Chronique

Jedi Mind Tricks
Legacy of Blood

Babygrande Records - 2004

Il y a les retours que l’on attend avec impatience, et ceux que l’on appréhende, souvent par peur d’être déçu par des artistes que l’on considère à part. De par sa discographie, Jedi Mind Tricks se situe dans la deuxième catégorie. Celle des formations indéniablement sur le déclin, mais à qui l’on ne cesse de chercher des excuses, parce qu’elles nous ont tant fait vibrer par le passé. Un an après un « Visions of Gandhi » en demi-teinte, Stoupe et Vinnie Paz nous reviennent déjà avec Legacy of Blood. Et affirment avoir tiré les enseignements de leur premier enregistrement « professionnel ».

Le changement principal à observer est le nombre de MCs conviés par le duo : tout juste quatre invités au tracklisting, et non des moindres. On retrouve en effet Des Devious, Killah Priest, Sean Price aka Ruck d’Heltah Skeltah, et dans le rôle de la guest superstar au cachet probablement faramineux mais à la prestation « minimum syndical« , GZA du Wu-Tang Clan. Vinnie Paz se retrouve donc dans une situation qu’il n’a jamais connu : il doit tenir le crachoir seul durant une grande partie du disque.

Et vient une première confirmation : feu Ikon the Verbal Hologramm est un MC de smash hit, mais pas d’album. Il est capable, par sa rage et son énergie incroyable, d’illuminer n’importe quelle prod, mais, lorsqu’on lui laisse trop le micro, il finit par être quelque peu agaçant, voire inintéressant par moment. Certes, on ne pourra qu’admirer sa propension à conserver sa hargne tout au long de la quinzaine de titres rappés de l’album. Mais une fois passés trois morceaux, on a presque fait le tour de la question : hormis les louanges à Allah, les punchlines homophobes ou anticléricales et les menaces envers à peu près tout le monde, Paz n’a pas énormément à proposer, pas suffisamment pour ne pas lasser sur le long format en tout cas. Et on se prend à regretter les envolées grandiloquentes du Psycho-Social LP

Tout n’est bien évidemment pas si noir, et Vinnie contribue au succès des meilleurs morceaux de l’album par son dynamisme impressionnant. ‘The Age of Sacred Terror’, ‘Verses of the Bleeding’, ‘On the Eve of War (Julio Chavez Mix)’, ‘The Philosophy of Horror’ ou encore le désormais inévitable ‘Ghost Track’ sont les plus grandes réussites d’un album homogène, sans véritable maillon faible. Les paroles crues voire choquantes de Paz sont bien évidemment desservies par les instrumentaux de son compère de toujours Stoupe the Enemy of Mankind. Si celui-ci ne s’était pas montré au meilleur de sa forme sur « Visions of Gandhi », il livre là une prestation plus probante.

Stoupe semble en effet avoir rompu en partie avec les samples de musique latine pour adopter un registre plus classique et varié : on trouve des riffs de guitare sur ‘The Age of Sacred Terror’, des synthés dans ‘Verses of the Bleeding’, et bien évidemment les violons guerriers qui ont fait sa renommée sur ‘On the Eve of War (Meldrick Taylor Mix)’ et ‘And so It burns’. La volonté de renouer avec la brutalité de « Violent by Design » est concrétisée d’assez belle manière. Toutefois, Stoupe semble moins travailler l’agencement de ses boucles qu’autrefois, et la qualité des instrumentaux en pâtit quelque peu. Il conserve néanmoins son aptitude à placer des interludes aussi étranges qu’envoûtants, et s’essaie avec brio, par le biais de ‘Before the Great Collapse’, à un type de production dont il n’est pas coutumier, en rupture avec le boom-bap féroce constituant sa marque de fabrique.

Legacy of Blood est donc un bon disque, mais pas un classique. Il lui manque essentiellement une meilleure qualité de emceeing et peut-être également un nombre de « bangers » plus important. Le groupe jouait gros sur ce disque, et s’il ne retrouve pas ici sa splendeur d’antan, il parvient tout de même à satisfaire son public avec une galette de bonne facture. On n’oublie toutefois pas que dans le même genre, Outerspace, groupe satellite de JMT, a fait mieux, livrant avec « Blood and Ashes » un des tout meilleurs albums de l’année. Et cela ne tombe pas si mal, car l’Army of the Pharaohs (collectif réunissant 7L & Esoteric, King Syze, Apathy, Celph Titled, Outerspace et Jedi Mind Tricks) nous donne rendez-vous pour son premier album début 2005.

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