THEY'RE BACK

Le retour du State Property au BET Awards

Niveau éditorial, la saison rap n’a pas énormément d’événements à se mettre sous la dent. Il y a bien sûr les Freshmen du magazine XXL qui font parler chaque année. Le deuxième épiphénomène est sûrement les BET Awards avec surtout leurs fameux cyphers, une série de Freestyles sur un même beat simple proposé par DJ Premier. Depuis 2006, la sélection des intervenants est toujours intrigante, entre placement publicitaire, air du temps et coup de poker. Et à chaque fois, un cypher entier est consacré à un crew, une équipe, du GOOD Music de Kanye au TDE de Kendrick en passant par A$AP MOB ou Taylor Gang. En 2015, nous avions eu un retour, celui du Def Squad, plutôt en forme, avec un Redman toujours survolté. Cette année, c’est au tour des cailleras de Philly, colonne vertébrale du Roc-A-Fella grande époque : State Property.

Quelle joie de retrouver Peedi Crack en ouverture qui a toujours son énergie et son accent imparable, très mal imité par Drake en intro du « No Shopping » de French Montana. French, justement, doit beaucoup aux envolées staccato de ce jeune fou de North Philly nommé Peedi Peedi. Rappeur en pleine ascension en 2005-2006, il avait complètement disparu de la circulation après un beef un peu raté contre l’ex-patron Jay-Z. Enchaîne Neef Buck, moitié un peu pauvre des Young Gunz, qui pallie difficilement à l’absence de Young Chris, véritable coeur technique du crew. Il assure néanmoins sa part, dans la pure tradition de Philadelphie, dur et rue. Puis viens Omillio Sparks, une des têtes les moins connues avec son pote Oschino, errant dans l’ombre de leurs pairs, malgré quelques fulgurances invitées. Pour terminer, le général Freeway pousse à peine la voix, découvrant une autre facette, moins rocailleuse, plus fluide, toujours totalement en place.

Et là, on marque une pause. Beanie Sigel, absent du plateau au début du freestyle, marche tranquillement vers le centre de l’arène, arborant une chemise Versace du plus bel effet. Le visage est fermé, l’actualité du chef de meute est serrée : Beef avec Meek Mill contre Game puis finalement beef contre Meek Mill, le véritable gangster lyriciste du R.O.C. a une voix d’outre tombe, amaigri, désabusé, en boucle sur son seul poumon. Le discours est résolument réactionnaire, quasiment dépassé et sans aucun rictus. Froide est l’émotion. Le cypher se termine comme un coup de feu, entre faux rythme et mélancolie. « ONE LUNG ». Le State Property est toujours là mais les vétérans sont marqués. On aperçoit sans mal les trous de balles dans le dos de leur hoodie. Il ne reste plus qu’à remettre la capuche.