Vald et Seezy, duo maléfique
Interview

Vald et Seezy, duo maléfique

De retour avec XEU, second album cohérent et ciselé, Vald passe indéniablement un cap tant en termes de rap que de musicalité. Une réussite qu’il doit en grande partie à Seezy, producteur attitré du disque, ce qui nous a donné envie de les réunir.

Photographie : Brice Bossavie

Au moment de notre rencontre avec Vald en 2017, un nom ressortait inlassablement de la discussion. À l’époque encore méconnu du monde du rap, le jeune producteur Seezy offrait de nouvelles couleurs musicales à Vald sur son album Agartha tout en faisant son entrée dans la cour des beatmakers à suivre dans le milieu.

Depuis, la liste des succès s’est enchaînée pour Seezy (morceaux pour Sofiane, Ninho, Alkpote en 2017) tandis que son amitié avec Vald s’est elle bien confirmée : car c’est bel et bien lui, le beatmaker aux multiples disques d’or âgé de vingt ans seulement, qui a supervisé tout XEU, second album épuré et efficace d’un Vald bien plus centré qu’auparavant.

Une bonne occasion pour réunir les deux garçons afin de discuter de leur travail au long cours sur l’évolution de la musique de Vald tout en découvrant un peu plus en détails les rouages de celle de Seezy, qui livre ici sa toute première interview.

Lisez cet entretien en écoutant notre playlist « Produit par : Seezy » disponible sur Spotify et Deezer.

Abcdrduson : XEU a été entièrement produit par Seezy. Comment est venue cette envie de bosser sur un disque ensemble ? 

Vald : On n’a pas fait exprès honnêtement. On a le même manager et la même équipe du coup on est souvent ensemble et je lui demande tout le temps de m’envoyer ses prods, même celles dont il pense qu’elles ne m’iraient pas. J’ai beaucoup de prods de lui, donc quand je me mets à rapper chez moi je rappe sur les siennes. Je ne lui ai pas vraiment dit « Viens, on fait un album ensemble ».

Seezy : À partir du moment où j’ai rencontré Vald par l’intermédiaire de notre manager commun on s’est mis à tout le temps travailler ensemble. Donc c’était normal que sur cet album on soit amenés à travailler autant tous les deux. Après on ne savait pas que ça allait être sur absolument tout ce nouvel album.

Vald : On est partis à Los Angeles ensemble aussi. Une fois que j’ai eu énormément de maquettes je me suis dit que j’avais presque l’album, et j’ai décidé de partir à Los Angeles pour le boucler. On se réveillait le matin on faisait du rap, on s’endormait le soir, on faisait du rap. Et vu qu’il n’y avait que lui comme producteur…

A : Votre rencontre, elle date d’un peu avant Agartha non ?

S : Oui c’est ça. C’est à partir du moment où on a fait « Ostud » qui est le premier morceau qu’on a fait ensemble.

V : On se connaissait déjà depuis cinq ou six mois avant « Ostud » mais on n’avait pas trop bossé ensemble avant.

S : Tu ne croyais peut-être pas trop en moi aussi à la base. [rires]

V : C’est vrai qu’à la base, ce qu’il fait comme musique, je n’étais pas trop là-dedans en vrai…

S : Sur Agartha je lui ai proposé plein de prods qui étaient hyper bien et il n’arrivait pas à poser dessus. Il me disait : « Mais attends j’arrive pas à poser dessus, comment tu fais ?! » [rires]

V : C’est pas que je n’arrivais pas à poser dessus, c’est que je n’avais pas d’idées de flows ! Je ne comprenais pas comment on rentrait une phrase dans ces prods de merde !

S : Une fois XEU fini, il a tout réécouté, et il m’a dit : « Putain, Seezy… J’ai compris tes prods ! Enfin ! » [rires]

V : Il est dans le turfu. Que ce soit Seezy ou les autres, je considère vraiment que ce sont les beatmakers qui sont proches de la musique. Encore plus dans le rap. Les interprètes dans le rap on doit être à 95% sans culture. On ne connaît rien… Eux se font toutes les nouvelles mixtapes qui sortent dans le rap américain, donc sur les sonorités ils sont vraiment hyper au point. Je n’étais peut être pas hyper prêt pour Agartha, mais là ça s’entend qu’on passe un cap.

A : Il paraît qu’à la base, la musique de Vald ne te parlait pas Seezy.

S : J’avoue que quand on m’a parlé de Vald il y a quelques années je ne le connaissais même pas. J’avais écouté et je trouvais qu’on s’ennuyait un peu sur les morceaux. Vu qu’il rappait beaucoup, je perdais le fil au fur et à mesure des morceaux, donc ce n’était pas trop ma came. Et avec le temps, avec le relationnel, du temps passé ensemble, en lui donnant aussi quelques conseils…

V : Je l’ai eu à l’usure ! Je suis plutôt de base sur un rap avec beaucoup de mots, beaucoup de couplets. Ce que je vais aimer dans le rap, ce sont les couplets interminables avec plein de phases partout où je me dis : « Wow le mec a rappé pendant trois minutes, il a trop de souffle et d’imagination ». Alors que Seezy va être intéressé par l’impact des mots et de la musique. J’ai l’impression qu’on fait des hits avec Seezy, on est là pour faire turn up les clubs. Ça n’a rien à voir avec ce que j’aime de base, et pourtant on a réussi à mélanger tout ça. En faisant cet album j’ai réussi à faire des gros couplets sur des prods intéressantes.

« Que ce soit Seezy ou les autres, ce sont les beatmakers qui sont proches de la musique. Encore plus dans le rap. »

Vald

A : D’ailleurs tu as un peu simplifié ta formule sur XEU. Tout est plus direct, plus impactant.

V : C’est plus efficace à force de travailler avec des gens comme Seezy. En côtoyant des gens comme lui ou le Souille Gang avant, j’ai vraiment rencontré des personnes qui ont une vision de la musique différente, et je me suis aussi rendu compte qu’il y a énormément de gens qui n’ont pas envie d’écouter des couplets de trois minutes, qui n’ont pas envie de se casser les couilles. Et moi ça m’a fait évoluer aussi. Je ne suis pas là pour casser les couilles aux gens non plus. Si ça me fait kiffer de faire des couplets de trois minutes je vais me les faire pour moi. Mais là on voulait faire de la musique efficace qui dépote tout.

A : Tu as enchainé direct avec la composition du deuxième album après la sortie de Agartha ?

V : J’ai eu un mois et demi où je n’ai rien fait cet été, je me suis enfermé chez moi dans ma chambre pour faire de la musique, et je lui envoyais des maquettes. À la fin du mois d’août j’avais une trentaine de maquettes et on est partis finaliser ça à Los Angeles. Je me suis enfermé parce que je n’avais que ça à faire, et je faisais de la musique pour m’entraîner et passer un nouveau cap. Pour moi toutes les maquettes que j’avais faites cet été étaient des sons pour m’entraîner. Et à force de les travailler, des les peaufiner, tout ça est devenu un album.

A : Seezy était une sorte de producteur exécutif qui avait un regard sur tout le disque au final.

S : Oui totalement. Quand on était à LA, à chaque fois Vald gueulait à l’autre bout de la maison « SEEZY! ». J’étais super fatigué, j’étais dans mon lit, et il me disait de me réveiller pour écouter ce qu’il avait posé. [rires]

V : En fait j’ai besoin de sa réaction. C’est lui qui est dans le coup de la musique, et quand je fais un morceau j’ai vraiment besoin de voir sa tête ou celle de mon manager. J’accorde beaucoup d’importance à leurs goûts et je les estime vraiment, je trouve qu’ils sont vraiment forts dans ce qu’ils font, donc j’ai besoin de voir comment ils réagissent. S’ils ne sont pas contents je me dis que c’est de la merde et j’y retourne. Quand je vois que Seezy perd le fil c’est pas bon signe, ça veut dire qu’il faut que je change quelque chose.

S : Des fois je turn up sur les instrus et puis à un moment je m’éteins. Dans ce genre de moment, Vald me regarde et appelle l’ingé’ son Marty pour retourner en cabine. [sourire] « Marty ! On retourne dans le placard ! »

V : [Rires] J’ai réenregistré des morceaux plusieurs fois, à me prendre la tête tout seul, à cause de ça. Les mecs me disaient que c’était bon mais je continuais !

A : Tu considères toujours que tu n’as pas une excellente oreille musicale ?

V : De fou. Et ça ne sera peut être jamais le cas. Et puis j’ai toujours besoin de voir la tête de quelqu’un quand il se prend le son pour voir si j’ai fait de la merde ou pas.

A : De votre point de vue, qu’est-ce qui a changé sur XEU par rapport à Agartha ?

V : Je trouve que c’est plus cohérent musicalement vu qu’il n’y a qu’un seul producteur. Mon propos est plus cohérent aussi, il y a tout un développement dans les textes au fil du disque. Et le côté un peu “laboratoire” d’Agartha a disparu.

S : C’est moins bizarre en fait. Sur Agartha on a expérimenté des choses.

V : Que ce soit “Eurotrap”, “Lezarman”, “Petite Chatte”, c’est chaud quand même.

A : Il y a très peu de moments WTF sur celui-là. C’était voulu ?

V : À mort. Les moments WTF c’est marrant mais l’auditeur peut vite décrocher. Le but de la musique c’est d’être sérieux quand même, on n’est pas là pour rigoler. Mais il y a toujours des trucs un peu fous, même dans les sonorités qu’on propose, je pense à « Seum » en deuxième morceau ou le « Possédé », qui est très mélodieux. Et puis ce qui a changé, c’est que les « hits » sont vraiment actuels. Je ne dis pas que « Eurotrap » n’était pas bien, mais il y avait un côté un peu savant fou quand même. Alors que là les morceaux tu as beaucoup plus envie de les ré-écouter

S : C’est vrai que « Eurotrap » était stylé, mais c’était trop bruyant quoi… On s’est dit qu’il fallait que tous les gros morceaux qu’on allait faire puissent se rejouer le plus possible, pas juste en soirée ou en festival comme « Eurotrap ».

A : En faisant des morceaux un peu bizarres sur Agartha, tu ne voulais pas un peu prouver des choses ?

V : Aujourd’hui je m’en rends compte – et je pense que ne réalisais pas – que je faisais des choses vraiment étranges. « Eurotrap », « Lezarman », ce sont des morceaux que je vais faire naturellement parce que ça va me faire rire. Après en faire un projet entier, pour que ça rentre dans le quotidien des gens, c’est plus compliqué. Et avec Seezy on a pour projet de faire de la musique qui accompagne les gens tous les jours, H24. Et puis ça me dérangeait aussi ce côté où, lorsque tu faisais écouter Vald à quelqu’un, il fallait que tu préviennes la personne. « Attention, on va écouter Vald, t’es pas prêt ». On est pas là pour ça…

A : On a l’impression que tu as beaucoup plus confiance en ton rap, sur ta musique, sur ce disque

V : Depuis Agartha je suis légitime. On est platine, on n’est plus des petits.

A : Même techniquement non ?

V : Oui je pense être bien plus fluide, je force beaucoup moins… C’est aussi pour ça que je crie moins. Il y a qu’un seul morceau où je le fais et c’est « Dragon » que j’ai enregistré il y a trois ans. Je voulais reposer les voix pour avoir celle que j’ai aujourd’hui mais finalement j’ai un peu eu la flemme. Et puis les gens de mon entourage ainsi que celui de Sofiane écoutaient déjà énormément le morceau et on le kiffait comme ça. Il y a un côté un peu archive d’une autre époque que j’aime bien. La prod’ a été refaite mais les voix datent. Même celle de Sofiane.

« Le rap qu’on doit faire aujourd’hui doit sonner comme du rap américain. On va être à côté de la plaque sinon.  »

Vald

A : Est-ce que tu es d’accord Seezy si on te dit que tu as guidé Valentin pour faire évoluer sa musique ?

S : Oui je l’ai quand même guidé un petit peu. Par exemple quand il rappait trop je lui disais « Arrête! »

V : « Mets de l’espace ! Tais-toi ! » [rires]

S : C’est vrai que je lui disais de mettre de l’espace. Ce que je kiffe dans une prod’ et dans un morceau de rap, c’est le balancier.

V : Le balancier ! On est à la source de tout là, attention !

S : C’est tout ce qu’il faut ! Par exemple dans « Jentertain » je trouve que le balancier est incroyable et c’est ça que je cherche dans la musique. Il y a beaucoup d’espace et les mots tombent pile sur les temps. Dans ta tête, tu retiens le morceau de suite, tu sens qu’il y a un truc qui fonctionne. Alors que quand c’est tout le temps la même chose, que ça cavale dans les phrases, on s’ennuie un peu… Il faut juste un peu réfléchir sur les phrases et leurs rythmes. Par exemple dans « Primitif », ça cavale plus dans les mots, mais on a contrôlé le tout, donc ça s’écoute. Le but c’est aussi mettre de la mélodie dans les paroles et la diction.

A : Ça rappelle un peu le rap américain actuel dans l’intention.

V : Le rap qu’on doit faire aujourd’hui doit sonner comme du rap américain je pense. On est obligés. Si aujourd’hui on sonne comme du rap français c’est un peu dérangeant même si on a certaines choses que l’on fait en France et que j’aime. On a des prods de trap en France un peu pourries avec une cloche pendant tout le morceau qu’on a entendue cent fois, mais je kiffe parce qu’il y a un côté un peu classique. Mais la plupart du temps il faut qu’on essaye de ressembler à Future. On va être à côté de la plaque sinon.

A : Tu écoutes beaucoup de rap américain Seezy ?

S : Totalement, j’écoute que ça pratiquement même.

V : Donne nous tes dernières références, fais nous rêver ! Des Lil Wop !

S : [rires] Oui, Lil Wop, ou dernièrement Hoodrich Pablo Juan, NBA Young Boy, et évidemment les Kendrick Lamar, Future, Drake… Mais j’écoute beaucoup les petits comme NBA Young Boy, Rich The Kid, Famous Dex.

A : Et chez les producteurs ?

S : J’aime beaucoup Southside même si c’est simple. J’aime bien la vibe TM88 avec de la distortion, ça fait un peu rockstar. Murda Beatz aussi, il est incroyable. Actuellement je pense que je suis buté à TM88 et Murda Beatz oui.

A : Tu produis depuis quel âge ?

S : Il faut déjà savoir que j’ai commencé à écouter du rap en même temps que j’ai commencé à faire de la production. Donc ça devait être il y a quatre ou cinq ans.

V : Tu écoutais quoi avant ?

S : Du metal ! [Vald éclate de rire, ndlr] Donc j’ai commencé à écouter du rap en seconde avec la vague ASAP Rocky.

A : La dernière fois qu’on avait parlé avec Valentin, il nous avait dit qu’il demandait toujours des choses assez étranges aux producteurs. Est-ce que tu sens les choses comme ça ?

S : Le truc c’est que ça se fait tout naturellement avec Vald en vrai. Il me demande en fait de vraiment lui envoyer tout ce que je fais, même les sons les plus bizarres. Il n’est pas du genre à demander des choses bien précises, ce qui est plutôt une bonne chose pour un producteur, ça donne plus de libertés.

V : J’évite de faire ça même quand il fait des prods. Je ne me mets pas à côté en lui disant « Non, change le charley », ça sert à rien à part à lui niquer sa vibe. Je n’ai pas trop de connaissances musicales, et ça gâcherait le truc

S : Et puis même, je pense que c’est pareil pour tous les beatmakers, on aime bien être dans notre coin sans que personne ne vienne nous casser les couilles. C’est horrible quand il y a plein de monde autour. Par exemple quand on a fait « Devient Génial » avec le DJ electro Tchami, c’était atroce pour lui. Il était dans la pièce au milieu, et il y avait toute l’équipe qui était autour à le regarder pendant deux heures.

V : À chaque clic ! Et en plus on se parlait en lui disant « Bof, pas terrible », « Je pensais que t’allais nous faire un tube, bon… » [rires]. On était super mal élevés et on s’en est pas rendus compte, heureusement il l’a bien vécu. Pour en revenir à ta question, je suis plus du genre à demander à ce que les beatmakers m’envoient ce qu’ils aiment vraiment dans leurs prods. J’ai eu cette révélation assez récemment : c’est eux qui connaissent vraiment la musique donc autant leur faire confiance. Ca me gênerait que Seezy me passe des prods qu’il n’aime pas trop pour me faire plaisir. Ce serait con de faire ça parce que c’est lui qui a la musique en lui, donc il faut que lui me donne de la musique qu’il aime vraiment. Et si moi j’aime, et lui aussi, on a gagné.

A : Donc ce n’est pas si différent que ça de bosser avec Vald par rapport à d’autres rappeurs ? Il ne doit pas y en avoir beaucoup qui te demandent un morceau comme « Eurotrap »…

V : « Eurotrap » c’est plus particulier… On était vraiment en mode savant fou. D’ailleurs on a travaillé un an sur ce morceau, c’était insupportable !

S : J’ai plus envie d’en parler putain. [Rires] En fait en y repensant je trouve que Agartha a été beaucoup plus compliqué à faire, il a vraiment été travaillé et retravaillé. « Eurotrap » je crois qu’il y a eu une vingtaine de versions c’est atroce. J’en pouvais plus. « Seezy ! Ouvre le projet ! », « Seezy, il faut changer ça ! » [Sourire]

V : C’est vrai que sur Agartha on a fait, refait, et encore refait, tandis que là tout s’est goupillé bien plus facilement. On a juste eu un peu de mal avec « Deviens Génial »… Mais Seezy a réglé le problème en un seul coup.

S : Il ne voulait plus enregistrer, il était déprimé sur son lit. [rires] Je vais le voir et je lui fais « Viens, vas-y Vald, on avance, on va pas bloquer sur un morceau… » et lui me disait depuis son lit « Si on fait pas ce morceau, j’avance pas ! » [ils explosent de rire] J’ai fait une nouvelle prod’ vite fait, je lui ai amené l’ordi, il l’a écoutée, et il était reparti !

V : Et c’est un morceau qui tue au final. Mais c’est le seul qu’on a retravaillé. Et quand on dit galérer, ça veut dire qu’on l’a bossé pendant trois jours. Alors que “Eurotrap” c’était un an. On l’a refait vingt fois.

« Je n’ai pas envie d’avoir l’image du producteur mystérieux que personne ne connaît. La vision du beatmaker américain identifiable me plaît plus. »

Seezy

A : Au niveau des textes, tu te confies plus sur certains morceaux Valentin, comme par exemple « Réflexions Basses ». Tu as souvent dit avant que tu ne pouvais écrire que quand tu étais heureux. Pourtant…

V : Bien sûr. C’était vraiment le but de « Réflexions Basses ». Quand tu es dans le bas tu ne penses que par tes peurs, tes angoisses, tes doutes, donc j’ai voulu parler de ça. C’est un état d’esprit que j’ai très peu souvent, mais ça arrive, donc autant en faire un morceau. Et lorsque ça me tombe dessus, Suikon Blaz AD n’est souvent pas loin donc c’était marrant de le mettre sur le morceau. Ça donne aussi une sorte de profondeur à l’album. C’est évidemment bien de faire de la musique pour les concerts et les clubs, mais quand tu as justement des moments de réflexion un peu tristes comme ça dans ta vie, c’est intéressant de les intégrer dans ta musique pour lui donner de la profondeur.

A : Tu dis quand même que tu n’as pas confiance en toi sur ce morceau, c’est quelque chose que l’on entend très peu dans le rap…

V : Il y a un côté un peu sincère. Et c’était pareil avec le morceau « Je t’aime » sur Agartha. Je trouve que c’est abusé de dire « je t’aime » dans le rap. Alors dire « Je suis mal dans ma peau comme un ado boutonneux » c’est pareil. Même Bigflo et Oli ne le disent pas !

A : On a l’impression que le succès t’a aussi désenchanté sur certains points. Tu dis même à un moment « tout le monde me suce, personne ne m’aime ».

V : Sur cet album j’avais envie de partir d’un constat simple qui est qu’on est très primitifs : je suis primitif, les gens sont primitifs, la société aussi, essayons de nous améliorer. On vit notre état primitif dans lequel on passe par le seum, on s’énerve sur des gens, on se défonce, on est possédés, on se rend compte qu’on ne sait pas qui on est, et sur la fin de l’album il y a des espèces de réflexions qui tentent d’être plus optimistes. Quand je dis « tout le monde me suce mais personne ne m’aime” je rajoute aussi plus loin “mais je commence à m’y faire ». J’avais en fait envie de dire que même si tout est un peu sombre, on peut essayer d’être optimistes. C’est une réalité en soi : tout le monde connait Vald mais les gens ne m’aiment pas vraiment, ils ne connaissent pas vraiment ma personnalité. J’ai très peu de gens autour de moi qui m’aiment en dehors de ma famille et de mes amis.

A : Ça s’est accentué avec le succès de Agartha ?

V : Bien sûr, complètement. Mais ce n’est pas pessimiste. C’est une chose de le remarquer, mais c’est aussi autre chose de s’y habituer. C’est très dur de s’y faire et de se dire : « Ok, sucez moi, j’ai deux-trois personnes qui m’aiment sincèrement et c’est très bien comme ça ». La célébrité tout court c’est quelque chose d’un peu lourd à porter, quand tu es reconnu partout…

A : C’est ça l’avantage quand on est producteur : de ne pas être vu ?

S : Moi ça ne me dérange pas du tout. Je n’aime pas trop montrer ma tête, mais je n’ai pas non plus envie d’avoir cette image de beatmaker mystérieux que personne ne connait. La vision du beatmaker américain identifiable, c’est quelque chose qui me plaît plus. Par exemple quand Metro Boomin entre en studio, c’est lui le rappeur en fait : c’est vraiment lui l’artiste. Et moi j’aimerais bien être vu comme ça. Je ne veux pas être juste un type derrière son écran avec sa souris.

A : C’est paradoxal ce que tu disais tout à l’heure Valentin, parce que même si tu affirmes sur un morceau que tu n’as pas confiance en toi, dès que tu fais quelque chose sur internet, tu as une armée de fans qui disent que tu es “génial”.

V : Les gens se branlent à mort…

S : [Rires] Magnifique ! Mets ça en grand !

V : J’en suis conscient et ça me fait marrer qu’on me le répète tout le temps. Au début ça me saoulait honnêtement, je pensais beaucoup aux autres rappeurs qui se diraient du coup que j’étais surcôté, ça me mettait une grosse pression. Mais aujourd’hui j’ai fait le tour, faites ce que vous voulez, dites que je suis un génie. Des fois ils ont raison en plus ! Après il y a une part d’amusement de ma part aussi. À chaque fois que je sors quelque chose les gens vont le sortir, du coup c’est devenu un running gag avec mon entourage. Je cherche un peu aussi les gens : quand je sors une pochette blanche et qu’on dit que c’est la meilleure pochette de tous les temps… vous êtes vraiment cons ! [Rires]

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