Focus…
Interview

Focus…

Fils d’un célèbre bassiste, Bernard Edwards Jr. a.k.a. Focus… (points de suspension inclus) vit dans la musique depuis tout jeune. Mais c’est depuis que Dr. Dre l’a signé sur sa structure Aftermath que ce producteur de 36 ans fait vraiment parler de lui. Au lendemain d’une session studio pour son album solo, l’arme secrète de l’Abcdr a pu interviewer celui qui, avec Hi-Tek ou Nottz, représente le son Aftermath.

et

Abcdr du Son : Je ne pense pas que tout le monde te connaisse : peux-tu te présenter rapidement ?

Focus… : Je m’appelle Focus…, je suis producteur au sein d’Aftermath. Ça va faire bientôt six ans que je suis dans le game et mon but est de créer ma propre légende.

A : Tu viens d’une famille où la musique a toujours eu son importance. As-tu toujours voulu devenir musicien ou est ce que tu as été forcé ?

F : Oui et ça depuis que je suis petit. J’ai toujours voulu faire parti de cette industrie. Mon père était bassiste et chanteur dans un groupe qui s’appelait CHIC. Il a écrit beaucoup de tubes en compagnie de Nile Rodgers. Il a travaillé avec beaucoup de monde : Rod Stewart, Diana Ross, les Jackson et encore plein d’autres. Je voulais vraiment lui ressembler quand j’ai commencé à produire. C’est mon idole.

A : Il est mort dans sa chambre d’hôtel suite à une pneumonie après un dernier concert. Qu’à t il appris de plus important dans la vie et dans la musique ?

F : J’ai beaucoup appris de lui en le regardant faire. J’ai appris combien c’était dur d’entrer dans cette industrie et d’y rester. Mes frères, mes sœurs et moi, le regardions jouer des instruments et on essayait de faire les mêmes choses tout seul, dans notre coin. J’ai appris la basse, la guitare en autodidacte et j’ai pris des leçons de batterie et de piano. Mais l’instrument que je maîtrise le mieux à l’heure actuel reste le piano.

A : Pourquoi as tu décidé de faire du hip hop plutôt que juste jouer de la basse dans un groupe ?

F : J’ai toujours voulu devenir un producteur et je ne voulais pas faire la même chose que mon père. Et les producteurs ont toujours le dernier mot [rires].

A : Penses-tu que les lignes de basses sur tes sons sont spéciales du fait de ton éducation musicale ?

F : Le fait que mon père soit bassiste m’a énormément aidé pour les lignes de basses. J’aime le son des vrais instruments de musique, pas ceux des instruments électroniques. Tu ne peux pas vraiment sampler une basse car tu n’auras jamais la même qualité de son si un bassiste la joue à coté de toi. C’est pourquoi j’utilise beaucoup d’instrumentation dans mes sons.

A : Quelles étaient tes premières influences ?

F : Mon père bien sûr, Prince parce qu’il jouait beaucoup d’instruments, Quincy Jones et Dre car c’est un perfectionniste dans tout ce qu’il fait. Dre m’influence encore beaucoup. Ce que j’aime chez lui c’est la dimension de ses sons : elle est énorme ! Je pense que c’est ce qui différencie Aftermath des autres labels, on a notre propre son et tout le monde est capable de le reconnaître.

A : Tu es né à New York mais tu as fini par bouger sur Los Angeles. Qu’est ce qui t’as motivé à prendre cette décision ?

F : Je voulais être indépendant et pouvoir devenir celui que je voulais être sans avoir à porter le poids de l’hérédité sur mes épaules. Je ne voulais pas être le fils à papa qui réussit dans la musique grâce à lui. Pour ça, il a donc fallu que je parte loin de New York et Los Angeles m’a semblé être une bonne destination.

A : Quelles étaient tes premières impressions sur la scène locale quand tu es arrivé là-bas ?

F : Tous les gens qui arrivent ici pour la première fois sont excités par la ville. Tu croises beaucoup de célébrités dans les rues, il ne fait jamais froid et la musique ici est vraiment bonne. J’ai toujours aimé la scène musicale de Los Angeles et ça a donc était très facile pour moi de venir vivre ici.

A : Toute la nouvelle scène « La New West » semble très unie, comparée à celle de New York. Est-ce que cela t’aide pour te développer d’un point de vue personnel ?

F : Ce qui est magnifique dans « La New West » c’est qu’il y a beaucoup d’artistes de la nouvelle génération qui font de la très bonne musique et qui ramènent un nouveau son pour la West Coast. Je pense être la personne qui produit ce nouveau son et je contribue donc beaucoup au mouvement. Il est clair qu’évoluer dans un tel environnement est bénéfique pour tout le monde.

A : Aujourd’hui tu vis à Atlanta. Est-ce que cette ville t’influence ?

F : J’aime la ville et les gens qui y habitent mais je n’aime pas la musique qui en sort. La musique y est devenue tellement simple et minimaliste que c’est presque impossible pour moi de l’écouter. Plus je vieillis et plus ce style de musique m’insupporte. Mais je respecte la musique des producteurs de la vieille école comme Lil’ Jon et Jazze Pha.

A : Penses tu que tes origines East Coast se ressentent dans tes sons ?

F : Toujours, je suis de New York à la base, et mon influence New Yorkaise peut se ressentir dans mes caisses dans leurs manières de taper, elles sont très aggressives.

A : Comment décrirais-tu ton son ?

F : Une description basique de mon son serait de dire qu’il a une influence de l’Est, avec un mix de la West et un zest de Sud [rires].

A : Quand tu fais le point par rapport à ton travail il y a deux, quatre ou six ans, quelles sont les évolutions qui te semblent les plus importantes dans ta façon de faire de la musique ?

F : J’ai mûri dans ma manière de faire mes beats et je suis plus à l’aise dans mon son. Je me suis trouvé un son et je sais maintenant ce que les gens attendent de moi quand ils veulent des productions. Je sais quelles caisses utiliser et quel(s) piano(s). Sans jeu de mot : « I’m a lot more Focused now ! » [rires].

A : Te rappelles tu le jour où tu as signé sur Aftermath ?

F : Bien sûr ! En fait, j’avais commencé à bosser pour Dre un an avant de signer le deal. Il aimait ce que je faisais et voulait me signer sur son label. Je suis allé en studio à Los Angeles et il était là en studio (je crois qu’il bossait sur le premier 50 Cent) avec Eminem. Il m’a pris à part pour me dire que mon travail lui plaisait et qu’il voulait m’intégrer à son équipe. La seule chose qu’il m’a demandée c’est de travailler. Je lui ai dis que j’étais prêt et quelques instants plus tard j’étais en studio.

A : Pourquoi Dre t’a t il signé à ton avis ?

F : Je ne peux pas vraiment te dire mais je pense qu’il a vu le potentiel en moi et quelque chose dont même moi je n’avais pas conscience à ce moment là. Il savait dès le début que mon son prendrait une autre dimension avec le temps.

A : As-tu eu et as-tu encore de la pression en travaillant avec lui ?

F : Chaque putain de jour [rires] ! C’est très difficile de satisfaire un perfectionniste. C’est la définition même du perfectionniste, il peut passer des heures à mixer un charley, une caisse ou a essayé de nouvelles mélodies. Mais c’est une bonne chose car cela nous permet de rester à l’affût et de toujours vouloir se surpasser.

A : As-tu déjà travaillé avec lui sur un même son ?

F : On a travaillé sur ce son qui ne sortira sûrement jamais, c’était un jour où l’on était en studio, Dre, Mike Elizondo et moi. Mais je n’ai jamais plus travailler en studio avec lui après ce jour-là.

A : Même pour les beats que tu vas avoir sur « Detox » ?

F : [rires] N’essaye pas de me soutirer des informations classées confidentielles ! Pour l’instant je n’ai pas de beat sur Detox mais j’y travaille en ce moment.

A : Quel est le meilleur conseil que tu as appris en travaillant avec lui ?

F : D’être moi-même ! Il m’a dit que s’il m’a signé c’est pour que je reste moi-même.

A : De nombreux producteurs affiliés à Aftermath ont en commun la simplicité de leurs arrangements sonores (je pense à Hi-Tek et ‘Runnin », Scott Storch et ta prod pour ‘Live by the gun’ de Tony Yayo). Peut-on parler d’une influence, d’un enseignement de Dre ou d’une simple coïncidence ?

F : C’est définitivement l’influence que Dre peut avoir sur nous. Je pense que nous sommes tous signé sur Aftermath du fait que nous sommes similaires. Je ne parle pas de notre son mais de notre approche du son. Nous n’avons pas peur de tenter des nouvelles choses et d’amener la musique encore plus loin. Je crois que c’est un trait de caractère que nous avons tous en commun.

A : Il y a une vidéo qui circule sur le net où tu fais un beat et où l’on te voit utiliser un sample. Est-ce que le sample fait encore partie intégrante de ton travail ?

F : Oui mais je n’utilise pas une boucle ou tout le sample : quand j’écoute un disque, je cherche la partie du morceau ou le son qui pourrait le mieux être transformé en beat hip-hop et je m’en inspire.

A : Que recherches tu quand tu diggues ?

F : Les cordes que je préfères en musique sont les cordes mineures car elles sont plus claires et tu peux ajouter des notes plus facilement par-dessus. Je recherche celles qui vont bien sonner à mon oreille.

A : As-tu déjà travaillé avec un orchestre ?

F : Non mais j’aimerais bien… En vérité j’aimerais pouvoir écrire un opéra dans ma vie.

A : Jusqu’où aimerais tu emmener ton son dans les années à venir ?

F : Je sais très bien que je n’ai pas encore fait mes meilleurs beats mais j’aimerais pouvoir me retrouver dans la même position que Dre : sortir mon « Chronic » qui me permettrait d’être au top et y rester.

A : Peux tu nous parler de ta structure A Fam ?

F : Je suis en train de chercher des artistes afin de faire mon écurie. Pour l’instant, nous avons signé un artiste qui s’appelle Epic. Je vais être aussi un artiste sur ce label et je travaille actuellement sur mon album qui s’appelle Dedicated. Il y aussi une rappeuse avec laquelle je travaille qui s’appelle Peeps. Il y aussi ce gars d’Armsterdam que j’aimerais signé. Il s’appelle Probz, et il est très talentueux. Il rappe en néerlandais et en anglais mais je pense qu’il a un gros potentiel en anglais.

A : Tu parlais de ton album « Dedicated » il y a quelques minutes. Peux tu nous en dire plus ?

F : Il y aura Busta Rhymes & Q-Tip sur le premier single. J’ai des morceaux avec Chino XL, Bishop Lamont, Stat Quo et Ya Boy. Je suis en train de finir un morceau avec Kool G Rap et Scarface. Il va y avoir beaucoup de monde dessus, ça va être comme un grand show et si vraiment tout le monde répond présent le show sera exceptionnel.

A : Vas-tu le sortir sur Aftermath ?

F : Non ce ne sera pas A Fam / Aftermath mais plutôt A Fam / Tout ceux qui pourraient être intéressés [rires].

A : Vas-tu seulement être derrière les machines ?

F : Non, je rappe sur pratiquement tous les morceaux de l’album ! Ca fait depuis que j’ai 13 ans que je rappe, au début j’écrivais n’importe quoi et ça ne voulait pas dire grand-chose mais je me suis amélioré avec le temps.

A : Avec quels producteurs aimerais tu travailler ?

F : Je vais sûrement tout produire sur « Dedicated » mais si j’étais amené à travailler sur mon deuxième album j’aimerais travailler avec des gens comme Denaun Porter, DJ Khalil, DJ Premier et bien sûr Dre.

A : Dans tes fantaisies les plus grandes, quel serait le morceau idéal que tu pourrais produire ?

F : Eminem & Dre. Si je devais me fier à mon son en ce moment, je dirais eux deux car ce sont des personnes qui n’ont pas peur de sortir des sentiers battus et de se surpasser. Ils n’ont pas besoin de faire des sons formatés radio et peuvent tout se permettre.

A : Y’a-t-il un beat que tu aurais aimé produire dans ta vie ?

F : Chaque beat qui a été premier dans les charts ! [rires]. J’aimerais être le producteur numéro 1. C’est un de mes souhaits.

A : Tu fais partie de letmehearitmusic.com. Peux tu nous en dire plus ?

F : Bishop & Damizza donnent aux jeunes une grande opportunité de pouvoir être entendu par des gens de l’industrie, que ce soit des rappeurs, des producteurs (comme moi) ou encore des personnes travaillant dans des labels. Beaucoup de jeunes veulent réussir dans la musique parce qu’ils voient les belles filles, les belles voitures, l’argent et les bijoux. Mais ils ne savent pas combien il est difficile d’entrer là dedans. Ils s’en foutent de l’école et veulent réussir dans la musique sans des fois avoir les moyens pour. C’est pourquoi Bishop & Damizza ont crée ce site, pour donner une chance à tout le monde mais aussi pour juger qui a les moyens et qui ne les a pas.

A : A propos de tous ces jeunes producteurs, tu penses quoi de la nouvelle génération qui fait des beats sur ordinateur ?

F : Il n’y en a pour qui je ne peux rien dire car ils font vraiment des choses étonnantes et qui plus est de qualité. Même un gars comme DJ Khalil, qui est un de mes producteurs préférés, travaille avec Reason et ajoute de l’instrumentation par la suite.

A : Oui mais Khalil c’est un vieux de la vieille, il bossait sur ASR 10 avant…

F : Exactement, on vient tous de loin avant d’atteindre le niveau que l’on a aujourd’hui et c’est ce que je veux dire quand je dis que les jeunes ne respectent plus rien. Avec internet, ils peuvent même télécharger des boucles toutes faîtes, ils la mettent ensuite dans leur logiciel et font un beat en 2 minutes. Tu ne peux pas dire que tu es un producteur quand tu fais ça !

A : Aimerais tu avoir la même position que Dre a eu pour toi dans le futur ?

F : Bien sûr ! D’ailleurs j’aide déjà à mon niveau quelques producteurs qui je sens, ont un grand potentiel. Mais c’est vrai que j’aimerais pouvoir les signer sur une grosse structure et avoir un rôle de mentor pour eux. Je travaille actuellement avec un producteur qui s’appelle Fabe et qui vient d’Atlanta. Pour l’instant j’essaye de lui montrer combien le fait de jouer des instruments est important et l’obligé à un peu moins sampler.

A : Quels sont tes projets à venir ?

F : Je termine l’album de Chino XL qui s’appelle The Secret, je viens juste de terminer de bosser avec Bishop Lamont dont l’album devrait sortir début d’année prochaine, je vais bientôt terminer mon album, je vais commencer a faire des beats pour Detox et à travailler sur une bande originale de film.

A : Tu as bossé avec pas mal d’artistes au niveau international. En France tu as produis des morceaux pour la Fouine, as-tu eu la chance de travailler avec lui où est ce que ça c’est fait que par échange de session Pro Tools ?

F : C’était une des meilleures expériences dans ma vie. La Fouine et ses associés se sont assurés que je puisse venir en France afin de créer des sons qui étaient entièrement nouveaux et qui correspondaient à l’ambiance que recherchait La Fouine.

Il y a beaucoup d’artistes qui me demandent des beats et je ne peux pas me dupliquer. Les sessions pro tools nous arrangent dans ce cas là mais il est vrai que la plus part du temps, je préfère être en studio avec l’artiste pour comprendre sa vision et lui donner la mienne aussi.

A : Tu t’appelles le VRAI Focus, qui est le faux ?

Si tu vas sur Myspace, tu tapes Focus dans rechercher, et tu verras qui sont tous les faux ! [rires]

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