Chronique

Mr Live
The Bang Theory

Ascetic - 2007

Quelques dates résument Mr Live. En 1988, il commence à rapper dans les rues de Fort Greene, à Brooklyn, sous le nom de Jae Live. En 1995, le jeune MC quitte son premier groupe, E & Jae, et intègre un nouveau collectif, The Vibe Khameleonz. En 1996, de retour d’une tournée européenne, il réalise qu’un autre MC évolue sous le pseudonyme de J-Live. Il cherche à le clasher, en vain, et finit par opter pour le nom de Mr Live – à ne pas confondre non plus, donc, avec le bostonien Mr Lif. Alors qu’il se croit fini, il croise la route de Bobbito Garcia et enregistre le maxi ‘Supa Dupa’ qui, sorti chez Fondle ‘Em, rencontre un franc succès. Après quelques apparitions (albums de Mr Len ou des Nextmen…) et six maxis en dix ans, il sort son premier solo, The Bang Theory, en février 2007.

« Ne comptez pas sur moi pour y trouver des beats tordus et des rimes sur les extra-terrestres. Je n’ai pas cette vision de l’underground !« . C’est ce qui s’appelle être clair. Malgré une superbe pochette dont la portée onirique est évidente, Mr Live est un rappeur très terre-à-terre, les pieds sur le bitume et la tête sur les épaules.

Pas de rimes sur les extra-terrestres, donc, mais des considérations musicales, sexuelles, personnelles, politiques ou sociales pleines d’ironie, plus ou moins intéressantes selon les morceaux ; et selon le « degré de naïveté devant les États-Unis » de l’auditeur. Pas de beats tordus, non plus, mais des instrus diversifiés allant du quelconque au bon, du boom-bap le plus basique (‘Brooklyn 2.0’, ‘Hip Hop’) à une espèce de mélange de reggaeton et de dancehall assez désarçonnant (‘Bend & Flex’, ‘Make it rowdy’). Un seul point commun : l’impression d’un ensemble manquant globalement d’ampleur et de relief, malgré l’originalité évidente de certaines productions d’Earl Blaize (beatmaker pour Antipop Consortium) et la volonté de ne pas faire des choses déjà entendues cent fois.

Les bonnes prestations de Live parviennent toutefois à faire oublier cette relative déception musicale. A moins qu’elles ne rendent plus amer. Car Mr Live a en effet une manière de poser bien particulière, entre rap traditionnel et toasting. Les inflexions jamaïcaines de son phrasé vont même jusqu’à donner au MC de faux airs de sing-jay sur un bref passage de ‘At the crossroads’, permettant au morceau de décoller momentanément – avant d’être replaqué au sol par un refrain raté. Mais comme toute médaille, celle-ci a son revers, notamment sur les titres festifs : le slackness soft ‘Bend & Flex’ manque de rugosité pour faire mouche, et ‘Make it rowdy’ fait pschiiiiit pour les mêmes raisons. C’est donc au final sur les morceaux les plus classiques que Live montre le meilleur de lui-même.

« At the crossroads« , aux croisements. C’est bien cette position que revendique Mr Live sur The Bang Theory : entre underground et mainstream ; expérimentation et accessibilité. L’intention est louable, mais le caractère inégal de ce disque peine à déclencher autre chose que de légers hochements de tête approbateurs ou des froncements de sourcils étonnés. Bon rappeur, à la fois original et ironique, Mr Live ne convainc pourtant pas pleinement et livre un album plutôt moyen, sympathique mais loin d’être renversant.

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