Chronique

Turf Talk
West Coast Vaccine (The Cure)

30-30/Sick wid it - 2007

A Vallejo, California, le rap est en grande partie une affaire de famille. Pas n’importe laquelle. Celle de Earl Stivens aka E-40, pilier de la Bay Area depuis le début des années 90. Il présente pour la première fois les talents familiaux en créant le groupe The Click formé de son cousin B-Legit, sa sœur Suga T et son frère D-Shot qui auront quasiment tous des carrières solo très remplies. Mac Mall, autre acteur important de la Bay, un des acolytes de la légende Mac Dre est un cousin lui aussi. Le premier album de The Click « Down ‘n Dirty » est la première pierre et figure en hommage sur la cover de « West Coast Vaccine », le nouvel opus de Turf Talk. Lui aussi en fait partie. Un autre cousin qui se rapproche de la musique après un parcours exemplaire pour faire du rap : la vente de substances, les embrouilles de gang, les altercations avec la police, la Rue. Son premier album « The Street Novelist » sorti en 2004 sur Sick wid it, le label légendaire de son cousin, est considéré comme un classique du mouvement Hyphy. Turf Talk en devient alors un des fers de lance aux côtés de Keak da Sneak, The Federation ou encore Mistah F.A.B.

Le nouvel album de Turf Talk résume toute cette histoire. L’énergie actuelle de la Bay, des sideshows et autre ‘ »go dumb ! » couplée aux écoutes répétées des classiques de Too $hort, Spice One et leur Dangerous Crew et bien sûr de sa famille comme Mac Mall et E-40. Il en ressort une grande cohérence avec des sonorités assez variées. La plus grande partie est bien sûr 100% Hyphy avec un architecte incontournable de ce son : Rick Rock. La superstar fait honneur à sa réputation avec des beats archiviolents puant la sueur, le stripclub et la débilité extrême. Super large sur les basses et les breaks de batteries synthétiques à mort, le but est évident : exploser les boomers, faire des cascades éculées et rendre complètement dingue tous les jeunes en hoodies bariolés et stunna glasses blanches. Tout le style de vie Hyphy est retranscrit dans le travail de Rick Rock. Il est le véritable organisateur de cette énergie idiote et libératrice. Et l’alchimie avec Turf Talk est totale sur des tracks comme le court et urgent ‘Bring the base back’, le déjà single ‘I got chips’, le surbrûlant ‘I’m Ghetto’ ou encore le duo extasié ‘X’ avec l’ex-Luniz, Yukmouth. Parmi les autres invités microphoniques, on retrouve bien sûr les très bons cousins E-40 ou B-Legit sur pas mal de très bons morceaux mais aussi, ce qui est plus surprenant, la voix éraillée de l’autoroute déglinguée de Philly, Freeway pour un track assez irréel et bien foutu ainsi que l’inévitable légende Too $hort qui devient quasi indispensable à n’importe quelle sortie de la Bay. Entre tous ces flingueurs, Turf Talk creuse son trou sans aucun problème. Il n’est clairement pas un lyriciste de folie plein de slang ou de néologismes comme peut l’être E-40 mais sa versatilité, sa voix modulable mais toujours reconnaissable et  son nombre incalculable de styles en font un MC super agréable à suivre. Preuve est faite avec la combinaison très réussie sur ‘Popo’s’ où Forty et Turf croisent le verbe sur un même pattern avec brio et endurance. Un des tracks les plus frais.

C’est d’ailleurs là où cet album est une véritable réussite. Les bangers sont des bangers bien sûr, le Hyphy coule à pur jus pour que tu puisses danser à côté de ta caisse pendant qu’elle est conduite par un fantôme. Mais ces hits exceptés, on se retrouve avec des tracks plutôt classiques, une très bonne approche due en grande partie au taf du jeune Droop-E (qui, je vous le donne en mille, n’est autre que le fils de E-40… La famille, je vous dis !) avec des beats très variés entre guitare saturée, rythmiques synthétiques et boucles de soul. Ca faisait longtemps aussi qu’on n’avait pas entendu autant de scratchs ou d’hommages old-mid school comme la très bonne réminiscence electro ‘Sick wid’it is the crew’, ‘Intro’, le bien senti ‘LA’ ou le golden age ‘Back in the day’. Turf Talk se place avec un album beaucoup plus large qu’une rayonnance régionale. Le vaccin WEST COAST sur le monde. Il se rapproche de la tactique d’E-40 mais sans développer le son dancefloor à son paroxysme avec Lil Jon. Plutôt en redonnant à la Côte Ouest ses lettres de noblesses, remettant au gout du jour les sons des 90’s avec les stars des 90’s (the Click, Too $hort, E-A-ski) avec l’énergie dévastatrice actuelle de la Bay Area. Ce mélange très au point présage du bon pour la scène Hyphy qui a encore du mal à s’exporter hors de sa région malgré le récent disque d’or d’E-40. La réussite devrait donc rester dans la famille. Une histoire de cousins.

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