Chronique

Hocus Pocus
Place 54

On and on Records/ Motown France - 2007

Du clavier à 73 touches clôturant le précédent opus à cette 54ème place où s’assoit 20Syl pour entamer son nouveau voyage musical, deux années se sont écoulées. Deux années de scènes et de festivals, durant lesquelles Hocus Pocus n’aura pas eu le temps de chômer : les Nantais sont allés jusqu’à jouer au Japon devant un parterre de fans conquis par cette formation rap atypique, appuyée en live par de vrais zicos. Après avoir brillamment défendu leur premier album, le groupe signe même un deal avec Motown France, de quoi envisager sereinement le passage à l’étape suivante.

Un bon bagage donc pour repartir du bon pied, même si c’est en train que le périple commence. Dans le wagon qui le ramène à Nantes, 20Syl met en route son nouveau bébé en décrivant avec légèreté et insouciance son trajet depuis Paris. Toujours aussi agréable à l’écoute, le mix se veut encore plus soigné qu’avant, de quoi mettre l’accent sur la musicalité et l’orchestration, carte maitresse de la formation. On retrouve donc la même veine artistique qu’auparavant, avec une atmosphère tantôt jazzy, tantôt soul, un esprit résolument positif et des thématiques simples, afin qu’un maximum d’auditeurs puissent s’y retrouver.

Le hic, c’est que de bout en bout si 20Syl reprend exactement la même formule, et ne la fait pas évoluer d’un iota… De ce fait, les défauts du précédent format sont aussi du voyage, et viennent quelque peu gâcher la bonne ambiance régnante. Comme pour « 73 touches », les quelques morceaux revendicatifs ne sont guère emballant, à l’image d’un ‘Quitte à t’aimer’, semblant sorti tout droit d’un album de Manu Chao… Pire, 20Syl n’est pas convaincant du tout dans le costume de l’artiste engagé, et sa vision cynique et moralisatrice du ‘Touriste’ accumule tant de clichés qu’on se retrouve vraiment perplexe face à une telle faute note ; surtout à côté d’autres titres réellement bons.

Ainsi, on préfèrera de loin les petites scènes de vie mises en musique par 20Syl, registre où la plume simple et précise de l’auteur peut engendrer des morceaux toujours aussi efficaces, malgré une certaine prévisibilité dans les sujets abordés et la façon de les traiter. ‘Normal’, avec son beat en retrait et sa douce mélodie, laisse la part belle au texte mélancolique de 20Syl exposant les regrets d’une personne quelconque qui réalise qu’elle ne sera jamais extraordinaire. Du déjà-vu, certes, mais la qualité des images employées et le talent de l’auteur dans ce type d’exercices en font une belle réussite.

Dans le même genre, ‘Mr Tout Le Monde’, par exemple, porte bien mal son nom : l’utilisation du sample de ZZ Hill, les scratches de Green et les notes délicates transcendent le morceau, et on se retrouve avec une nouvelle pépite. Cette facette là du disque est vraiment la plus intéressante, ponctuée par la nostalgique ‘Histoire d’une VHS’ : un peu prévisible, elle est trop attachante pour ne pas y revenir régulièrement.

Toutefois, à trop vouloir tirer sur les mêmes ficelles, 20Syl devient parfois ennuyeux et trop répétitif. Un titre comme ‘Tournée’, par exemple, est tellement convenu qu’il en devient agaçant : on frôle le réchauffé, pas tip-top pour le groupe « Amenant un vent de fraicheur depuis la province « . Peut-être qu’un featuring sur ce titre là aurait été la bienvenue, alors que la majorité des morceaux ont droit à un invité. Souvent trop en retrait, les guests fournissent des apparitions majoritairement anecdotiques, malgré de bonnes intentions. On aurait aimé plus d’implication, à l’image de de T-Love et des Procussions, les plus connus d’entre eux, ou d’Omar, imparable au refrain du single ‘Smile’.

Finalement, le meilleur morceau n’arrive qu’à la conclusion de l’album, à travers un ‘Voyage immobile’ aussi brillant qu’original. Hommage onirique à la musique Noire, le groupe se lâche enfin pour de bon, alternant phases chantées, scratches, longues envolées de cuivres, couplets de rap plus toniques… Superbe. On espère de facto que l’éventuel troisième album proposera de tels textes plus intimistes et personnels, ces directions là se mariant à merveille avec la touche musicale du groupe. Se renouveler sans trop se dénaturer, voilà le gros défi auquel 20Syl et sa bande devront faire face pour le prochain opus, qui sera sans nul doute un gros tournant dans leur carrière.

Si l’adage veut qu’une formule gagnante se doive de rester inchangée, il ne faudrait pas se priver, si besoin est, de l’améliorer. C’est exactement ce qu’aurait pu faire Hocus Pocus, qui aurait aisément pu gommer certains défauts d’hier et rendre une nouvelle copie presque parfaite. Toutefois, une fois ces quelques erreurs pardonnées, on se retrouve en face d’un album globalement très bon. Quand il joue sur ses atouts, le groupe fait de la très bonne musique et propose d’excellents morceaux, qui se bonifieront sans nul doute sur scène vu les qualités du groupe dans ce domaine. On apprécie aussi les qualités de 20Syl dans tous les domaines auxquels il touche, du l’artwork au beatmaking en passant par l’écriture, l’orchestration, les scratches ou le mix. Pour tout cela, comme pour la sonorité unique d’Hocus Pocus, l’album vaut au moins une écoute studieuse.  Voir plus si affinités…

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