Chronique

Evil Pimp
Face The Terror

Smoke On Records & Gangsta Ro Production - 2009

Evil Pimp est un rappeur surprenant. Et pas uniquement parce qu’il porte l’un des blazes les plus insensés du game. En une petite dizaine d’années, ce sont plus de vingt disques qui sont sortis sous son nom. Autant dire que le garçon est plutôt productif. Pourtant, on ne sait pas grand-chose de lui. Tout juste qu’il est résident de Cedar Rapids, Iowa, et qu’il est la figure majeure d’un crew, le Krucifix Klan (!), également à l’origine d’une dizaine de sorties depuis le début du siècle. Mais a-t-on réellement besoin d’en savoir plus ? Le maquereau diabolique fait de la bonne musique, et au final c’est tout ce qui nous importe.

Comme Evil Pimp lâche un nouvel opus tous les trois jours, ce n’est pas forcément facile de s’attaquer à sa discographie. D’autant qu’une telle cadence implique forcément une proportion non négligeable de déchet. Toutefois, fort d’une médiatisation un peu plus prononcée depuis quelques temps, le Pimp offre avec « Face The Terror » une porte d’accès idéale à son univers. Ce dernier, on le devine, n’est pas franchement accueillant et enchanteur. Evil Pimp est un digne héritier du Devil Shyt, style caractéristique de la scène de Memphis dans les années 90. Donc, pour résumer, ça parle flingues et meurtres sur des beats aussi lents qu’hypnotiques.

Présentée comme ça, la recette n’a rien de franchement ragoûtant, et paraît de surcroît vue et revue. Mais Evil Pimp, qui produit tous ses titres, parvient à donner une atmosphère assez unique à ses morceaux. Les instrus, éthérées au possible, associent aux inévitables breaks de batterie saturés de charleys des mélodies qu’on dirait tout droit sorties de BO de films d’épouvante. Et le génie de son travail se trouve justement là, dans cette volonté d’être sobre et sombre, de ne pas en faire des tonnes. Pas de bruitages en tout genre ou d’empilement de boucles. Juste un air de clavier fortement mélancolique, des chœurs lointains, une phase « screwée » pour refrain, et le Pimp et ses collègues qui viennent poser leurs voix, avec une nonchalance qui n’exclut pas quelques grosses démonstrations techniques.

On tutoie même le sublime au milieu du disque, avec les perles ‘Lights On Da Bucket’ et ‘Hate You Hoe’. Ensuite la qualité baisse sensiblement, même si la volonté de proposer des morceaux plus percutants (‘Get Your Money Right’, ‘Head Blown Off’, ‘Talkin’ Shit’) est louable, évitant notamment à l’auditeur de tomber en dépression prolongée. Vingt titres et 80 minutes de Devil Shyt ça reste dans la tradition sudiste, mais ça demeure trop long pour ne pas frôler l’indigestion en fin d’album.

Au final, « Face The Terror » est plus qu’un énième disque d’Evil Pimp. Il s’agit probablement de l’opus le plus abouti du rappeur-producteur, même si « Witness Your Murder » suit de très près. Espérons qu’il sera également celui qui lui permettra de jouir d’une meilleure exposition. En tout cas, comme toujours, le Pimp est déjà passé à autre chose : il remettra le couvert fin 2009 avec « Rest in Terror », album de 22 titres qui au départ ne devait sortir… qu’en France. Le fait de voir Evil Pimp débarquer dans nos bacs est déjà une excellente chose. Et si sa route vers le succès passait par nos contrées ?

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