Schlas fait (beaucoup) plus que remixer le rap américain

Il y a souvent un malentendu lorsqu’il s’agit d’artistes étiquetés indépendants ou alternatifs au sein de la scène française : ils sont supposés avoir biberonné uniquement au son de leurs confrères américains affublés du même adjectif. Ainsi La Caution ne pouvait être fan que de Company Flow, James Delleck de Dälek, les Svinkels influencés par Cypress Hill et The Alkaholics, Tekilatex par Kool Keith, ou plus récemment Orelsan n’aurait pu retenir du rap que la musique d’un Dizzee Rascal (Anglais lui) et rien d’autre. Au fur et à mesure des rencontres et échanges avec ces artistes, c’est pourtant tout l’inverse qui apparaît. De Nikkfurie à Arm en passant par Drixxxé, ils citent autant des références dites « alternatives » que du Big Pun, du Three Six Mafia, ou évidemment Outkast et les Neptunes. Voilà une courte tentative de décryptage à utiliser en écoutant le disque sorti par King & Schlas, le second nommé n’étant nul autre le beatmaker originel de Vîrus. En se réappropriant des titres de JID, TakeOff, Kendrick Lamar, YG ou encore des featurings de Rick Ross et J.Cole, le producteur s’attaque à ce que le rap américain produit de plus dimensionnant ces dernières années. En sortent des morceaux entièrement revisités, parsemés de samples « téléphonés » sur le papier (il y a ici du Gregory Peck, du Vladimir Cosma, du Donald Byrd ou du Lords of Underground) mais magnifiquement mis en scène. À tel point que la magie de cette réalisation est de donner à des références absolues du rap des années 2010 et 2020 une tessiture cinématographique et des vibrations old school. Ne pas croire pourtant que Schlas et son acolyte King cèdent au passéisme. Il y a ici autant de boom-bap sombre et envoûtant que des rythmiques syncopées. Le tout est séquencé de façon à instaurer une ambiance épique et quasi narrative les minutes s’écoulant. Au point que Live by the Sword sonne réellement comme un album de producteur, tant il porte ce souci de donner du mouvement à l’ensemble de la tracklist, de tenir l’auditeur en haleine par autant de ruptures que d’insertions de samples. Une véritable petite mine d’or entrecoupée de références plus attendues (l’intro de The Coming revisitée au nom de l’auteur, des titres de Jay Rock, Little Simz ou encore Ab-Soul) et produite avec une science absolue de la découpe. Schlas en tire d’ailleurs son nom, et il est manifeste qu’en plus de celle de l’échantillonnage, il maîtrise aussi celle de la mise en scène, à la façon d’un story board ou d’un banc de montage. Une série de remixes réinterprétations aiguisées comme une lame et pointues comme un Schlas.