Nos 25 morceaux du premier semestre 2021
Rap anglophone

Nos 25 morceaux du premier semestre 2021

Six mois de rap anglophone se sont écoulés. La rédaction tente de les résumer en 25 titres coups de cœur, entre parti-pris et incontournables.

Isaiah Rashad – « Headshots » (4r Da Locals)

C’est une absence puis un retour qui donne l’impression qu’il est revenu d’outre-tombe. Ou pas loin, puisque Isaiah Rashad a dû passer par une cure de désintoxication il y a trois ans, après avoir connu l’ivresse du succès grâce à son deuxième album chez TDE, The Sun’s Tirade, et la tournée qui a suivi. « Tu peux planner totalement ici », raconte-t-il chez TheFader à propos de Los Angeles, mais il pourrait tout aussi bien de parler de son industrie du spectacle et ses vices. « Tu peux vraiment te perdre dans cette merde ». Depuis, « Zay » a retrouvé un peu le sens des réalités, et comme tous les bons artistes de chez TDE, a réussi à transformer cette épreuve en musique. Deuxième single pour préparer le terrain à The House is Burning, « Headshots (4r Da Locals) » est une ride en douceur avec la mort, assise sur le siège avant droit qui lui revient. À mesure qu’Isaiah zig-zag au volant, la lucidité sur ses travers d’hier le gagne (« the shots ain’t bringin’ my soldier back », « weed couldn’t settle my fire, couldn’t cover my pain »), et sa rédemption apparaît sous les traits de Dieu, comme si le rappeur du Tennessee le prenait en auto-stop. Derrière la chaleur moite de l’instrumental, concocté par Hollywood Cole et Henry Was, et le ton presque murmuré de Isaiah, dont on ne sait trop s’il retranscrit une sérénité retrouvée ou une sévère gueule de bois, « Headshots » démontre un sens du bilan de soi-même savamment mis en musique. Raphaël

Key Glock – « I Can Show You »

Key Glock et Young Dolph tiennent une bonne dynamique. Leur deuxième volet de Dum and Dummer est aussi efficace que le premier. Peu à peu, Key Glock semble reprendre le flambeau de son cousin et mentor Dolph et s’imposer sur ce registre de trap sans compromis et entêtante. Le mérite en revient en partie à BandPlay, producteur signé sur le label qui fait des merveilles derrières les machines. L’instru de « I Can Show You », coproduite avec Yung Hurricane, est un petit bijou. Le parfait terrain de jeu pour Glock qui maîtrise l’art de ne rien dire et de le faire bien. Tout est dans les intonations. Entre nonchalance, petites accélérations et syllabes appuyées, il s’amuse et nous donne un bon morceau de flambe et de motivation. David

BlueBucksClan – « Horace Grant »

Écouter un morceau de BluebucksClan revient peu ou prou à les avoirs tous entendus. Au delà de leur formule ultra simpliste, tout ce que DJ et Jeezy peuvent dire à déjà été dit et sûrement mieux par d’autres qu’eux. Les deux californiens sont objectivement des rappeurs assez moyens techniquement (voire carrément hors temps par moments) et leur fulgurances d’écriture sont quasi inexistantes. Pourtant il y a un plaisir coupable à entendre leur concours d’egotrip à savoir qui sera le plus imbus de lui-même  . Serait-ce ces voix monotones mais complémentaires  ? Leur back and forth habilement construit en une, deux ou quatres mesures ? Ce sérieux impassible lorsqu’ils débitent les banalités les plus plates ? Un peu de tout ca sûrement, le résultat aboutit en tout cas à une caricature absolue du player arrogant à l’excès . Le caractère intentionnel ou non de la démarche en devient presque indifférent tant le spectacle est abouti. L’accompagnement musical réduit à sa plus simple expression a pour seule fonction de ponctuer les répliques d’un duo comique en pleine performance d’un stand up nonchalant. Cette épuration est poussée à son paroxysme sur « Horace Grant » comme sur la plupart des titres de Clan Virus 2 leur dernière mixtape en date, comme si les deux compères voulaient voir jusqu’où ils peuvent pousser la blague (ils convient même Quavo et Lil Yachty histoire d’attirer le chaland). Les ficelles sont tellement grosses, l’attitude si désinvolte, la proposition finalement si efficace, pourquoi ne pas se laisser avoir et rigoler un coup avec eux ?  Pap’s

ALLBLACK – « War Stories » feat. Mozzy & Peezy

« War Stories » est une amicale de jeunes vétérans, ceux qui reviennent de ces rues américaines devenues des champs de tir, qu’importe les coordonnées GPS. ALLBLACK d’Oakland invite ainsi Mozzy de Sacramento et Peezy de Detroit à partager avec lui leurs récits de guerre, comme l’ont fait autrefois 2Pac, ses Outlawz et C-Bo – ALLBLACK reprend le refrain du « Tradin War Stories » de 2Pac, extrait du monument All Eyez On Me. En invitant, comme son illustre aîné, à les « regarder dans les yeux », ALLBLACK montre que peu de choses séparent les deux titres dans les mots. Toujours cette fierté de se débarrasser des concurrents trop gourmands, ou même des membres de sa propre famille si sa survie en dépendait, côté ALLBLACK. Si Peezy prétend être capable d’une cruauté froide égale, il essaie pourtant de fermer ce chapitre de sa vie (« Used to sell raw, cook crack up in the kitchen sink, now I gotta wake up early for a business meeting »), quand Mozzy célèbre sans débordement de joie le retour d’un ancien comparse incarcéré – le bonheur pourrait être de courte durée. Derrière ces réalités peu réjouissantes, mais toujours rappées avec poigne, il y a pourtant un plaisir d’entendre l’alchimie évidente entre ces trois rappeurs de villes différentes sur le funk froid et dépouillé du producteur DTB, qui respire autant la tradition rap du nord de la Californie que l’identité musicale du rap de crapules de Detroit. Nourris sans doute par les mêmes influences, ALLBLACK et ses invités continuent à faire vivre un gangsta rap inaltéré malgré les modes qui vont et viennent. Raphaël

Wiardon – « Graveyard Shift 2 »

Un corps tout frêle, un visage de minot, une moustache naissante… Et un bracelet électronique au pied. Si on omet ce dernier détail, à première vue, le rappeur Wiardon originaire d’Austin dans le Texas semble être un gamin comme les autres. L’écoute prolongée de ses morceaux donne le sentiment inverse et révèle des tourments d’une adolescence mouvementée. À l’heure où les gamins de son âge s’endorment paisiblement, lui, a des insomnies à cause de son .38 Special caché sous l’oreiller. Du côté de son hygiène de vie, l’auteur de Locked In expose ses vices comme pour s’en purger dans l’espoir qu’un jour, ses souvenirs seront bien derrière lui (“Told myself I’ll stop sipping drank, but I bet I’ll relapse”). Wiardon est un jeune artiste dans l’apprentissage de son art. Une écriture encore en phase de maturation. Une oreille de producteur qui s’affine de plus en plus avec des placements pour des acteurs locaux comme Lucki à Chicago. Des productions qui peuvent osciller entre des “Pi’erre Bourne Type Beats” ou “Roc MaricianoType Beats”. Et un univers fortement inspiré par les films mafieux et la bande-originale de Scarface. Dans “Graveyard Shift 2” l’intéressé est encore surpris de susciter de l’intérêt, un peu comme s’il n’avait pas conscience de son talent brut. Et c’est précisément ici que réside son plus grand défi : passer de l’autre côté, du côté des grands avec beaucoup de travail et de discipline. ShawnPucc

Myka 9 – « Keep On » (Wake yo self) feat. Lily Fangz

Parmi les disparus que le rap compte malheureusement en trop grand nombre ces dernières années, il y a Profound. Beatmaker anglais discret, il était résident de la scène boom-bap locale qu’il a traversé en toute discrétion durant les années 2010 aux côtés de Rhyme Asylum ou The Absouljah. Mais à côté de ces productions noires, Profound avait une autre spécialité : un son boom-bap typique de la West Coast, qu’aurait parfaitement honoré The Nonce, pour ne citer qu’eux. Mais c’est avec Myka 9, autre géant de l’autre West Coast que Profound avait décidé de collaborer. Malheureusement décédé au premier semestre 2019 alors que les enregistrements de Nine Clouds venaient juste d’être terminés, DJ A-Ok a repris le flambeau pour que le projet musical de son ami devienne réalité. Il aura donc fallu deux ans pour que le disque sorte. Il est l’admirable réceptacle d’un rap laidback, smooth et jazzy, qui colle parfaitement aux ondulations spirituelles de Michaël Troy. Et si de nombreux invités sont présents sur ce court album – notamment les anciens de Freestyle Fellowship et Haïku d’Etat – c’est avec une artiste aussi interstellaire que Myka 9 que le disque éclate le plus dans sa dimension aussi psychédélique que west coast. Sur « Keep On », les deux étoiles filantes que sont Lily Fangz et Michaël Troy au micro s’interrogent sur la notion de résilience, déconstruisent ce qu’est être un produit de son environnement, et semblent quasiment convoquer dans un chorus aérien la mémoire de Sach et Nouka. Coïncidence, eux aussi avaient leur « Keep it on ». Et quelques pistes plus tard, une conviction : entre The Nonce et Slum Village, voici où se situent Lily Fangz, Myka 9 et Profound. « It’s all love » et ce n’est pas rien quand il est question d’aller marcher un peu avec Dieu. zo.

Tyler, The Creator – « WILSHIRE »

Interprété par : Tyler Okonma. Composé par : Tyler Okonma. Produit par : Tyler Okonma. Rarement les crédits d’un morceau n’auront été aussi pertinents que sur “WILSHIRE” cette année. Un premier raclement de gorge, une batterie lancinante, six accords consécutifs au clavier (qui resteront les mêmes pendant l’intégralité du morceau) et voilà l’auditeur emporté dans les couloirs tortueux du cerveau et du coeur d’un rappeur qui renoue ici avec un exercice qu’il avait largement abandonné ces dernières années. Oui : “WILSHIRE” est déjà un des morceaux marquants du rap américain de 2021. Un titre où Tyler The Creator revient à ce qui a fait (entre autres) sa spécificité alors qu’il n’était qu’un ado talentueux et torturé à l’orée des années 2010 : les longs monologues de plus de 5 minutes, sur des productions répétitives et hypnotisantes dans lesquelles on prenait plaisir à se perdre, en même temps que l’histoire racontée avançait. Sauf que voilà : le gamin malheureux de Goblin a pansé ses plaies pour devenir un homme. Et il a notamment découvert l’amour. Depuis son album Flower Boy en 2017, l’auteur de “911” semble avoir effectué un virage dans sa musique et son personnage, le rendant moins abrasif, moins adolescent, pour parfois se mettre plus à nu et moins donner dans la provoc’. C’est justement toute la force de “WILSHIRE”, un morceau long de 8 minutes 35 dans lequel Tyler The Creator et Tyler Okonma ne font qu’un pour raconter une histoire d’amour naissante qui n’aurait jamais dû avoir lieu, un des deux membres étant en couple avec un ami commun. S’en suit alors un monologue d’une honnêteté confondante dans lequel Tyler expose tous ses questionnements et ses doutes (“And they say, ‘Bros over hoes’ I’m like, ‘Mm, nah, hey’ I would rather hold your hand than have a cool handshake”) qu’on ne lui connaissait pas jusque là. Enregistré en une prise et en seulement deux fois, “WILSHIRE” transpire la sincérité alarmante : entre les remarques que distille Tyler entre deux couplets, les bruits de micro que l’on entend saturer sur les lettres p un peu trop prononcées, et un “I thought I was bulletproof, she proved me wrong, man” accompagné d’un éclat de rire pour dédramatiser, l’histoire de “WILSHIRE” ne laisse personne indifférent tant elle sonne vraie. Il suffit juste de tendre l’oreille sur les paroles de ce titre de rap dépouillé pour en comprendre toutes les fragilités. Brice

Vel The Wonder  – « Michelle » feat. Zoodeville

Il est passé au travers des radars l’an dernier pourtant l’album Trophy Wife de Vel The Wonder est pile poil dans le “revival boom-bap” de ce début de décennie. Issue de Baldwin Park, ville du comté de Los Angeles, Vel Nine a déjà quatre albums à son compteur et son dernier sorti en novembre 2020 a laissé sur la toile plusieurs clips à disposition. C’est le cas de “Michelle” produit par Chase Moore, qui produit  également l’intégralité de son dernier disque. Un couplet et un refrain suffisent à Vel pour plier le morceau sur un beat hypnotique, propice à un kickage en bonne et due forme. La jeune rappeuse d’origine mexicaine ne se gêne pas pour froisser l’instru : ses assonances et ses accroches flattent l’auditeur.  « This the Miseducation of my core fans, I am total mayhem, I am Lauren » pour commencer, des allitérations autour de la lettre B en enchaînement, puis de nouvelles références aux patrons : « My rendition of heaven exceeds the pleasure/ I am always on time, I can’t be the never/ I am Hell on Earth, I can be Forever ». Le rap appeal de Vel vise dans le mille pour quiconque s’est buté au rap de backpackers. La prestation, pourtant bonne, de Zoodeville juste derrière paraît fade à côté de l’énergie déployée par la demoiselle, également graffiti artist à ses heures perdues. Un egotrip plus que réussi tout comme l’ensemble de Trophy Wife. Vel The Wonder semble gérer sa carrière en indépendance avec les moyens du bord et si elle n’a pas encore les projecteurs braqués sur elle, elle s’en sort haut la main. Preuve en est encore : elle sera seule sur le morceau d’introduction, et morceau titre, de l’album-compilation de Peter Rosenberg Real Late. Encore un couplet, calé après un cut scratchant Sean Price, avant de laisser place à un casting quatre étoiles : Westside Gunn, Styles P ou encore Method Man. Une héritière qui attend patiemment mais sûrement son tour. Juldelavirgule

Shittyboyz Babytron – « IG Captions »

Babytron a commencé en rappant des tutos d’arnaques à la CB au sein du groupe Shittyboyz. Les trois ados du Michigan ont connu une ascension rapide depuis 2019, en surfant sur la mode du scam rap. Fort heureusement, leur leader Babytron a su trouver son style depuis son premier album Bin Reaper, porté par le single « Lost it » avec Lil Yachty qui lui a permis de se faire un nom. « IG Captions », tiré du récent Luka Trončić, n’est pas produit par Helluva, beatmaker attitré d’une bonne partie de la scène locale, mais Hokatiwi respecte la recette : un rythme uptempo sur lequel joue un sample de dance sorti des eighties, une association d’idées surréalistes et de jeux mots autour du basket, énoncés avec nonchalance. La magie réside précisément dans le contraste entre ce flow léthargique et la frénésie de l’instrumentale, entre ces références pop familières et l’impression d’étrangeté qui émane de l’ensemble, et dans cette relation qu’entretient Babytron avec le beat, entre révérence et moquerie. De la musique adolescente, qui s’ancre dans le passé et synthétise pourtant admirablement les caractéristiques essentielles du rap de son époque. Léon

Zaytoven, Zaybang, Lil Bean, Prezi – « I’m A Dog »

Beaucoup de choses ont été dites sur les paternités pléthoriques de Gucci Mane dans le théâtre du rap américain depuis une bonne décennie. De Chief Keef à Young Thug en passant par Lil Baby ou Lil Uzi Vert, la discographie sans fond de Radric Davis sert de source d’inspiration créatrice ou de copie sans imagination à bon nombre d’artistes. A ce titre « Big Cat Laflare » sur Hard To Kill en 2006 a un écho particulier dans la baie de San Francisco (et le nord de la Californie en général)jusqu’à ce jour. De DB Tha General à Philthy Rich, nombreux sont les rappeurs de rue à avoir reproduit le débit si particulier de ce premier couplet ou carrément à s’être frottés à la production sautillante et hypnotique de Zaytoven. C’est que le beatmaker emblématique de Gucci est lui-même originaire de San Francisco et a contribué à la vague hyphy du millieu des années 2000. En 2021 il boucle la boucle avec sa propre reprise de ce morceau emblématique, sur un long format collaboratif réalisé pour la jeune génération de sa ville : Zaytoven Presents : Fo15. En toute honnêteté, les dix titres qui composent  l’album sont assez oubliables ou en tout cas peinent à tenir la promesse d’un retour aux sources du fils prodigue. L’exercice vaut plus pour la curiosité d’entendre Zaytoven se transformer en caméléon de la production. C’est particulièrement flagrant sur « Ima Dog » qu’on jurerait composé par un DJ Mustard époque 4 Hunnid Degreez. Un ultra minimalisme tant rythmique que mélodique qui contraste avec le funk infectieux qui infuse habituellement la musique de Prezi, Lil Bean et Zaybang et leur bagout nord californien. Le résultat est un slapper étonnamment dépouillé qui ne franchira sûrement pas les frontières de la bay area. Le fait que Zaytoven tente de travailler avec des figures autres que celles issues du rap d’Atlanta qui semble lui avoir tourné le dos depuis quelques années est une bonne nouvelle en soi. Il n’y a plus qu’à espérer que cette volonté donnera des résultats un peu plus novateurs dans les mois qui viennent. Pap’s

Yelawolf – « Oh No »

Si vous n’avez pas eu la force de suivre l’avalanche de projets sortis par Yelawolf ces derniers mois, c’est compréhensible. Le cow-boy de l’Alabama au nom d’Indien a sorti pas moins de cinq mixtapes, EP, albums en 2021. C’est beaucoup. À vrai dire, c’est la somme de ses goûts et des voies qu’il a suivies au long de sa carrière. Chaque nouvel opus est une collaboration plus ou moins réussie avec un rappeur ou un producteur. Si on passera rapidement sur celle avec Riff Raff, anecdotique, les autres comptent quelques bons moments avec Caskey, DJ Paul pour le côté sombre minimaliste ou encore DJ Muggs pour le contrepied bienvenu. Mais c’est l’album Mud Mouth qui se détache du lot. La production est partagée entre Peter Keys (musicien qui a fait partie du line-up de George Clinton et de Lynyrd Skynyrd), Mike Harnett (bassiste habitué des albums de rappeurs du Sud) et Jim Jonsin (le faiseur de tubes floridien derrière « Lollipop » de Lil Wayne, « Whatever You Like » de T.I. ou encore « I Run » de Slim Thug). Une bonne bande de baroudeurs pour assister Yelawolf dans ce mélange dont il a le secret de rock à l’ancienne, de country, de grosses basses et de rap découpé au hachoir sur les sentiments torturés, les excès et le bas de l’Amérique au front suant. Yelawolf incarne cette ligne comme personne. D’ailleurs, il est le seul sur ce registre, à mêler ces genres sans artifice. Sur le plan personnel, Yelawolf a connu quelques années difficiles. Avec Mud Mouth, il tourne la page et fait ses adieux au hip-hop. On verra s’il revient un jour sur sa décision, mais s’il en reste là, cet album est une belle manière de tirer sa révérence. David

Mach-Hommy – « The Stellar Ray Theory »

Mach-Hommy est un artisan du langage. Il manie les mots avec érudition fine et les emboîtent dans des structures rythmiques complexes. Plus encore, il déploie un sens aiguë de la compréhension de la parole, ses symboliques et les intègre à son univers pour construire un autre monde. Dans sa bulle, chaque ligne est une allégorie parfois intelligible et parfois non. Chaque mesure doit se transmettre de manière orale et les traces écrites sont proscrites, à l’image de ses titres qui ne sont pas disponibles sur le site américain Genius, une plateforme dédiée à l’explication de textes, suite à sa demande. Pour être précis, le rappeur de Newark est un “passeur d’histoires”. Dans “The Stellar Ray Theory”, Mach-Hommy s’amuse à piocher des phrases dans les répertoires de Ghostface Killah (“The Sun”) ou encore JAY-Z (“Takeover”) pour aller enrichir une métaphore autour du soleil. Tout est absorbé, assimilé puis réutilisé dans un nouvel idiome construit entre références occultes et créolisation. Une langue refaçonnée puis réinsérée dans ses racines haïtiennes, une culture encore très transmise de manière orale. En ce qui concerne l’auditeur, deux choix sont à sa disposition. Soit un : tenter de décortiquer chaque ligne quitte à se perdre dans des tableaux abstraits. Ou alors deux : se laisser porter naïvement par un courant d’images surréalistes. Produit par Conductor Williams, le parolier déverse une multitude de figures de style comme pour flatter une certaine école du rap – plutôt domiciliée à New York -, mais dans l’étalage de tout son talent, il coupe court aux étiquettes : “Never was impressed with lyrical matter, my shit built upon the backs of pure facts and empirical data.” Toutes ces subtilités font de Mach-Hommy un des artistes les plus captivants de la scène indépendante, et après avoir caché son identité du public, rendu ses œuvres inaccessibles ou alors disponibles à quatre chiffres, sa science est désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming en ligne. Et ça, ce n’est pas rien. ShawnPucc

Duke Deuce – « SOLDIERS STEPPIN »

C’est à ce genre de morceaux que l’on perçoit que l’horloge du rap a réalisé un nouveau tour complet. Il y a dix ans, la nostalgie tenait en une réappropriation du boom-bap des années 1990 par une génération née pendant ces années dorées du rap de la côte Atlantique nord. En 2021, « SOLDIERS STEPPIN » de Duke Deuce rappelle à ce qui était vaguement appelé dans nos contrées le dirty south, et englobait des réalités musicales aussi variées que les fanfares synthétiques de No Limit, le blues de malfrats de UGK, le crunk poisseux de la Three 6 Mafia. La musique du groupe de Memphis est devenue ces dix dernières années une source inépuisable d’inspiration – elle a d’ailleurs largement nourri les précédentes sorties de Duke Deuce dans son intention de ressusciter le crunk. Mais sur « SOLDIERS STEPPIN », le rappeur de Quality Control et le producteur Ayoza ont dépoussiéré le « Left, Right, Left » de Drama, petit hit à sa sortie en 1999 qui a préfiguré l’émergence du crunk d’Atlanta mais aussi de la trap : le titre était produit par Shawty Redd, compagnon de Jeezy à ses débuts. Sur « SOLDIERS STEPPIN », Duke Deuce reprend de sa voix criarde l’esprit martial du titre original, promettant une pluie de plomb et des écrasements de tête à ses opposants sur les rebonds de la 808, offrant un bounce qui a disparu en une quinzaine année de rythmiques trap droites. Il y a pourtant une petite nuance avec « Left, Right, Left » : quand Drama avait des airs de loup solitaire, Duke Deuce pense à sa meute (« Me and my n****s about unity, it’s enough money for you and me »). Mais cet esprit coopératif n’entame jamais le débordement d’énergie cathartique qui a traversé deux décennies, de Drama à un Duke Deuce qui ne tombe jamais dans le cosplay dans ses clins d’oeil appuyés à des grands moments passés. Raphaël

Evidence – « Start the Day with a Beat »

Avec Unlearning Vol. 1, Evidence a tourné la page de quatre albums dans lesquels il cultivait l’identité de Weatherman. Ce qui ne l’empêche pas de rester le seul et unique Mr Slow Flow du rap américain. Prise de voix façon démo, déambulations dans une vie aussi tragique que remplie de lumière, conversations qui tournent au soliloque avec un regard passionné sur l’art de rimer, Michael Perreta offre un album quasi lo-fi, dépouillé et attrape-mélancolie. Pour cela, il s’est entouré aux machines d’Animoss, Daringer, les inévitables Nottz et Alchemist, Sebb Bash ou encore V Don. Mais cela ne doit pas masquer une chose : que l’ancien Dilated People est lui-même un redoutable producteur. « Start the Day with a Beat » en est sûrement un des plus beaux rappels possibles. Switchant les structures, les tempos, les samples, Ev’ construit une sorte de petite pièce de théâtre en 4 actes qui tiennent en moins de 120 secondes aux retours de flamme boucy. « I spent my life making good times with the baddest luck » y dit-il. Si la météo est changeante jusqu’au sein de ses propres instrus, Evidence reste dans son temps tout en cultivant ce climat qui lui est propre. C’est le signe d’un grand talent. zo.

Navy Blue – « Alignment »

La recherche de l’équilibre est permanente dans le répertoire de Navy Blue. Fils d’un père et d’une mère musicienne, le natif de Los Angeles désormais domicilié à New York décrit la musique comme une seconde nature. Mais un sentiment très spirituel se dégage de tous ses couplets, comme si Sage Elsesser – son vrai nom – était à la poursuite d’une harmonie perdue. Une quête de soi à travers le processus d’écriture et les toutes dernières mesures du titre “Alignment” incarnent de cette sensation. Répétées en boucle, ce dernier fait savoir à l’auditeur que son “corps, mon âme, mon esprit sont alignés” après exposé ses craintes. Cette manière de rapper presque impudique, à la fois très vulnérable, méditative voire même contemplative, est accentuée par une voix grave quasi psalmodique. Impossible de déceler les émotions dans son grain, il faut être attentif à ses lignes aux allures de prière. Toutes ces caractéristiques le détachent des autres et finissent par le rendre un peu plus unique dans une scène indépendante de New York en pleine renaissance. Avec des pères spirituels comme Earl Sweatshirt dont une certaine esthétique peut être identifiée – il produit les morceaux “The Bends” et “Azucar sur l’album Some Rap Songs (2015). Ou alors avec des inspirations bien choisies comme le rappeur Ka – qu’il invite sur son album Àdá Irin l’année dernière -, Navy Blue est en phase de trouver sa place et d’être en paix avec lui-même : “this is more to me than making music, this is therapeutic.” ShawnPucc

Santana Fox – « The Chase » feat. Boldy James

Quelle pire introduction dans le rap qu’être l’enfant d’une légende décédée ? Entre l’ombre imposante du paternel, la méfiance naturelle des auditeurs (quoiqu’un brin hypocrite) face à toute forme de népotisme et la tendance à l’imitation : autant d’obstacles auxquels se heurtent depuis des années les rejetons de Big Pun ou Eazy E pour ne citer qu’eux. À première vue, Santana Fox, fille aînée du défunt Prodigy, tombe elle aussi dans ces écueils avec « The Chase ». Une production lugubre signée Alchemist qui ne ferait pas tâche sur Albert Einstein et un sparring partner en la personne de Boldy James plutôt avare en collaborations laissent penser à un simple cadeau à la mémoire d’Albert Jonhson. A première vue seulement car Santana Fox a en fait pleinement assimilé les éléments stylistiques de son père pour en livrer sa propre version. Sa voix étherée, son débit à la limite de la monotonie et ses schémas de rimes non orthodoxes s’unissent pour servir une attitude aussi sensuelle que menaçante. Certaines formulations rappellent l’écriture si unique ,si organique de la moitié de Mobb Deep sans jamais tomber dans la copie carbone (« You schemin bitches keep on hatin. Press your luck and it’s on / Back and forth y’all gon be pacin by the end of the song »). La jeune rappeuse fait également sienne l’atmosphère ésotérique qui régnait dans les derniers albums de son père particulièrement The Hegelian Dialectic. À travers ce titres et d’autres, elle se place en semi goon, semi prêtresse voodoo à la personnalité magnétique et intrigante. En explorant ainsi plus profondément une esthétique et des thèmes que l’œuvre paternelle se contentait d’évoquer, Santana Fox enrichit ainsi l’héritage familial plutôt que de le singer. « The Chase » est la preuve d’une vraie ambition artistique, d’une artiste qui manie ses références avec un habileté certaine. Pap’s

Slowthai – « Push » feat. Deb Never

Slowthai et Deb Never étaient faits pour s’entendre. L’alchimie entre l’écorché de Northampton et la chanteuse bohème de Los Angeles produit un morceau touchant et délicat. Les titres à cœur ouvert sur une guitare acoustique, on nous fait le coup régulièrement, mais ici, c’est différent. La voix mélancolique de Deb instille une ambiance apaisée et douce-amère, comme un réveil dans la grisaille du petit matin, et prépare l’arrivée d’un slowthai brut et sincère, mais davantage dans la retenue que d’habitude. Le rappeur déluré aux accents qui déraillent jette ses réflexions sur l’ingratitude, les choix qu’on regrette et la persévérance. « Push », à l’image du second disque de TYRON, montre un slowthai conscient de son instabilité et qui fait de son mieux pour dompter ses démons et sortir la tête de l’eau. Et cet équilibre fragile, cette ligne de crête sur laquelle il pourrait basculer en relâchant son effort, a quelque chose de beau. David

Monaleo – « Beating Down Yo Block »

C’est une grosse dose de hargne bien canalisée que Monaleo sert sur son « Beating Down Yo Block ». Si les « bad bitch anthems » sont légions dans le rap féminin (Megan Thee Stallion étant devenue la reine du genre), ils épousent souvent une recette mêlant sexualité et empowerment. Sur son premier hit, Monaleo transforme en carburant les différentes épreuves qu’elle a traversé depuis son adolescence, de sa précarité à la frivolité de son ex qui lui a inspiré ce titre. « You wouldn’t know with all I been through, ’cause I make this shit look well », explique-t-elle de sa voix sur le fil entre l’orgueil et l’urgence, et d’un flow qui prime l’émotion à la justesse. Pourtant, aucun pathos dans ce morceau de la jeune rappeuse : juste l’envie de remettre tout le monde à sa place. Son ex ? « Let’s just pretend that n***a died. » Un futur prétendant incapable de s’auto-gérer ? « I ain’t holding no n***a down so bitch, you better not go to jail. » Des concurrentes trop promptes à la chauffer ? « We not friends or we not pals, beating down yo block, taking n****s from they gals. » Merion Krazy, producteur du titre, parvient à mêler un son contemporain (808 éléphantesques, roulements frénétiques de hi-hats) à la tradition texane : « Beat Down Yo Block » tourne autour d’un sample du « Knocking Pictures Off Da Wall » de Yungstar, dont on entend un bout d’instrumental par moments et le fantôme du refrain, adapté par Monaleo. La sirène du morceau original résonne ici comme le sifflement d’une valve d’autocuiseur, ouverte par Monaleo pour évacuer une bonne fois pout toute sa colère. Si elle arrive aussi à capturer d’autres émotions avec autant de vivacité sur ses futurs morceaux, il faudra miser sur elle bien plus que pour retourner un pâté de maison. Raphaël

RX Papi – « Bird box pt. 2 » feat. Boldy James

Rx Papi sort de Rochester, New York mais n’a pas grand-chose à voir, d’un point de vue musical, avec les têtes connues du coin (38 Spesh, Eto, etc.). Lui s’inspire plutôt, à l’en croire, de Max B, Gucci Mane et Lil B. Force est de lui reconnaître une productivité digne de ses prédécesseurs, avec pas moins de huit albums sortis en 2020. C’est, généralement, le signe d’une certaine spontanéité dans la forme. De fait, Rx Papi, ainsi que son acolyte Rx Nephew, abreuvent Youtube de sons bruts, dans la veine du « shit talking », où ils déploient un monde lugubre peuplé d’apprentis assassins et de « crackheads » timides. Cette mythologie personnelle est agrémentée de figures familiales récurrentes (« Your favorite rapper never / […] Sat in that kitchen and scraped the plate / Cooked dope while auntie sang Amazing Grace / She super anxious waiting for a taste ») ; de la pop culture (« I walk in this bitch like John Wayne / I don’t know shit about John Wayne ») et de rappeurs illustres ( « I walk in this bitch like Mystikal / that nigga don’t sell dope that’s fictional » ; « I walk in this bitch like Styles P I don’t need no stylist to style mе »). Le Real Rx rappe à la première personne et ouvre une trappe sur sa psyché tourmentée. Entre deux bouffées d’angoisses ou de paranoïa, il décrit son quotidien de « Crack Lord of Rochester » par des traits d’esprits tragiquement hilarants. « Bird box pt. 2 » est le premier single extrait de 100 miles and walk’in. La présence de Boldy James en featuring est surprenante au premier abord. En effet, Rx Papi se distingue par l’absence totale de raffinement de sa musique. C’est d’ailleurs précisément ce qui fait son intérêt, en donnant à l’auditeur l’impression d’arriver en cours d’expérience, en plein milieu du processus, alors que le bulles explosent encore à la surface de la cuve. Au-delà de cette différence, les deux rappeurs partagent une poésie comparable dans leur manière de transcrire la réalité par petites touches sensibles et puissamment évocatrices : « Every time I sleep, that pistol by my side / That bitch bring me peace of mind ».  Léon

Nym Lo – « Old Lo »

Comme beaucoup de ses contemporains, Nym Lo a fait ses armes rapologiques dans les cyphers et les battles documentés sur DVD qui fleurissaient à Harlem à l’aube du millénaire. De cette vision compétitive du rap, il a gardé une certitude quasi irationnelle d’être le meilleur ou au moins d’être le plus riche, le mieux habillé, le mieux véhiculé (ce qui pour un harlémite revient souvent au même). Pour lui la richesse est une valeur morale et les moyens de l’obtenir répondent à une éthique précise :  « I respect money and power, that’s why I dont fuck with these cowards », ca vaut bien la peine de le répéter au début de chaque couplet. Cette figure du rappeur hustler n’est pas nouvelle et l’interprète d’  « Old Lo » en a bien conscience, il est précisément là pour en être le prolongement. Rien d’étonnant donc à l’entendre citer des grands noms du banditisme made in Uptown comme une filiation à la noblesse de rue dont le rap chante les éloges . En bon admirateur de Cam’ron ( « King coupe with the roof up you can run into Bowser »), la flamboyance se marie au flegme pour un hymne à l’argent sale et au linge propre. Cette passion des ensembles Polo USA dont il tire son nom, Nym Lo la partage avec son producteur 183rd qui s’occupe de lui tisser un habillage musical bruyant mais néanmoins délicat sur ce morceau comme sur l’intégralité de High Horse 2. L’ensemble fonctionne comme une capsule sensorielle censée rappeler une époque perçue par ses auteurs comme révolue, sans jamais devenir réactionnaire. Le trentenaire qui se voit comme membre espèce en voie de disparition mais pas à cause des nouvelles génération simplement du temps qui passe. En cela , son arrogance élégante n’est pas une provocation mais bien un geste, un témoignage. Une manière de porter par sa simple existence un héritage qui se perd : « Boss of the horses. Heir to the Teddy bear ». Pap’s

Night Lovell – « I Know Your Ways »

Sinistre. C’est le sentiment qui se dégage de la musique de Night Lovell depuis 2014, quand ce Canadien autant nourri par la trap que l’imagerie métal et films d’horreur a mis en ligne sur Soundcloud ses premiers morceaux. En sept ans, à part sur le plus coloré Red Teenage Melody en 2016, peu de choses ont changé dans son registre, à l’image de son Just Say You Don’t Care sorti cette année : une musique cafardeuse pour accompagner une voix basse et monocorde dont l’âme semble s’être évaporée, même quand Night Lovell parle de plaisirs charnels. Pourtant, dans ce son noir et touffu, son dernier album montre aussi quelques lueurs, aussi lumineuses que peuvent être des percées de rayons lunaires dans une nuit brumeuse. Sur « I Know Your Ways », il y a déjà cette mélodie de piano puissamment triste qui résiste au poids d’une basse exagérément saturée, tous deux posés sur un beat trap sommaire, squelettique. Sur cette partition simple, Night Lovell raconte ses errements de mec paumé, entre impasse sentimentale (« I lost the surface, I don’t know my purpose. I promise it’s not what you viewing. I’m outside, why don’t you let me in ? ») et la paranoïa qu’il ressent sur les grandes artères de sa ville (« Walkin’ fast, I don’t like when n****s seein’ me, ’cause you know it’s all the money that they see in me »). La force de « I Know Your Ways » tient à cette manière qu’a Night Lovell de transmettre son malaise, autant dans la musique et les mots que dans ce changement soudain de décor, passant de l’intimité d’une rupture amère à la méfiance suscitée par une virée nocturne. Dans cette branche d’un rap emo infusé de tropismes rock ces dernières années, beaucoup ont surjoué et caricaturé des motifs gothiques. À travers un titre comme « I Know Your Ways », Night Lovell montre, au contraire, plus de subtilité derrière les apparences. Raphaël

AG Club – « Queso »

AG Club, c’est un collectif pléthorique, aux contours flous, qui vient du côté de la Bay. Le groupe plus ou moins centré autour de Jody Fontaine et Baby Boy (respectivement rappeur et chanteur) dégage une énergie bordélique et créative qui n’est pas sans rappeler Brockhampton et les débuts du A$AP Mob. Ces gamins à peine sortis du lycée déborde d’idées de clips barrés, ne s’interdisent rien et jouent avec les codes sans complexe, ce qui colle bien à leur nom, AG signifiant « avant-garde ». Après avoir cartonné l’an dernier avec « Memphis » qui, comme son titre l’indique, est un hommage au son de Memphis, AG Club a capitalisé sur ce succès pour sortir Fuck Your Expectations 1 et 2, des EP fourre-tout et inégaux mais prometteurs. « Queso » est un bel exemple de ce dont ils sont capables : du rap plein d’enthousiasme, à la fois simple et malin, plein de clins d’œil et de trouvailles et porté par une énergie de petits cons effrontés. Il leur reste encore à concrétiser cet élan sur la longueur, mais le potentiel est là. David

Villain Park – « Double Up » feat. Trizz

L’auteur de ces lignes avait misé, dans le bilan de 2019 de l’Abcdr du Son, sur une éventuelle petite hype autour de Villain Park. Les deux années qui ont suivi la sortie de The Recipe lui ont donné tort, pour tout un tas de raison, dont leur productivité maigre. Peu importe : leur dernier morceau, « Double Up », reprend là où leur dernier long format les avait laissé. Sur ce titre avec Trizz, rappeur déjà entendu en featuring avec les Cunninlynguists, les Villain Park déroulent un son sud-californien intact, toujours entre textures chaudes, groove dodelinant et basse enveloppante. Sur ce son millésimé mais jamais obsolète, Bunge de Villain Park et Trizz rappent leur rêve d’ascension sociale sans tomber dans les pièges de leur environnement. Avec une niaque parfois chamboulée (« I’m hopin’ it ain’t too late, can’t even count how many times I done contemplated my fate »), mais revigorée par une dose de foi et peu de jus de courage distribué par Smokey au refrain (« Sippin’ on some liquor, fuck a shot, we need a fifth of that »), les trois rappeurs signent un titre revigorant, autant coup de pied au cul que coude à l’air. Raphaël

Reese Youngn – « No More Parties » Remix (THE LET OUT)

À l’origine, il y a un tube : “No More Parties” de Coi Leray. Jeune chanteuse de Boston dans le Massachusetts, son titre cartonne grâce à des concours de danse sur l’application Tik Tok. Outre ce détail caractéristique de l’époque, c’est surtout le refrain qui retient toute notre attention. Des suggestions lascives. De l’autotune à grande dose. Des onomatopées sur chaque fin de mesure. Tout réside dans l’économie des mots, quitte à ne pas tout comprendre mais le mélange est hautement calibré pour ne pas se préoccuper du fond. De l’autre côté à Pittsburgh, en quête de notoriété, le rappeur Reese Youngn décide d’en faire un remix non-officiel. Coi Leray se plaignait des soirées vides de sens. Lui, propose une suite pleine d’humour. Un récit dans lequel il s’en va récupérer sa moitié à la sortie de boite avec peut-être l’onomatopée de l’année pour imiter sa voiture. Dans cette parodie, génie et ridicule se confondent. Sur le point de fondre en larmes ou alors rempli d’excitation par l’idée de retrouver sa belle, le rappeur de Pennsylvanie déverse ses mots avec une interprétation bluffante. Entre chant, rap et hurlements, chaque ligne est plus drôle que la suivante. Et ce dernier arrive à nous faire oublier la version originale. Une prouesse de sa part dans l’espoir que Tyreese Maleek El – son vrai nom – ne reste pas cantonné à ce seul et unique morceau dans une carrière encore toute vierge. ShawnPucc

The Allergies – « Are you Ready » feat. Andy Cooper & Marietta Smith

Eh oui, il reste dans ces sélections semestrielles un petit village d’irréductibles titres de rap trempés dans la soul, la funk et les samples grandiloquents aux inspirations ultra-référencées. La preuve avec les deux Anglais de The Allergies. Spécialistes des sons cuivrés, explosifs et remplis de caisses claires qui frappent, Rackabeat et DJ Moneyshot convoquent Andy Cooper. Comme toujours, l’ancien rappeur d’Ugly Duckling s’efforce de déployer un rap festif et souriant, rampe de lancement d’une soirée entre costume pattes d’eph’ orange et dancefloors qui deviennent des compétitions de style, à la manière du « Hey Ladies » des Beastie Boys. Appuyé par un chorus porté par Marietta Smith, « Are You Ready » n’est rien d’autre qu’un moment de tonus survitaminé, une déflagration de bonne humeur à mi-chemin entre Stax, Daptone et le disco rap du début des années 80, notamment présenté dans les compilations Boombox pour ceux qui voudraient se faire une idée. Et comme un clin d’œil, c’est disponible en 45 tours, format que les Allergies affectionnent depuis leurs débuts et auxquels les DJs reviennent plus que jamais. zo.


Cette sélection est disponible sur Spotify et Deezer, à l’exception des quelques titres qui n’y sont pas référencés.

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