, plus objectifs car n’interprétant pas, est-ce que ce n’est pas un ‘argumentaire’ plus recevable que trois couplets ?

Madj : On peut trouver son bonheur dans trois couplets, tout comme on peut trouver son bonheur dans les jingles dans « Hors de contrôle ». Ce n’est pas le même travail. Le fait d’aller chercher des archives, d’échantillonner, c’est tout un boulot, faut voir le délire. Pour mettre les choses en lien pour que ça ait un sens c’est une démarche qui est différente et qui ne s’oppose pas à celle qui consiste à faire trois couplets. Je vais même te dire, je pense fondamentalement que ce qui est véhiculé à travers ces trois jingles ‘Quelques éléments de notre histoire’, par certains égards, élèvent dix fois plus le débat que certains morceaux de rap soit disant conscients. Ca c’est mon point de vue, et je pense qu’au niveau de la forme tout est envisageable.

A : Oui, c’était ma question… Te concernant, c’est la première fois que tu te retrouves à produire, ça fait longtemps que tu t’y es mis ?

Madj : Mes modèles en terme de productions sont tellement prestigieux que je n’ai pas l’impression d’être un producteur. Je fais un petit peu de composition. Ca faisait un moment qu’avec Dawan on faisait deux, trois bricoles pour le plaisir, et il se trouve que là il a fallu se jeter à l’eau et puis voilà. On a commencé comme ça il y a cinq, six ans, aujourd’hui il y a « Hors de contrôle » et demain on verra.

A : Tu as déjà d’autres projets ?

Madj : Non, je n’ai pas de souhait de carrière ou quoique ce soit, à un moment donné il y a cette pulsion, cette envie alors on y va parce qu’il y a les moyens, les capacités et les idées pour le faire, autant tout mettre à profit.

A : C’est la première fois que j’entendais parler de DJ requiem, quel est son rôle sur le disque et sa place sur les projets d’Assassin productions ?

Madj : C’était le premier DJ d’Aro, dès 1988. Il se trouve qu’il habite dans le coin, on est du même secteur, je savais qu’il faisait du son et je suis allé le voir pour voir si ça l’intéressait de placer des trucs. On lui a fait écouter ce qu’on faisait. Après il n’y a pas de projets à l’heure actuelle. Je pense que si on part sur autre chose on le sollicitera.

A : Qu’est-ce qui est intéressant dans le fait de faire des projets instrumentaux à plusieurs ? D’habitude les albums instrus sont l’oeuvre d’un seul et même producteur. Ca aide à équilibrer les envies de chacun ?

Madj : C’est la manière dont on s’est retrouvé, mais je ne pense pas qu’il y ait de règle. Il faut faire les choses, il faut y aller, il faut se jeter, il faut s’engager. On voit ce qui est fait et je crois que c’est ça l’essentiel.

A : Personnellement j’ai écouté Assassin pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que « Hors de contrôle » ne sorte je n’attendais quasi plus rien du label, je n’écoutais même pas ce qui sortait, et je ne pense pas être le seul… Cet album c’est celui du rachat ?

Madj : Rachat ça va loin quand même, parce que ça voudrait dire qu’on se serait sacrément fourvoyé et qu’on aurait besoin de se racheter une conscience. Si il y a bien une équipe qui dans l’histoire de cette scène a les mains propres, c’est bien nous. Tu vois ce que je veux dire ? Prenons l’ensemble des équipes qui sont là depuis toutes ces années et on regarde qui a besoin de se laver les mains… ou la bouche. Je préfère le mot ‘repositionnement’, ‘rachat’ excuse moi mais on a produit des disques qui feront dates dans l’histoire du rap français, je parle en tant que label, ça mérite un minimum de considérations.

A : Oui mais depuis 1998, 1999, on sent qu’il y a eu du changement…

Madj : Si tu veux mon point de vue, je pense qu’en gros depuis 1997, 1998 c’est ça, c’est une autre phase. Il y a un avant et un après… Avant : avec une dynamique très forte, une identité très forte, et à partir de 1997, 1998, je ne dirais pas qu’Assassin a été l’ombre de lui-même mais il y a un niveau qui n’est plus égalé…

A : Dans ce sens, « Hors de contrôle » semble être un disque humble, ce n’est pas cette humilité qu’on a pu reprocher à Assassin et à certaines sorties du label ? On avait l’impression que certains personnes étaient davantage mises en avant par rapport à la musique, et là on a l’impression que la musique reprend sa place en faisant un album instrumental, sans que l’on connaisse précisément leur auteurs et avec une volonté que ce soit le propos qui prime…

Madj : Si c’est ce que tu ressens je suis assez content parce que c’est un peu l’objectif : revenir à des choses plus humaines. L’humilité ça me rend fier. (Réfléchissant) Oui, c’est vrai aujourd’hui faire les choses humblement dans une configuration, et là d’un point de vue plus large, au-delà de nos histoires à nous, l’humilité et la dignité j’ai l’impression que c’est quelque chose qui n’existe plus dans le rap français. Si on dégage au moins cette sensation au niveau du public, et bien tant mieux.

A : C’est avec cet état d’esprit que vous allez aborder les choses par la suite ?

Madj : Moi je suis convaincu que l’indenté qui était la nôtre à une certaine époque est encore plus nécessaire aujourd’hui. On ne peut pas séparer nos activités de ce qui se passe dans la société, on ne vit pas dans un autre monde. Tout le monde sait ce qu’il se passe, il y a des choses à dire sur le gouvernement, sur sa politique. Dans le mauvais sens du terme. Donc les expressions de contestations politiques sont d’autant plus nécessaires. On a été un peu le porte drapeau de cela dans le rap français, maintenant il y a d’autres gens. Je pense à des gens comme La rumeur notamment. Sur la teneur du propos en tous cas. Mais effectivement, comme je te le disais on s’est créé autour d’une certaine identité à une certaine époque, je ne vois pas pourquoi on s’en éloignerait. Le maître mot de tout ça c’est la constance.

Assassin Productions

A : Tu parlais des problèmes rencontrés en ce moment, sur « L’homicide volontaire » des thèmes et des problèmes tels que le racisme, l’exclusion, l’endettement des pays du Tiers-monde, l’écologie, la lutte des classes ou encore le capitalisme étaient mis en avant, aujourd’hui ce sont des problèmes qui perdurent et s’accentuent, et ça ne semble pourtant plus rentrer en ligne de compte dans les dernières sorties d’Assassin, qui est quand même le fer de lance du label… Tu ne penses pas que ça a joué sur l’intérêt du public ?

Madj : Sûrement, sûrement… Je ne peux pas me mettre à la place du public, mais sûrement, si c’est ce que tu ressens. (Réfléchissant). Comme je te dis mon point de vue c’est que cette identité de réaction, d’opposition, je parlerais même de résistance culturelle et politique, est encore plus nécessaire aujourd’hui. Le public en a besoin. On en a tous besoin. Donc je ne vois pas pourquoi on ne serait pas aux avant postes sur ces questions. Et il est encore moins temps aujourd’hui qu’hier de se relâcher. Si certains se relâchent, on jugera de leur aptitude à comprendre les choses et avoir une justesse de vision au moment où ils feront les choses… Moi je ne me suis jamais arrêté en tous cas.

A : Comment se gère la volonté d’indépendance et d’intégrité prônée par le label avec une maison de productions et tout ce que cela comporte comme enjeux et échanges financiers ?

Madj : Ce qui est dur c’est le compromis entre une démarche capitalistique et le fait d’être conforme à son propos. Ca c’est le paradoxe le plus difficile à gérer. Pour moi en tous cas. Après il faut voir dans quel monde on vit. On vit dans une société où tu es obligé d’adopter ce genre de structure… enfin « obligé », tu n’es pas obligé mais c’est plus fiable d’adopter ce genre de structuration capitalistique de type SàRL ou SA. C’est nécessaire pour exister dans le commerce de l’art. Il y a une dimension économique : tu sors de l’argent alors il faut que tu t’y retrouves. Et après il y a aussi tes idées, le propos que tu as envie de véhiculer. Il faut trouver un compromis idéal sans que l’économique ne te détermine et sans non plus que le manque de raison ne te pousse à faire quelque chose qui ne soit économiquement pas viable du tout. Pour moi la difficulté c’est ça : trouver un compromis entre les convictions et une nécessité. Le moteur de tout ça, c’est le propos qu’on véhicule. C’est ce qui restera de toutes façons. Les contingences économiques le public s’en fout et il a raison.

A : Et ça vous l’aviez en tête au départ ?

Madj : Pas du tout. On a tout appris.

A : Tu sembles avoir été aussi impliqué au niveau politique que musical, tu as déjà fait parti d’associations ou organisations ? Tu militais ?

Madj : Ouais bien sûr, mais plus maintenant. Mais je suis proche de beaucoup de réseaux. J’ai un parcours à ce niveau là qui a commencé il y a très longtemps. Peut-être pas avant la musique, mais c’est quelque chose qui m’a beaucoup animé depuis ma préadolescence.

A : Et c’est l’envie de militer qui t’as fait rentrer dans la musique ou tu as trouvé dans la musique un vecteur pour faire passer un message ?

Madj : Les deux sont à voir de manière indépendante. C’est pas forcément la musique qui m’a donné la conscience de ce qui se passait dans le monde, et ce n’est pas ma conscience de ce qui se passait dans le monde qui m’a poussée à faire de la musique. Il se trouve que les champs politiques et artistiques sont deux champs qui se croisent à un moment. L’un peut être un support pour l’autre, et l’autre moteur pour l’un.

A : Dans ce sens là, on peut reconnaître qu’Assassin à emmener pas mal de monde à s’intéresser à des problèmes de sociétés, il y’a des groupes qui ont eu ce « rôle » pour toi ?

Madj : C’est la musique en générale, pas des groupes en particulier. C’est plus des courants musicaux qui m’ont emmenés à cette sensibilité là, à avoir conscience de tout. Le punk rock par exemple c’est quelque chose qui m’a beaucoup déterminé. Le hip-hop aussi, il y a cette identité de faire tout avec rien, ce qui est plutôt pas mal. Et puis il y a aussi la notion et l’aspect de conscience, je ne dirais pas conscience de classes parce que ça va un peu loin, mais conscience dans le sens de regard sur ta condition, au moins. Et aussi avoir conscience d’user d’un outil de contre-culture. Après il y a la sensibilité des gens et le vécu de chacun qui fait que tu peux assimiler les choses plus ou moins vite.

A : Vous, Assassin productions, rappeler souvent dans les textes ou les interviews que le hip-hop est « la voix des sans voix ». Vous pensez que ces ‘sans voix’ se reconnaissent dans vos propos et revendications ?

Madj : Je ne sais pas. Je pense que oui. Aux vues de notre histoire, aux vues de notre parcours, de nos aventures, on a vu beaucoup de gens qui se reconnaissaient dans certains propos, dans la démarche, dans la présence sur le terrain.

A : Vous évoquez souvent le MIB ou Mumia dans vos propos, comment cela se traduit concrètement ?

Madj : Bon là je t’avouerai qu’on est un peu moins au front par rapport à quelques années, mais à l’époque on participait à la co-organisation de concerts de soutiens. On a essayé d’amener un soutien logistique parce qu’on pensait que venir jouer c’était bien mais à un moment donné, si tu es vraiment dans une démarche politique, tu peux aller plus loin. Il y aussi la disponibilité, la proximité, on a participé par exemple à pas mal de projections libres dans des quartiers du DVD d’Assassin que ce soit à Roubaix, Montpellier, Toulouse… Ca se traduit comme cela, la volonté d’être proche des gens, de leurs préoccupations. Ca peut éviter aussi qu’il y ait un décalage.

A : Par rapport à ces décalages, au niveau du discours il y a quand même pas mal de contradictions. J’aurais préféré lui poser la question directement, mais je pense notamment à celui très changeant de Squat, qui fait qu’on peut douter de la crédibilité de son propos.

Madj : Je ne sais pas, il faudrait lui demander. Je ne suis pas psychologue mais je pense que c’est lié certainement à des contradictions profondes dans sa personnalité et qui font que comme beaucoup de gens il arrive à être dans les contradictions les plus évidentes. Tout le monde peut tomber là-dedans, mais le plus important c’est qu’il faut que ça ne dur pas trop longtemps. Faudrait juste être conscient de ces contradictions pour les combattre et pour agir sur soi. Après les quelques écarts de Squat, on va dire, au bout du compte si ça n’engage et ne rejailli pas que sur lui, au bout de l’histoire ça n’engagera que lui. Donc moi je pense que le fait d’avoir réussi à dissocier les choses : qu’à un moment donné Assassin ce soit Assassin, qu’il y a eu l’Assassin d’avant et le Rockin’ Squat d’aujourd’hui, et Assassin productions c’est aussi autre chose. Le fait d’avoir réussi à dissocier tout ça, ça fait que pour les gens ce sera peut-être plus clair.

A : Oui mais pour beaucoup Assassin et Assassin productions c’est pareil, de même que Assassin ça reste Squat.

Madj : De toutes façon, aujourd’hui c’est Rockin’ Squat. Je vais te dire un truc, pour moi Assassin c’était l’énergie de plusieurs personnes au service d’une même entité. Du moment où ce n’est que Rockin’ Squat, pour moi ce n’est plus Assassin. Là on n’est plus dans une dynamique de groupe, on est dans une dynamique d’artiste, tout seul, qui fait des choses qui n’engagent que lui. Le Assassin auquel tu fais référence ce n’était pas que Squat. C’est pour cela que si aujourd’hui quand on me parle de choses qui ne concerne que Rockin’ Squat, pour moi ce n’est pas Assassin. C’est autre chose. Et pour moi cette dynamique, comme je te l’ai dit, elle commence en 1997, 1998, à partir de ce moment là il y a une prise en main unilatérale de Squat de cette histoire et que la teneur des albums d’avant on ne la trouve plus.

A : Tu comprends que des choses comme ça, ça puisse davantage prêter à rire, même chez les auditeurs d’Assassin ?

Madj : Comme je te le dis, il faut assumer ces contradictions. J’ai déjà beaucoup de travail pour assumer les miennes, je ne peux pas endosser celles des autres.

A : Oui mais en tant que responsable de label, ça doit bien te faire réagir ?

Madj : Oui, et c’est pour ça que je te dis qu’il était bien de dissocier les choses. Quand n’importe quel rappeur dit une connerie ou n’importe quoi, on ne va pas demander au mec qui a sorti son disque d’endosser tout ça, tu vois ? Aujourd’hui Assassin, ou ce qui semble être Assassin, c’est une chose, et Assassin productions c’en est une autre. Et Squat c’est une chose et Madj c’est autre chose. Et les gens qui ont eu l’occasion de nous pratiquer savent très bien qui est qui…

A : Tu parles de bien dissocier, mais il y a volontairement un flou qui règne autour des groupes, de leur composition…

Madj : Oui, ça peut être tout à fait déroutant. Si quelqu’un se réfère à l’Assassin de « L’homicide volontaire » ou du « Futur que nous réserve-t-il ? », je comprends que ce qui se passe depuis deux, trois ans ça puisse être déroutant. Enfin moi je ne m’y retrouve pas. Mais je me suis retrouvé dans le Assassin que je t’ai évoqué.

A : Et personnellement, il y a des contradictions auxquelles tu as du faire face ?

Madj : Oui, je peux te répondre que les seules contradictions que je peux entrevoir c’est qu’à un moment donné en tant que label on a été aussi pris par des chimères de croire qu’il y avait peut-être quelque chose à faire pour nous sur Skyrock. Ou de s’être peut-être fait guider par des impératifs mercantiles. De travailler dans cette logique du ‘jouer en radio’.

A : C’était à la période de « Touche d’espoir » ?

Madj : Ouais, notamment, et puis pour d’autres trucs. Je pense qu’effectivement on a peut-être eu tord en tant que label à un moment donné de se mettre dans ce genre de position. Dans l’absolu rien n’est dramatique non plus. On n’a pas baissé notre culotte. Mais c’est vrai qu’on s’est peut-être fait guider par des illusions, et que ça c’est un tort que j’assume en tant que co-responsable de label. C’est pour ça que je te parlais tout à l’heure de disque de repositionnement. Parce que justement « Hors de contrôle » c’est la rupture avec tout ça, il n’y a pas du tout de recherche de quoique ce soit, de passage en radio etc. De toutes façons c’est impassable en radio. Et vu l’état de la scène, de la production en général du rap français et du marché, il ne faut vraiment pas perdre de temps avec ce genre de conneries. Je pense que dans la musique tu ne seras jamais plus fort que quand les choses sont faites avec convictions et sans calcul. Il y a toujours un minimum de calcul, à quelque degré que ce soit, mais il en faut le moins possible pour donner place au maximum à la spontanéité. Et les radios, on s’en fout. C’est dommage parce que c’est ce qui te fait vendre du disque, mais à nous de travailler et d’être suffisamment performent pour savoir imposer notre histoire et notre format. Et c’est comme ça que ça se passe, je pense. C’est ça le vrai combat et la vraie issue. Se soumettre à des exigences imposées par d’autres, à un moment donné je pense que c’est une erreur et c’est en partie ce qui fait qu’on est dans la situation dans laquelle on en est à aujourd’hui. Pas nous, mais l’ensemble de la scène.

A : Au jour d’aujourd’hui, Assassin productions c’est qui exactement ?

Madj : Au jour d’aujourd’hui il y a La bande des 4, qui est le projet qu’on défend en ce moment. Jusqu’à preuve du contraire il y a aussi Assassin / Rockin’ Squat, mais c’est quelque chose de plus tangent. Peut-être que le prochain projet de Rockin’ Squat ne sortira pas chez nous.

A : Ha bon ?

Madj : Je ne peux pas te dire, mais moi je pense qu’au jour d’aujourd’hui, vu l’orientation, je pense qu’il aurait du mal à sortir un projet d’Assassin qui soit à la hauteur de ce que ça devrait être…

A : Pourquoi ? Parce que ça ne rentre plus dans le cadre de ce qu’il faisait avant ?

Madj : C’est plus une histoire d’envie et de motivation… Aujourd’hui on est dans la configuration d’un artiste solo.

A : D’ailleurs pourquoi ne pas avoir sorti « Touche d’espoir » sous le nom de Rockin’ Squat ?

Madj : Je ne sais pas, il faudrait lui demander. Moi je continue à penser que « Touche d’espoir » est le premier album solo de Squat. Le propos et l’attitude qu’il y a autour de ce projet, qui n’est pas un mauvais disque, est une orientation qui ressemble à un projet solo. Après on verra ce qui se passera, on est une structure assez libre, on ne va pas travailler dans le sens où on muselle les gens et c’est aussi la structure de Squat. Et donc dans le sens où il n’y a plus une dynamique collective, il faut plus voir ça comme quelque chose qui appartient à un passé récent. Moi c’est mon avis, peut-être que Squat te parlerait autrement.

A : Du coup Assassin productions ça ne tourne pour l’instant plus qu’autour de La bande des 4. Vous cherchez à faire du développement d’artistes comme vous l’avez fait par le passé ?

Madj : Pas spécialement. Je t’avoue qu’on a fait pas mal de développement d’artistes et à un moment donné il faut peut-être tirer le bilan de ce que ça t’apporte. On n’a eu quelques expériences pas très concluantes, artistiquement des fois très concluantes, mais humainement pas du tout, donc il faut peut-être prendre le temps de faire les choses tranquillement.

A : Tu te tiens au courant de la l’évolution des gens qui étaient signés ?

Madj : Oui, suivant les affinités. C’est comme tout.

A : Le fait d’être moins présent à la radio et dans les médias en général, c’est ça qui vous a pousser à davantage vous consacrer à votre site internet, pour communiquer ?

Madj : C’est un média d’avenir, donc c’est un média qui doit être traité au même titre que les autres médias. Le web c’est un univers où peut-être il n’y a pas non plus énormément de gens qui sont là, mais il y a du monde. Il n’y a pas les plus inintéressants on va dire, loin de là, même si il y a de sacrés mongoliens, de sacrées oufs je pense aussi, mais bon ça à l’air d’être un champ qu’il ne faut pas délaisser en tous cas. De plus en plus les foyers s’équipent donc il faut travailler ce média. On s’est penché sur le site internet il y a déjà un moment, depuis 1997, 1998, et on a eu aussi à un moment donné le besoin de faire autre chose que le fait de vendre des disques ou faire la promotion d’un groupe ou d’un label. Il y a aussi une dynamique de transmission du savoir, des connaissances maîtrisées et connues. Aujourd’hui la partie culturelle pèse plus que le reste donc j’en suis assez content.

A : Concrètement sur le site, tu écris quoi ?

Madj : Quasiment rien mais je m’occupe de la revue de presse. Tout ce qu’il y a sur le site en terme de documentation c’est moi, en liaison avec le webmaster.

A : Ca occupe pas mal de place maintenant…

Madj : (rires) Ouais, de l’espace, du temps… faut avoir envie.

A : Au niveau de la VPC, c’est une activité qui occupe beaucoup de temps ?

Madj : Oui, c’est beaucoup de l’activité d’Assassin productions. On a toujours travaillé là-dessus. Au début on avait un catalogue qui faisait une feuille A4 et aujourd’hui il fait trente pages. C’est une bonne fenêtre pour pousser tes histoires aussi. Distribuer tes projets par tes propres moyens, même si ça reste ce que c’est.

A : Et vous avez des retours sur vos différentes activités ?

Madj : Oui bien sûr. Enfin tu es plus souvent que moi sur internet pour le savoir. Tu as du au moins rentrer dans les forums que l’on a ouvert pour voir de quel bois ça se chauffe. Il y a à boire et à manger.

A : Oui mais internet ce n’est pas non plus représentatif de l’intégralité d’un public car c’est majoritairement réservé à des classes sociales disons ‘plus élevées’… D’ ailleurs comment le perçois-tu le public d’Assassin, au niveau de son âge et de sa classe sociale ?

Madj : Multiple. Je pense qu’aujourd’hui les gens qui ont dépassé la trentaine et qui ont suivi depuis le début se sont un peu détachés. Il y en a beaucoup qui ne suivent plus parce que ça ne les transporte plus. Il y a tout un public arrivé aussi par « Touche d’espoir » du à la diffusion de cet album. C’est un public peut-être plus jeune, moins exigent en terme d’identité et de propos. Il y a de tout je pense. On ne s’est jamais posé des questions sur les considérations de classes, jamais en ces termes. Le public, d’où qu’il vienne et quel qu’il soit est respectable.

A : Tu penses quoi de la diffusion du mp3 ? Quand on télécharge un album d’Assassin productions, tu es content que le son tourne ou ça te fais chier ?

Madj : Bah ça fait chier un peu quand même parce que tu es dans une dynamique économique de productions et qu’un disque de téléchargé c’est de l’argent de perdu et que toi tu as mis de l’argent sur des projets et il faut que ça revienne. Après tu ne vas pas en faire une maladie, c’est comme ça, on fait avec. Aujourd’hui quand tu sors un disque tu en vends cinq fois moins qu’il y a cinq ans, et encore je suis gentil. Et tu ne te rattrapes pas.

A : Même pas sur la satisfaction d’être plus diffusé ?

Madj : C’est ça qui, on va dire, rend l’addition moins douloureuse. Tu te dis que mine de rien c’est de la diffusion. Qu’est-ce que tu veux y faire ? C’est comme ça, maintenant il faut calculer le commerce de la musique et de l’Art avec ce paramètre là, parce qu’il n’y a pas que la musique qui soit touchée, il y a le cinéma aussi. C’est pareil, les films sont balancés sur internet avant leur sortie en DVD.

A : C’est un problème sur lequel il faut se pencher selon toi ?

Madj : Non ce n’est pas un problème, c’est juste des configurations et des paramètres qu’on n’avaient pas avant et qu’il faut qu’on gère maintenant, c’est tout. Ce n’est pas un problème, mais c’est vrai qu’économiquement ça peut le devenir. Je ne sais pas ce qu’il faut faire mais on ne pourra pas lutter contre ça. Ce n’est pas la peine, tu ne peux pas interdire aux gens.

A : Tu parlais d’un problème de scène tout à l’heure, le rap français « formaté » selon toi ça vient des majors qui veulent calibrer des sons ou des groupes eux-mêmes qui calibrent leurs sons pour être signés ?

Madj : C’est les groupes eux-mêmes qui se formatent évidemment ! Et ce n’est même pas une histoire de signer en major, c’est juste qu’il y a un format qui passe en radio et comme peu de gens ont de réels points de vues artistiques et bien quand c’est la mode de Timbaland on fait du Timbaland, quand c’est la mode de Neptunes, on fait du Neptunes, quand il faut être « G », on est « G » et quand il faut être thug, on est thug. Il n’y a pas de parti pris. Moi il n’y a rien qui me parle, ou pas grand-chose. Je pense que les vrais responsables sont, surtout, ceux qui dans la première génération n’ont pas transmis cette dimension culturelle, volontairement. Et ça fait qu’on a toute une génération qui a grandi et évolué dans cette musique à coup de rap français et de Skyrock. Ils sont rentrés dans cette musique par ça, il ne faut pas se leurrer, et je pense que d’un point de vue qualitatif ça ne peut être que moins bon. C’est du à deux choses : d’une part une absence de références culturelles dans la musique, c’est pour ça que tu as plein de mecs qui vont sampler dans la variété française, moi je n’ai jamais compris, c’est un style musical que j’ai toujours détesté. Je ne comprends pas le rapport entre la variété française, ou la pop des années 1980, et le hip-hop.

A : Tu considères que c’est un manque de culture ?

Madj : Evidemment ! C’est aussi un manque de parti pris, et que beaucoup n’ont pas l’impression de participer à une entreprise de contre-culture. Mais c’est normal qu’ils n’aient pas la notion de ça, puisqu’ils ne participent pas pour beaucoup d’entre eux à cette contre-culture. Au contraire ils se font les meilleurs véhicules de l’idéologie de la société dominante.

A : Il y a donc un travail à faire des deux côtés : chez les auditeurs et chez les rappers ?

Madj : Oui, je pense qu’il y a un gros problème au niveau culturel. Je ne sais pas ce qu’il faut faire mais c’est un gros problème. Et comme je te l’ai dit, les vrais responsables sont ceux qui avaient à un moment donné le devoir de transmettre quelque chose et qui ne l’ont pas fait.

A : Tu penses à qui ?

Madj : A la plupart des groupes de la première génération. Il n’y en a pas cinquante donc tu fais le tour.

Wesh wesh qu’est-ce qui se passe ?

A : « Wesh wesh » est sorti il y a un an, mais l’idée originale et l’écriture du scénario remonte à beaucoup plus longtemps…

Madj : L’idée vient de mon pote, Rabah, qui m’a soumis l’idée de co-écrire un scénario. On a commencé à écrire en 1994 et le film est sorti en 2002. Donc c’est un long périple, une longue histoire. Rabah a décidé de prendre le projet à bras le corps parce qu’au bout d’un moment n s’est rendu compte que si il ne le réalisait et produisait pas il serait resté à l’état de scénario. Une grande partie de la concrétisation du projet lui revient.

A : Et à la base l’écriture du scénario c’était pour évoquer quels problèmes en particulier ?

Madj : Surtout pour essayer d’avoir un regard et d’amener un propos sur la situation des habitants des quartiers populaires. Amener un propos qui soit solide, cohérent et avec un regard qui soit à la fois un regard de l’intérieur et de l’extérieur sur ces quartiers parce l’intérieur nous est possible de part nos vécus, et l’extérieur de par notre formation en sociologie qui nous a permis de dégager les grands traits et des faits sociaux indéniables. Et puis ça nous évite certains pièges comme l’ethnocentrisme… Je ne sais pas si ça aurait pu nous arriver, mais juste pour dire que certains films ont été plus portés par le fantasme des gens qui les réalisaient que par autre chose. Nous c’est le travers dans lequel on ne voulait pas tomber.

A : C’est justement quelque chose qui est assez casse gueule avec ce genre de films, ça peut souvent tomber dans le cliché…

Madj : Oui, mais dans « Wesh Wesh… » je pense qu’il y a une alchimie parfaite entre la volonté de propos, de discours, d’affirmation d’un positionnement clair et net, en réaction à des injustices, et puis l’aspect artistique de l’histoire, un vrai oeil de réalisateur et une esthétique.

A : Il y a peu de films faits sur les quartiers, et ils sont rarement fait par les gens qui y vivent, même si ça a l’air d’être le premier ingrédient pour que le film puisse être crédible…

Madj : Il y a déjà le fait que les gens ne sont pas prêt dans ce business à produire ce genre de films, et il y a aussi le fait que le cinéma est une pratique qui est réservée à une élite, la musique d’une certaine manière aussi, mais le cinéma encore pire, c’est encore plus fermé. Dans ce sens là, tu comprends que c’est quelque chose de peu accessible aux gens qui aimeraient se servir de cet outil. Le cinéma ce n’est pas évident, le mec qui a le plus de volonté possible peut vite être découragé. C’est pour ça que je dis que Rabah a beaucoup de mérite, pas parce que c’est mon pote.

A : Et au niveau des retours que vous avez eu, vous êtes satisfaits ?

Madj : Par rapport aux spectateurs ou à la presse, apparemment le film a été apprécié dans sa globalité. Je pense qu’il amène quelque chose qui n’était pas du tout amené dans le cinéma français et dans les limites qui sont les siennes, parce que c’est un film qui est sorti dans trente salles. Un film français normal sort dans 200, 250 salles donc c’est loin tout ça. Du point de vue du retour, je pense que c’est un film qui fera date et j’ai pas peur de me tromper ne disant ça. Je ne veux pas non plus être prétentieux en disant que ce sera peut-être un film culte.

A : Par rapport aux problèmes de diffusion, c’est la même chose pour le rap, surtout pour les groupes de province par rapport à Paris. Globalement, au niveau de l’artistique la diffusion c’est le premier problème ?

Madj : Faut toujours être dans les gros réseaux si tu veux être distribué. Je pense que demain dans le marché du disque, notamment du rap, ça va devenir un vrai problème parce qu’au jour d’aujourd’hui si tu es en autoproduction sans distributeur, tu ne rentres pas dans les FNAC. Enfin ce ne sera pas un problème mais un paramètre avec lequel il va falloir compter, ça va devenir plus difficile…

A : « Wesh wesh » c’était une expérience unique ou tu envisages de réécrire des scénarios ?

Madj : Ca a été une histoire humaine, d’amitié, on a été porté par une dynamique. C’est quelque chose qui pourrait se renouveler mais je n’ai rien en tête. Mais ça me brancherait bien de repartir dans un truc comme ça, peut-être pas dans ce genre d’histoire.

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