Chronique

Wu-Tang Clan
8 Diagrams

Universal / Street Records Corporation - 2007

Les cérémonies crématoires sont rarement joyeuses. Particulièrement quand elles viennent mettre un terme à une dynastie marquante. Attendu avec un mélange de curiosité et d’inquiétude, le cinquième album du collectif new-yorkais le plus influent des années quatre-vingt dix concède finalement peu de place aux alternatives et à l’interprétation. Passé quelques écoutes, il laisse tomber brutalement et sans équivoque un couperet qu’on savait tristement proche. 8 Diagrams ou la froide confirmation de la fin.

Alors évidemment, RZA, bien entouré pour l’occasion, n’est pas devenu brutalement un piètre producteur et les huit membres actifs du groupe d’obscurs seconds couteaux (exception faite de U-God, qui l’a finalement toujours été). 8 Diagrams n’est pas non plus le pire album de l’année écoulée ; on y retrouve quand même par instants quelques motifs de réjouissances. Method Man y rappelle qu’il n’est pas encore tout à fait cuit, Ghostface se fait rare mais reste tranchant à chacune de ses apparitions, et RZA, toujours charismatique micro en main, envoie aussi quelques productions loin d’être dégueulasses (‘Weak spot’, ‘The heart gently weeps’, ‘Windmill’). Mais quand on a atteint, défini et dépassé les sommets, on entretient une toute autre attente. Les miettes ne suffisent plus.

Il manque indéniablement beaucoup de choses à cet album pour rallumer la mèche et ressusciter la flamme perdue. A commencer par un minimum d’unité et d’émulation. Les sérieuses dissensions internes, querelles d’égo, et autres excès d’individualismes relayés publiquement depuis plusieurs mois, transparaissent tout au long de cette cinquième galette un peu moisie. Les arrangements, musicaux et humains, de RZA ne peuvent de toute façon tout corriger.

Des abeilles tueuses, aux extraits de films d’arts martiaux, affiliés habituels (Cappadonna, Streetlife), et autres gros samples de soul – ‘Nautilus’ (Bob James) sur ‘Take it back’, ‘There’s a riot goin’ on’ (Sly and the family stone) sur ‘Windwill’ – on retrouve bien quelques unes des références qui ont fait l’identité du Wu. Clin d’œil ultime à ces références, la participation posthume d’Ol’ Dirty sur un ’16th chamber’ sorti d’outre-tombe.

Mais le manque d’alchimie domine un ensemble qui se traine sur la longueur, plombé de surcroit par une surabondance de (mauvais) refrains chantés. En somme, les têtes de proue du Wu-Tang Clan ont, individuellement, de la réserve. C’est bien collectivement que le groupe ne fait plus front.

8 Diagrams n’est pas seulement un pétard mouillé hors de son époque. Il fait également état de l’érosion du temps tout en rappelant combien il peut être difficile de tourner définitivement la page. Il s’agit probablement du dernier album du Wu-Tang, et c’est finalement mieux comme ça.

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