Chronique

Nathaniel Merriweather
Lovage -Music to make love to your old lady by – Instrumental Version

Tommy Boy - 2001

Étiqueté à raison
producteur d’albums à concepts, Dan Nakamura (aka The Automator) n’en
finit pas de surprendre. Après les classiques « A much
better tomorrow » (1996) et « Dr Octagon »
avec Kool Keith (1997), « Handsome Boy Modeling
School » avec Prince Paul (1999), « Deltron 3030 »
avec Del (2000), le projet pop-cartoon « Gorillaz » avec des artistes pour le moins sporadiques
(2001), il décide de revenir en cette même année avec le concept « Lovage – Music to make love to your old lady by ».
Cette fois-ci, le producteur a voulu réaliser un album-hommage aux chanteurs
crooners, et plus particulièrement à Serge Gainsbourg (dont il pastiche
d’ailleurs la pochette du deuxième 33 tours sortit en 1959). Pour se faire,
il a convié le leader vocal de Faith no more Mike Patton et la chanteuse
Jennifer Charles de Elysian Fields, afin d’y instaurer des ambiances aussi
kitschs que romantiques, tant au niveau des textes que des sonorités.

Si le choix des invités d’Automator s’avère toujours judicieux,
les versions instrumentales de ses albums sont souvent tout aussi riches,
voire davantage significatives de l’orientation conforme qu’il a souhaité
donné originellement à son projet. Grâce à cela, on peut discerner plus
justement le but primitif que s’était fixé Automator. A la fois producteur
et compositeur sur ce disque, il ne serait pas abusé de dire qu’il se plaît
sur « Lovage » à se mettre dans la peau d’un
sexologue musical ringard. Il suffit d’écouter ‘Book of the month’ et ses
cuivres plaintifs ou encore ‘Anger Management’ pour s’en convaincre.
Mais, si on se laisse prendre au jeu, on s’aperçoit que ce morceau est
superbe (ressemblant fortement à Ballade de Melody Nelson) et qu’il dégage
réellement quelque chose, une atmosphère indéfinissable et captivante.

Rien de révolutionnaire dans cette version instrumentale donc, si
ce n’est la justesse des choix musicaux qui la composent. Si les samples à
cordes constituent la majeur partie des sources d’inspiration du producteur
(‘Everyone has a summer’), ce dernier en compte toutefois plus d’une à
son arc. Souvent confectionnés au gré des invités présents, les
instrumentaux n’en demeure pas moins diversifiés et surprenants. Agréables
d’écoutes et surtout moins marqués par le second degré de la version
originale, les productions défilent paisiblement, sans pour autant tomber
dans la facilité de la musique d’ambiance. La recette pour obtenir ce
résultat se résume à des boucles apaisantes ornées de rajouts instrumentaux
judicieux : flûte (‘Lies and alibis’), guitare (‘Anger management’),
harmonica (‘Everyone has a summer’) et piano (‘To catch a thief’). Le
tout donne un résultat très cohérent, aux confins de plusieurs influences,
allant de la musique sensuelle et harmonieuse des débuts de Gainsbourg aux
rythmiques contemporaines les plus hip hop.

Des mélodies
familières teintées de romantisme et de nostalgie, propres à la variété des
années soixante (‘To catch a thief’) et à toute une vague de films de la
même époque (‘Strangers on a train’), se succèdent et invitent l’auditeur
à un délassement mélancolique. Les beats hip hop apparaissent moins marqués
mais rappellent cependant sur certains morceaux (‘Pit stop (Take me
home)’) que leur auteur en est un des fers de lance les plus atypiques.
Frais, efficaces et souvent agrémentés de quelques effets kitschs, les
instrus pop de « Lovage » sont sur cette version
plus révélateurs des nuances légères apportées au fil du disque. Gratifiés
par exemple d’une place plus importante accordée aux scratches de Kid Koala
(‘Everyone has a summer’), ceux-ci donnent un intérêt tout autre en
comparaison de la version chantée.

Successivement hip hop,
lounge, downtempo, romantique, sensuel, drôle et kitsch, mais au final
pleinement talentueux, « Lovage » dans sa version
instrumentale prouve une nouvelle fois que le producteur de San Francisco
aime le risque et qu’il n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il se
lance des paris impossibles. Après l’opéra hip hop « Deltron 3030 », Automator met au goût du jour les
ballades romantiques du même genre. Sans prétention et jamais à cours
d’inspiration, cet album intrumental laisse augurer de lendemains
prometteurs après un projet « Gorillaz » qui en
avait laissé plus d’un septique… à moins que nous n’ayons une fois de plus
rien compris aux véléités fantasques d’Automator.

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