Chronique

Eska Crew
On rêve tous

Eska Prod - 2002

On a c’qu’il faut, premier maxi prometteur mais inégal, était focalisé sur le monde hip hop. Il avait permis à Eska Crew se faire un nom grâce à l’excellent ‘Hip hop circus’. Voici la deuxième salve, toujours en format vinyle, toujours trois titres.

Bien que radicalement différents, ‘On rêve tous’, ‘Danger’ et ‘On se soulève’ témoignent de la même évolution : recul sur le microcosme, thèmes plus engagés, failles travaillées. Le progrès le plus flagrant concerne la prestation de Mourad. Ayant éclairci sa voix de manière inespérée, il use enfin tout le potentiel de son flow. Pour autant, à aucun moment, on ne se prend à s’attarder sur sa seule prestation, comme pour certains rappeurs à l’aura hypnotique. Mais si Mourad n’est pas un immense rappeur, Eska Crew est un excellent groupe : bien que mono-vocal, il donne l’impression d’être une entité indivisible. Tandis que certains aspects sonores (piano décalé et diamant qui déraille sur ‘On rêve tous’, scratchs haletants sur ‘Danger’) viennent appuyer les propos de Morad, son propre flow se fond dans les instrus.

Côté prod justement, la recette semble avoir été trouvée. Si Defré Baccara réédite l’exploit d »Hip hop circus ‘en réalisant un instru déchainé pour ‘On s’soulève’, il fait preuve de finesse en misant uniquement sur quelques violons pour la prod d »On rêve tous’, laissant la voie libre à Bouchkour (de Dub Incorporation) pour fignoler la puissance du morceau. DJ Wong, outre les scratchs sur les deux derniers morceaux, se charge de produire ‘Danger’, en insistant sur le beat pour mieux dissimuler l’ambiance créée par les nappes de fond.

L’identité de chaque morceau étant clairement définie grâce aux instrus, Mourad profite de l’opportunité de ne suivre aucun concept ni aucune ligne directrice. Pot-pourri d’idées et de constats, les textes du rappeur évitent le discours linéaire. Paroles presque candides (« Oublions de ne vivre que pour l’argent ; parlons de la richesse du cœur, en manque à cet instant »), autocritiques bien senties (« Ne pas laisser au dos de la France toutes les conneries, les méfaits ; la paresse qui nous anime est l’ennemie d’un avenir bien fait« ), allusions à creuser (« Liberté, danger : on te conditionne à être seul« ), vision résignée (« Tu sais comme ça finit : la route est longue et les empreintes qu’on laisse partiront dans l’oubli« ) ou réflexions un peu trop entendues (« Si personne ne se les envoie, où est ce putain d’argent public ?« ) : Mourad dévoile par bribes ses pensées, cherchant manifestement plus la réaction que l’adhésion.

Après un maxi d’essai, Eska Crew a trouvé ses marques. En trois excellents morceaux, le groupe peut s’estimer fier d’avoir sorti un maxi sans-fautes. Un futur au moins aussi réjouissant trotte forcément dans leur tête ; c’est tout le bien qu’on leur souhaite.

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