DJ Pone, parcours d’un performer
Interview

DJ Pone, parcours d’un performer

Benjamin du Double H dans les années 90, DJ Pone débarquait avec l’étiquette du jeune virtuose des platines. Mais ça ne lui a jamais suffi. Voilà pourquoi des championnats à Birdy Nam Nam, d’Opération Freestyle aux Svinkels, de DJ Damage à Ed Banger, cet entretien est rempli de mots-clefs et de noms propres.

« Here comes a new challenger ». A la façon des annonces formulées par les bornes d’arcade, c’est le sentiment général quand DJ Pone débarque, à peine majeur, sur les plateaux des championnats de DJ et dans les studios des mythiques émissions de Nova. Skills aiguisés, culture rap underground, une facette un peu punk, une autre beaucoup graffiti, Thomas Parent de son vrai nom rentrera finalement dans ce qui à l’époque, était une dream team à la française : Le Double H. De là, des rencontres en cascade, des chances qui se sont crées et qui ont été saisies, et une furieuse envie de fonctionner en équipe. Résultat ? A chaque fois, un nouveau level de franchi. A la lumière de ce parcours, on se dit que finalement, il y a deux catégories de DJs : ceux qui scratchent et produisent pour le rap français et ceux qui scratchent et produisent avec le rap français. Depuis 20 ans dans tous les rounds, Pone est définitivement de la seconde catégorie. Entretien.


Abcdrduson.com : DJ Pone, quels ont été tes premiers contacts avec le rap ? Est-ce via l’émission radio que faisait DJ Damage, sur une radio locale de Meaux, ville où tu as grandi ?

DJ Pone : Mon premier contact avec le rap, c’est Beastie Boys. Un pote avait ramené une cassette audio appartenant à son frère. Dessus il y avait du Anthrax, du Guns, du Run DMC et Beastie Boys. J’accroche tout de suite aux Beastie. Un peu au même moment, je ne sais plus trop si c’était juste avant ou juste après, un pote avait Abracadaboum de Bérurier Noir. Je me retrouve un peu entre tout ça et j’y trouve mon compte. Puis il y a effectivement cette radio locale à Meaux, RM7, avec l’émission de JD et Damage, Rap Slam. Ils ramenaient les nouveautés de Paris, voire même de l’étranger et là je découvre Cypress, Funkdoobiest, House of Pain et tous ces trucs-là. Un soir, un groupe de rap passe là-bas, et je connaissais leur DJ. J’ai passé la journée avec lui, je l’ai vu scratcher et ça m’avait super impressionné. Puis j’ai gagné un concours organisé par la radio, et du coup je me retrouve à aller à l’émission de Damage. Je le rencontre et je finis par atterrir chez JD. Je le vois scratcher et tout de suite, je sais que c’est ce que je veux faire. Ça commence comme ça, tout de suite ça a été… [Il fait le son de quelqu’un d’estomaqué, NDLR] Coup de foudre !

A : Ton premier contact avec les platines, c’est vraiment l’aspect performer donc ?

DJ P : Oui, c’est vraiment le scratch, le délire technique. DJ Damage me montre une vidéo du Rock Steady DJs en 1992 [Crew de DJs légendaire et originel, branche du Rock Steady Crew, et composé de Q-Bert, DJ Apollo et Mix Master Mike, NDLR] et je prends une claque de fou. À la même époque, je vois Crazy B, Faster Jay et Kamel en équipe [Il fait référence à Alliance Etnik, NDLR]. Crazy B scratche en mettant le doigt sur sa cellule, j’hallucine complètement. Quand je suis rentré dans le DJing, c’était vraiment pour le truc technique, le scratch, les figures. J’étais traumatisé par ce truc-là.

A : Tu n’étais pas exactement sur Paris mais à Meaux. Tu étais jeune. Comment faisais-tu pour les disques ? Quel a été ton premier matos ?

DJ P : Ma première table c’était une ETP, un truc tout pourri sur lequel j’ai bien trafiqué le cut avec des petites punaises pour que la course soit plus courte. C’est chez Damage que j’avais vu cette astuce. La platine, pareil, une ETP à courroie prêtée par Laurent, un pote ancien tagueur. La platine de droite, celle où je passe les instrus puisque je scratche avec la main gauche, c’est celle de mon père, une Marantz à bras automatique. Et les instrus, c’est « Bouge de là » de Solaar en 45 tours et un son dans « Groove is in the Heart » de Deee-Lite. C’est comme ça que tout débute.

A : Les disques, tu les obtiens comment ?

DJ P : Au début, j’ai ceux que m’avait filé mon père, donc Nightclubbing de Grace Jones, mais ce n’est pas du tout ce que je scratche. Mes premiers trucs de rap, c’est Damage qui me les ramène. Ça devait être le remix de Funkdoobiest par DJ Muggs, The Funkiest, et Insane in The Brain de Cypress Hill. Je pense que ce sont les deux premiers vinyles qui m’arrivent, probablement ramenés de chez LTD. Après, dès que j’avais un peu de thunes, je montais sur Paris avec Damage ou avec Laurent. Je suis jeune, pas majeur, j’habite à 50 bornes de Paris, tu ne descends pas à Paris comme ça. Je crois qu’en fait, j’ai surtout la chance de rencontrer un mec comme Damage, qui a dix ans de plus que moi, qui me laisse dormir chez lui, me prête des disques, me montre des vidéos. Très très vite, il m’aide à avoir une table, une MK2.

A : C’est sûrement plus à lui que la question devrait être posée, mais il sent le potentiel chez toi, la motivation aussi ?

DJ P : Je pense qu’il voit que je suis motivé parce que je ne m’arrête pas de scratcher. Je ne fais que ça toute la journée, je ne sors pas, ne fume pas, ne bois pas, du moins à l’époque [Rires]. Je suis jeune et je n’ai pas du tout les mêmes activités que les mecs de mon âge. Je reste vraiment enfermé chez moi à ne faire que ça. Donc oui, très vite il voit que je suis au moins super chaud sur le truc. Mais il y avait aussi d’autres jeunes qui scratchaient à la même époque. J’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes, qui m’ont bien placé, et de tomber au bon moment. Techniquement, j’étais motivé, chaud, mais il y avait des gars de mon âge aussi bons que moi, si ce n’est meilleurs. Après, la chance tu te la crées aussi, mais ces rencontres m’ont beaucoup aidé. Je suis monté très rapidement sur des championnats. Le premier auquel je participe, c’est en 1996, en équipe avec Damage qui me le propose alors que j’ai à peine deux ou trois ans de platine derrière-moi. Je ne sais pas si je suis vraiment prêt psychologiquement, mais après ça s’enchaîne vite.

« Mes premiers scratchs, c’est sur l’instru de « Bouge de là » en 45 tours avec un son dans « Groove is in the Heart » de Deee-Lite. C’est comme ça que tout commence. »

A : Dans le DVD qu’avait sorti Cut Killer pour les dix ans du Cut Killer Show, on te voit tout jeune avec l’équipe dans les studios de Nova. Comment te retrouves-tu là-bas ?

DJ P :  En 1995 je rencontre Crazy B au championnat de France. Damage me le présente. Un an plus tard, on se recroise aux championnats du monde à Londres. Je suis un gamin qui scratche, et là je me retrouve au même endroit que Q-Bert et Mix Master Mike, avec qui je me fais prendre en photo. C’était mortel. J’y fais les compétitions en équipe pour la première fois. En 1997, je commence les compétitions tout seul. Je finis troisième, battu en battle par Crazy B. De toute façon, ce jour-là il bat tout le monde. En 1998, toujours en compétition, je me retrouve en finale contre Crazy B. Mais en demi-finale, je bats Cut. Je suis super jeune donc ça fait tout un truc sur Paris et c’est comme ça que je le rencontre vraiment. Peu après, il décide d’élargir le Double H. À l’époque, le Double H c’est Cut, Abdel, LBR, Dee Nasty et Crazy B. Crazy B est un vieux pote de Lilian [DJ Damage, NDLR], donc il le ramène… avec moi ! Cut ramène Cutee B, Abdel ramène Mouss, bref, c’est comme ça que le crew s’élargit. On fait l’album Double H, et il y a aussi Opération Freestyle ! Tout ça se mélange, même dans mes souvenirs. Avec la tournée Opération Freestyle, je rencontre 113, qui ont également mon âge, Oxmo, Duke, Al, Adil, Doudou Masta… Le truc se fait un peu comme ça, au fil des tournées, des compétitions. Au final, les deux vrais tournants, ça a été les compétitions et Opération Freestyle, où je rencontre aussi Fabe et Koma. Je deviens le DJ officiel de Fabe, donc par extension le DJ de Scred Connexion. De 1997 à 1999, c’est un peu là où tout se joue en fait.

A : Tu étais le plus jeune du Double H. Sans le côté péjoratif du terme, t’es-tu senti chaperonné ?

DJ P : Chaperonné, non. Au sein du Double H, chaque DJ n’était pas sur le même créneau. Cut et Abdel étaient monstrueusement connus, c’était énorme pour eux à l’époque. Nous, on était dans l’équipe mais on n’était pas sur les mêmes terrains. Moi j’étais vraiment un DJ de championnat. À l’époque des compétitions, c’était Mouss, Crazy B et moi. Chacun gérait son truc. Après m’emmener sur Opération Freestyle ou la tournée des Lords of the Underground, bien sûr c’était un coup de pouce de dingue. Mais Cut n’est pas du genre à te mettre en avant sans raisons. Il fallait bosser et le mériter, il fallait les skills pour gérer. Donc non, on ne m’a pas chaperonné. Par contre, oui, ils m’ont mis le pied à l’étrier, Damage particulièrement. Mais ce sont les rencontres qui font ça. Quand on a fondé le Skratch Action Hiro avec Mouss et Crazy B, c’était vraiment parce que c’était notre créneau. Tous les trois on est techniquement là et on s’apporte des choses.

A : Dans le même documentaire, LBR insiste sur l’idée d’unité derrière le Double H, montrer qu’il est possible d’être uni.

DJ P : Oui, dans l’idée c’est un peu ça. Mais dans les faits c’est très dur de se réunir et de construire vraiment un truc. Bon, on construit quand même l’album Double H, tant bien que mal on arrive à le faire et ce disque est une très belle réussite mine de rien. Mais par exemple, pour illustrer ce que je disais juste avant, un mec comme LBR, c’est un gars qui est capable de mixer de 22h à 7h du matin, tenir la soirée tout seul en passant par tous les styles et de retourner l’histoire. Ça c’est un truc super difficile à faire. Il était beaucoup plus mainstream que les autres, mais il savait le faire et il le faisait très bien. Abdel était plus sur le R&B, Cut c’était Cut, et moi j’étais plus sur le hip-hop underground et les compétitions. Cutee B c’était déjà un énorme producteur. Lui, c’est le plus discret de tous, mais à l’époque, en prod’, c’était le plus fort ! Chacun avait vraiment son petit truc, c’était un peu une dream-team où personne ne pouvait se bouffer parce que personne n’était sur le même créneau, personne ne faisait les mêmes mixtapes ni les mêmes soirées. On se soutenait, c’était cool. Mais c’était il y a plus de quinze piges. Peut-être que s’il y avait eu internet, Facebook, Soundcloud, il y aurait eu un vrai soutien technique. Mais là c’était difficile, à part se dire « oui bravo, t’as fait un bon set« , tu étais vite limité. À l’époque tu te donnes pas des sons avec une clef USB, tes lives ne sont pas en ligne et disponibles dans l’heure qui suit. Chacun apportait sa pierre à l’édifice comme il le pouvait.

A : Tout ça t’arrive très jeune. Je suppose qu’il y a un côté rêve, mais en même temps, parfois, as-tu eu l’impression que ça allait un peu vite, d’être dépassé ?

DJ P : Non. Ma carrière est faite de plein de belles choses, mais financièrement, quasiment rien ne se passe pour moi. Même si je gagne un peu ma vie, je reste dans un truc complètement normal. Je ne deviens pas subitement une DJ Star. Je ne me retrouve pas du jour au lendemain à gagner plein de pognon avec des bagnoles et des appartements. Ça ne m’est pas arrivé et ça ne m’arrive toujours pas, même si j’ai la chance d’en vivre. Je suis toujours resté sur mon créneau. Par exemple, c’est à l’époque du Double H que je rencontre les Svinkels et que je pars avec eux. J’avais 100 000 choix avec beaucoup d’autres groupes de rap. Mais je décide de partir avec eux car ça me parle et c’est mon univers. En plus, je suis très attaché à mes potes, et je ne sors pas dans les boites de nuit. Je suis plutôt à me foutre des races dans des bars et à être dans une ambiance kepon-graffiti plutôt que dans un hip-hop plus bling-bling. Aujourd’hui je ne suis déjà pas là-dedans, mais à l’époque je l’étais encore moins. Quand tout ça m’arrive, j’ai une vingtaine d’année et tout ce qui m’intéresse c’est de faire la teuf à la cool. Je rencontre les Svink, je m’entends très bien avec eux, et je peux te dire que ce qu’on a vécu ou fréquenté comme milieux, ça n’a rien à voir [Rires].

A : Avant les Svinkels, tu enregistres La Rage de Dire, le dernier album de Fabe. Tu es le DJ de cet album, qui est mixé de bout en bout, comme une mixtape.

DJ P : [Il coupe] Oui, c’est le premier.

A : Cette volonté, c’est parce que l’album sort chez Double H ?

DJ P : C’était surtout une volonté de Befa.

A : Dans le livret, il y a un gros tampon « Support your Disc Jokey ».

DJ P : À l’époque, pour le travail que ça avait été, l’intention, et le résultat qui était unique, je trouvais que cet aspect du disque n’avait pas été mis assez en avant.

A : Tu parles en termes de promo ou même de réalisation ?

DJ P : En promo. Ça aurait dû être un peu plus appuyé. Pas en terme d’égo, mais le résultat est tout de même particulier. Je trouve ça con qu’on n’ait pas plus mis en avant cet aspect du disque. Tu vois, quasiment personne ne sait que c’est moi qui ai mixé La Rage de Dire !

A : Comment se passe cette étape de l’album ? Tu récupères le paquet et tu fais le boulot avec un cahier des charges, ou tu es plus libre, tu interviens vraiment dans la conception ?

DJ P : Je récupère les vinyles. Mais je l’ai fait avec Fabe qui est quelqu’un qui fait bien attention à tout. Il est carré Befa… [Il laisse un silence, NDLR]

A : Tu ne veux pas trop en dire-là.

DJ P : Non ! [Rires] Je le fais avec Befa. J’étais quand même un gamin, c’était son skeud, même si j’avais mes idées ou quoi. C’était beaucoup de travail et c’était difficile à réaliser jusqu’au bout mais on l’a quand même fait.

A : Bon souvenir ?

DJ P : Bonne expérience oui. De toute façon, de toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé, je n’ai aucun mauvais souvenir.

A : On a reçu Cut Killer récemment. Il nous disait s’apprêter à sortir La Rage de Dire quand Fabe décide d’arrêter. Et à ce moment-là, Fabe décide de ne pas participer à la promo du disque.

DJ P : Oui.

A : Tu es pris par surprise ? Tu t’y attendais ? T’étais aussi la DJ de la Scred Connexion à l’époque.

DJ P : Ça se passe avec tout le monde. Il dit qu’il en a marre, qu’il arrête. Je me prends la tête avec lui au téléphone, on se raccroche au nez. C’était il y a quinze piges, on ne s’est plus jamais eu au téléphone depuis. Il a choisi son chemin, chacun fait ses choix et ce qu’il veut de sa vie. Mais c’est sûr que tu passes subitement à autre chose. Et encore, Scred Connexion continue, donc finalement, je ne passe pas non plus de tout à rien. Après, il a pris une décision, et c’est comme ça. Ça restera le grand point d’interrogation du rap français.

A : Tu n’as pas eu l’impression d’avoir l’herbe coupée sous le pied ?

DJ P : Non. Malheureusement, la dernière fois qu’on s’est parlé, c’était pour se prendre la tête pour un truc sur lequel on n’était pas d’accord. C’est plutôt triste de finir comme ça. Mais j’étais aussi avec les Svink, je me demande si je n’avais pas déjà rencontré Triptik, j’avais un projet qui s’appelait Scenario Rock que j’ai quitté plus tard… J’étais sur d’autres trucs. C’était triste parce qu’on avait vécu de bons moments, mais je savais que je ne serais pas le DJ de Befa ou de la Scred toute ma vie. Il n’y a pas longtemps, on s’est vus avec Koma et ça reste ma grande première expérience de tournée. J’ai appris beaucoup de choses avec eux ! Parce qu’eux aussi [La Scred Connexion, NDLR], ils sont carrés !

A : Justement, qu’apprends-tu ?

DJ P : La rigueur ! Tu apprends comment construire un show. Fabe avait beaucoup d’idées, Koma aussi. C’était ma première tournée, tu apprends à construire les entrées sur scène, à interagir avec le public. Tout ça m’a servi ensuite, entre autres avec les Svinkels.

« Avec les Svinkels, j’ai l’occasion de devenir le DJ que je rêve d’être, c’est à dire d’être DJ derrière des rappeurs un peu foufous, d’être un Mix Master Mike derrière des Beastie français. »

A : Jusqu’à ces tournées avec Fabe et la Scred, tu étais un DJ performer, un scratcher. Comment abordes-tu le fait de devenir un DJ de groupe ? Tu découvres une autre facette du métier ?

DJ P : Je découvre une partie du DJing qui me fait kiffer aussi ! C’est mortel d’être derrière des rappeurs, et à la limite, le côté technique, ils en sont demandeurs, c’est plutôt cool pour eux. Ils se retrouvent avec un gars qui sait mixer les skeuds, peut faire des scratchs, arrêter les beats, scratcher des caisses claires, bref, donner encore un peu plus de vie à leur son et à leurs concerts.

En plus, quand je rencontre les Svink, au-delà du fait qu’on s’entende bien parce qu’on a un peu le même attrait sur la picole et toutes ces merdes, je rencontre mes Beastie Boys en fait ! Avec moi aux platines hyper technique, il y a quand même un arrière-goût de Beastie Boys & Mix Master Mike. C’est exactement à cette époque-là.

A : Puisque t’en parles, on va s’arrêter sur les Beastie maintenant… Tout à l’heure, tu parlais d’eux comme de ta première claque. Peux-tu confirmer l’album ?

DJ P : Licensed to Ill !

A : Avant Mix Master Mike, ils n’avaient pas de DJ attitré, même si Hurricane a beaucoup gravité autour du groupe.

DJ P : Beastie Boys, c’est les trois MCs. Hurricane je ne l’ai jamais compté dedans. Enfin, je n’y faisais pas attention. Mix Master, c’est différent. C’est le dieu vivant du DJing, et d’un coup, il devient le DJ du groupe de ma vie. [N’en revenant toujours pas] Mix Master Mike devient DJ des Beastie Boys ! C’est un peu comme quand Octagon prend Q-Bert pour faire ses scratchs. C’était l’addition à laquelle je n’aurais jamais pensé. Même si je m’attendais à plus que ça et qu’il y a quand même 3 MCs and One DJ qui est un morceau dingue, je me dis que c’est normal. Les Beastie sont intelligents. Ils prennent l’un des meilleurs DJs et c’est super judicieux de leur part de faire appel à lui.

D’ailleurs, Nikus Pokus [Des Svinkels, NDLR], je le rencontre en 1998 devant l’Olympia quand les Beastie Boys font leur tournée Hello Nasty, la première avec Mix Master Mike. Nikus me dit qu’il cherche un DJ, on décide de se voir la semaine suivante, et voilà ! Au moment où il me dit « on cherche un DJ », c’est déjà fait en fait. L’un et l’autre, au fond de nous, on sait déjà que ce sera moi. Et après, je trouve l’occasion avec eux d’être le DJ que je rêve d’être, c’est à dire d’être DJ derrière des rappeurs un peu foufous, d’être un Mix Master Mike derrière des Beastie français. C’est évident que ça résonnait. Les gens n’étaient pas fous.

A : Lors de Dirty Centre, sans la renier, les Svinkels essayaient tout de même un peu de la pousser cette étiquette de Beastie. Ça a été leur dernier album d’ailleurs.

DJ P : Je pense qu’ils n’avaient plus les mêmes idées ni la même façon de voir la musique. Je pense que Dirty Centre ne reflète pas une envie commune.

A : C’est un mauvais compromis tu penses ?

DJ P : Je pense oui. Ce n’est pas la carte que j’aurais joué. Pour moi, l’album des Svink’, ça devait être un truc qui avait les qualités de Licensed to Ill, c’est à dire un onze titres avec des refrains qui écrasent tout. Malgré l’infarctus que Gérard Baste a fait à la sortie de Générations un soir avec Triptik [Pendant la tournée de Bons pour l’Asile, l’album précédent, NDLR], on a tout de même pu revenir après. Et quand t’écoutes Bons Pour l’Asile, je me dis qu’en fait c’est un album de fou. Il n’y a rien à jeter, ce disque est exceptionnel. Les prods sont dingues, les textes sont géniaux, les thèmes sont mortels, et je ne dis pas ça parce que c’était mon groupe, j’ai fait trois scratchs sur cet album. Je trouve juste ce disque exceptionnel. C’est leur Check your Head, c’est la perfection, tout y est. C’est parfait pour moi.

A : Check your Head est ton album préféré des Beastie Boys ?

DJ P : Oui. Et Bons pour l’Asile est parfait. Enfin, ce n’est jamais parfait mais il est trop chant-mé. Avec les Svinkels, je crois qu’il y a eu un problème de timing. Quand les gens étaient prêts à entendre Bons pour l’Asile, les Svink’ étaient déjà sur un autre truc. Et en même temps, tu n’as pas envie de faire « Réveille le Punk » [Morceau le plus connu des Svinkels, NDLR] toute ta vie. Mais ça reste un des plus grands moments de ma carrière, c’était génial et plein de rigolades.

A : Les tournées justement, ça se passait comment ?

DJ P : Sur scène on est carrés. Je pense que les gens imaginent qu’on arrivait complètement bourrés, mais les fois où on est montés sur scène bourrés, je peux les compter sur une seule main. Ça a dû arriver peut-être deux ou trois fois. Jamais on n’est montés sur scène déglingués. Chauds peut-être, mais jamais déglingués. On a toujours donné vachement d’importance au live et toujours fait super attention à ce qu’on faisait. On s’est mis des races après les concerts, évidemment, mais ça va, faut pas non plus fantasmer. Crois-moi, on ne se la collait pas plus qu’une partie de notre public ou de certaines personnes qu’on pouvait rencontrer quand on était sur scène ! Il y avait de l’image aussi, il ne faut pas se mentir, mais une chose est sûre, on s’est bien amusés.

A : Le morceau « Mon Public c’est des Cons » [Où les Svinkels racontent leur public dans tous ses excès, NDLR], c’est du vécu justement ?

DJ P : Quasiment oui. Je ne me rappelle plus de toutes les phases du morceau, mais je pense qu’il n’y en a aucune d’inventée. Les mecs qui te demandent de ne jouer que « Réveille le Punk », c’est vrai. Les mecs qui te demandent des K7 audio alors que t’es en 2006, c’est vrai. Il y a plein de trucs qui sont vrais. Mais c’est une déclaration d’amour ce morceau. Les mecs en concert qui nous traitaient de cons, généralement, c’était eux qui faisaient les trucs les plus abusés [Rires]. Ça reste de la rigolade. Avec les Svink’, on est parti du Gambetta [Bar à côté de la Flèche d’Or, NDLR] où il y a 40 personnes dont 39 potes à nous, et on finit avec des Bataclan, des Elysée Montmartre, les Eurockéennes de Belfort Scène 1. C’est ça aussi qui était mortel. On est partis de rien, et on est allés au plus haut qu’on a pu.

A : À l’époque tu travailles également avec Triptik.

DJ P : Je les rencontre au Double H… En fait, c’est marrant, tu me poses plein de questions et je m’aperçois à quel point tout est arrivé en même temps. Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai fait pour que rien ne se court-circuite. Triptik je les rencontre au Double H. J’arrive, ils sont là, en train d’enregistrer la mixtape avec Cut. Ce jour-là, il y a aussi Salif et Freko qui sont présents. J’arrive alors que les Svink viennent de me déposer pas loin, je débarque, et boum, je tombe sur cette équipe. On se dit bonjour, j’hallucine, tout le monde est rébou [Rires]. Ça passe tout de suite bien, c’est cool, et puis la suite de l’histoire, c’est pareil : à un moment ils ont besoin d’un DJ, et le truc se fait, naturellement. Là, j’entre encore dans un nouveau truc, une autre dimension rap, avec un public plus rap que les Svinkels mais qui en même temps est moins street que celui de la Scred par exemple. En plus, Dabaaz et Black’Boul sont deux rappeurs différents, mais techniquement très très forts. On monte un show qui techniquement est encore au-dessus de celui des Svinkels, parce que les Triptik ont des morceaux moins puissants en termes d’énergie, et que du coup, techniquement, on appuie avec un rythme de dingue. Je me souviens, il y avait ça de disques à enchaîner pour les concerts [Avec ses mains, il représente une pile de vinyle de bien 40cm, NDLR]. Le show qu’on avait aux platines avec Triptik, il était sérieux, très sérieux. Et pareil, Triptik c’est comme Svinkels : énormément de répétitions, jamais de conneries avant de monter sur scène, et une façon de travailler très carrée.

A : Avec Triptik et Svinkels, mais aussi TTC, DSL et d’autres, vous faites le projet Qhuit tous ensemble…

DJ P : [Il coupe, semblant ne pas encore en revenir] Ah ouais, c’est fou ça. TTC, Triptik, Svinkels, les trois groupes et moi qui dormons dans un truc en Bretagne, à l’arrache. Les enregistrements se passent vites et biens, et surtout, il y a ce concert exceptionnel, en Bretagne, gratuit, avec 3h de show durant lesquelles les trois groupes font chacun deux sets d’une demi-heure. Moi je fais évidemment les sets de Triptik et de Svinkels.

A : Sur le disque Qhuit tu rappes…

DJ P : [Rires] C’était ma journée hip-hop. Le matin j’avais été faire un graff, j’ai évidemment posé des scratchs, et il ne manquait plus que je fasse un moulin et que je péra. Ils enregistraient, on picolait, je faisais des impros un peu nases, et d’un coup Black’Boul me dit « Putain, vas-y faut que t’écrives« . Tekilatex renchérit, ça les fait tous rire. Je me mets à écrire et ils me disent « Pose !« . Je l’ai fait, avec Tekilatex, Black’Boul et Cuizinier qui sont tous là en train de m’encourager alors que je fais mon couplet à la con. Et comme le projet était débile, avec une ambiance copain et tout, c’est passé comme une lettre à la poste.

A : Tu es également présent sur le second et dernier album d’Alliance Etnik.

DJ P : Oui. Il y a Crazy B et Faster Jay. Ce sont mes potes. GUTS aussi. Kamel je le connaissais moins mais on s’entendait bien. Crazy B voulait faire un morceau de scratch sur le disque. On était son équipe, on l’a fait, bien sûr. Et puis Alliance Etnik, on peut dire ce qu’on veut, à un moment donné ils ont de très beaux morceaux dans leurs disques. Moi c’était mes potes. Ils ont cartonné il y a 20 ans et voilà, c’est pas pire que certains trucs. Je te dirais pas que c’était mon groupe préféré, bien sûr que non, mais c’était pas Manau non plus. C’était très bien produit. Sur le deuxième album tu as un morceau avec Common Sense, il tue ce track ! Je l’adore.

A : Il y a également Rim-K et le 113, que tu côtoies dès la tournée Opération Freestyle.

DJ P : Ouais, Rim-K n’est pas un ami intime, on ne s’appelle pas tous les jours mais on se connaît bien. 113 et moi, on se rencontre à un moment décisif dans nos carrières respectives. Eux, c’était juste avant Princes de la Ville, qui est le truc qui a changé leur vie. C’est tout de même un des plus grands albums de rap français. Rim-K a un an de plus que moi, AP a mon âge, ce sont quasiment nos premières tournées et ce n’est que des bons souvenirs. Avec Rim-K, on s’est vus récemment, et on est toujours super contents de se voir. Ça fait tout de même 15 ans qu’on se connaît, qu’on se croise.

A : Tu viens de dire que Princes de la Ville est l’un des plus grands albums de rap français. Quand tu les vois recevoir les victoires de la musique, tu te dis quoi ?

DJ P : Je me dis que c’est mortel. C’était trop bien. J’avais eu la chance d’écouter les maquettes de « Réservoir Drogues » et « Hold-Up » avant que ça sorte, au studio de Cut. Je l’ai regardé et je lui ai dit : [Avec un ton subjugué] « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? » C’était un OVNI le disque ! C’était trop mortel. Et un morceau comme « Tonton du Bled », tu le joues encore aujourd’hui, et tu as toute la salle qui chante les paroles.

A : Tu apparais sur l’album de Casseurs Flowters. Tu as récemment annoncé que tu serais de leur tournée. Dans une interview, tu expliquais avoir rencontré il y a quelques années Orelsan avec les Svinkels, et que vous vous étiez dit « Lui c’est un bon ! »

DJ P : [Rires] C’est Gérard [Baste, NDLR] qui disait ça ! On jouait à Caen et il faisait notre première partie, tout simplement. Je ne le connaissais pas, Gérard le connaissait déjà, et il m’avait prévenu : « C’est un bon ! » [Rires]. Depuis, je connais bien Orelsan parce que j’ai fait un remix de ces morceaux pour une opération de Reebok. On s’est vus pour ça, on s’est revus ensuite. Il m’a pris une prod pour leur album, j’ai également fait des scratchs, et un jour, il a du faire un plateau télé avec Gringe et ils cherchaient un DJ. Ça c’est fait. Je m’entends hyper bien avec eux et effectivement, je serai avec eux sur leur tournée. Naturel quoi !

« La première fois que je vais à Nova et que je scratche sur une instru de Gang Starr, LBR dit à l’antenne : « DJ Pone au contrôle de Nova ce soir ». Je n’oublierai jamais ce moment. »

A : On revient un peu en arrière. Tu racontais au début de l’entretien que tu avais accroché au rap via les émissions de Damage. Tu as fait Bumrush sur Skyrock, Duo de Choc avec Fabe. Quelle est la place de la radio dans ta vie d’auditeur de rap, mais aussi dans ta carrière ?

DJ P : Je rentre dans la culture DJ par la radio. J’écoute toutes les émissions de Damage et JD, je les enregistre sur K7. Le média radio, quand j’étais jeune, c’était un moment très important pour moi. Je mettais la fréquence, c’était un rituel d’écouter cette émission et toutes les autres. L’émission de Cut sur Nova, Clyde et Joey Starr… Et justement, la première fois que je vais à Nova et où je fais les scratchs sur l’instru de Gang Starr, c’est l’émission de Cut et de LBR, et là, LBR dit à l’antenne : « DJ Pone au contrôle de Nova ce soir. Ce moment je ne l’oublierai jamais. À l’âge que j’avais, vu l’importance qu’avait la radio pour moi, ça m’a énormément touché. Je me suis dit : « Putain, je suis à Nova bordel ! Je m’en souviendrai toute ma vie.

A : Une émission comme Bumrush, comment la prépares-tu ?

DJ P : Cut donne le créneau et nous dit que c’est sans pub et qu’on fait ce qu’on veut. Le mardi, avant l’émission, ce n’est pas compliqué : je vais acheter des disques ou on nous en donne selon les cas, parce qu’on fait de la pub pour le truc, etc. J’essaie de les chopper en double parce que je les retourne en passe-passe. J’arrive à l’émission, j’ouvre les disques en sachant ce que c’est, et hop, je les joue. Moi, c’est zéro préparation, live de chez live, et j’essaie de donner mon style. Chacun avait son créneau, son type de son, de prod’. C’était notre rendez-vous de minuit à quatre heures, des fois en étant un peu fatigués, des fois avec des moments d’anthologie. Quand le premier maxi de Lunatic sort après la sortie de prison de Booba, ils arrivent à l’émission de Cut, grosse équipe et tout, ça a super bien rappé, c’est un super souvenir. Quand il y a eu Mafia K’1 Fry, pareil, tu ne peux pas oublier des moments comme ça. Dans la cabine voix tu as Kery, Demon, et toute la Mafia K’1 Fry est là en équipe, ils sont trente. Tu passes aussi des soirées avec des cainris. Quand Lords of the Underground se pointe, tu t’en souviens toute ta vie. RZA pareil, il était venu et il est resté avec nous jusqu’à 5h du matin à boire des jus d’orange et discuter avec tout le monde. Scred Connexion passe aussi. On ne tournait plus ensemble mais évidemment c’est des retrouvailles. Je mets les instrus pour eux… Non, c’était mortel avec tous ces freestyles, ces gens qui passaient. C’était live, c’était Hip-Hop ! Et parallèlement, j’avais aussi Duo de Choc avec Fabe.

A : Justement, là aussi, comment prépariez-vous ?

DJ P : Au début, on faisait l’émission chez lui pour que ce soit vraiment bien carré. Au fur et à mesure, on s’est mis à la faire en live à la radio. C’était cool. On prenait les skeuds ensemble, même si sur les trucs de rap cé-fran, c’est Befa qui choisissait. Il faisait gaffe aux textes. Il est bien précis dans ce qu’il veut Befa. Et après il y a aussi eu avec JR Ewing !

A : Oui, les Narcotic Brothers. JR est vraiment de l’ancienne école tout en étant l’antithèse du Zulu. C’est vraiment le digger, le mec qui connaît parfaitement son sujet, mais pas le plus grand technicien du monde aux platines. Et toi, t’es de la « jeune génération » par rapport à lui, et très axé scratch.

DJ P : JR disait toujours : « À tous les deux, on forme le DJ parfait ! Moi j’ai les sélections et toi t’as la technique » [Rires]. Les deux mixtapes qu’on a faites ensemble, elles sont quasi live et assez sévères. Je les ai réécoutés récemment, et je me suis dit : « ah pas mal quand même ! » Quand je pense à la rencontre avec JR, encore une fois, je me dis que les trucs sont tellement liés : Texaco avait sa structure de distribution et un jour JR est là. Il y avait une promo avec un skeud de Prodigy qui venait d’arriver [Il chantonne Keep It Thoro, NDLR]. Il n’y avait que JR qui l’avait ! On s’était déjà croisés une fois et il s’était rendu compte que je faisais du graffiti, des métros. On en avait parlé et c’était un peu le jeune vandale qui rencontre OENO la légende. Là on se revoit chez Texaco, et je ne sais plus comment, on décide de faire une tape. On se nomme les Narcotic Brothers, on fait quelques soirées, les Grands Chelems, et c’est devenu un super pote. Il est très intelligent, très drôle, très cultivé, il m’a apporté beaucoup de choses. Quand tu vas chez lui, il te fait toujours écouter des trucs que tu ne connais pas, te parle de plein d’autres trucs aussi, de films et d’autres. J’ai passé des super moments avec lui. De temps en temps, je venais mixer à son émission Pour tes Oreilles, où Armeni Blanco tenait le micro.

Mais voilà, encore pareil. Quand je faisais Duo de Choc, on passait juste après l’émission de Lion Scott qui est le frère de Joey, et il y avait un mec à l’ancienne des CP5 que je connaissais bien. Il y avait les connexions du graffiti, les connexions du son, plein de choses en fait. J’avais des potes graffeurs qui connaissaient OENO mais qui n’avaient rien à voir avec telle ou telle personne. Tout ça c’est des ramifications. Mais c’est vrai que si je devais te dessiner une pieuvre des gens que je connais, qui eux-mêmes connaissent des gens, ça serait assez infini, mais pas si complexe que ça au final. Mais on se voit tous encore au final, et ça c’est qui est cool ! Tu te rends compte que tout est lié en fait, tout le monde se connaissait, se croisait. Et puis il y avait Cut Killer qui lui était au centre de beaucoup de connexions avec beaucoup de gens.

A : La disparition des émissions spécialisées en radio. Tu l’attribues à quoi, et tu le vis comment ?

DJ P : Je ne sais pas. On est en partie responsables. Bumrush à la fin, j’en avais marre d’y aller. Ça a duré 4 ou 5 ans quand même ! En fait, je n’ai pas de souvenirs d’un moment où on serait venus nous voir et nous dire « Les mecs, c’est fini ». J’ai le souvenir de trucs qui s’éteignent, je n’ai vécu que des extinctions, jamais un arrêt brutal qui te bouffe. Par exemple, avec les Svink’, il y a eu un moment où j’ai senti que ça me correspondait moins. J’étais avec Birdy Nam Nam, j’en avais marre de gueuler « Cereal Killer » [Morceau des Svinkels, NDLR] avec des bières à la main, j’étais moins sur le disque d’après… Triptik pareil. Les trucs se sont faits naturellement.

A : Enfin, quand les émissions spécialisées s’arrêtent, ce n’est pas que la lassitude tout de même.

DJ P : Non, et ça reste tout de même un moment de ta vie important. Bumrush c’est un truc où tu te retrouves. J’avais tous mes potes qui venaient souvent. C’était l’endroit où tu venais fumer des oinjs, boire des bières et écouter du pera. Mais y a un moment où ça passe. Maintenant je refais une émission sur Rinse.fr [Webradio, NDLR]. Je le fais un mardi sur deux avec mon pote DVNO. Et je kiffe !

A : Dans ta carrière, tu as fait pas mal de mixtapes en équipe, beaucoup moins en solo. Pourquoi ?

DJ P : Les tapes, il fallait de l’argent pour les financer, ce que je n’avais pas forcément à l’époque. Et puis je pense que je n’étais pas assez underground, ni assez commercial. J’étais entre les deux, plus sur quelque chose à la Beat Junkies. La Rawkus, les Homework j’ai kiffé les faire, je me suis pris la tête, mais après c’était beaucoup de travail alors que ça ne vendait pas grand-chose. Et puis j’avais la radio ! La mixtape, c’était plus un échappatoire, alors que les émissions, mine de rien, c’était presque une mixtape chaque semaine en direct. Mais c’est vrai que je n’ai pas fait beaucoup de mixtapes en solo. Je n’avais pas forcément le matos pour les faire, je devais les enregistrer chez quelqu’un, techniquement je n’étais pas très indépendant à l’époque. Pas du tout même ! Je n’avais pas les programmes, je n’étais pas un tueur à gage du multipistes, je n’avais pas ça chez moi. Et puis j’étais avec les Svink’, dans les compet’, je faisais déjà mes trucs.

A : Après les groupes de rap, les compétitions, les émissions radio, il y a l’aventure Bidry Nam Nam, prolongation de Skratch Action Hiro.

DJ P : On est tous dans Skratch Action Hiro et on se resserre tous les quatre autour de Birdy Nam Nam avec Faster Jay qui nous donne l’impulsion de faire un disque. Ce premier album, c’est un vrai concept qui n’a été réalisé que deux fois auparavant, une fois par Ricci Rucker et Mike Boo, une fois par D-Styles. On est les trois seuls « groupes » à avoir fait un disque uniquement et entièrement avec des platines et des vinyles. Pour la performance et le résultat, je pense qu’on s’en est très bien sortis.

A : Est-ce que tu penses qu’avec ce disque, vous avez définitivement « démocratisé » la Scratch Music ?

DJ P : C’est moi qui le dis donc ça va faire un peu gonflé, mais je pense qu’on a été le premier groupe a avoir amené la Scratch Music aussi haut en terme de live. Des Vieilles Charrues, des Eurockéennes, un Zénith complet… Après il y a eu C2C mais ça n’a rien à voir. On était le premier groupe a amener le truc à ce niveau. D-Styles a fait des lives, mais ça restait hyper confidentiel, dans des salles comme le Nouveau Casino ou Le Batofar. On les a faites aussi ces salles d’ailleurs, mais à un moment donné il y a eu un vrai engouement pour le groupe qui était dû à nos performances live. C’est monté très très haut, je pense qu’on a décomplexé le truc. On a sûrement dû ouvrir des portes. Mais aujourd’hui, mixer avec des platines vinyles, c’est un peu obsolète.

A : Justement, ça ne t’a jamais manqué ça ? Tu regrettes ou pas du tout ?

DJ P : Non ! Quand je vais mixer en soirée, j’ai mon Serato et tout, mais j’ai des clefs USB. Si ça décolle je mixe avec mes clefs. J’ai déjà fait des soirées entières comme ça. Quand à un moment donné, t’as le setup qui est ce qu’il est et qu’il faut que tu ramènes tes platines et tout ton bordel, il faut s’adapter. C’est aussi ça être DJ ! Des fois, mixer avec des clefs USB ça me fait kiffer. Et puis pour moi, Serato, c’est du vinyle, c’est la même chose. Donc pour te répondre, non ça ne me manque pas de porter mes bacs et abîmer mes vinyles. Puis tout l’aspect cérémonial, sortir tes disques du bac, les enchaîner, les reposer, ce n’est pas comme si je ne l’avais pas vécu. Je l’ai subi aussi, en terme de poids, d’abimer les choses, de déménagement… Honnêtement, quand tu déménages et que t’as autant de disques – et je ne suis pas celui qui en a le plus – je peux te dire que c’est un grand moment de souffrance. Puis techniquement, rester sur un délire « jouer avec mes skeuds et pas avec Serato« , c’est une folie. Quand tu vois comment tu peux amener ton mix encore plus loin avec les moyens d’aujourd’hui ! Je ne regrette rien. Je m’adapte à la technique et je trouve ça très bien.

A : D-Styles est présent sur le premier album de Birdy Nam Nam. Phantazmagoera est un peu un disque fondateur.

DJ P : Oui, il y a celui-là et Sketchbook de Ricci Rucker et Mike Boo. Ricci Rucker qui est d’ailleurs le mec qui chante sur les trucs de Breakbot, Ruckazoid ! C’est incroyable. Sur la snippet que j’ai faite pour Eratic Impulses [Son EP fraîchement sorti chez Ed Banger Records, NDLR], l’intro c’est l’intro de mon émission de radio à l’ancienne, et derrière le sample c’est un truc de Mike Boo et Ricci Rucker, et sur Twitter il m’a dit : « Incroyable, comment t’as pu retrouver ce truc ? » [Rires]. C’était ma référence. Le truc de D-Styles, c’est un album fondateur, mais hyper sombre. D’ailleurs, le morceau avec eux sur le premier album de Birdy s’appelle « Un Cauchemard dans Mon Placard »… Nous la différence avec eux, c’est qu’on fait un album peut-être un peu plus abordable. C’est aussi ça qui fonctionne.

A : L’illustration de ça, ne serait-ce pas un titre comme « Abbesses » ?

DJ P : Oui, ou d’autres morceaux aussi. Les gens n’ont retenu qu' »Abbesses » mais il y a plein d’autres très beaux morceaux.  Nous « Abbesses » on l’avait mis à la fin du disque [Rires].

A : Vous ne le voyez pas venir ce morceau ?

DJ P : Il n’est jamais sorti en single. Nous quand on fait le disque… Le seul souci qu’on a eu, c’est qu’on nous a vachement collé une étiquette assez jazzy, mais finalement, on a fait l’album chez Crazy B, avec ses disques. Il a beaucoup de disques de jazz, mais on aurait pu le faire avec du jazz ou du rock, on en aurait eu rien à foutre en fait ! Nous, c’était juste d’arriver à faire de la musique avec des platines, rien que ça on était contents ! Attraper un sample de sax ou une mélodie, l’envoyer, hop, ralentir le disque, s’accorder, et être là : « vas-y on enregistre ! Rien n’était réfléchi. C’était un laboratoire. On prenait des piles de skeud et on essayait tout ce qui nous passait par la tête.

« Aujourd’hui, j’ai 36 ans, quand je faisais des compétitions, j’en avais 20. C’est un peu comme te parler de mes années de judo. »

A : Lil’ Mike était le jeunot de l’aventure. As-tu parfois vu en lui ce qui t’étais arrivé 10 ans plus tôt ? 

DJ P : Mike a été vite très très fort en scratch. Il me foutait la pile grave. Denis [DJ Need] pareil. Ils étaient techniquement plus forts que Nico [Crazy B, NDLR] et moi. On était au début d’un truc mais je ne pense pas que ce soit comparable avec ce que j’ai vécu. Birdy Nam Nam ça restait un truc petit, underground. Ce n’était pas cette espèce de machine de guerre à la Cut Killer de l’époque.

A : Ça a bien tourné tout de même !

DJ P : Oui mais au début ce n’était pas comme ça. On n’était pas sur un truc hip-hop. Des festivals ou des scènes hip-hop, on en a finalement fait très peu avec Birdy Nam Nam. On a été très rapidement au milieu de tout.

A : Le disque a été accueilli et relayé par beaucoup de médias généralistes, qui ne parlaient d’ailleurs jamais de Scratch Music ou Turntablism. Mais quel a été le retour de vos confrères DJs ?

DJ P : À l’époque, il y a le blog de DJ Need. Et cette époque, c’est le début des haters sur internet [A ce sujet, voir l’interview donnée par DJ Pone sur le site revuerayonfrais.fr, NDLR]. Nous, on est la cible numéro 1 des haters, même avant Birdy Nam Nam, parce qu’on gagne les compétitions et compagnie. Une partie des turntablists vont nous cracher à la gueule, et une autre partie va nous dire que c’est super. Le retour est bon et mitigé à la fois, mais nous on s’en fout, on continue à avancer et finalement le truc grossit. On fait de plus en plus de scènes et finalement, le public turntablist, c’est celui qui est le moins-là et qui disparaît très vite. Le public n’a plus rien à voir avec le turntablism, et quelque part c’est logique car le premier album de Birdy Nam Nam n’est pas technique pour le plaisir de faire de la technique. Sur scène c’est pareil, on ne vient pas pour faire une démonstration de technique. On n’en avait rien à foutre, on voulait faire un truc musical. Il y avait trois écoles en fait : ceux qui disaient que ce n’était pas assez technique, ceux qui disaient que c’était carrément de la merde, et ceux qui disaient que c’était bien. Mais pour les puristes, on était quand même une bonne cible ouais, je pense qu’on leur faisait un peu mal à la tête. Et après, quand on est passé à des trucs un peu plus électro, qu’on s’est mis à utiliser des pads et à ne plus tout faire aux platines… là, c’était satanique ce qu’on avait fait ! On avait souillé le truc ! Mais ces mecs, ils te chient dessus, sauf qu’une fois que tu les croises, c’est eux qui chient dans leur froc. Et toi, tout ce que t’as envie de leur dire c’est : « Et toi, où t’as emmené le truc ? Grâce à qui ta grand-mère a vu 4 mecs faire de la musique avec des platines et des vinyles ? Est-ce que c’est grâce à toi dans ta chambre à nous saloper ? » [Rires]. Ça date maintenant tout ça !

A : Quand on en discute avec des DJs, on se rend compte que le milieu a l’air plus dur qu’il n’y parait, particulièrement les compétitions. Il y a même parfois des victoires contestées.

DJ P : Moi une fois je gagne et je ne mérite pas de gagner. Seulement, quand ils m’annoncent vainqueur, je prends le micro et je le dis. C’est la seule fois où ça m’arrive. Et des compétitions truquées, ça n’existe pas, c’est faux. Que ce soit les juges ou Wilfried [Wilfried de Baise, représentant des DMC en France, NDLR], il y a trop de personnes intègres pour se dire qu’ils vont faire gagner telle ou telle personne. Après, c’est des histoires de sensibilité. Quand t’as un mec qui passe et que tu as ses cinquante potes qui hurlent à la race dès qu’il fait quelque chose et qui sifflent et insultent tous les autres DJs – je n’ai pas besoin de citer de nom ils savent très bien de qui on parle – forcément quand il y a les résultats et que ce n’est pas le mec pour qui tous les potes ont hurlé qui gagne, on va te dire que ce n’est pas normal, que c’est truqué etc. Moi en tous cas, j’ai été très content de sortir des périodes de compétitions. Personnellement, je trouvais que c’était très mauvais esprit. Beaucoup de sifflets, beaucoup d’insultes, beaucoup de pression et je pense que ce n’était pas quelque chose d’utile. Je peux en parler puisque je l’ai subi ! Quand tu te fais siffler et insulter comme un porc au moment où tu vas commencer, pour moi c’est tricher, c’est mettre quelqu’un dans des conditions très difficiles. C’est déjà très dur une compét’ : t’es tout seul, t’as la pétoche, c’est un moment important pour toi. Les sifflets, les insultes, je ne les ai pas très bien vécus. Ça te fait vite perdre tes moyens et je trouvais que ce n’était pas très cool. Je ne garde pas un super souvenir de mes années de championnat de DJ. J’ai gagné, eu de très belles victoires, surtout en 2000 et il y en a aucune qui a été volée. En 2001, je gagne et Trouble finit deuxième. Techniquement, j’avais vraiment foiré mon show mais je passe à un juge près. Perso, je ne comprends pas pourquoi je gagne, selon moi je ne méritais vraiment pas de gagner ce jour-là, mais un juge a préféré mon truc au sien parce que j’avais fait un final plus impressionnant. Est-ce que pour autant ça a changé ma vie ou la sienne ? Je ne crois pas. En tous cas, ça n’a pas été une journée très agréable. Mais c’est il y a tellement longtemps… J’avais une vingtaine d’années, c’est un peu comme si je te parlais de mes années de judo ! J’ai fait des compets, des fois j’ai gagné, des fois j’ai perdu, des fois ça a été extraordinaire, des fois ça a été horrible et puis voilà. C’est un bon souvenir parce que ça m’a apporté beaucoup de choses, mais au final ce que je préfère c’est le bagage que ça m’a laissé qui me permet aujourd’hui de faire des démos hyper impressionnantes pendant les concerts où les gens hallucinent parce que tu fais plein de trucs, et là, il n’y a plus la pression de l’enjeu. Ça m’a vraiment laissé un bagage technique cool pour les soirées, les démos… La compétition en elle-même, je n’aimais pas trop ça.

A : Mais tout de même, ce sont des endroits où tu rencontres plein d’autres Djs, où des plans ou des figures techniques explosent au grand jour.

DJ P : [Très enthousiaste] Ah oui, ça carrément ! Attends, là quand je parlais de mauvais esprit, que ce soit clair, je parlais en France. À un moment il y a eu des mauvaises vibes. Mais les championnats du monde, c’est autre chose ! C’est là où je rencontre Craze, Plus-One, A-Trak, Klever… Je rencontre des types que je surkiffe, des gens comme DJ Noize… Dj Craze on se voit encore, je l’ai vu récemment aux Etats-Unis, et on se souvient qu’il y a douze ans on était l’un contre l’autre en championnat du monde. À chaque fois que j’ai été aux championnats du monde de toute façon, j’avais aucune chance… Quand tu tombes face à un gars comme Craze, c’est facile : tu sais déjà que tu as perdu ! C’était des super expériences les championnats du monde. Et en même temps, même si j’ai trouvé qu’à un moment, il y a eu des mauvaises vibes en France, quand je gagne en 2000 à Lille, c’est une victoire dont je me rappelerai toute ma vie. C’est une époque que j’oublie pas, mais qui est loin derrière-moi. Tu vois aujourd’hui, je ne sais même pas qui est champion du monde. Je suis passé à autre chose.

A : Cette année, tu as sorti un EP, chez Ed Banger. La connexion était une évidence, parce que tu les connais depuis longtemps, parce que Pedro t’avais dit : « Si un jour tu sors quelque chose, pense à bibi » comme tu l’as rapporté dans plusieurs entretiens ?

DJ P : Oui. Je connais Pedro Winter depuis très longtemps. Ed Banger c’est une équipe de producteurs que je connais bien, j’étais au collège avec So Me, Justice sont des potes, DSL je les connais depuis que j’ai été avec les Svinkels, donc ce ne sont que des gens que je connais depuis longtemps et avec qui ça l’a toujours fait. Je n’avais pas forcément le projet de sortir un EP mais j’avais en tête de sortir quelque chose d’un peu hybride, avec du hip-hop de l’électro, un long mix. J’en ai parlé à Pedro qui m’a dit : « Non mais moi je suis chaud, d’accord, mais vas-y fais un EP, fais un 4 titres« . OK vas-y roule ! Et puis il me l’avait dit déjà auparavant que j’étais le bienvenue. Mon truc n’était pas orienté dancefloor, je voulais faire un truc qui pouvait juste être un EP et qui n’est pas obligatoirement le truc que tu dois jouer en soirée, même si à la fin ça part un peu techno. Le but premier c’était de faire une première approche. Et ça me semblait évident que Pedro ne me dirait jamais : « Ce n’est pas assez dancefloor ! »

A : Est-ce une fausse ou une vraie impression que de se dire aujourd’hui que le Hip-Hop a perdu le leadership sur le Djing, qu’aujourd’hui, c’est plus tenu et poussé par l’électro ?

DJ P : Je ne sais pas. Moi j’ai toujours baigné dans plein de trucs différents. Il y a aussi eu un mouvement, où un moment c’est une musique électronique assez puissante qui a plu. Ça a drainé beaucoup de monde. Ça semblait assez logique. Mais en ce moment, j’aurai plutôt tendance à dire que le mouvement s’inverse. Sur mes sets je joue beaucoup de rap, de l’électro aussi, mais je mélange un peu tout, je ne fais pas que des sets électro. Et je refais aussi des trucs uniquement rap. Avec Para One on a fait deux All Night Long strictly hip-hop. Je joue bientôt en Martinique, je ne vais y jouer que du rap, de la trap et du dancehall. Si on me demande de faire une soirée que rap, je le fais avec plaisir, que rap oldschool je vais le faire avec encore plus de plaisir. Là je remélange beaucoup, mais je pense que le public accepte mieux les soirées où il se passe plein de trucs différents.

A : C’est plus ouvert ?

DJ P : Oui.

A : Je t’ai lu être aussi très élogieux avec la nouvelle génération de rappeur.

DJ P : Oui, ils sont bluffants. Ce n’est pas forcément la technique, bien qu’il y ait du niveau et que ce soit influencé par un rap que j’ai adoré. Mais c’est surtout leur énergie, le soutien qu’ils ont entre eux, et surtout, ils sont de leur époque, avec un vrai truc de comm’ complètement naturel et super soudé. Je suis bluffé par des mecs comme L’Entourage. Déjà les mecs je les trouve chant-més, ils sont super cools, je m’entends bien avec eux et puis c’est normal, c’est une nouvelle génération, j’ai fait des scratches pour eux. Je me suis lié d’amitié avec certains et c’est cool, ça me fait kiffer en fait. Je reviens un peu sur des trucs rap, et je me réinteresse un peu à tout ça.

A : Tu avais arrêté de t’y intéresser ?

DJ P : À un moment ça ne me parlait plus trop. J’ai un peu fait un blocage. Et là je reviens sur du rap cainri aussi. Il y a beaucoup de choses tu sais. Entre toute la musique que j’ai envie d’écouter, de télécharger et que j’ai envie de jouer… Il y a aussi l’âge, la famille, qui fait que j’ai peut-être aussi moins de temps à consacrer à aller sur des blogs tous les jours. Parfois je me sens un peu débordé, mais je m’en sors quand même au final.

A : Récemment, dans un entretien chez Tsugi, tu disais avoir mis vachement de temps à être confiant dans tes productions. Là tu sors cet EP que tu produis toi-même. À partir de quel moment as-tu commencé à prendre confiance dans tes productions, et dans quelle mesure peut-on comparer le travail nécessaire pour devenir un très bon DJ au travail nécessaire pour devenir un très bon producteur ?

DJ P : C’est la même chose. Si tu taffes toute la journée et tous les jours, comme un fou, tu vas progresser de ouf. La différence entre un producteur comme Para One et moi, c’est que Para One, il a commencé à faire des prods quand moi j’ai commencé à faire des scratchs. Quand t’écoutes ses prods et quand t’écoutes les miennes, la différence est tellement monstrueuse ! [Rires] Un mec comme Para One est exceptionnel, mais ça fait 15 ans qui fait de la prod, tous les jours, ça ne tombe pas du ciel. Et vu qu’en plus il a un talent monstrueux… Ce qui est sûr, c’est qu’il faut bosser. Je suis meilleur en prod que je ne l’étais l’année dernière, même si je suis encore un peu frileux sur des trucs.

A :  Et tu l’as eu quand le déclic, quand tu t’es dit : « Ca y’est je suis prêt à sortir des prods » ?

DJ P : [Sourire] Je ne me sens toujours pas prêt.

A : Alors, à quel moment t’es-tu dit « On va essayer d’y aller » ?

DJ P : Quand on me l’a dit ! Quand on te dit : « Mais c’est bien, ça sonne bien, tu devrais« . J’aime bien bosser des gens, avec quelqu’un comme Didaï par exemple. Je n’ai pas confiance sur les mixes, je préfère que quelqu’un les fasse à ma place. Je demande toujours des conseils et tout, j’aime bien travailler en équipe.

A : Pour terminer, est-ce qu’il y a un disque qui fut pour toi un graal, une galette que tu as poursuivi ou qui représentait beaucoup ?

DJ P : Salute Me, un maxi de Nas. Ce track est sur aucun album de Nas et il est tellement véner… C’est un missile ! Je n’ai jamais compris pourquoi il n’avait jamais été sur un album. Ce maxi, l’original en vinyle, il n’y en a pas eu beaucoup sur Paris ! Je sais qui l’a eu sur Paris : JR Ewing évidemment [Rires]. Il y a aussi dû avoir Duke, GoldFinger, Poska. Celui-là, lors de sa sortie, à l’époque, sur Paris il y en avait eu cinq et c’est ceux qui faisaient beaucoup de radio qui l’ont récupéré, ce qui est complètement normal. Mais pour celui-là, ça m’a fait mal quand même !

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