Chronique

Unspoken Heard
Soon come…

7Headz - 2001

Sous le malicieux antagonisme Unspoken Heard se cache Asheru et Blue Black, deux MCs à la plume particulièrement affutés, débarquant respectivement du Maryland et de New-York. Si ces deux diplômés, respectivement en anthropologie et en sociologie, forment un duo uni, chacun s’applique à conserver une vision toute personnelle de la musique, de l’éducation, voire de la vie en général ; et ce même s’ils partagent de nombreux points communs, sur lesquels on reviendra.

Robert Jackson A.K.A Blue Black débuta sa carrière musicale en 1996, avec Sun up from sun down, premier maxi vinyl sorti dans un relatif anonymat. Deux années plus tard, Gabriel Benn A.K.A Asheru propulse dans les bacs Jamboree, un premier EP solo où le natif de Washington DC dévoile son attirance pour les boucles de jazz et de soul. Réunis par un ami DJ commun, nos deux compères aux influences musicales assez proches, sortent ‘Cosmology’, mais surtout le maxi Better/Smiley attestant des progrès et de la complémentarité du duo. Soon Come, premier long format, vient révéler à la fois le groupe, mais aussi le label 7Heads, qui sort ici son premier gros projet.

Le duo s’est entouré d’un nombre impressionnant de producteurs, aux influences assez proche, apportant à l’ensemble une certaine unité de ton. J-Rawls, 88 Keys, Self Scientific, Grap Liva, Sound Providers rivalisent en effet de productions transpirant le jazz et la soul, faites de cuivres sourds, de fines guitares sèches et parfois de quelques accords de piano. Quelques musiciens, tels le guitariste Munier Nazeer sur ‘Elevator music’ ou le saxophoniste Jahad Harris sur ‘Think about’ viennent aussi apporter une touche instrumentale intéressante. Les scratches placés ici et là viennent compléter ce tableau musical qui ne va pas sans rappeler « Black Star » (Mos Def & Talib Kweli), « Hip Hop » (Lone Catalysts), ou encore « Labcabincalifornia » (The Pharcyde). Si quelques productions se détachent du lot, notamment ‘Theme music’, ‘Smiley’ ou encore ‘Elevator music’, l’ensemble est de qualité égal et dépourvu de fausses notes.

A l’image des quelques groupes cités peu avant, Asheru et Blue Black se font les apôtres d’un rap dit « conscient », donc guidé par la réflexion et la volonté d’améliorer le sort de la communauté Afro-Américaine. Asheru, professeur de son état, évoque ainsi lors de ‘Live at home’ son projet éducatif et culturel intitulé « Nommo », un programme dont l’objectif est de sensibiliser les jeunes à la poésie, la littérature et la culture au sens large, via la musique. ‘Soul’ est assurément l’un des morceaux les plus aboutis textuellement. Il expose ainsi avec justesse que la Soul est le premier rayon bleu de savoir et de conscience qui émerge du noir.

‘Soon come’ fait de son coté figure de cri d’émancipation, un titre empreint de fierté et d’ambition pour le présent et le futur. Le travail paie toujours, c’est juste une question de temps, voilà ce qu’on pourrait retenir de ce morceau. ‘Dear you’ figure clairement parmi les grands morceaux de cet album. Asheru évoque à travers cette lettre ouverte, à la manière de ‘Here my dear’ (Marvin Gaye), sa passion pour la musique, mais surtout la perte de l’être aimé. Tout ceci est savamment mis en scène et produit par J-Rawls, pour ce qui pourrait tout à fait devenir un classique. ‘Elevator music’ vient conclure brillamment cet opus. Les quelques accords de guitare (acoustique et électrique) se mêlent avec bonheur au beat très fin et aux chœurs de fond. Profondément relaxant, jamais la musique d’ascenseur n’a été aussi plaisante. On tient ici l’un des excellents titres de l’album.

Les amateurs de J-Rawls, des Sound Providers et autres amateurs de rimes posées sur des boucles jazzy trouveront en Soon Come… une excellente raison de terminer l’année 2001 avec un grand sourire. Conseil d’utilisation : cet album s’apprécie encore plus le casque enfoncé sur les oreilles, affalé dans un grand canapé.

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