Chronique

Cyrus Malachi
Ancient Future

No Cure Records - 2011

Jusqu’ici, la carrière de Cyrus Malachi s’est apparentée à un quasi-sans faute. Un premier opus prometteur avec son groupe Triple Darkness, des apparitions remarquables sur les projets de ses accolytes (Melanin 9, Jon Phonics, Endemic, etc.) et deux mixtapes, The Isis Papers Pt.I et Pt.II, qui ont achevé de nous convaincre que le garçon avait beaucoup à offrir. Malgré un buzz moindre que celui de son collègue M9, Cyrus est le premier membre de TD à sortir un album solo avec Ancient Future. Et fait donc entrer le crew londonien dans une nouvelle ère.

Cyrus Malachi, c’est en premier lieu une voix rocailleuse, facilement reconnaissable, et parfaitement en adéquation avec l’univers sonore du rappeur de Hackney. C’est également une plume en aller-retour constant entre rue et spiritualité, rappelant inévitablement certains illustres satellites du Wu (Sunz Of Man, Killah Priest) ou Jedi Mind Tricks époque The Psycho-Social LP. L’attention portée aux textes donne une intensité et une profondeur devenues rares à certains morceaux, tels que « Black Maria », relatant l’incarcération du MC, l’oppressant « Brave New World » ou le titre final, « Solomon’s Temple ». L’espoir a droit de cité dans l’œuvre, par le biais de la découverte de l’âme sœur (« Duality »), la famille (« Kemetic Love ») ou les souvenirs d’enfance (« Concrete Flowers »), mais la tendance générale est au pessimisme. Ce qui est parfaitement relayé par la teneur musicale de l’opus.

Les mixtapes de Cyrus Malachi ou de son compère Melanin 9 ont utilisé majoritairement des instrus excellents et obscurs, piochés sur des faces B de maxis US. Il paraissait donc légitime de se demander si sur album, avec uniquement des beats originaux, la qualité de la production serait maintenue. Les craintes sont rapidement levées, et l’efficacité des supports dépasse même les attentes. La veine d’ensemble reste la même, et les inspirations sont clairement à chercher du côté de QB ou de Staten Island, époque mid-nineties. Mais tout en demeurant fidèle à ces influences, Cyrus Malachi a su sortir de sa zone de confort. Il fallait en effet de l’audace pour poser sur les beats de « Streets of Sodom », « Elemental » et surtout de l’étrange « Brave New World », au break de batterie qui va et vient et à l’atmosphère pesante au possible. Au final, sur la vingtaine de prods d’Ancient Future, seules une ou deux manquent d’épaisseur, sans pour autant être mauvaises. Pour le reste, de l’atmosphérique « Dark Skies » à la mélodie triste et entêtante du lo-fi « Animal Circus », l’album constitue une démonstration en matière de choix d’instrus. Qui confirme, si besoin en était, le savoir-faire des beatmakers anglais, Beat Butcha et Chemo en tête, capables en 2011 de faire un boom-bap ni trop propre ni désuet.

Il convient d’apporter quelques petits bémols à ce bilan, qui laisserait imaginer un album exempt de défaut. Tout d’abord, si Cyrus Malachi s’impose comme un excellent lyrciste, il peut très largement progresser en tant que rappeur. Certains problèmes dans le contrôle de sa respiration et un flow parfois trop linéaire le confirment. Par ailleurs, le passage soulful en milieu d’album aurait pu être précieux. Mais l’univers d’un MC comme Ruste Juxx est trop éloigné de celui de Cyrus pour ne pas que les titres en question (« King Cobras » et « Bulldozers ») ne détonnent pas dans un ensemble très homogène. Sans que ces morceaux ne soient désagréables, la rupture avec l’atmosphère générale est un peu trop radicale.

Un disque que l’on peut écouter en boucle sans sauter de piste, malgré sa durée, quelques titres très marquants (« Dark Skies », « Slang Blades », « Animal Circus », « Black Maria »), voilà assurément la marque des grands albums. En conclusion, à travers Ancient Future, c’est tout le bien qu’on pensait de Cyrus Malachi et des siens qui est confirmé. Triple Darkness et tous ses affiliés s’imposent définitivement comme l’un des collectifs les plus prometteurs du moment. On attend la suite avec impatience, et notamment le premier opus solo de Melanin 9.

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