Chronique

Hell Razah
When all hell breaks loose

Echo International - Active Entertainment - 2001

Red Hook, Brooklyn New York, 1991. Initié par son frère à l’écriture et inspiré par les anciens (EPMD, Slick Rick, Run DMC, Eric B and Rakim, Doug E Fresh, KRS One…) Hell Razah et son ami d’enfance Shabazz (the Disciple) se mirent au rap. Alors que les Gravediggaz se faisaient peu à peu remarquer, Hell Razah et Shabazz enregistraient les premiers titres de Sunz of Man (‘Deep in the waters of life’, ‘Writing rhymes with a liquid pen’, ‘Sins of men’ …) avec Killah Priest, Prodigal Sunn et 62nd Assassin. Peu après ils gravèrent sur le sillon ce qui annonçait le début d’une époque, ‘Soldiers of Darkness’ avec 9th Prince et Killa Sin de Killarmy. Le premier album de Sunz of Man (« The last shall be first », 1998) fut considéré comme un Wu Classique au même titre qu’un album d’un membre Wu Tang Clan. On retrouva par la suite Hell Razah sur les albums de U-God, Gza, ainsi que sur 3 titres du premier album de Killah Priest (« Heavy Mental », 1998, autre classique rapologique).

Red Hook, Brooklyn New York, 2001. Dix sont passés, et Hell Razah sort son premier album, en indépendant, à quelque chose comme un millier d’exemplaires. Pour son quartier, sa ville et les alentours. Les copies se sont évaporées comme des gouttes d’eau sous la canicule. Façon de tester le terrain pour Hell Razah, et voir ce que ça donne, quand tout l’enfer se libère. L’intro ‘Hood for life’ est indélicate, aux premières écoutes, l’instru semble forcé. Le ton est donné. Hell Razah s’étale sur tout l’espace sonore disponible, il fait le radin avec le silence, ne lui laisse rien. Au premier abord, le flow dérange, pour qui n’est pas habitué. Mais c’est parce que le son est cru, le beat de Joe Loops incisif. On est loin des grands studios et des productions bien léchées.

Il suffit d’attendre le nitroglicérique ‘BBP'(featuring 7th Ambassador et une Bambue énervée) pour s’en convaincre. Lerap de merde, y-a des magasins de disques pour ça. Une virée dans les dédales de Brooklyn, y-a Hell Razah pour ça. Ça dépend de ce qu’on cherche. La portée va en effet bien au-delà des textes ou de l’air du morceau. Le tout s’assemble pour former des ambiances originales, extrêmement visuelles. En se concentrant on voit les murs, les rues, les voitures. En fond on entend le cœur des projects battre à contretemps. C’est du cinéma sonore. Pas des films hollywoodiens. Des vieux films en noir et blanc sur après la guerre, avec trop de détails, trop de précision dans la description.

Data arrive en grandes pompes en produisant ‘Champagne Room’, qui rajoute un degré d’obscurité. Une once d’enfer de plus libérée. Pour ceux qui ne sont pas habitués à entendre un son non pasteurisé, c’est le test. Tout comme ‘Underground to the heavens’ ou encore le moyen ‘Pimpology’, ces titres apportent chacun leur nuance d’ambiance au sein de l’ambiance générale qu’est celle de l’album.

Hell Razah a fait son disque avec ses proches. A la production, Joe Loops, Data, Mark V, Supreme, Nitro et quelques autres. Dans les featurings, outre les trois autres larrons de Sunz of Man, on remarquera 7th Ambassador et Bambue. Par ailleurs, Baghdad (alias Trebag) son frère viendra épauler Razah sur 5 titres, dont le très remarquable ‘We can do that too’. Encore une fois, Hell Razah sait faire simple et aller droit au but. Mark V concocte un beat parfait. Razah y lâche ses anecdotes, se renouvelant sans cesse, tant sur le flow et les cadences que sur ses textes. « Y’all getting nosy like my old neighbors. Did he blow ? Do he drive ? Talk about me every time I pass by, et plus loin, What the fuck you thought ? I wasn’t comin back with ghetto super, niggas changed cause they got a little ad in The Source. »

Dans un registre plus léger, Supreme produit un ‘What we came to do’ qui vient s’intercaler à point. A première vue, des titres comme ‘R.A.Z.A.H’ semblent de seconde importance, mais à l’écoute de l’album comme un tout, on réalise peu à peu que chaque titre a sa place, tout se tient, la cohérence est reine. Le long-métrage varie les ambiances, change de rues mais reste dans le même quartier. Dans le registre des rêveries nocturnes, on notera ‘Ghetto Love’, à l’instru hypnotisant (produit par Data), sur lequel Razah et Baghdad se greffent pour créer une savante saveur de Bronx. Et aussi le plus aéré ‘True Kingz’ (produit par Hass Da Phantom, featuring 7th Ambassador et Ermaine).

Prodigal Sunn, comparse de toujours de Hell Razah vient seconder son associé sur un détonnant ‘Whether you like it or not’, intelligemment produit par David Burnette. Baghdad se joint à la fête. Le beat se prête au jeu, les MC’s s’en donnent à coeur joie. La recette est simple, et elle fonctionne. Tout comme pour les rassembleurs ‘This iz for my GG’z’ et ‘Rowdy rowdy’. Puis c’est avec plaisir qu’on retrouve tout SOM sur ‘Must be the Music’, même si le titre en lui-même n’est pas le point fort de l’album, au contraire du remix de ‘Ghetto Government’ qui inclue en plus un couplet de Timbo King par rapport à la version originale. Le métrage s’achève sur un sombre ‘Don’t hate it’, résumant somme toute assez bien la situation.

Loin des maisons de disques et des recherches de deals, Hell Razah prépare tranquillement son prochain album, censé s’intituler « And The World Became Flesh », avec l’aide de ses proches collaborateurs comme les producteurs Supreme, Data, Lynx. Pas vraiment d’informations officielles, mais il faudra s’attendre à voir featurer l’habituelle smala (Baghdad, Timbo King, Killah Priest, Prodigal Sunn, etc…), voire peut-être même quelques surprises.

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