Chronique

Bronze Nazareth
The Great Migration

Babygrande Records - 2006

Raz-de-marée sonore déboulant au début des années quatre-vingt dix, la constellation des étoiles Shaolin gravitant autour de RZA s’est lentement- mais très sûrement- éteinte ; jusqu’à devenir aujourd’hui, à quelques exceptions près, aussi insipide qu’un discours de François Hollande. Oui, l’heure est grave. Mais si la fin de règne a été annoncée, validée et confirmée depuis belle lurette, on n’évacue pas un tel traumatisme aussi facilement (un esthète avisé me souffle également qu’on ne s’achète pas non plus une BM’ en livrant des pizzas). Comme guidée par des repères générationnels pas forcement rationnels, la pupille de l’auditeur fanatique continue néanmoins à s’agiter, parfois discrètement, à l’évocation d’une nouvelle sortie frappée du sceau Wu-Tang Clan. Ouvrons l’œil, donc, et le bon (le mauvais c’est déjà fait).

Membre de la cellule de producteurs Wu Elements– en compagnie de Mathematics, 4th Disciple et True Master- depuis ‘Blowgun’, pièce rapportée isolée à Detroit, Bronze Nazareth n’est ni excentrique ni excessivement volubile. A défaut d’être un phénomène de foire, il est à l’origine de(s) deux coups de semonce mémorables sur Birth of a prince, ‘A day to god is 1000 years’ et ‘The birth’ semblant célébrer la naissance d’un prince qui n’était pas celui qu’on attendait. Egalement sur le pétard mouillé Wu-Tang meets the indie culture, et acteur, avec bien moins de réussite, Bronze Nazareth entend franchir aujourd’hui une nouvelle étape avec son premier album solo The Great Migration.

Lecture. Les premiers tours de sillons confirment d’emblée nos attentes. Sans surprise, Bronze Nazareth récite la partition du producteur/MC affilié au grand Pope Bobby Digital. Mêmes envolées de Soul, mêmes abeilles tueuses, même imagerie empruntée aux arts martiaux, et même équilibre entre spiritualité et spontanéité. Il pousse même le mimétisme à revisiter certains hymnes du Wu-Tang, dont le fameux ‘C.R.E.A.M.’ sur le posse-cut de seconds couteaux ‘$ (a.k.a Cash Rule)’. Si ses inspirations lorgnent clairement vers les standards du genre, souffrant du coup de la comparaison, elles ne manquent pas d’agiter par instants notre électrocardiogramme. Difficile de ne pas détacher ‘Hear what I say’, ‘The Pain’ ou encore ‘$ (a.k.a Cash Rule)’ qui tirent indéniablement l’ensemble vers le haut.

Habité par une approche d’artisan, à contre courant des multinationales du rap, Nazareth sait déjà qu’il n’aura ni cinq micros dans The Source, ni une place confortable dans la rotation de Hot 97 (‘Hear what I say’). Et il le proclame non sans un certain humour sur ‘Hear what I say’: « I’m so underground I play beats on the bones of Medgar Evers » ou « I’ll probably never be as big as Slim Shady or Jay-Z, even though I write vivid like I’m Homer the Greek« . Plein centre. Habile manipulateur du sampler, Bronze Nazareth s’avère bien moins brillant micro en main. Mais à défaut de convaincre pleinement, il réussit à planter son lot de banderilles et ce tout particulièrement lorsqu’il injecte du sens dans ses samples.

Sans réinventer la roue ni même égaler les quelques monolithes des années quatre vingt-dix, ce premier essai réussit par instants à ressusciter les plus belles heures d’une époque aujourd’hui lointaine. Un peu juste pour transformer le bronze en platine ou en or, mais bien assez pour hanter nos oreilles pendant un bon moment.

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