Chronique

Your Old Droog
It Wasn’t Even Close

2019

Quand Your Old Droog a sorti ses premiers projets au milieu des années 2010, certains ont cru qu’il s’agissait de Nas rappant sous un alias. Il faut dire que la ressemblance entre les voix des deux rappeurs était alors troublante. Elle a d’ailleurs suffi à ce que des esprits chagrins range le jeune Brooklynite dans la catégorie des pompeurs éhontés, sans autre forme de procès. Un peu comme Action Bronson quelques temps auparavant, décrété pâle copie de Ghostface Killah alors que son univers n’avait finalement que peu en commun avec celui de l’Ironman du Wu. S’il fallait trouver une proximité entre Your Old Droog et une « figure » établie, ce serait davantage du côté de MF Doom – d’ailleurs invité sur It Wasn’t Even Close – qu’il faudrait chercher : les deux partagent l’amour des productions simples où la boucle occupe une place centrale, des univers décalés par rapport aux autres rappeurs de la Grosse Pomme et ce goût des tracklists un peu foutraques, brouillant les limites entre morceaux et interludes.

Nas et MF Doom : voilà des référents de comparaison un peu encombrants. Un constat qui amène une question évidente : pourquoi écouter un jeune artiste peu médiatisé dont l’œuvre renvoie à des grands noms de sa discipline, et pas plutôt les œuvres de ces grands noms elles-mêmes ? Your Old Droog n’apporte rien de radicalement nouveau au genre. Pourtant, pour en venir à It Wasn’t even Close, difficile de nier qu’il se passe quelque chose quand la grosse caisse de « 90 from the Line » vient souligner ses mots ou qu’il agresse la boucle guillerette de « Babushka ». Quand YOD ouvre la bouche, on tend l’oreille : de par son flow, mélange d’autorité et de nonchalance, ainsi que par son timbre de voix, il est de ceux qui captent immédiatement l’attention, peu importe ce qu’ils racontent ou le support sur lequel ils s’expriment.

« Your Old Droog est de ceux qui captent immédiatement l’attention, peu importe ce qu’ils racontent ou le support sur lequel ils s’expriment. »

L’album est d’ailleurs bâti pour ne jamais que le lecteur ne se détourne des paroles prononcées : les productions sont agréables mais suffisamment sobres pour ne pas empiéter sur la prestation d’Your Old Droog, dont la voix est clairement mise en avant. Et le New-Yorkais se livre à une démonstration dans le registre du rap East Coast : le style est rugueux, sans fioritures et percutant. Pas de passages chantés ni d’étalage technique, des refrains réduits à la portion congrue, tout se joue sur les placements et l’éloquence, qui magnifient les egotrips de YOD. Pendant la quarantaine de minutes que dure l’album, le rappeur fait montre de ses talents dans des ambiances différentes – du crépusculaire « Gyros » au revanchard « 90 from the Line » – mais toujours plantées par des instrumentaux plutôt lo-fi, signés par Sadhu Gold, Evidence, Daringer ou Tha God Fahim.

Se dégage d’It Wasn’t Even Close une impression de maîtrise et d’assurance : Your Old Droog n’a peut-être que cinq ans de carrière discographique derrière lui mais il sait visiblement où il va. Probablement aidé en cela par Mach-Hommy, producteur exécutif du projet, il donne à l’album une direction artistique claire et stricte : le rappeur est ici au centre des compositions et en aucun cas un élément parmi d’autres d’un univers sonore. Et quand le rappeur en question est aussi bon que Your Old Droog et que les productions sont à la hauteur, ça ne peut que fonctionner.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*