Chronique

Hell Razah
Renaissance Child

Nature Sounds - 2007

« It’s a poor legacy, but it’s all I have… »

Au cours de la dernière décennie du vingtième siècle, un groupe de neuf guerriers émergea des bas-fonds new-yorkais et transforma Staten Island en un gigantesque champ de bataille le temps d’un chambara musical sanglant. Les cous morflèrent, les larmes coulèrent. Dans son sillage, un second collectif – les Sunz Of Man – fit de Brooklyn une terre mystique, sombre et froide, traversée de nuit par les rescapés de la Tribu de Juda et seulement éclairée par l’éclat des lames de ces soldats de l’ombre. Il résulta de ces coups de force deux grands disques de rap : « Enter The Wu-Tang : 36 chambers » et « The Last Shall Be First », suivis d’une nébuleuse de solos plus ou moins mémorables. Ceux des membres du Wu-Tang ne sont plus à citer. Quant à ceux des Sunz Of Man, il en restera au moins l’œuvre imposante de Killah Priest, « Heavy Mental », sommet de hip-hop ésotérique et dense, à la fois planant et incisif.

Hell Razah fut l’un des piliers de l’aventure Sunz Of Man avec Prodigal Sunn, Killah Priest et 60 Second Assassin. Lui et le prêtre tueur évoluaient dans des registres proches, partageant un goût pour des métaphores bibliques qui rendaient leurs textes mystérieux, difficilement pénétrables et donc facilement envoûtants. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce qu’ils se côtoient encore au sein de deux autres groupes : les Maccabeez (Hell Razah, Killah Priest, Timbo King) et la Black Market Militia (Razah, Priest, Timbo King, Tragedy Khadafi, William Cooper).

Aujourd’hui, le MC de Red Hook (Brooklyn) revient avec un second album solo, « Renaissance Child », successeur de « When All Hell Breaks Loose » (2001).

Toujours aussi grave, la voix exempte de joie, le débit peu enclin aux accélérations, il s’y montre fidèle à lui-même. Rarement flamboyant, certes. Parfois un peu trop monotone et manquant de panache, aussi. Mais chez Hell Razah l’essentiel n’est pas là. Il s’agit plus d’une question de présence, d’attitude et d’atmosphère. Déclamant ses anathèmes à l’encontre de l’industrie du disque (comme au temps d »Illusions’), empilant les références religieuses et les délires opaques de « Maccabees », « black jews » et « israelites » – notamment dans la seconde partie de l’album -, ou rappelant que son peuple fut bâtisseur de pyramides avant d’être rat des ghettos (‘Runaway Sambo’, ‘Millineuim Warfare’), il se trouve là où on l’attendait, d’autant plus ferme et déterminé qu’il considère ce disque comme une renaissance.

Les pianos, les violons tremblotants, les samples de soul mélancoliques font le plus souvent place à de grosses boucles de cuivres, voix pitchées et rythmiques péchues. L’ensemble y gagne en dynamisme. Forcément, le charme opère moins que lorsque les instrus plantaient des ambiances nocturnes en trois notes, mais la qualité du travail de Bronze Nazareth et des autres producteurs éclipse petit à petit ce détail. Au cœur de cette tornade sonore montant en puissance à partir de ‘Chain Gang’, Hell Razah reste le plus souvent de marbre, stoïque et droit comme un i, même lorsque la musique s’emballe méchamment pour prendre un tour épique (‘Musical Murdah’, magnifique, ‘Lost Ark’). Sans forcer, il sait jouer de ses intonations pour transmettre un sentiment d’urgence ou donner à certains titres un rythme haletant.

Ce « Renaissance Child », efficace de bout en bout, rappelle donc que les vieux soldats ne sont pas seulement bons à ressasser leurs faits d’armes passés et à parler de leurs heures de gloire autour d’une table. Il réserve même de très bonnes surprises : les prestations des invités et de R.A. The Rugged Man en premier lieu ; un ‘Yours Truly’ plus léger et pas désagréable ; quelques changements de thématiques bien sentis, comme le storytelling de ‘Los Pepes’. En 2007, l’Enfer remonte à la surface.

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